Les assassins du fellow worker Frank Teruggi condamnés au Chili

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Frank Teruggi, un membre des IWW de Chicago originaire de Des Plaine, en Illinois, a été enlevé, torturé et assassiné lors du coup d’État militaire au Chili en 1973. Le 4 février 2015, deux officiers du renseignement de l’armée chilienne ont été condamnés pour le meurtre du camarade Teruggi et d’un autre américain, Charles Horman. Le brigadier-général Pedro Espinoza a reçu une sentence de sept ans pour le meurtre des deux hommes. Rafael Gonzalez, qui a travaillé pour le service de renseignement de l’armée de l’air chilienne comme « agent civil de contre-espionnage », a reçu une sentence de deux ans pour le meurtre de Horman seulement. Espinoza est présentement déjà emprisonné pour d’autres crimes contre les droits humains. Un troisième homme a été condamné, le capitaine de la marine américaine Ray Davis, chef du groupe militaire américain à l’ambassade américaine de Santiago au moment du coup d’État, qui est mort depuis. Teruggi, 24 ans et Horman, 31 ans étaient allés au Chili pour voir et vivre le nouveau gouvernement socialiste du président Salvador Allende. Le camarade Teruggi a participé à de nombreuses manifestations à Santiago suite à la tentative militaire ratée de 1973 qui a été appelée la « Tanquetazo » ou la « Tancazo. » Des documents du FBI révèlent que le bureau l’avait à l’œil. Ils l’avait étiquetté comme un « subversif » en raison de ses activités contre la guerre du Vietnam et son aide à des déserteurs. Le fichier du FBI contient également son adresse à Santiago. Des soldats chiliens l’ont plus tard trainé hors de sa maison lorsqu’il a été arrêté. Le jugement du juge Jorge Zepeda a déclaré que les meurtres de Horman et Teruggi faisaient partie d’une « opération américaine secrète de cueillette d’informations menée par le groupe militaire américain au Chili au sujet des activités politique de citoyens américains aux États-Unis et au Chili. » Sergio Corvalan, un avocat des droits humains qui travaille pour les familles de Horman et de Teruggi sur le ca, a dit à la reporter Pascale Bonnefoy du New York Times qu’il sentait que le jugement confirmait ce que les familles ont longtemps cru — que les officiers militaires chiliens n’auraient pas agi contre eux par eux-mêmes. Ils ont dû avoir le feu vert des autorités américaines.

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Les familles de Teruggi et de Horman ont reçu une
compensation financière. Sous le droit chilien, un processus d’appel obligatoire doit avoir lieu avant que quelque action ne soit entreprise.

Jani Teruggi Page, la sœur de Frank Teruggi, a dit au Tico Times costaricain : « Joyce Horman [la veuve de Charles Horman] et moi avons toujours un processus d’appels à passer, qui pourrait durer six mois de plus. » Page a dit qu’elle et Horman souhaiterait que le gouvernement américain enquête sur ces meurtres avec plus de rigueur. « Nous demandons à ce que la marine, le département d’État et la CIA enquêtent sur la base de l’information [dans le jugement du juge Zepeda] qui montre du doigt les autorités américaines, en particulier le capitaine Ray Davis.» Les informations publiées par Peter Kornbluh dans son livre « Le cas Pinochet : un dossier révélé sur l’atrocité et l’imputabilité » confirment que Frank et son colocataire, David Hathaway, ont été enlevés de leur maison à 21h le 20 septembre, ont été interrogé à un poste de Carabineros des environs et ont ensuite été emmenés au stade national, qui étaient devenu un réservoir de détention, une cellule de torture et un site d’exécution pour des milliers d’activistes et d’autres qui avaient simplement été emportés par la folie du coup d’État. Hathaway a survécu au calvaire. La journaliste chilienne Pacale Bonnefoy Miralles, qui a couvert le cas Teruggi durant de nombreuses années dans son livre Terrorisme d’État, cite un belge du nom de André Van Lancker, lui aussi torturé dans le stade. Van Lancker s’était fait dire par les autres détenus qu’ils avaient vu Frank Teruggi pendant un interrogatoire dans le stade. Il a été battu et torturé avec des chocs électriques, puis tué avec une mitraillette. Les tortionnaires ont réalisé qu’ils étaient allés « trop loin », rapporte-t-elle, et ils avaient peur d’avoir des ennuis avec le gouvernement américain, donc ils ont laissé le nom de Frank hors de la liste de prisonniers. Son corps a été abandonné plus tard en pleine rue, où il a été découvert le jour suivant, soit le 21 septembre, tout jute après 21h, et amené à la morgue. Pendant des jours, la famille Teruggi a été sans savoir ce qui était arrivé à leur fils. Steve Brown, qui a couvert l’histoire en détail pour le journal local des banlieues de Chicago, le Daily Herald, se souvient d’avoir interviewé le père du camarade Teruggi, Frank Teruggi senior, qui tentait d’en savoir plus et d’aider le gouvernement américain : « J’étais troublé qu’il n’y ait pas plus d’attention portée à ça [par l’administration Nixon.] » Ce n’aurait pourtant pas dû être une surprise, car tout juste avant le coup d’État contre le gouvernement Allende, le conseiller à la sécurité nationale Henry Kissinger a déclaré « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester les bras croisés et regarder un pays devenir communiste à cause de l’irresponsabilité de son peuple. Les enjeux sont bien trop importants pour laisser les électeurs chiliens décider par eux-mêmes. » La condamnation de ce mois-ci faisait suite à un jugement en juin dernier par le juge Zepeda qui a déclaré que Teruggi et Horman, dans des incidents séparés, avaient été tués par des officiers militaire chiliens suivant l’information qui leur avait été procurée par des agents du renseignement américain au Chili. L’enquête du juge Zepeda, qui a commencé en 2000, a déclaré que les meurtre ciblés faisaient partie d’une « opération américaine secrète de cueillette d’informations menée par le MILGROUP américain au Chili au sujet des activités politiques de citoyens américains aux États-Unis et au Chili. » Un rapport publié en septembre 2000 par la communauté américaine du renseignement affirmait que la CIA « a activement appuyé la junte militaire suite au renversement de Allende. » Mais malgré cet aveu, une grande partie des détails du rôle des États-Unis reste obscure. « Après 14 ans d’enquête, les cours chilienne ont fourni de nouveaux détails sur comment et pourquoi Charles Horman et Frank Teruggi ont été ciblés et exécutés par les forces de Pinochet. », a dit Peter Kornbluh. « Mais les preuves légales et le verdict de l’histoire demeurent silencieux par rapport au rôle de États-Unis dans les suites du coup d’État militaire. » Kornbluh est un analyste réputé aux archives nationales de sécurité, un institut de recherche non-gouvernemental et indépendant et une bibliothèque située à l’université George Washington à Washington D.C. qui a recueilli et analysé des documents à propos du rôle des États-Unis dans le coup d’État au Chili depuis les années 80. En juin 2000, ils ont publié des documents électroniques (http://www2.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB33/index.html) au sujet des morts de Teruggi et de Horman Ces documents ainsi que d’autres ont servi de preuve au juge Zepeda. En 2011, Zepeda, un juge spécial d’enquête chilien, a condamné et a tenté de faire extrader l’ex-capitaine de la marine américaine Roy Davis. Il a été découvert plus tard que Davis avait quitté les États-Unis en 2011 et vivait en secret au Chili, où il est mort à l’âge de 88 ans dans un centre de soins en avril 2013, avant de pouvoir être découvert par les autorités. Sa mort laisse beaucoup de questions sans réponses.

