1. Qu’est-ce que l’industrie, et comment s’est-elle mise en place ?

L’industrie – comprise depuis le processus de conversion de matériaux bruts en objets d’utilisation quotidienne jusqu’à l’offre de services de nécessité courante – est au cœur de notre vie sociale et lui impose son organisation actuelle. Les capitalistes, qui possèdent et contrôlent les ressources naturelles ainsi que l’équipement et les installations pour transformer les matériaux et procurer les services, composent la classe la plus restreinte de notre société. Les travailleurs et travailleuses, qui rassemblent les matériaux bruts, les transforment en biens de consommation, et fournissent les services dont la société a besoin, forment l’autre classe, la plus importante.

Les intérêts de ces deux classes sont opposés. Cette contradiction est à la base de la vie sociale du monde entier. La classe des affaires, ou capitaliste, veut maintenir son contrôle à tout prix afin de conserver les prérogatives en résultant. Pour consolider son pouvoir, elle cherche à dominer la totalité des institutions sociales. Elle veut écrire, et administrer les lois. Elle pousse les écoles à enseigner le respect et l’obéissance envers la minorité privilégiée. Elle veut façonner nos pensées et nos sentiments à son avantage par le biais de la presse, de la télévision et de l’Internet. Et là où elle ne peut se débarrasser des organisations que les travailleurs et travailleuses ont mis en place, elle cherche à les ramener sous son contrôle.

Deux faits essentiels menacent cependant le pouvoir des capitalistes :

  1. Les développements modernes de l’industrie ont rendu leur activité obsolète.
  2. La classe ouvrière est capable, quand elle le désire, de prendre le contrôle de l’industrie pour établir une société plus efficace et plus satisfaisante pour toutes et tous.

La fonction initiale des capitalistes était de procurer les fonds et la gestion nécessaires au bon fonctionnement de l’industrie. De nos jours, la gestion est l’affaire d’une direction formée à cette fin, et les profits réalisés fournissent amplement de réserves où puiser les fonds. Le système d’administration corporative instauré par les capitalistes les rend donc eux-mêmes inutiles.

La classe capitaliste a acquis sa position dominante suite à de longues luttes contre les rois et les propriétaires terriens féodaux. Ceux-ci faisaient la loi selon un système social agricole où la possession des terres constituait la base du pouvoir. Les gens du commun assurèrent le combat, et les capitalistes remportèrent la victoire sur le féodalisme grâce à de nouvelles inventions et procédures le rendant désuet. Les corps parlementaires créés afin de lever des fonds pour l’ordre féodal avaient également établi un mode de gouvernement plus efficace, si bien que rois et seigneurs devinrent aussi obsolètes que les capitalistes le sont aujourd’hui.

L’effet combiné des voyages et découvertes historiques, des progrès de la navigation et du nouveau système d’usines firent de la possession d’entrepôts, de bateaux et d’équipement un facteur plus important que la possession de terres. La structure de base de la société était passée de la ferme à la fabrique, et le contrôle de la société aux mains de ceux qui contrôlent l’industrie.

2. Le progrès révolutionnaire

Les conservateurs des temps féodaux mettaient en garde contre le capitalisme, arguant que son avancée serait la fin de la civilisation. Ils avaient tort : malgré toutes ses faiblesses, le capitalisme représentait un pas en avant. Ce qui de l’ordre ancien pouvait servir au nouveau fut conservé et développé ; ce qui en obstruait le progrès fut abandonné.

En régime capitaliste, invention et industrie bourgeonnèrent comme jamais auparavant : nos modes de vie et de production ont davantage changé durant les deux derniers siècles qu’au cours des deux millénaires précédents. La capacité de production de chaque travailleur et travailleuse est au moins cent fois supérieure à ce qu’elle était lorsque le capitalisme prit initialement le pas sur le féodalisme.

Cependant, parce que nos standards de vie n’ont pas évolué au rythme de la technique, et ne peuvent le faire tant que les capitalistes tiennent les rênes de l’industrie, les possibilités d’abondance et de loisirs sont ruinées par des pénuries, guerres et dépressions créées artificiellement.

Non seulement la croissance économique moderne a-t-elle rendu superflues les activités de la classe capitaliste, elle en a aussi réduit la taille. Le développement de grosses corporations entraîne soit la fermeture d’un grand nombre de petits commerces, soit leur absorption comme organes subsidiaires de conglomérats plus importants. Au sommet de cette pyramide économique, la minorité nantie et puissante. Elle forme une oligarchie qui exerce une autorité presque absolue sur le fonctionnement économique mondial ; elle poursuit ses intérêts propres aux dépens de la majorité de l’humanité, et souvent de la stabilité écologique de notre planète.

