Vie de Wobblies: Ma vision du Syndicat

Présentation

Avant de débuter, veuillez comprendre que mon nom et mon milieu de travail ne seront pas diffusés, et ceci, à ma demande et à des fins de sécurité d’emploi. Je me décrirai donc seulement en disant que je suis un homme dans la fin vingtaine qui travaille, sans être aux études, depuis une dizaine d’années et qui milite auprès de différentes associations de gauche depuis 2014.

Mon aventure auprès des IWW a commencé en juin dernier à la suite de nombreux échecs de ma part et des groupes auprès desquels je militais à créer un mouvement de la gauche radicale solide, uni, durable et en perpétuelle croissance au Québec. Interpellé par l’idée d’arriver àrejoindre les gens directement sur leurs milieux de travail et d’enfin sortir de la gauche des CÉGEPS, du «‘shlag»et des Universités où elle était par la force des choses vouée à toujours demeurer marginale et insuffisante pour ne serait-ce que conserver nos acquis (et donc, loin de nous mener vers la révolution ou de bloquer la montée actuelle de l’extrême droite !), j’ai pris la décision de contacter un délégué et de signer ma carte, sachant que je n’avais rien à y perdre. Je n’avais à ce moment-là aucune idée de la grande aventure dans laquelle je m’apprêtais à m’engager ni de ce qu’était VRAIMENT le syndicalisme  révolutionnaire des IWW. À peine neuf mois plus tard, je l’ai cependant tatoué sur le cœur !

Mon arrivée

Ma première mission, que je me suis confié à moi-même, fut d’explorer la «faune» qui constituait cette organisation somme toute assez grande et complexe et d’en comprendre le fonctionnement qui différait beaucoup de celles, plus petites, auxquelles j’étais habitué. J’ai alors pris la décision de participer à au moins une rencontre de chaque comité (excepté le comité femme non-mixte auquel je ne pouvais participer, bien entendu) et au plus d’activités possible en un cours laps de temps afin de me familiariser avec l’organisation et les personnes qui en faisaient partie. Le SITT-IWW m’apparût très rapidement différent de tout ce que j’avais vu jusqu’à maintenant !

Tout d’abord, sa constitution, ses règlements et sa structure, forgé-e- s après plus de cents années d’existence par la pratique, rendaient cette organisation syndicale particulièrement à l’épreuve de la récupération bourgeoise ou étatique qui avait domestiquée tous les autre syndicats dont je connaissais l’existence à part la CNT. Ensuite, sa culture riche en expérience et sa littérature orientée vers la pratique fourmillaient d’archives historiques, d’études de cas, d’outils d’organisation, de méthodes, de formations (théoriques et pratiques) et d’habitudes de vie à adopter plus éducatives et transformatrices les unes que les autres. De plus, sa vision de la lutte permettait à la fois d’arriver à faire des gains au quotidien, mais aussi de bâtir un mouvement ouvrier inclusif et intersectionnel qui transformait réellement les gens à travers la lutte de solidarité et les campagnes d’organisation plutôt que de croire qu’ils et elles étaient transformé-e- s après avoir lu de grandes idées théoriques et être d’accord avec elles, mais sans arriver à avoir le bon état d’esprit (et tout se passe ici, croyez-moi !) pour les mettre en application. Je n’y voyais donc que du bon.

Je me suis alors décidé à m’impliquer plus sérieusement dans deux comités, soit celui d’organisation et celui de communication/traduction, puis de prendre en charge la tâche de monter notre journal (Combat Syndical) lorsque le camarade qui s’en occupait est rentré en France. J’ai aussi suivi la formation d’organisateur et d’organisatrice 101, puis ai commencé progressivement à organiser mes collègues, ami-e- s et (disons-le) camarades désorganisé-e- s qui étaient et sont encore bien trop nombreux et nombreuses. Militer auprès des IWW est devenu une vraie drogue, un mode de vie, une raison de me lever à chaque jour, mais aussi d’aller au lit sagement chaque soir (ok… j’ai peut-être encore un peu de difficulté avec ça hahaha) pour être au top le lendemain et organiser cette foutue révolution qui ne cesse de ne pas arriver ! J’adore savoir que je contribue à faire une différence dans le monde et de la voir en branle sur le terrain, auprès de moi-même et auprès de l’organisation.