Le film Missing de 1982 donne un rôle beaucoup plus important dans le coup d’État et ses suites qu’il n’en était su du public américain à Ray Davis (appelé « Capitaine Ray Tower » dans le film) et à d’autres officiel américains. Dans une tentative de mieux comprendre ce qui était arrivé à son fils, Frank Teruggi père a fait partie d’une délégation qui est allée au Frank_TeruggiChili du 16 au 23 février 1974. Le groupe, appelé la commission d’enquête de Chicago sur le statut des droits humains au Chili, a déclaré dans son rapport (qui a été cité et imprimé dans la New York Review of Books le 30 mai 1974) : « L’ambassade des États-Unis semble n’avoir fait aucun effort sérieux pour protéger les citoyens américains présents au Chili durant et après la prise du pouvoir des militaires. » L’importance du jugement du juge Zepeda, et le fait qu’il condamne clairement un représentant du gouvernement américain pour son implication dans ces morts, a probablement aidé à faire avancer l’enquête, mais l’étendue de l’implication du gouvernement américain dans ces événements restera possiblement à jamais inconnue. Après que les sentences aient été annoncées en février, la sœur de Frank Teruggi, Janis Teruggi Page, a déclaré à la journaliste Pascale Bonnefoy dans le New York Times : « Frank, un jeune homme charitable et pacifique, a été la victime d’un crime calculé par l’armée chilienne, mais la question de la complicité des États-Uni demeure sans réponse. » Frank Randall Teruggi a été enterré dans un cimetière à Des Plaines, en Illinois. Selon les journaux de l’époque, plus de 100 amis et membres de la famille ont participé, et le regretté poète et activiste exilé de l’Afrique du Sud Dennis Brutus a écrit ce poème pour l’occasion :

Pour Frank Teruggi                                                   For Frank Teruggi

Une simple rose,                                                         A simple rose
Une seule chandelle                                                   a single candle
Un cercueil noir                                                          a black coffin
Quelque pleureurs                                                     a few mourners
Des sanglots;                                                               weeping;
Pour le héros méconnu                                              for the unsung brave
Qui chante dans l’obscurité                                      who sing in the dark
Qui défie les colonels                                                 who defy the colonels
Et qui sait                                                                   and who know
Qu’un monde nouveau se réveille.                          a new world stirs.

Article écrit par le fellow worker Tuck pour l’édition d’avril 2015 de l’Industrial Worker. Considéré comme l’un des meilleurs texte écrit par un membre de l’IWW, il fut choisi par le Working Writer’s Contest pour paraître dans Radical Works for Rebel Workers. Traduit en février 2016 par le fellow workers Félix Vincent Ardea.

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