CSST: Le patronat s’active en vue d’une réforme néfaste

Union des Travailleurs et travailleuses Accidentés de Montréal

Le printemps dernier, le ministre du Travail de l’époque, David Whissell, annonçait qu’il avait demandé à la CSST de former un groupe de travail afin de proposer des modifications aux régimes de réparation et de prévention des lésions professionnelles. Le Conseil d’administration de la CSST, qui regroupe paritairement des membres syndicaux et patronaux, a accepté de former un tel groupe de travail.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le patronat s’active afin de réduire encore une fois les droits des travailleuses et des travailleurs. Bien que ses demandes « formelles » ne soient pas encore connues, on connaît déjà les grandes orientations visées. Et ça n’a rien de réjouissant…

Les travaux du groupe de travail

Ce groupe de travail a été formé en mai dernier et devrait produire son rapport en mai 2010. Il est composé de trois représentants syndicaux (FTQ, CSN et CSD), de trois représentants du patronat et d’un président « neutre », Viateur Camiré. Il faut toutefois savoir qu’avant de découvrir les vertus de la neutralité, M. Camiré avait œuvré une grande partie de sa vie comme gestionnaire de l’industrie des pâtes et papiers et il était jusqu’à tout récemment vice-président d’Abitibi-Bowater.

Le printemps dernier, le groupe de travail s’est réuni afin principalement de planifier ses travaux et pour que les membres s’entendent sur la démarche à suivre.

Cet automne, les deux parties ont présenté les principaux éléments de réforme qu’elles souhaitent voir se réaliser. Pour le moment, on a l’impression qu’on assiste à un dialogue de sourds. En effet, du côté syndical, on vise essentiellement à renforcer la prévention dans les milieux de travail alors que du, côté patronal, on espère réduire les droits des travailleuses et des travailleurs prévus par le régime d’indemnisation.

Enfin, le groupe de travail a reçu, jusqu’à la fin janvier, des mémoires sur une réforme éventuelle des régimes de réparation et de prévention des lésions professionnelles.

Par la suite, le groupe de travail devrait travailler à la production de son rapport afin qu’il soit déposé en mai prochain.

Que veut le patronat?

Bien que l’on ne connaisse pas encore le détail de chacune des revendications du patronat dans le cadre d’une éventuelle réforme, la synthèse que les membres patronaux du groupe de travail ont faite l’automne dernier sur le sujet nous renseigne sur les grandes orientations des demandes patronales.

Ce que nous en comprenons, c’est qu’en échange de quelques concessions qu’il pourrait faire en matière de prévention, le patronat désire de nombreuses modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Ces demandes portent principalement sur la question d’une prétendue « sur-indemnisation » occasionnée par le régime de réparation mais elles touchent également l’aspect médical, la réadaptation, les recours et « l’intégration » avec les régimes de sécurité sociale.

La « sur-indemnisation »

Personne ne s’en étonnera : la cible principale visée par le patronat est de réduire les coûts de la composante la plus coûteuse du régime d’indemnisation : l’indemnité de remplacement du revenu.

Les membres patronaux du groupe de travail partent du postulat qu’il existerait des travailleuses et des travailleurs victimes d’accidents et de maladies du travail qui sont « sur-indemnisés ».

On ne peut, dès le départ, que constater l’effronterie du patronat sur cette question. Tout le monde devrait savoir, et particulièrement le patronat, que les travailleuses et les travailleurs victimes d’accidents et de maladies du travail sont indemnisés sur la base de 90% de leur revenu net et qu’ils perdent bon nombre d’avantages sociaux. En fait, selon des évaluations qui ont été faites par la CSST (voir l’Avant-projet de loi sur la réparation des lésions professionnelles, 15 août 1981, commentaires, p.30) la perte de revenu encourue par une travailleuse ou un travailleur, lors d’une lésion professionnelle, équivaut à 120% de son salaire; indemnisée à 90% de son revenu, la victime subi donc une perte de 30%. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la CSST proposait d’indemniser les travailleuses et les travailleurs sur la base de 100% du revenu net et de verser les contributions patronales et ouvrières aux régimes de sécurité sociale, tel le RRQ et l’assurance-chômage. Devant les hauts cris lancés par le patronat à l’époque, la réduction des coûts a encore une fois triomphé au dépend d’une réparation juste et la sous-indemnisation a été maintenue.