Face à une résistance organisée négligeable, l’avidité des capitalistes connaît peu de limites. Des statistiques du U.S. Census Bureau montrent qu’aux Etats-Unis, un cinquième des habitants perçoit près de la moitié du revenu total généré chaque année. De 1989 à 1996, le revenu annuel du cinq pourcent le plus riche de la population y a augmenté de dix pourcent, tandis que celui de quatre-vingt pourcent de la population a diminué. Cette tendance ne cesse de continuer: les riches continuent de s’enrichir, et les travailleurs et travailleuses de s’appauvrir.

Dans les sociétés non-occidentales, la clique dirigeante représente souvent une part considérablement plus restreinte de la population. Les capitalistes de tous les pays coordonnent leurs activités pour générer le plus grand profit grâce au travail de tous et toutes les ouvriers et ouvrières. Une poignée d’individus contrôlent ainsi la vie économique globale, par le biais de cartels et de corporations multinationales.

Selon un rapport de Oxfam de 2015, la part de l’économie globale appartenant aux 1% de personnes les plus riches a augmenté de 44% en 2009 à 48% en 2014, tandis que les 80% de la population plus pauvre détiennent actuellement seulement 5,5% de la richesse globale. Les 85 personnes les plus riches ont une fortune équivalente aux 3.500.000.000 les plus pauvres.

En 1999, les avoirs des trois plus grands multimillionnaires étaient supérieurs à la totalité des produits nationaux bruts des pays les moins développés – qui comptent six cents millions d’habitants. Presque 1,3 milliard de personnes vivaient sur moins d’un dollar américain par jour, et près d’un milliard ne pouvaient subvenir à leurs besoins de consommation quotidiens. Aujourd’hui ce n’est que pire.

La poignée d’individus qui disposent des ressources du monde comptent beaucoup de laquais, mais peu d’amis. Eux seuls ont à perdre si le contrôle de l’industrie leur est repris ; la plupart d’entre nous a tout à y gagner.

3. Qui devrait avoir le contrôle ?

Depuis la montée du capitalisme, la classe ouvrière s’est développée de bien des façons. Elle a cru en nombre jusqu’à inclure presque tous(tes), elle a acquis des connaissance et habiletés. Les personnes travailleuses contemporaines doivent assimiler des choses qui déconcerteraient les ingénieurs et scientifiques du siècle dernier. En lieu et place d’une classe de serfs illettrés, nous sommes une classe ouvrière sachant lire et écrire. Nous disposons d’une littérature considérable qui nous est propre et nous discutons quotidiennement des nouvelles internationales. Nous avons aussi accru le pouvoir de nos organisations.

Chaque action de la classe ouvrière pour l’unité et la solidarité s’effectue en violation du contrôle exclusif des propriétaires de l’industrie. Que le combat des travailleurs et travailleuses ait visé la réduction des heures de travail, l’augmentation des salaires, ou l’amélioration de la sécurité et de l’hygiène au travail, pour gagner nous avons eu à nous unir et à lutter.

En réponse, la classe capitaliste a combattu les organisations ouvrières en tant qu’ennemies mortelles, et selon la logique des événements c’est exactement ce que ces mouvements devraient représenter. Chaque pas en avant consolide notre position comme successeurs nécessaires de la classe capitaliste à la tête de l’industrie. Et puisqu’il n’y a pas de classe inférieure à la nôtre, notre triomphe sera l’avènement de la première société sans classes, et la fin des horreurs, cruautés, stupidités et injustices inhérentes à toute société de classes.

La grande question, pour aujourd’hui et pour demain, est donc la suivante : comment l’industrie sera-t-elle contrôlée ?

La question n’en est pas vraiment une de propriété : c’est le contrôle directorial qui compte, et il est devenu largement indépendant des investisseurs en tant que tels. Mais qui peut se prononcer quant aux périodes d’activité et de relâche de l’industrie ? Qui doit décider de la nature de la production et sa destination ? Des services offerts et à qui ? Voilà les questions importantes.

  • L’industrie moderne devrait-elle être dirigée par quelques gestionnaires d’affaires ?
  • Devrait-elle être contrôlée par les dirigeants politiques ?
  • Ou devrait-elle être prise en charge par ceux et celles qui font le travail ?

Il faut choisir l’une des trois options sans attendre. Les gestionnaires corporatifs, par le biais de leurs banques, leur contrôle sur les postes de direction, et l’influence énorme sur le débat public que leur assure la possession des médias, cherchent à s’approprier le contrôle total de la vie économique mondiale : il ne paie pas de laisser la classe ouvrière produire autant qu’elle en est capable. Par conséquent, soit ceux qui contrôlent l’industrie s’allient le soutien du gouvernement pour esquiver la démocratie, soit ceux en contrôle du gouvernement étendent leur régulation à l’industrie et ses travailleurs et travailleuses selon les principes d’une économie étatique.

