Whole Foods, icône du «capitalisme conscient», exploite le travail carcéral

Par Ben Norton – publié dans CounterPunch, 17 juillet 2015 (Original article in English)

Note: Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne doivent pas être considérées comme des positions officielles du SITT-IWW.

Le PDG de Whole Foods John Mackey, dont la fortune personnelle est estimée à plus de 100 millions de dollars, est un véritable apôtre du «capitalisme conscient.» S’estimant ‘libertarien’, Mackey soutient que la solution à tous les maux du monde est de libérer les corporations de tout contrôle. Il y croit si ardemment qu’il a écrit un livre entier faisant les louanges des vertus du marché libre.

En même temps qu’il prêche l’évangile salutaire du «capitalisme conscient», l’entreprise de Mackey Whole Foods, qui dispose d’un revenu annuel en croissance de 13 milliards de dollars, vend à prix exorbitant du poisson, du lait et des fromages provenant du travail des détenu-e-s de prisons aux États-Unis.

La chaîne renommée de supermarchés bio «écolo-capitaliste» profite d’une force de travail qui relève essentiellement d’engagisme dans le système carcéral du Colorado, payant seulement 1,50$ de l’heure aux détenu-e-s pour cultiver du tilapia bio.

Les prisons du Colorado cultivent déjà 1,2 million de livres (55 tonnes) de tilapia par année, et les représentants gouvernementaux accompagnés de leurs amis corporatifs sont impatients d’augmenter cette production.

Ce n’est pas tout. Whole Foods achète également des fromages artisanaux et du lait cultivés par des détenu-e-s. La corporation carcérale Colorado Correctional Industries a créé ce que le magazine Fortune décrit comme «une entreprise de 65 millions de dollars en pleine croissance qui emploie 2000 condamné-e-s dans 17 lieux.»

Le salaire de base pour ces travailleurs et travailleuses de prison est de 60¢ par jour. Whole Foods achète des fromages de ces prisons, qui payent littéralement quelques sous par heure aux détenu-e-s, et augmente dramatiquement les prix par la suite.

Ce n’est en aucun cas la seule pratique douteuse de Whole Foods – une corporation qui se présente comme l’inauguratrice d’une nouvelle génération de la grande entreprise bienveillante. En juin, il a été révélé que l’entreprise avait systématiquement surfacturé ses clients dans plusieurs magasins pendant au moins une demi-décennie.

Ce système de deux poids, deux mesures est frappant. On peut imaginer qu’exploiter des détenu-e-s – des personnes incarcérées par l’État – serait une contradiction des valeurs prétendues libertariennes de volontarisme, d’association libre et de non-coercition. Les critiques des libertariens de droite diront encore que ces derniers n’ont jamais été forts en cohérence morale.

En fait, Mackey s’oppose fermement aux valeurs libertariennes de base concernant les droits des travailleurs et travailleuses et l’organisation ouvrière. Il interdit la syndicalisation des employés de Whole Foods, comparant le contrôle démocratique des travailleurs et travailleuses sur leur propre lieu de travail à de l’herpès. Selon lui, un syndicat, tout comme l’herpès, «ne vous tue pas, mais c’est désagréable et gênant, et cela empêche bien des gens de devenir votre amant.»

Colportage de pseudo-science et culte du marché

Mackey est un disciple des gourous libertariens des écoles de Chicago et d’Autriche : Milton Friedman, Friedrich Hayek et Ludwig von Mises. Selon Reason, les œuvres de Mackey sont également «saupoudrées de références à … l’astrologie.»

Il est sans doute peu surprenant de constater que cet enthousiaste du marché libre qui colporte une pseudo-science comme l’astrologie démente également le changement climatique anthropique. Mackey affirme ainsi que le changement climatique – démontré comme menace majeure pour la civilisation humaine et la vie sur terre par des recherches scientifiques – «est parfaitement naturel et n’est pas nécessairement mauvais.»

Un grand nombre d’économistes affirme depuis longtemps que les données empiriques démentent la doctrine de laissez-faire. Pourtant, une intransigeance pseudo-scientifique semble mener Mackey à flirter avec l’astrologie et le rejet du changement climatique anthropique.

Ian Plimer, un personnage marginal mais populaire dans la communauté anti-changement climatique, se souvient que Mackey avait dit : « aucun consensus scientifique n’existe’ à propos du changement climatique ; [ajoutant] avec une sincérité que vous pourriez nommer audacieuse ou imprudente, qu’il serait dommage de permettre à l’hystérie du changement climatique de causer ‘l’augmentation des impôts et des normes, et à tour l’abaissement de notre niveau de vie et une pauvreté accentuée. »

En d’autres termes, tout comme Mackey contredit ses propres valeurs et exploite du travail carcéral pour se faire du profit, il nie également la science quand cela accommode au mieux son idéologie de libre-marché capitaliste.

Cela ne devrait pas nous surprendre. C’est, après tout, la logique intrinsèquement contradictoire du mode capitaliste de production. Le Marché c’est Dieu, et le profit prime sur tout – sur vos principes, sur les autres êtres humains, et surtout sur la planète qu’on partage toutes et tous.

Note: Le SITT-IWW mène actuellement une campagne d’organisation syndicale des travailleurs et travailleuses de Whole Foods un peu partout aux États-Unis.

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