Des dépenses superflues mais pas d’argent pour les services aux usagers? Que se passe-t’il au Patro-Le-Prévost?

Le Patro-le-Prévost, dans le quartier Villeray à la frontière de Petite Patrie, est le seul centre communautaire et de loisirs syndiqué sur l’Ile de Montréal.

Affilié à la CSN, son syndicat a été mis sur pied suite à une vague de congédiements et de départs qui avait soulevé la colère du personnel. Il faut dire que les postes qui se libéraient étaient (bizarrement!) attribués à des membres de la famille et des amis de la directrice de l’époque sans qu’on sache trop si ces personnes avaient quelques compétences pour les occuper et en passant par-dessus tous les employés de longue date qui avaient postulé pour les avoir! Après un combat de plusieurs mois les employés obtinrent donc leur accréditation syndicale en 2006 et réussirent à négocier un premier contrat de travail par lequel ils firent reconnaître certains droits.

Tout n’est pas devenu le paradis pour autant! Notamment, la reconnaissance de la compétence des travailleurs eux-mêmes pour s’occuper de leur lieu de travail n’a jamais été reconnue. Ainsi, une culture de mépris s’est installée entre une Direction obtuse, convaincue de détenir LE SAVOIR gestionnaire et d’être supérieure aux employés, ces ignares dont certains n’ont que la force de leurs années d’expériences! On les écoute donc d’une oreille pour se montrer bons joueurs…. et on fait ce qu’on veut quand ils ont le dos tourné.

Au nom d’une logique gestionnaire imparable, la direction du Patro-le-Prévost n’a eu de cesse depuis plusieurs années de créer de nouveaux postes de cadre tous les six mois ou presque; de réorganiser les organigrammes, au point d’étourdir tout le monde, de multiplier les mesures de contrôles administratifs sur ses employés… tout en réduisant le nombre de postes nécessaires à l’entretien de cet énorme édifice!

Il n’y a jamais d’argent pour du matériel adéquat pour les cours qui sont offerts ou pour le travail quotidien des employés. Il n’en manque pourtant pas pour les apparences: ainsi donc, toute la décoration intérieure du Centre est refaite à grands frais depuis un an: peinture, nouveaux revêtements muraux, nouveaux planchers, nouveaux meubles à l’étage des bureaux. Une décoratrice intérieure professionnelle a même été engagée! On croirait que la Directrice gère un hôtel 4 étoiles au lieu d’un centre communautaire! La déco est bien sûr refaite sans consulter ni les employés ni les usagers qui seraient peut-être en désaccord avec certains choix…. On a de l’argent pour une inutile campagne d’identification : nouveau logo, affiches en vinyle surdimensionnées présentant des photos d’employés au sourire forcé à côté du slogan «moi je suis Patro»… (sur lequel une firme de communication s’est cassé la tête parait-il!)

Lors de la manifestation du 21 septembre 2015 organisée par la Table régionale des organismes communautaires Centre-du-Québec et Mauricie

Lors de la manifestation du 21 septembre 2015 organisée par la Table régionale des organismes communautaires Centre-du-Québec et Mauricie

Pendant ce temps, les toilettes sont dans un état lamentable et on a mis des semaines avant de réparer un abreuvoir qui coulait tout seul au sous-sol; une employée doit mettre des trappes à souris dans son bureau car elle a des petites logeuses à 4 pattes qui passent par un trou dans le mur; on n’a pas de quoi payer un système de circulation d’air adéquat au local de poterie, situé au deuxième sous-sol où il fait une chaleur tropicale à l’année longue (le local est à côté d’une grosse salle de moteurs sous la piscine). Etc…

L’offre de cours culturels a diminué au cours des ans et aucun effort n’est fait pour améliorer le confort des travailleurs et travailleuses, comme des usagers, dans les activités existantes. Pour compléter le portrait de la mauvaise gestion, la piscine qui fut rénovée à grand frais et fermée durant près de deux ans…devra être réparée cette année! Conséquence d’un mauvais produit de scellage utilisée par la firme privée qui a réalisé ces travaux pour la Ville de Montréal. Vive les PPP!

Mais c’est au chapitre des relations avec les travailleurs que la technocratie régnante atteint des sommets de mauvais goût. Des négos de renouvellement de convention sont prévues cet automne et on soupçonne la Direction de vouloir se débarrasser des membres de l’exécutif syndical un à un pour mieux casser le syndicat. Des attaques sont lancées régulièrement contre les membres de l’exécutif du syndicat; on accuse l’une de vol sur la base d’éléments tout à fait loufoques, on accuse l’autre de manque de «loyauté» envers son employeur et on la menace de suspension dès qu’elle exprime son opinion.

