Financement et fondations privées

Avec le développement du néo-libéralisme, la philanthropie a pris une place de plus en plus importante dans le financement du communautaire. En effet c’est payant pour les riches de ce monde, outre de cacher leur argent dans des paradis fiscaux, de créer des fondations privées afin de ne pas payer d’impôts comme tout le monde. C’est ainsi que la famille Chagnon, ancienne propriétaire de Vidéotron, a pu économiser autour de 460M$ en impôts en choisissant par elle-même où investir ces montants qui devraient être redistribués pour le bien commun. Dans une note publiée en mars 2018, Maxim Fortin, chercheur associé à l’IRIS, fait état de l’impact du financement des fondations privées sur l’action communautaire.

 

Parmi les problèmes soulevés, on peut d’emblée noter le manque de démocratie, de transparence et de respect envers l’autonomie des groupes d’action communautaire autonome. Les conseils d’administration de fondations telles celle des Chagnon sont très généralement composés de gens d’affaires et amis de la famille. Ainsi, le CA de Chagnon est majoritairement composé du réseau d’affaire d’André Chagnon. Pour certains projets, on va chercher l’expertise d’universitaires ou de représentant-es du réseau public de la santé et des services sociaux. Le choix des projets et campagnes se fait en fonction des intérêts des dirigeants et selon des principes propres au capitalisme : efficience, retours sur investissements, impact, réussite individuelle, etc. On remarque que les groupes communautaires ne sont pas invités à la table de prise de décisions. On nous confie la mise en oeuvre des projets, sans égard à nos missions premières, notre expertise et l’existence d’instances qui travaillent déjà sur les enjeux visés. Dans ce contexte, certains enjeux ou causes sont oubliés parce que moins vendeurs, entre autres la défense des droits.

 

Aussi, l’émergence des fondations privées coïncide avec un retrait de l’État au niveau du financement des services sociaux et de santé publique, qui ont été sous-traités à nous, travailleurs et travailleuses du communautaire, sans que notre financement augmente de façon significative. En effet, on le sait bien, la tendance est à la baisse au niveau de l’entrée d’argent pour nos groupes. Malgré que les fondations philanthropiques soient critiques du désinvestissement de l’État, elles participent tout de même à cette dynamique.  Les grands philanthropes sont bien conscients de ne pas disposer des ressources permettant de remplacer l’État comme garant du filet social.

 

Le financement récurrent, tant public que privé, étant de plus en plus rare, les groupes communautaires n’ont souvent d’autre choix que modifier leur raison d’être afin de se conformer aux exigences des bailleurs de fonds. Cela comprend une tendance à la professionnalisation du milieu communautaire et à sa dépolitisation. On passe donc d’une logique de lutte d’émancipation à une logique de service, qui se concrétise par l’imposition d’évaluations de nature quantitative et par l’adaptation des communautés au contexte socio-économique actuel et non à une transformation de celui-ci. Si on ne fait que du service, les problèmes vécus collectivement par l’ensemble de la classe ouvrière demeurent. Cette logique est explicite dans la manière dont Chagnon formule sa mission, qui est de « prévenir la pauvreté en contribuant à la réussite éducative des jeunes […] nous entendons par réussite éducative le développement du plein potentiel de l’enfant afin que devenu adulte, il soit autonome et accompli, instruit, qualifié et habile socialement. » Ainsi, le philantrocapitalisme de la fondation Chagnon se base sur la conviction que la réussite individuelle enrichit notre avenir collectif et que le succès d’un individu rapporte à la société. Lorsque la fondation Chagnon parle de succès, elle entend l’activation par l’emploi.

 

À l’IWW, nous pensons que c’est par les luttes collectives contre les injustices que l’on s’émancipe et que l’ascension d’un individu n’a rien à voir avec l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble de la communauté. L’émancipation d’une communauté est incompatible avec le modèle de charité individualiste prôné par Chagnon. Elle s’inscrit plutôt dans une optique de défense collective des droits et de reprise en charge de notre vie.

 

Solidarité,

X377511 et X360341 pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses du communautaire.

1 réponse

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  1. […] rage et notre solidarité devant et avec des camarades, c’est un privilège. Dénoncer le sous-financement qui nous affecte, nous brûle, les conditions qui minent notre travail, les menaces que des bailleurs de fonds comme […]

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