4. De la nécessité d’une démocratie industrielle

Le SITT-IWW refuse une économie sous contrôle de la gestion corporative et des institutions politiques. En lieu et place, nous voulons une démocratie industrielle – l’industrie régie par ses travailleurs et travailleuses au moyen d’un processus démocratique et sans hiérarchie.

Le grand problème auquel l’humanité doit faire face n’est pas la question en vogue de la production et de la distribution. C’est le problème du pouvoir : il n’a jamais été et il ne sera jamais sûr de laisser quelques individus en charge des affaires de tous et toutes. Les dépressions, les guerres et tous les maux du monde moderne n’ont été rendus possibles que par la concentration du pouvoir : ils résultent de la volonté d’un petit nombre, pas de la volonté générale.

En régime capitaliste, chaque invention ayant augmenté notre pouvoir de production – ou de destruction – a accru le pouvoir des privilégiés et réduit celui des autres. Chaque amélioration des communications a étendu l’empire de cette minorité. Et chaque fois que nous accordons plus de pouvoir à un-e individu-e pour contrer les effets néfastes résultant de la situation, nous aggravons d’autant le problème. Cela se vérifie que nous déléguions ce pouvoir aux gestionnaires actuels de l’industrie, leurs acolytes dans le gouvernement, ou leurs complices dans les syndicats d’affaires non démocratiques. De ce fait, le seul choix viable et logique est la démocratie industrielle – l’industrie dirigée par ceux et celles qui travaillent, selon des procédures démocratiques et sur une base quotidienne, pour le bénéfice de tous et toutes.

5. La suite est entre nos mains

Nous pouvons contrôler l’industrie et résoudre ainsi le problème du pouvoir, car le pouvoir qui fait rouler ce monde vient de notre propre labeur.

Notre classe n’a qu’à cesser de faire ce qu’on lui dit et commencer à faire ce qu’elle décide collectivement, dépouillant ainsi l’opposition de tout le pouvoir qu’elle n’a jamais eu, et acquérant pour elle-même celui dont elle aura besoin.

La gestion de l’industrie par des travailleurs et travailleuses organisé-e-s pour cette tâche n’est pas qu’un rêve, c’est la réalisation d’une tendance historique.

C’est le but auquel tous les pas en avant de la classe ouvrière ont visé de loin, qu’ils aient été projetés dans cette intention ou non. Mais il ne peut être atteint sans une organisa-tion et une planification délibérées. Si ce préalable n’est pas réalisé, la tendance contraire l’emporte : la réglementation de tout par des institutions commerciales de toutes sortes, des gouvernements de toutes les allégeances, ou encore leur alliance contre-nature – le fascisme.

La démocratie industrielle résout bien des problèmes. Elle peut raviver la démocratie qui dépérit lorsque pratiquée seulement aux jours d’élection, nous délivrer aussi du besoin et de la peur, de la dévastation et de la guerre. Alliée à des méthodes de production modernes elle permet aux gens ordinaires d’obtenir tous les biens matériels dont ils ont besoin, en y travaillant autant qu’ils le désirent.

La démocratie industrielle nous apporte sécurité et liberté, deux fins éminemment désirables et impossibles à atteindre l’une sans l’autre – car qui est mené par le besoin ne peut être libre, et une marionnette n’est jamais en sûreté. D’une société organisée, elle peut faire un tout harmonieux, travaillant intelligemment au bien de toutes et tous : c’est seulement si l’humanité est à même de décider ce qui sera produit et à quelles fins qu’elle peut savoir ce qu’elle fait.

La démocratie industrielle ne peut être construite que par une classe ouvrière organisée, consciente de ce qu’elle veut et des moyens pour y parvenir. L’attribution de pouvoir décisionnel à des « amis des travailleurs et travailleuses » dans les partis politiques ou à des cliques dirigeantes est à éviter.

L’organisation de la classe ouvrière doit servir deux objectifs :

  1. Elle doit fournir la structure la plus efficace possible pour poursuivre notre lutte quotidienne pour de meilleures conditions et un meilleur salaire.
  2. Elle doit fournir une solution globale et flexible aux problèmes reliés à la production et la distribution de biens, et ce de manière équitable et écologiquement viable, en favorisant la gestion efficace de l’industrie moderne par l’organisation ouvrière.

Heureusement, mais non par coïncidence, le même type d’organisation sert au mieux les deux intérêts. En organisant nos modes de travail de manière à avoir les mêmes relations dans nos syndicats et dans le processus de production, nous nous assurons l’avantage stratégique dans notre lutte de tous les jours et la coordination nécessaire au contrôle de la production industrielle.