Finalement, on ferme deux des cours les plus populaires… sans même en aviser les professeurs au préalable. L’une d’elle apprendra par des participantes de son cours plutôt que par ses boss, que son cours ne sera plus offert! Puisqu’elle est contractuelle, cela signifie non seulement plus de travail, mais pas de chômage non plus car les cours ne permettent pas d’accumuler assez d’heures pour se qualifier au régime. Personne parmi les nombreux «cadres» n’a songé à adresser la moindre lettre explicative, ou d’excuse, à deux professeurs qui allaient se retrouver sans travail sur une décision unilatérale de la directrice. Leur contrat n’est simplement pas renouvelé et elles sont aussi jetables que l’ancien décor! Tout ceci s’étant déroulé durant la période de vacances de la déléguée syndicale, comme par hasard…

Ce n’est que suite à une intervention corsée de la déléguée syndicale que la Direction admet «une malencontreuse erreur de communication»! Les cours annulés seront remis à l’horaire et les profs retrouveront leur contrat. Mais que s’est-il donc passé?

Pour finir le tour des bonnes pratiques administratives, la Directrice intérimaire avait décidé «d’innover» cette année au chapitre des camps de jour. Ainsi, plutôt que d’engager les étudiants habituels qui occupaient ces emplois d’été temporaires, madame souhaitait sous-contracter au privé en payant un camps haut de gamme pour recevoir les enfants de la classe ouvrière de Villeray… et refiler la facture aux parents. Grâce aux protestations du syndicat, les camps de jour de l’été 2015 purent ouvrir selon la formule habituelle en engageant des étudiants-travailleurs.

Une particularité du Patro qui le différencie d’autres centres communautaires, c’est que ni les usagers ni les travailleurs n’ont de voix au chapitre des décisions. En effet le Patro est géré par une corporation, qui nomme un Conseil d’administration, sur lequel on ne peut siéger que si on est membre… de la corporation! Or cette corporation est composée de gens d’affaires ou autres «partenaires» du quartier mais pas d’usagers ni de travailleurs. Une Directrice est nommée pour s’occuper des affaires courantes et on lui donne pas mal carte blanche. Il n’y a aucune assemblée des membres. Quant au C.A c’est une entité abstraite de personnes qu’on ne voit entre nos murs qu’à l’occasion de l’inauguration de la piscine et autre serrage de main!

Les centres communautaires sont des lieux de vie centraux dans les quartiers de Montréal. L’approche technocrate de la Direction du Patro éloigne ce centre de sa mission première en plus d’être méprisante pour les travailleurs et travailleuses.

La décision de la Directrice de mettre fin aux cours de vitrail et de poterie, conséquence d’une profonde méconnaissance du lieu qu’elle doit gérer, et d’un sentiment de n’avoir rien à demander aux employés, réduisait l’offre de service dans tout l’arrondissement, Villeray St-Michel et Petite-Patrie. En effet les autres centres communautaires de l’arrondissement n’ont pas les installations nécessaires pour les offrir. La population de Montréal desservie par les centres communautaires de Loisirs n’a souvent pas les moyens de se tourner vers le secteur privé, là où les cours sont beaucoup plus chers. L’offre de service dans le secteur culturel au Patro a bien diminué depuis quelques années et les résidents du quartier doivent s’en inquiéter et s’approprier ce lieu qui est aussi le leur.

Une mobilisation des usagers et des travailleurs et travailleuses du Patro-le-Prévost, dans le quartier Villeray devient nécessaire devant la rigidité et la fermeture d’une Direction déconnectée, qui entend gérer ce centre dans le seul intérêt de mousser sa carrière en redorant la devanture pendant que l’intérieur se vide… Les travailleurs et la population du quartier connaissent les réalités et les besoins auquel leurs installations communautaires et de loisirs doivent répondre. C’est à eux de décider, de donner les orientations et de les mettre en pratique!

Le syndicat se doit de viser l’autogestion, en commençant par exiger une voix aux décisions pour les travailleurs/travailleuses ET pour les usagers. Une gestion en collégialité et un droit de regard sur les dépenses du centre. Le SITT–IWW Montréal, suivra de près les négociations des travailleurs du Patro cet automne et sera à leur côté avec les gens du quartier au besoin.

– Willie Morris

Tiré du volume 4 de La Sociale

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