Immigration et soudain, les pauvres d’ici sont devenus importants

Aux IWW Montréal, nous sommes plusieurs à travailler ou s’impliquer dans le milieu communautaire. Que ce soit en droit du logement, prévention de l’itinérance, l’accès à l’aide médicale pour les sans-papiers, la prévention des ITSS, la défense de droits auprès de personnes assistées sociales, etc.

Il y a un peu plus d’une semaine, une nouvelle faisait les manchettes : une vague d’immigrant-
e-s haïtien-ne- s commençaient à affluer des États-Unis en demandant l’asile et étaient
actuellement logé-e- s au stade olympique, résultat des politiques toxiques d’Uncle Trump.

Et il n’en fallait pas plus pour que les peurs racistes s’éveillent. Que ce soit par l’influence du
tapage médiatique à la sauce panique épicée, par affinité avec les discours identitaires ou par
méconnaissance du sujet, le réflexe xénophobe est vite remonté à la surface. Et les groupes
d’extrême-droite ont vite fait de récupérer ce nouvel épouvantail.

Sauf que cette fois-ci, comme ce ne sont pas de « dangereux arabes infectés de charia », mais
plutôt des personnes d’origine haïtienne, accueillies aux USA depuis le tremblement de terre
de 2010, il est difficile d’invoquer une quelconque guerre des civilisations ou une invasion
religieuse pour refuser leur venue.

C’est donc, ironie du sort, les pauvres d’ici qui ont servi de prétexte aux groupes et individus
racistes : « Commençons par aider nos pauvres avant d’aider ceux des autres. » « Nos vieux
sont maltraités et on va dépenser de l’argent qu’on a pas pour accueillir des étrangers à gros
frais. » « Et après on se demande pourquoi on a pas d’argent pour nos hôpitaux. »
Si déjà l’IWW prône l’ouverture des frontières, l’antiracisme et la solidarité entre travailleuses et
travailleurs, quel que soit leur origine, ces arguments bidons et malhonnêtes nous mettent
franchement en colère, voire en tabarnak. Et pour plusieurs raisons, que nous voulons démolir
ici et maintenant.

Premièrement, de vouloir mettre le poids des politiques d’austérité libérales (au sens
économique, parce qu’on s’entend : PLQ, PQ, CAQ, même combat…) sur les épaules de ceux
et celles qui en paient tout autant les frais est bien dégueulasse. Soyons clairs : les pauvres,
qu’importe leur pays d’origine, subissent les choix économiques et politiques de la classe
dominante. Les seuls qui profitent des coupures dans nos services publics et de leur
privatisation, ce sont les patrons et les riches.

Deuxièmement, dire que l’on manque d’argent et que l’on doit donc favoriser nos pauvres à
nous plutôt que ceux et celles d’ailleurs, eh bien, c’est un faux choix. De l’argent, il y en a, on a
qu’à voir les salaires et bonus que se donnent nos élites politiques et patronales, les
subventions et aides financières faramineuses données à certaines entreprises bien de chez
nous (Bombardier, entres autres, qui reçoit plus d’un milliard de dollars d’aide financière de
l’État, tandis qu’ils mettent dehors ses employé-e- s et que les patrons se payent des salaires
exorbitants) ou bien les sommes astronomiques que nous laissons aller dans les paradis
fiscaux.

Alors, non seulement il y en a du fric, mais plutôt que d’aller le chercher chez ceux et celles qui
en ont un char pis une barge, on préfère leur laisser et aller en chercher dans les poches de la
classe ouvrière. Le seul choix que nous avons, c’est de s’organiser pour aller récupérer cet
argent, et dans les poches de ceux qui l’ont, soit nos riches bien à nous.

Troisièmement, utiliser « nos pauvres» pour exiger de fermer nos frontières sous prétexte de ne
pas les priver de services, c’est franchement hypocrite. Ces groupes d’extrême-droite, ou ces
personnes réactionnaires, sont bien souvent les premiers à se scandaliser à propos des « BS »,
à traiter les personnes assistées sociales comme des profiteurs vivant au crochet de la société,
à espérer que l’on coupe les vivres aux plus précaires. Mais là, soudainement, on jurerait que «
les pauvres d’ici » sont une priorité!

Alors quand le milieu communautaire se mobilise contre les coupures de services et pour des
personnes de toutes origines, c’est justement contre des intérêts intimement liés à la droite. Et
c’est bien normal, parce que la droite n’en a rien à faire de la solidarité de classe, car cette
dernière ne s’arrête pas à une couleur de peau, une nationalité, un sexe ou un genre.

Blâmer les maux, les difficultés, que vivent nos communautés sur d’autres personnes qui en
arrachent tout autant, plutôt que de diriger notre indignation vers ceux qui profitent de notre
travail et de nos malheurs, est donc non seulement lâche, mais le signe d’un agenda politique
hypocrite.

 

Travailleuses et travailleurs du communautaire, syndiqué-e-s IWW

 

 

Crédit photo: Radio Canada

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