Comment s’organiser est donc la question qui se pose immédiatement, et qui nous concerne ici. En lui proposant une réponse, le SITT-IWW fait un pas vers l’avenir que nous voulons – car de notre mode d’organisation d’aujourd’hui dépend ce que demain sera.

L’organisation de l’industrie

1. Qui fait quoi ?

Les composantes de l’industrie sont toutes reliées entre elles, au point où il serait justifié de poser qu’il n’y a qu’une seule industrie – la production de biens et services. Considère, par exemple, ton manteau, et les processus entrant dans sa production. Elle a requis non seulement le travail et les matériaux utilisés directement dans sa confection, mais aussi les installations et l’outillage où et au moyen duquel il a été assemblé. Elle a nécessité la production de matériaux et de teintures ; elle a nécessité le transport et la planification des déplacements de ces matériaux, ainsi que de la machinerie et des installations utilisées dans leur production.

Les travailleurs et travailleuses impliqué-e-s dans tous ces processus n’auraient pu se spécialiser dans la confection de tissu et de teintures, la construction d’usines et de machinerie textile, le maniement de ces équipements, le transport de biens, etc., si d’autres travailleurseuses ne s’étaient spécialisé-e-s dans la construction de leurs maisons, l’approvisionnement de leur nourriture, et l’offre des autres services dont ils ont besoin. En fait, il est difficile de penser à quelque tâche que ce soit effectuée par les travailleurs et travailleuses, n’importe où, qui n’ait une connexion ou une autre avec la production d’un simple manteau.

Car le travail n’est pas un chaos aléatoire. Il est subdivisé et organisé, à la manière de notre propre corps. Il comprend, premièrement, six grandes divisions :

  1. Les matériaux bruts à être cultivés ou élevés ;
  2. Les matériaux bruts des mines, des carrières et autres ;
  3. La construction de routes et de bâtiments, bateaux, docks, canaux, etc. ;
  4. La manufacture des matériaux en nourriture, vêtements, outils, machinerie, etc. ;
  5. Le transport et les communications ;
  6. Les différents services offerts par les écoles, les hôpitaux, les théâtres, les magasins et les services publics.

Ces divisions majeures délimitent les six départements dans lesquels les syndicats industriels sont groupés à la fin de ce pamphlet. Les avantages de l’établissement de ces départements en matière d’organisation syndicale seront discutés plus tard.

À chacun de ces départements correspondent des industries et les syndicats qui leur sont affiliés. Les liens soudant les efforts de production ensemble rendent impossible la délimitation définitive des territoires que se disputent les industries. Chacune d’elles, après tout, est un agrégat social de travailleurs et travailleuses, d’équipements et de procédés, jamais complètement séparé des gens étant donné leurs relations internes. En conséquence, les lignes de démarcation des syndicats industriels ne devraient pas être appréhendées comme des moyens d’isoler les travailleurs et travailleuses, mais comme un moyen de les rapprocher.

2. La classification industrielle

Le SITT vise à organiser la classe ouvrière en structures correspondant à la réalité de l’industrie. Pour soutenir ce syndicalisme rationnel, nous utilisons une méthode de classification décimale, qui laisse une grande marge de manœuvre en cas de changements ou additions rendues nécessaires par le progrès industriel ou de nouvelles inventions. Ce système ressemble à celui utilisé pour numéroter les livres dans les bibliothèques, où chaque nouveau livre traitant d’un sujet donné se voit attribuer une place cohérente parmi tous les autres ouvrages passés ou à venir sur le même sujet. De la même manière, il existe un groupement logique pour chaque travailleur et travailleuse du Syndicat pour toutes et tous.

La coordination du Syndicat rend possible un plan d’organisation d’ensemble, unissant les travailleurs et travailleuses dans toute action commune nécessitée par des situations changeantes. L’entremêlement étroit des relations industrielles permet cela. Par exemple, l’industrie de l’acier demande des mineur-e-s pour l’extraction du fer, des travailleurs et travailleuses dans les carrières de chaux, dans les mines de charbon, dans les fours à coke et dans l’industrie pétrolière, des travailleurs et travailleuses féroviaires, de la route, et du transport maritime, ainsi que des ouvriers et ouvrières dans les fourneaux et les laminoirs. Souvent, les travailleurs et travailleuses qui procurent les matériaux sont employé-e-s par les aciéries. Mais, dans le cadre des relations syndicales, il est plus opportun que ces mineur-e-s du charbon soient organisé-e-s avec d’autres mineur-e-s, et les travailleurs et travailleuses des transports avec leurs semblables.