Militer dans le SITT-IWW

Militer auprès du SITT-IWW, par rapport au reste du milieu de la gauche radicale québécoise, est assez unique en soit. Il s’agit, par mon expérience personnelle, d’une conception totalement différente du militantisme que j’avais jusqu’alors pratiqué et qui surmonte de nombreuses failles, frustrations et limites de celui-ci (bien qu’elle comporte elle-aussi ses limites, d’où l’importance toujours aussi grande d’une diversité des tactiques). Je crois aussi qu’il est impossible de bien comprendre ce qu’est l’essence du syndicalisme révolutionnaire tant et aussi longtemps qu’on ne devient pas organisateur ou organisatrice et que nous ne sommes pas confronté-e- s aux changements à l’intérieur, de notre propre caractère et personnalité, que cela implique ; tou-te- s les autres organisateurs et organisatrices avec qui j’en ai discuté semblent totalement d’accord avec moi à ce sujet. J’eus en effet au cours des neuf derniers mois de nombreuses prises de conscience majeures qu’il m’apparaît maintenant primordial de partager avec le plus de militant-e- s possible car elles seront garantes de notre succès ou non :

L’une des principales choses que j’ai constaté est que l’état d’esprit que demande et génère une personne qui tente d’organiser son milieu (et pas seulement de travail, mais sa communauté, son cercle social, tout quoi !) comme un-e wobblie créera inévitablement en elle et chez les autres des changements radicaux qui lui seront bénéfiques, à commencer par le fait d’être à l’écoute et empathique plutôt que de parler et de juger (ce seul point aurait peut-être pu permettre aux États-Unis d’éviter l’élection de Donald Trump !), puis celui de surmonter sa gêne et ses peurs, ou celui d’apprendre à «empowerer» (ou empuissancer) les autres en leur confiant des tâches et des responsabilités (et en les accompagnant à travers celles-ci jusqu’à ce qu’ils et elles deviennent autonomes) qui les amèneront à devenir plus polyvalent-e- s plutôt qu’à vouloir tout faire par soi-même et de n’arriver à rien ou à, pire encore, recréer de façon informelle les structures de hiérarchie et de dépendance que nous nous échinons à éliminer.

Cette façon de faire, lorsqu’appliquée, ne peut faire autrement que de créer une intersectionnalité réelle plutôt que théorique et nous éloigner de ce que nous appelons le «manarchisme», le «brocialisme», le «féminisme blanc», etc. ; pour ne prendre que mon exemple personnel, la première personne avec que j’ai «organisé» sur mon lieu de travail le fut autour du sexisme des autres employé-e- s, et simplement parce qu’ELLE me l’a adressé ainsi. Je l’ai écoutée, tout simplement ! Il ne suffit que de laisser les gens parler pour qu’ils ou elles nous disent par eux et elles-mêmes quels sont leurs problèmes au travail, ou à la maison, ou dans leur quartier ou leur ville. Inutile de se lancer dans de grands discours intellectuels de lutte des classes, citant au passage des vieux barbus du 19 e siècle, pour convaincre quelqu’un que sa job et le système, c’est de la merde ! Mais revenons au sujet principal : il m’apparaît depuis impossible d’avancer sans lutter contre ce sexisme, qu’il vienne des patrons ou de l’intérieur même de notre – éventuel, pour l’instant – comité d’organisation, branche du syndicat, ou de moi-même, et il en est de même pour toutes les autres causes, et dans toutes les autres sphères de ma vie.