De plus, cette sous-indemnisation qui frappe les victimes de lésions professionnelles s’est aggravée au cours des dernières années. En effet, depuis 2004, le gouvernement du Québec a introduit la mesure de « redressement d’impôt » ayant pour effet d’imposer indirectement les indemnités de remplacement du revenu qui sont pourtant non imposables. Par cette mesure, une victime de lésion professionnelle (ou sa conjointe ou son conjoint) peut se voir contrainte de payer jusqu’à 1 882 $, pour l’année d’imposition 2009, en impôt supplémentaire parce qu’elle a reçu des indemnités de remplacement du revenu.

Il faut donc avoir du front tout le tour de la tête pour soutenir que les victimes de lésions professionnelles sont « sur-indemnisées ».

Le calcul du revenu

Quant aux mesures concrètes que les employeurs veulent mettre de l’avant, la première cible visée est l’indemnisation des travailleuses et des travailleurs en situation de travail « atypique », soit l’ensemble de celles et de ceux qui n’ont pas occupé un emploi de façon permanente et à temps plein dans l’année qui précède la survenance de l’accident ou de la maladie du travail. On parle notamment des travailleuses et des travailleurs sur appel, à temps partiel, saisonniers, contractuels, ainsi que de celles et de ceux qui ont subi un arrêt de travail (chômage, maladie, congé parental, lésion professionnelle, retrait préventif, congé sans solde, etc.).

Pour régler ce « problème », le patronat suggère de changer la règle actuelle, qui est d’utiliser le revenu annuel prévu au contrat de travail, pour lui substituer le revenu déclaré à la ligne 101 de la déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année qui précède l’événement.

Cette proposition remet en cause le fondement même des principes d’indemnisation de la loi actuelle. En effet, la loi vise à compenser la perte de capacité de gain de la travailleuse ou du travailleur. À titre d’exemple, malgré le fait qu’un travailleur occupe un emploi à temps partiel au moment de l’accident, il a la capacité de travailler à temps plein, ce qu’il ne peut plus faire lorsqu’il devient incapable « à temps plein » de travailler suite à sa lésion.

Malgré son nom, et comme nous l’avons vu précédemment, l’indemnité de remplacement du revenu prévue par la loi actuelle ne remplace absolument pas le revenu perdu suite à une lésion professionnelle. Il ne s’agit que d’une mesure de compensation pour la perte de capacité de gain de la victime, basée sur des règles de calcul d’application générale et non un remplacement effectif du revenu perdu.

Le patronat tente de faire oublier le caractère compensatoire de l’indemnité afin de ne remplacer que le salaire réellement gagné par la travailleuse ou le travailleur avant l’événement. Or, comme nous l’avons déjà dit, ce n’est pas parce que la travailleuse ou le travailleur occupait, par exemple, un emploi à temps partiel au moment de l’événement, que sa capacité de travail et de gain futur est limitée à du travail à temps partiel.

De plus, si on prend le revenu de l’année d’imposition qui précède l’événement, les travailleuses et les travailleurs perdraient les hausses salariales (augmentations salariales, changement d’échelon, promotion, etc.) survenues pendant l’année. En effet, si une travailleuse a subi un accident du travail en décembre 2009, elle serait indemnisée sur la base de son revenu d’emploi gagné du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008.

Nous ne pouvons souscrire à une telle vision qui va à l’encontre des principes qui fondent le régime d’indemnisation.

Le salaire minimum

Autre proposition patronale pour régler le « problème de la sur-indemnisation » : abolir la règle du salaire minimum.

La loi actuelle prévoit un minimum et un maximum annuels assurables. En 2010, le maximum annuel assurable est de 62 500 $ alors que le minimum équivaut au salaire minimum légal au Québec pour la semaine normale de travail (40 heures par semaine à 9 $ l’heure), soit 18 720$.