Pour une solidarité de classe effective, il est essentiel que les travailleurs et travailleuses soient à même de planifier en lien soit avec leurs camarades dans leurs propres industries, soit avec les collègues à qui ils et elles fournissent des matériaux.

Seul le type de syndicalisme industriel à la base du Syndicat industriel de travailleurs et travailleuses permet une flexibilité pareil. Les lignes délimitant les secteurs industriels n’y sont pas des barrières, mais des articulations universelles.

La liste en annexe regroupe les syndicats industriels utilisés actuellement par le SITT-IWW. Dans tous les cas les personnes effectuant le même travail sont membres de la même association. Par travailleurs et travailleuses, on entend tous ettoutes les salarié-e-s, à l’exception de ceux et celles ayant la capacité d’engager ou de renvoyer, chaque section syndicale décidant qui est éligible et qui ne l’est pas.

3. L’organisation des employeurs

Les travailleurs et travailleuses ne peuvent imiter aveuglément les modes d’associa-tion des employeurs, mais leur étude est instructive. Les employeurs s’organisent surtout en sociétés sur une base industrielle pour s’assurer une action directe sur le travail, et de le mener d’une manière à en retirer le plus grand bénéfice – c’est-à-dire nous mener de manière à en retirer autant que possible. Ils vont jusqu’à monter des départements spéciaux pour nous diriger ainsi.

Les travailleurs et travailleuses ont peu ou pas de raison d’entrer en compétition ou de se quereller, et pourtant nous nous trouvons souvent en opposition. Les employeurs, de leur côté, ont toutes les raisons de se faire compétition, et pourtant ils arrivent à coopérer. La clef de leur entente réside dans leur organisation de corps spéciaux servant des objectifs précis et strictement délimités. Par exemple, ils ne laissent pas leurs différents politiques empiéter sur leurs ententes de commerce. Ils ont ainsi bâti de multiples organisations financières complexes, incluant des compagnies mondiales. Par le biais de ces associations, les capitalistes de nationalités supposément hostiles travaillent ensemble. Nombre de leurs entreprises les plus critiques dépendent d’une compréhension mutuelle non écrite de leur intérêt collectif. Ils rendent les choses difficiles pour les employeurs ne jouant pas selon leurs règles, de manière à s’assurer le contrôle du monde même s’ils en ont fait un désastre à répétition.

4. Plusieurs métiers, un syndicat

Chaque travailleur et et travailleuse salarié-e trouve sa place dans la grille du Syndicat, si bien que tous et toutes peuvent mettre efficacement leur solidarité en action. Quelques points supplémentaires devraient être notés à propos de ladite structure. Certains syndicats industriels peuvent sembler d’une ampleur trop grande pour être commode ; les laminoirs, la machinerie textile ou l’horlogerie paraissent excéder ce qu’une association devrait embrasser.

Pourtant, le système de classi fication utilisé permet autant de divisions internes du syndicat que nécessaire à la formation de sections imposées par les circonstances.

De plus, toutes et tous les travailleurs et travailleuses d’une même entreprise forment leur propre branche d’établissement ou de magasin, au sein de laquelle sont traitées les affaires reliées à cet emploi particulier.

Étant donné que certaines fonctions impliquent une gamme considérable d’activités subordonnées, l’application de la règle qui veut que quiconque exerçant la même tâche appartienne à la même association oblige des travailleurs et travailleuses d’être membres de plus de syndicats que leur occupation ne laisserait croire. Ainsi, dans un hôpital il y a, en plus des infirmiers et infrimières, médecins, technicien-ne-s etc., des blanchisseurs et blanchisseuses, des cuistot-e-s, des électricien-ne-s et bien d’autres, tous et toutes partie de la même industrie, et donc tous et toutes membres du Syndicat industriel des Travailleurs et Travailleuses de la Santé (SI 610).

Sans le plan du Syndicat pour tous et toutes, une semblable organisation pourrait créer des handicaps. Les blanchisseurs et blanchisseuses des hôpitaux pourraient vouloir rencontrer d’autres blanchisseurs et blanchisseuses pour établir des conditions standard dans toutes les buanderies. Leur appartenance commune au Syndicat leur donne l’opportunité de le faire, et d’élire des comités responsables de l’application de leurs décisions. De même, les conducteurs et conductrices, s’ils ou elles travaillent pour un magasin ou une usine, appartiennent aux mêmes sections d’entreprise et de syndicat industriel que les autres employé-e-s. Et pourtant, ils et elles peuvent vouloir s’entendre avec d’autres de leur métier sur des politiques communes au regard du chargement, de l’utilisation d’assistant-e-s, etc. Le Syndicat leur permet cela aussi. Dans chaque situation de salariat, les apprenti-e-s, les stagiaires et les travailleurs et travailleuses spécialisé-e-s ou non ont tous et toutes d’avantage en commun qu’avec l’employeur. Le Syndicat les soude les un-e-s aux autres pour opposer au patronat une force de travail combinée.