La seconde chose que je constate est que la démocratie industrielle, ou le socialisme-libertaire, si vous voulez l’appeler ainsi, est bien plus que la révolution d’un système politico-économique, mais est aussi une révolution culturelle – et intrinsèque, pas seulement une minable police du «politicly correct», mais un changement RÉEL de mentalité – qui doit commencer dès maintenant et qui sera à la fois le ciment, le nerf de la guerre et le chien de garde des mouvements révolutionnaires à venir en Amérique du Nord. C’est ce que la culture des wobblies me permet de répandre partout autour de moi, que je milite ou non, et autour de mes camarades de lutte ou non – c’est-à- dire aussi bien auprès des personnes qui ne font qu’hocher de la tête et être d’accord avec moi sans s’impliquer qu’auprès des personnes qui se joignent directement à la lutte et foncent tête baissée au sens réel du terme.

Mon troisième constat est qu’il m’est maintenant possible de militer et d’être PAYÉ pour le faire 40 heures par semaine car je le fais sur mon/mes lieu(x) de travail. Il me permet entre autre de surmonter le faux dilemme courant chez les militant-e- s très dévoué-e- s entre travailler moins pour pouvoir militer davantage ou travailler plus pour pouvoir consommer «plus éthiquement» (et… disons-le, ne pas vivre dans un taudis minable à manger des dumpsters !), mais en ayant moins de temps pour militer. Il me permet aussi d’AMENER la lutte des classes à mes collègues ou ami-e- s peu engagé-e- s politiquement plutôt que d’essayer de les FAIRE VENIR vers la lutte des classes dans leurs temps libres, ce qu’ils et elles n’ont évidemment jamais fait-e-s lorsque j’utilisais simplement la rhétorique marxiste habituelle – particulièrement ce bon vieux fétichisme de la manifestation qui est une bonne tactique, mais qui n’attire qu’un nombre très restreint de personnes.

Mon quatrième et dernier constat est que, bien que je n’enlève rien au militantisme étudiant ou de cultures très marginales (punk, par exemple) duquel je proviens, le vrai pouvoir est entre les mains des travailleurs et des travailleuses, car ce sont principalement elles et eux qui peuvent réellement bloquer l’économie (par leur accès direct aux moyens de productions) et faire céder l’État, mais surtout, car ce sont elles et eux qui peuvent s’approprier les moyens de production en vue de les autogérer selon leurs connaissances et leur expérience de ceux-ci, et personne d’autre ! Ce détail est on ne peu plus important : tout-e révolutionnaire sait bien qu’on ne libère pas quelqu’un-e, mais qu’il ou elle se libère. Il est donc crucial d’organiser ces personnes plus que quiconque, parce qu’elles seront nos meilleur-e- s allié-e- s ou nos pires ennemi-e- s lorsque nous devrons nous émanciper des griffes de l’État et des capitalistes ou nous défendre contre les réactionnaires (qui seront grossièrement ces personnes que nous avons négligées d’organiser au préalable). Si nous n’arrivons pas à retirer aux capitalistes le contrôle sur les secteurs clés de l’économie tels que celui de l’alimentation et à ce qu’ils fonctionnent par eux-mêmes en autogestion lorsque nous voudrons nous libérer, nous n’iront nulle part ! Allons donc travailler et organiser la société !

Dans l’ensemble, donc ?

Adhérer au SITT-IWW est probablement la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie de militant. Par contre, comme on le répète souvent : « Adhérer à un Syndicat, c’est comme s’inscrire à un gym, il faut y travailler pour qu’il se passe quelque chose ! »

C’est là toute l’essence du syndicalisme de solidarité : des travailleurs et des travailleuses (employé-e- s et employables ou non) qui luttent eux-mêmes et elles-mêmes en «s’empowerant» les un-e- s les autres et en s’entraidant d’un milieu de travail à l’autre, même entre syndiqué-e- s et non-syndiqué- e-s IWW, et en ne nuisant qu’aux patrons et pas aux autres travailleurs et travailleuses ni à la qualité des services offerts à la population. Nous sommes une grande famille inclusive, qui grandit, qui prend de la maturité, et qui fait des petits. On va l’avoir, notre révolution (ou sinon, on mordra assez fort pour repartir au moins avec un morceau de= jambe) !

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