Lutte des classes et protection des animaux
Note: Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur-e et ne doivent pas être considérées comme des positions officielles du SITT-IWW.
Récemment, un article avait fait état de la situation dans laquelle vivent les chevaux tirant les calèches de Montréal et avait mis à jour les mauvais traitements que vivaient ces derniers. Pour y faire suite, un groupe pour la protection des animaux avait donc organisé une manifestation contre les calèches à Montréal. C’était une manifestation pacifique qui se voulait en réaction aux conditions malsaines et d’exploitations dans lesquelles vivent ces animaux.
Jusque là, on s’entend que si les chevaux vivent dans de mauvaises conditions, on ne devrait pas supporter le fait qu’ils soient obligés de travailler dans celles-ci. Par contre, les organisateurs et organisatrices avaient beau avoir un beau message, les personnes qui se sont retrouvées sous la lunette des manifestant-e-s cette journée-là, ce ne sont pas les propriétaires des écuries qui poussent les cochers à sortir les chevaux dans la canicule, soit les boss de ces travailleurs et travailleuses, mais les chauffeurs et chauffeuses eux et elles-mêmes.
Sur cet événement, on a vu avant, pendant et après la manifestation, des messages haineux envers les cochers. On a vu des vidéos dans lesquels des manifestant-e-s les insultent. On a vu des gens filmer quelqu’un qui parle d’organisation entre travailleurs et travailleuses ; d’une éventuelle grève, le publier sur Facebook et l’insulter parce que VOYONS donc, des gens qui gagnent leur vie en étant chauffeur de calèche, ça devrait pas avoir le droit de s’organiser, ça devrait perdre leur job. Ce genre d’acte, c’est une attaque contre des travailleurs et les travailleuses, c’est un geste qui pourrait nuire à la vie de quelqu’un-e, en lui faisant perdre sa job.
Au Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses, on a un membre qui est cocher, qui gagne sa vie à promener des touristes au travers d’une ville X. Ce membre est de la même classe que nous ; il doit travailler pour vivre, il doit vendre sa force de travail pour réussir à payer son loyer, son électricité, son épicerie, etc. Au moins lui il est chanceux, il a pas a flipper des burgers 5 jours par semaine pour vivre ; il a une job qui lui permet de prendre soin d’un cheval, qu’il aime profondément parce qu’il ne ferait pas ce travail si son plaisir dans la vie était de maltraiter des animaux ; il pourrait faire ça tranquillement chez lui, avec une job plus payante.
Cette histoire de manifestation anti calèche, qui a finie anti cochers, m’a rappelé toute la théorie de la secondarisation des luttes que les vegans nous sortent sans cesse quand on mange de la viande. Dans une approche où l’être humain est supérieur aux animaux parce qu’il pense, c’est facile de répondre que l’humain qui vit des conditions médiocres, chaleur/salaire minimum/16 h par jour/etc., prime sur les animaux qui en vivent également. Sauf que ça, ami vegan, tu l’as déjà entendu et ça ne te dit rien, tu vois plus souvent qu’autrement les animaux comme étant égaux aux être humains. En tant que vegan, je vais donc te répondre sur le même terrain que toi. Tout comme le bien être des travailleurs et travailleuses ne devrait pas primer sur le bien être des animaux, le bien être de ces derniers ne devrait pas primer sur le bien être des travailleurs et travailleuses. Si pour que le cheval aille bien on met quelqu’un qui a déjà de la misère à gagner sa vie dans la merde, on a rien gagné. Ta lutte ne vaut rien si pour la gagner il faut que des gens aient de la misère à se loger et se nourrir.
Mon camarade cocher de l’IWW a dit quelque chose d’assez pertinent quant à la situation dans laquelle vivent les chevaux : « Quant à la question plus fondamentale de savoir s’il s’agit d’êtres exploités, d’esclaves… Je dirais que oui, dans la même mesure que vous et moi, à l’exception des investisseurs ou des élites politiques.» On est tous et toutes esclaves de notre condition de travailleurs et travailleuses. À la place de déterminer qui est le-la meilleur-e par la job qu’il-elle occupe, à la place de dire «tu devrais pas avoir de job parce que t’exploite des animaux», on devrait plutôt se réunir sous la même bannière et se battre contre les vrais parasites ; le patronat, le capitalisme, ce qui fait qu’on a besoin «d’exploiter» les chevaux en question. S’organiser entre personnes de la même classe permet d’avancer les revendications en front commun, ça permet d’avancer des lignes plus écologiques, féministes, dans une perspective de protection des animaux, etc. sur nos milieux de travail. C’est en étant solidaire qu’on peut renverser le rapport de force de la classe dominante. Plus on est unis, plus la lutte est forte et moins on est démunis devant ce que nous impose ceux qui nous dirigent, plus les possibilités d’action sont grandes.
La secondarisation des luttes, ça va dans les deux sens. Si ton veganisme fait que tu places la lutte des classes en second plan, tu fais de la secondarisation. C’est pas parce que tu manges un burger végé au A&W que tu es de gauche ; cette compagnie paie encore ses employé-e-s au salaire minimum alors qu’elle leur doit les milliers de profits qu’elle fait sur leur dos par année. Donc si tu trouves que c’est ça, manger un burger végé chez A&W, être révolutionnaire, je ne veux pas faire partie de ta révolution.
Une révolution ne se fait pas par quelques individus éclairé-e-s, mais par la force d’une classe, elle demande donc à tisser des liens plutôt que se tirer des pierres.
Remember that you are fighting more than your own fight. You are fighting for the entire working class and you must stand together –‘’Big Bill’’ Haywood
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Cheers camarade!
Vincent,
Anarcocher et wobs
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