Alors que le maximum annuel assurable n’est fondé sur aucun principe et n’a aucune justification, sauf celle d’économiser des coûts au patronat, la règle de l’indemnisation minimale est fondée, comme nous l’avons vu, sur le principe de la compensation pour la perte de capacité de gain de la victime; comme personne n’est censé travailler sous le salaire minimum, la perte annuelle de capacité de gain ne peut donc être moindre que le salaire minimum.

Malgré cela, et au nom de « l’équité », le patronat revendique l’abolition de la règle actuelle d’une indemnisation minimale basée sur le salaire minimum mais, assez curieusement, ne propose aucunement d’abolir la règle du maximum annuel assurable…

Ce que le patronat espère, c’est d’enchâsser dans la loi l’affaire « MacDo » qui se bat depuis des années pour faire tomber la règle du salaire minimum. Si cela se concrétisait, un jeune de 19 ans, travaillant au salaire minimum à raison de 20 heures par semaine, devenant invalide à cause d’une paraplégie suite à un accident du travail, recevrait « en toute équité » jusqu’à 65 ans une indemnité de remplacement du revenu basée sur un revenu brut de 9 360 $, soit une indemnisation annuelle de 8 039,46 $. Il est loin d’être évident qu’il chanterait à tous les matins « Moi j’aime MacDonald »!

Les travailleuses et travailleurs retraités

Le patronat désire également que les travailleuses et les travailleurs retraités, qui subissent une lésion professionnelle, ne puissent plus être indemnisés par la CSST.

Comme tout le monde le sait, une personne retraitée n’est pas invalide et possède toujours une capacité de travail. D’ailleurs, de plus en plus de travailleuses et travailleurs retraités retournent sur le marché du travail, tout en touchant leurs rentes de retraite qu’ils se sont payés pendant toute leur vie active, soit en contribuant directement à même leur salaire ou en bénéficiant d’une contribution versée par l’employeur en échange de leur prestation de travail.

Les représentants patronaux au groupe de travail désirent que ces travailleuses et travailleurs ne puissent toucher une indemnité de remplacement du revenu en cas de lésion professionnelle, particulièrement les personnes subissant une rechute, une récidive ou une aggravation d’une lésion professionnelle antérieure.

Tout comme les exemples précédents, le patronat remet encore une fois en cause le principe qui fonde l’indemnité de remplacement du revenu, soit la compensation pour la perte de capacité de gain.

Cette remise en question des fondements du régime nous apparaît inacceptable.

L’indemnité réduite

Les employeurs espèrent également que l’indemnité de remplacement du revenu réduite reçue par des travailleuses et des travailleurs, à titre de compensation lorsqu’ils doivent occuper un emploi moins rémunérateur parce que leur lésion professionnelle les empêche d’exercer leur emploi, soit révisée selon de nouvelles règles.

Cette indemnité vise, en théorie, à compenser la différence salariale entre d’une part, non pas le salaire tiré de l’emploi pré-lésionnel mais plutôt l’indemnité de remplacement du revenu que recevait la travailleuse ou le travailleur et, d’autre part, le salaire que la CSST évalue que la travailleuse ou le travailleur pourrait tirer d’un emploi convenable. La pénalité de 10% se perpétue donc dans le calcul de l’indemnité réduite.

Cette révision se fait à tous les cinq ans, sauf pour la première période quinquennale où il est prévu une révision supplémentaire deux ans après la détermination de la capacité à occuper un emploi convenable. Cette révision doit se faire uniquement si le salaire de l’emploi réellement occupé par la travailleuse ou le travailleur à la date de la révision est supérieur au salaire fictif que la CSST a fixé lors de la détermination de l’emploi convenable. Si le salaire est inférieur au salaire prévu pour l’emploi convenable (ou si la travailleuse ou le travailleur n’occupe pas d’emploi), la CSST ne révise pas l’indemnité. L’indemnité réduite ne peut donc, au mieux, qu’être maintenue mais jamais augmentée. Dans les faits, cette indemnité est souvent diminuée lors de ces révisions.

