Aux Origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 1

Ces dernières années, j’ai contribué occasionnellement à une rubrique qui s’appelait “Wobbling the Works”, qui mettait l’accent sur l’impact des lois encadrant le monde du travail sur l’organisation syndicale. Je continuerai à écrire à ce sujet de temps à autre, mais depuis peu mon attention a été porté sur un concept que je désigne comme le “syndicalisme minoritaire”, soit une façon de décrire une méthode d’organisation qui n’attend pas après la majorité des ouvriers d’un lieu de travail pour gagner le droit légal de négocier. Ce mois-ci, je vais partager quelques aspects qui ont suscité mon intérêt et qui m’ont mené dans cette direction.

 

Récemment, j’ai dut réécrire la constitution du SITT-IWW pour nos camarades des Comités d’Organisation Régionaux, qui étaient fatigué-es des fautes d’orthographes américaines telles que “labour et “organising”. Examiner minutieusement la constitution m’a fait penser à l’idée des branches d’emplois. Une branche d’emplois est un groupe de cinq membres ou plus du SITT-IWW sur un même lieu de travail et qui  se réunisse au minimum une fois par mois. Cela implique de manière plus ou moins implicite qu’il-les discutent de leurs griefs, qu’il-les crée des stratégies pour les résoudre et établissent une présence syndicale à leur travail.

 

Je travaille présentement sur un projet qui se voulait au départ une version vidéo du pamphlet classique des IWW, “A Worker’s Guide to Direct Action”, mais qui a pris de l’ampleur après que l’on ait commencé. En faisant de la recherche pour la vidéo, j’ai vu parler Miriam Ching Yoon Louie à propos de son livre, Sweatshop Warriors, qui fournit d’excellent exemples expliquant comment les centres de travailleurs et travailleuses immigrant-es ont aidé de nombreux travailleurs et travailleuses à comprendre leurs droits et à s’organiser autour de divers problèmes au travail et dans la communauté. J’ai aussi eu la chance d’interviewer Barbara Pear, une femme de ménage à l’Université de la Caroline du Nord et présidente de la branche de l’UE numéro 150, lorsqu’elle a visité le personnel d’entretien au Collège Swarthmore, qui ont mené une campagne pour le salaire suffisant pendant plus de six ans. Le syndicat de l’Université n’a pas le droit légal de négocier, mais a pourtant eu du succès grâce à l’utilisation de moyens de pression ayant pour but d’amener les administrateurs à la table de négociation et d’obtenir des améliorations pour les travailleurs et les travailleuses les moins payé-es.

 

Je pense souvent aux façons que les travailleurs et travailleuses, qui n’ont pas le droit légal de négocier ou qui n’ont pas de convention collective, peuvent mettre de l’avant pour agir comme un syndicat, en utilisant la loi pour amplifier leur travail. Cela m’est venu à l’esprit parce que Staughton Lynd m’a demandé de rééditer notre pamphlet “Labor Law for the Rank and Filer” à un moment où j’étais devenu particulièrement cynique à l’égard de l’utilisation des lois encadrant le travail dans l’organisation syndicale. Je revenais d’une fin de semaine avec la famille Lynd, des personnes du “Youngstown Workers Solidarity Club” et leurs cohortes de perturbateurs, perturbatrices, de vétérans et vétéranes du militantisme et d’organisateurs et d’organisatrices étudiant-es, issu d’un peu partout aux États-Unis.

 

Le club s’était développé comme une centrale syndicale parallèle qui remplissait un manque quand la centrale local ne pouvait fournir un support adéquat pour une grève. Me tenir avec ces gens fut l’antidote au cynisme que je ressentais; ce n’est pas que j’ai plus de confiance en la loi, mais je me sens maintenant capable de voir les possibilités… Il y a un mois j’ai vu un documentaire, American Standoff, sur la grève de la compagnie de camionnage Overnight, que j’ai critiqué dans le dernier numéro. “Standoff” illustrait beaucoup de problèmes que la classe ouvrière n’a pas encore confronté adéquatement. Comment pouvons nous nous organiser dans des compagnies qui sont tellement anti-syndicales qu’elles sont prêtes à dépenser des millions de dollars juste pour garder les ouvrier-es loin de la table de négociation? La campagne des Teamsters chez Overnight, qui est présentement dans une situation si difficile que ce n’est même pas certain qu’elle pourra être reprise en main, n’est que le dernier exemple d’une longue liste de campagnes qui a laissé la gauche syndicale se gratter la tête en se demandant quoi faire face à un patronat autodestructeur et des lois du travail tout à fait arriérées. Évidemment, la réponse, c’est de ne pas abandonner. Mais il ne s’agit pas non plus de se contenter d’une clique d’agitateurs et d’agitatrices minoritaires sur chaque milieu de travail. Il s’agit de créer de véritables réseaux solidaires qui sont organisés et capable de gagner des améliorations dans des milieux de travail individuels, passant par les industries, et pour le bénéfice de la classe ouvrière internationale.

 

Et, enfin et surtout, plusieurs camarades de l’autre côté de l’atlantique m’ont envoyé un article sur le syndicalisme minoritaire qui a paru dans une édition récente du magazine The Nation. L’article, rédigée par Richard B. Freeman et Joel Rogers, soutient que l’AFL-CIO devrait développer un plan d’organisation qui ne dépend pas du recrutement de la majorité des travailleurs et travailleuses d’un milieu de travail. Ce qui était incroyable de recevoir de multiples copies de cet article dans mes courriels était l’étonnement des syndicalistes non-américains qui l’ont envoyé. La façon tout à fait à l’envers dont nous faisons les chaisons est absurde. Peu de pays pratiquent le syndicalisme comme nous le faisons aux États-Unis (et au Canada) avec le syndicat comme seul agent de négociation d’une majorité déclarée. Je pense que cela aiderait beaucoup si une plus grande partie des travailleurs et travailleuses avec lesquels je discute étaient au courant de comment les choses se font ailleurs, et ça serait aussi bien si les personnes d’ailleurs pouvaient voir les conséquences de notre façon d’organiser.

 

Alors, c’est le but de cette rubrique. Je veux partager ces histoires et ces expériences. Je veux connecter mes camarades avec des ressources que d’autres ont trouvés utiles dans leur travail de syndicaliste. Je ne peux pas offrir la recette du succès. Ces exemples ne seront pas toujours appropriés pour tout le monde. Mais une réflexion intelligente sur une façon d’avancer n’est pas seulement une possibilité, il s’agit de quelque chose qui est déjà en court. Et en développant des ressources pour essayer ces idées, nous allons nous donner la confiance de transformer des commentaires du genre “quelle bonne idée!” à “Je vais l’essayer!”.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority1

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