5. D’autres avantages pratiques

La structure syndicale industrielle est conçue pour unir les travailleurs et travailleuses de la manière la plus commode pour nous. Avec qui pouvons-nous négocier collectivement le plus efficacement ? Avec qui pouvons-nous vraisemblablement aller en grève? Des questions pareilles décident de l’appartenance à tel ou tel syndicat industriel d’un groupe de travailleurs et travailleuses. L’équipe de cuisine sur une tour de forage pétrolier, le département du mess sur un bateau et le personnel d’une cantine d’usine font tous le même type de travail que les employé-e-s d’un restaurant, mais ils et elles se font mieux entendre si organisé-e-s avec les autres travailleurs et travailleuses du pétrole, de la mer ou d’usine.

Ces règles dictées par le bon sens doivent être appliquées à la question de la distribution. Là où les travailleurs et travailleuses ne distribuent que les produits d’une compagnie – comme c’est le cas de nombreuses stations d’essence – il sera plus efficace de s’organiser avec ceux et celles les approvisionnant. Les travailleurs et travailleuses des plateformes de forage et des raffineries seront ainsi dans une meilleure position de négociation s’ils et elles peuvent interrompre la distribution de leurs produits. De la même manière, la position des employé-e-s de station d’essence est plus solide lorsque appuyée par les autres travailleurs et travailleuses de la même compagnie. Les équipes de navires-citernes, en revanche, trouveront peut-être plus opportun de s’organiser avec d’autre personnel maritime, même si cela les empêche d’être dans le vif des grèves des travailleurs et travailleuses du pétrole.

Là où il n’y a pas de telles relations étroites avec la production, les travailleurs et travailleuses de distribution font mieux de s’organiser entre eux, qu’ils et elles travaillent dans des centres commerciaux, des magasins de vêtements ou autres. Dans ces cas, il est clair qu’à moins que le syndicalisme industriel ne mène au Syndicat pour tous et toutes, le mouvement du travail a les mains liées par son offre de différents types de coordination dictés par les circonstances. Le Syndicat est le ciment qui maintient les départements industriels ensemble ; sans lui ils tomberaient dans la désorganisation et la confusion.

6. Une classe, un syndicat

Les divisions entre les syndicats industriels ne devraient pas être considérées comme des murs séparant les travailleurs et travailleuses mais comme des moyens les liant de façon plus efficace. Dans le IWW, les membres appartiennent directement au IWW; on débat directement au sujet des affaires de leur propre syndicat, sans influer sur les affaires des autres syndicats industriels. Tous et toutes bénéficient aussi d’un droit de transfert universel et gratuit d’un syndicat à un autre selon leurs changements d’emplois.

Notre niveau d’organisation le plus immédiat est la section d’établissement régissant l’endroit où nous travaillons, et seul-e-s ceux et celles y travaillant ont voix ou droit de vote sur les affaires en dépendant directement. Chaque partie est responsable d’elle-même, mais les syndicats industriels ne peuvent adopter des règles en conflit avec la constitution générale, et les sections ne peuvent aller à l’encontre de celles-ci ou des lois dérivées de leur syndicat. Le SITT-IWW n’est pas une fédération ou un congrès de syndicats industriels ; il s’agit d’un Syndicat pour tous et toutes de la classe ouvrière. Les relations internes de l’industrie moderne rendent tout autre structure inadéquate à répondre aux besoins de cette classe.

La structure du Syndicat évite également les chicanes de juridiction quant aux travailleurs et travailleuses dont la classification est rendue ambiguë par les complexités des processus de production moderne. Par exemple, il est désirable que tous et toutes les tenant-e-s de l’industrie minière fassent partie d’un même syndicat ; mais on se rend compte que le magnésium, notamment, est obtenu par procédé chimique à partir de l’eau de mer (en premier le lait de magnésie, puis le magnésium), et que l’aluminium résulte de l’électrolyse d’argile de bauxite. Dans une fédération de syndicats industriels, il y aurait là occasion de mésentente quant à l’appartenance syndicale des travailleurs et travailleuses du magnésium et de l’aluminium. Dans un Syndicat pour tous et toutes, cela est de peu de conséquence et les membres concerné-e-s peuvent s’organiser de la manière qui leur paraît la plus appropriée. Ou encore, si une entreprise produisant une gamme d’équipements électriques confectionne des radios en parallèle, les employé-e-s seront tous et toutes travailleurs et travailleuses métallurgiques et de machinerie. Dans une autre entreprise, spécialisée en travaux d’ébénisterie divers et mettant aussi des radios sur le marché, les employé-e-s seront tous des travailleurs et travailleuses du meuble.