Pour le patronat, cette injustice n’est pas suffisante. Il revendique donc que le revenu utilisé pour la révision de l’indemnité de remplacement du revenu réduite tienne compte de l’ensemble des revenus tirés de tout emploi pendant l’année qui précède la révision, et ce même si la travailleuse ou le travailleur n’occupe plus d’emploi au moment de la révision ou occupe un emploi moins rémunérateur.

Si le patronat voulait véritablement régler un supposé problème d’équité et de « sur-indemnisation », il pourrait proposer que l’indemnité de remplacement du revenu réduite compense le manque à gagner réel lorsque l’emploi convenable effectivement occupé offre un revenu inférieur à l’emploi pré-lésionnel. Évidemment, cela ne fait pas partie de la liste des revendications patronales puisque cela ferait exploser les coûts de l’indemnisation…

Nous nous opposons donc à une telle revendication.

Les autres changements visés par le patronat

1) La question médicale

Comme il fallait s’y attendre sur la question du processus l’évaluation médicale, le patronat ne remet nullement en cause l’utilité et la pertinence de l’existence du Bureau d’évaluation médicale (BÉM) puisque ce processus le sert fort bien.

La seule critique faite sur cette question est qu’il déplore que le BÉM n’ait pas l’obligation d’évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles lorsqu’il décide qu’une lésion est consolidée, même si aucun médecin n’a procédé à une telle évaluation.

Comme le BÉM a déjà ce pouvoir discrétionnaire et qu’il l’utilise maintenant presque systématiquement, bafouant ainsi régulièrement le droit des travailleuses et des travailleurs à une évaluation véritable de leur condition, on comprend mal pourquoi le patronat veut « obliger » le BÉM à se prononcer, même dans les situations où le membre du BÉM considère qu’il n’a pas les éléments nécessaires pour procéder à une telle évaluation.

Nous sommes toutefois d’accord avec le patronat sur le fait qu’il est nécessaire de parler du BÉM et de tout le processus d’évaluation médicale. Une réflexion sérieuse sur cette question devrait inévitablement amener une recommandation d’abolir ce BÉM et tout le processus d’évaluation médicale, comme l’avait fait le groupe de travail de la CSST sur la déjudiciarisation en 1994 (La déjudiciarisation du régime québécois de santé et de sécurité du travail, CSST, 6 mai 1994, pp. 49-51). On mettrait ainsi fin à cet outil par excellence de complaisance et de médecine d’intérêt pour le remplacer par une médecine qui soigne.

En ce qui concerne les soins et traitements, le patronat déplore également qu’il n’y ait pas de maximum de traitements de physiothérapie payables par la CSST dans un dossier.

C’est principalement par voie règlementaire que la CSST a réussi à restreindre le droit à l’assistance médicale. Rappelons que la loi stipule que c’est le médecin traitant qui décide des soins et traitements nécessaires à la consolidation de la lésion. Jusqu’ici, c’est par l’imposition de conditions de toutes sortes aux intervenants et professionnels de la santé ou par l’absence de type de traitements couverts, tel l’ostéopathie, que la CSST a réussi à limiter l’assistance médicale.

On comprend donc que les employeurs désirent que la loi soit modifiée afin d’accorder à la CSST le pouvoir réglementaire de limiter le nombre de traitements payables, ce qu’elle ne peut faire directement actuellement.

Attribuer un tel pouvoir à la CSST remettrait en cause un autre principe important de la loi, soit qu’il revient au médecin traitant de prendre les décisions en matière médicale. Nous nous opposons donc vigoureusement à cette revendication patronale.

Enfin, les employeurs souhaitent que la CSST puisse prendre des ententes avec des cliniques privées pour qu’elles fassent des chirurgies, comme elle a réussi à le faire dans les domaines de la physiothérapie et de l’ergothérapie dans les années 1980, avec les impacts catastrophiques que l’on connaît aujourd’hui sur les services publics dans ces secteurs. N’est-ce pas à cause de ces pratiques de sous-traitance avec les cliniques privées que la CSST devrait, selon le patronat, limiter le nombre de traitements de physiothérapie parce que cela coûte trop cher? Nous ne pensons pas que ce soit une avenue que le groupe de travail devrait explorer.

2) La réadaptation

Les employeurs espèrent aussi apporter des changements à la notion d’emploi convenable. On aimerait que la CSST puisse désigner plusieurs emplois convenables ou encore des emplois convenables génériques à une travailleuse ou un travailleur. Selon eux, l’obligation de déterminer clairement un emploi convenable serait « anti-réadaptation professionnelle ».

On comprend mal ce qu’il y a « d’anti-réadaptation » à déterminer clairement un emploi. C’est comme si un conseiller en orientation professionnelle conseillait à un jeune décrocheur, pour mettre toutes les chances de son côté, de compléter des études en droit, en médecine, en génie et en technique d’usinage. Succès garanti!

Rappelons que pour les travailleuses et les travailleurs qui ne peuvent refaire leur emploi à cause des séquelles de leur lésion, l’emploi convenable constitue le cœur du processus de réadaptation professionnelle puisque toutes les mesures de la CSST devraient viser à rendre la travailleuse ou le travailleur capable d’occuper un tel emploi. Comment peut-on espérer réadapter adéquatement une travailleuse ou un travailleur pour le rendre capable d’exercer une douzaine d’emploi?

Les motivations du patronat sur cette question n’ont rien à voir avec des questions de réadaptation. Ce qu’on vise par l’introduction d’une telle mesure, c’est de rendre quasi-impossible la contestation de la détermination d’un emploi convenable. Prouver qu’un emploi n’est pas convenable devant la CLP n’est déjà pas facile; faire la preuve que l’on est incapable d’occuper tous et chacun des emplois d’une liste de vingt emplois « convenables » deviendrait une tâche herculéenne. Qui, à part les employeurs et les mutuelles de prévention, a les moyens de passer une semaine en audience à décortiquer les caractéristiques d’une liste d’emploi longue comme le bras?

Nous espérons que le gouvernement n’ira pas dans cette direction.

3) Les recours

Le patronat aimerait bien limiter les pouvoirs de la CLP. En effet, les représentants patronaux déplorent le fait que « la Commission des lésions professionnelles (C.L.P.) n’est pas liée par les politiques de la CSST et ce même si elles ont été adoptées paritairement. Cet état de fait encourage les contestations car personne n’a rien à perdre ».

Ce que le patronat espère, c’est que le seul tribunal indépendant de la CSST devienne lié par les politiques de cette dernière. En fait, on désire que la CLP soit liée par les mêmes règles que l’instance interne de révision de la CSST (la DRA).

En fait, le rôle de la DRA peut être assimilable à un contrôle de qualité : étant lié par les politiques de la CSST, le réviseur maintiendra nécessairement une décision de première instance si les politiques de la CSST ont été bien suivies et ce, même si elles contreviennent à la loi et à l’interprétation qu’en ont faite les tribunaux. C’est en grande partie ce qui explique le fait qu’elle n’ait modifié que 1 735 des 23 610 décisions rendues en 2008, soit un taux de renversement de seulement 7,4%. Quand on connaît cette réalité, on ne peut qu’être en accord avec l’évaluation que fait le patronat : si la CLP était liée par les politiques de la CSST, cela découragerait la contestation puisque personne n’aurait rien à gagner!

Mais à qui reviendrait le rôle de contrôler la CSST? À la Cour supérieure? Et qui, à part le patronat, a véritablement les moyens et les ressources pour s’y adresser?

Cette revendication patronale est probablement la plus dangereuse de celles contenues à leur plate-forme de revendications puisqu’elle remet en cause la possibilité de faire valoir et respecter l’ensemble des droits prévus par la loi.

Nous nous y opposons catégoriquement.

4) L’intégration avec les régimes de sécurité sociale

Le patronat aimerait bien qui y ait « intégration » des régimes de sécurité sociale et du régime d’indemnisation des lésions professionnelles. Quand on parle d’intégration, on parle surtout d’un partage des coûts.