7. Les départements industriels

Les syndicats d’industries proches constituent des départements industriels.

Les avantages de ce type d’organisation sont particulièrement visibles dans le cas des transports. Les compagnies de chemins de fer, d’autocars et de camions et les lignes aériennes fournissent toutes des méthodes de déplacement. Si les travailleurs et travailleuses de ces diverses industries sont organisé-e-s pour agir de concert quand l’occasion se présente, ils et elles auront l’avantage dans la lutte. Leur pouvoir unifié est si grand que l’avenir du monde est entre leurs mains – ou presque.

Pensons seulement à la charge de souffrance qu’aurait évitée l’humanité si les travailleurs et travailleuses des transports, organisé-e-s, avaient refusé d’assumer la charge de biens en direction de nations en guerre, ou de n’importe quelle nation dont les travailleurs et travailleuses des transports ne se seraient pas conformé-e-s à cette politique. Pour éviter les pertes, le reste de la force de travail organisée n’aurait eu qu’à évaluer la somme dérisoire à verser par chacun-e pour compenser les travailleurs et travailleuses des transports de tout salaire non perçu en conséquence de cette action. De cette manière, un grand bien aurait été accompli pour tous et toutes, et au détriment d’aucun-e. Des arrangements similaires peuvent rendre l’emploi de briseurs de grève (scabs) désuet, en empêchant le transport de biens produits dans ces conditions. Ainsi si nous, les travailleurs et travailleuses, nous soutenons mutuellement, nous ne pouvons être battu-e-s.

Ce qui est proposé ici, c’est une organisation de la classe ouvrière de manière à ce qu’elle présente une solidarité effective. Chaque membre de syndicat ayant voulu en faire la promotion auprès de ses collègues connaît trop la complainte : « Un syndicat c’est bien, mais le problème c’est que les membres ne sont pas solidaires ». Nous n’acceptons pas cette fatalité.

Nous la refusons parce que nous avons maintes fois été témoins des efforts solidaires des travailleurs et travailleuses, et avons vu ces efforts brisés par une organisation déficiente. Les choses font ce pour quoi elles ont été conçues : les mêmes éléments entrent dans la fabrication d’une machine à écrire ou d’une machine à coudre, mais réagissent différemment parce qu’assemblés différemment.

Les travailleurs et travailleuses, de leur côté, peuvent former une fédération relâchée d’organisations servant des intérêts particuliers, ou ils et elles peuvent être du Syndicat. Si un syndicat est constitué pour nous diviser, ce n’est pas étonnant que «les membres ne sont pas solidaires». Mais si nous sommes organisé-e-s pour nous soutenir, nous le ferons et serons fort-e-s du fait que nous le pouvons.

Le syndicalisme industriel rationnel, conçu par le SITT-IWW pour s’adapter aux conditions de l’industrie moderne, met l’emphase sur cinq bases :

  1. Tous et toutes les travailleurs et travailleuses d’une même entreprise, sans distinction, appartiennent à la même organisation de travail ;
  2. Tous et toutes les travailleurs et travailleuses d’une même industrie appartiennent au même syndicat industriel ;
  3. Tous et toutes les membres de ces syndicats industriels sont directement membres du Syndicat pour tous et toutes ;
  4. Tout-e travailleur et travailleuse changeant d’emploi a droit à un transfert gratuit vers le syndicat industriel concernant sa nouvelle situation – « membre un jour, membre toujours » ;
  5. Aucune part du mouvement ouvrier ne devrait accepter de travailler des matériaux fournis par des briseurs de grève ou de leur en fournir, de faire le travail de grévistes, de franchir un piquet de grève, ou d’aider en quelque manière que ce soit à empêcher la grève d’un groupe de travailleurs et travailleuses quel qu’il soit.

Voilà la forme d’organisation proposée par le SITT-IWW pour rendre invincible la classe ouvrière. Es-tu avec nous ?

Les principes d’organisation du I.W.W.

1. La démocratie au sein du syndicat

L’objectif du SITT-IWW est d’établir la démocratie dans notre vie au travail, ainsi que dans l’entièreté du système économique. Ses principes d’organisation vont dans le sens de cet objectif, et sont essentiels pour l’atteindre. Ils se fondent sur deux convictions de base : la solidarité et la démocratie au sein du syndicat. Il est nécessaire d’éviter toute pratique pouvant perturber l’unité de notre classe, tout comme il est essentiel que le syndicat soit dirigé par ses membres, et non le contraire. Exclure la démocratie du SITT-IWW laisserait la porte ouverte à ce que le syndicat devienne un instrument pour les fascistes ou d’autres groupes politiques autoritaires, et donc un énorme handicap pour la classe ouvrière. Partout dans le monde et à travers l’histoire, les régimes autoritaires ont trouvé nécessaire de rassembler la force de travail dans une organisation de ce type.