Actuellement, les lois prévoient, à juste titre, que la CSST est le premier payeur lorsqu’un autre régime public peut être impliqué. Par exemple, si une conductrice d’autobus est impliquée dans un accident de la route, c’est la CSST (et donc les employeurs) qui doit assumer l’indemnisation et non pas la SAAQ. Si un travailleur devient invalide suite à un accident du travail, c’est la CSST qui doit l’indemniser et non pas la RRQ.

Cette intégration devrait viser, selon les représentants patronaux, rien de moins que le régime de rentes, l’assurance-emploi, l’assurance-automobile, l’assurance-parentale, la sécurité de la vieillesse ainsi que les régimes de retraites privés.

Les employeurs demandent qu’il existe « une juste et raisonnable intégration entre tous les régimes ».

Il serait peut-être pertinent de rappeler au patronat que le régime de réparation des lésions professionnelles n’est pas un programme social : c’est un régime d’assurance-responsabilité patronale et qu’il ne serait aucunement « juste et raisonnable » que la collectivité, par ses programmes sociaux, assume les frais de son manque de volonté de prévenir les lésions professionnelles.

Nous notons également que, du bout des lèvres, les représentants patronaux au groupe de travail admettent que les travailleuses et les travailleurs peuvent être pénalisés par le fait de leur non-contribution aux régimes de sécurité sociale : « […] les travailleurs en invalidité long terme peuvent également subir une certaine perte par rapport à leurs prestations de retraite de la Régie des rentes. Ce dossier mérite d’être documenté afin de corriger la situation le cas échéant. »

Cette affirmation mérite d’être corrigée. Plutôt que de lire « les travailleurs en invalidité long terme peuvent également subir une certaine perte », il faudrait lire que les travailleurs en invalidité court terme ou long terme peuvent également subir une perte certaine puisque chaque jour d’arrêt de travail peut avoir un impact sur la rente de retraite.

Nous ne pensons pas que le dossier « mérite d’être documenté » puisqu’il est documenté depuis fort longtemps, tant à la CSST et à la RRQ qu’à l’Assemblée nationale lors de commissions parlementaires; le temps des études est fini depuis longtemps, cette situation est connue et il est à notre avis temps d’agir afin de faire cesser cette injustice, tant en ce qui concerne le RRQ que les autres programmes de sécurité sociale.

Conclusion

Le dépôt patronal des principaux éléments de revendications pour une réforme des régimes de prévention et de réparation des lésions professionnelles au groupe de travail laisse voir clairement la vision du patronat sur la question de la prévention. Aucune proposition de changement n’a été faite pour améliorer la Loi sur la santé et la sécurité du travail. L’ensemble des propositions visent plutôt à réduire les coûts du régime d’indemnisation, non pas en prévenant la survenance des lésions professionnelles, mais plutôt en tentant de réduire les droits des travailleuses et des travailleurs.

Plusieurs de ces propositions sont fort inquiétantes puisqu’elles remettent en cause de nombreux fondements du régime d’indemnisation.

Il faudra donc demeurer vigilant dans les mois à venir car, sans une mobilisation active, on risque de se retrouver avec un régime de réparation des lésions professionnelles complètement dénaturé.

0 réponses
  1. M
    M says:

    Le Bureaux d’évalutation médicale est contrôlé par le milieu patronal ?

    Dans mon cas la CSST ma déclaré avoir pris sa décision en fonction à celle du BEM , et la CLP à fait un copier coller à la décision à celle du BEM QUI A RENDU CE QUE MON EMPLOYEUR VOULAIT COMME DÉCISION !
    BELLE DÉMOCRATIE DANS CE BEAU SYSTÈME DU FRIC..
    COMMISSION D’ENQUÊTE !
    ”Cet état de fait encourage les contestations car personne n’a rien à perdre ».”

    ILS JOUENT AVEC L’INTÉGRITÉ DES TRAVAILLEURS ET LA VIE DES QUÉBÉCOIS…

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