Le pouvoir du Syndicat doit être exercé par nous, et non pas sur nous.

Comme protection contre toute clique qui voudrait diriger ce syndicat à des fins personnelles, les règles suivantes ont été conçues:

  1. Aucun-e officier/officière ne peut être élu-e pour plus d’un an.
  2. Aucun-e officier/officière ne peut être élu-e pour plus de trois mandats successifs.
  3. Tous et toutes les officiers/officières sont élu-e-s lors de référendums où tous et toutes les membres qu’ils et elles représentent ont le droit de vote : tous et toutes les membres de sections votent pour les officiers et officières des sections syndicales qui les unissent ; les membres d’une industrie votent pour les officiers syndicaux industriels ; et les membres du SITT-IWW elisent les officiers et officières de l’organisation générale.
  4. Tous et toutes les officiers et officières sont sujet-e-s à être démi-e-s de leurs fonctions par un vote majoritaire.
  5. L’élection par vote, et non la nomination, est la politique de mise pour tous et toutes.

2. Pas de prélèvement des cotisations sur la paye

Les méthodes d’affaires au sein du syndicat sont une garantie supplémentaire de démocratie. « Le pouvoir du portefeuille » doit rester entre les mains des membres, autant en ce qui concerne la perception des cotisations qu’en ce qui concerne le contrôle des dépenses. Le I.W.W. n’accepte pas le système de prélèvement salarial, où le patronat joue le rôle d’une banque du syndicat en prélevant les cotisations syndicales directement sur la paye des travailleurs et travailleuses, pour ensuite les verser aux officiers et officières du syndicat. Nous croyons que ce système court-circuite le contrôle direct entre les membres et leurs représentant-e-s élu-e-s.

Ce système renforce l’idée (que la direction des entreprises voudrait entretenir) selon laquelle les cotisations syndicales ne sont qu’une autre taxe désagréable déduite du chèque de paye. Cela fait en sorte que le syndicat s’apparente à une chose extérieure (comme par exemple un avocat) que l’on embauche, plutôt qu’à notre propre organisation, à laquelle nous participons et que nous contrôlons. De plus, ce système implique la direction de l’entreprise dans les relations internes du syndicat, relations qui ne la regardent pas.

Si les trésoriers et trésorières du syndicat reçoivent de l’entreprise un chèque de cotisations prélevées sur les payes, ils et elles pourraient se sentir plus concerné-e-s par le bon vouloir de la compagnie que par celui de ses membres.

Grâce à ce revenu, ils pourraient embaucher leurs ami-e-s pour contrôler les assemblées syndicales, et ainsi se maintenir au pouvoir en dirigeant le syndicat comme si celui-ci n’était qu’une agence de collecte de cotisations dans l’intérêt de l’entreprise et des officiers et officières du Syndicat.

D’autre part, lorsque les cotisations ne sont pas prélevées automatiquement sur la paye, la manière dont ces cotisations sont payées est un bon indicateur de la satisfaction (ou du manque de satisfaction) des membres envers leurs représentant-e-s. Les officiers et officières du Syndicat qui ne veulent pas servir les intérêts de leurs membres, ou qui ne veulent pas les écouter, préfèrent la plupart du temps le système de prélèvement des cotisations sur la paye. Ainsi, ils ou elles peuvent faire quelque chose auquel les membres s’opposent, sans craindre de faire face à des cotisations non-payées ou payées en retard. La collecte directe des cotisations établit donc beaucoup plus de contact entre les membres et leurs officiers et officières. Pour toutes ces raisons, le IWW n’accepte pas le prélèvement des cotisations sur la paye.

À la place, le SITT-IWW a conçu un système simple et pratique de collecte des cotisations par les délégué-e-s sur le lieu de travail – un système qui est sûr contre la gestion malhonnête des fonds, et qui permet aux comités de travailleurs et travailleuses ainsi qu’aux branches de travail de connaître la situation syndicale de chaque membre du lieu de travail. Les délégué-e-s et officiers/officières doivent présenter un rapport lors des réunions de branche. Leurs comptes sont vérifiés par un comité élu à chaque réunion. Avec cette pratique, il devient nécessaire de gérer les affaires à la satisfaction des membres. Aucune contribution financière ne peut être perçue sans avoir été approuvée par référendum par ceux qui auront à la verser.

3. Pas de contrôle de cliques

Toutes ces mesures constitutionnelles et ces méthodes d’affaires, instaurées pour préserver la démocratie au sein du syndicat, sont renforcées par l’élimination de tous les motifs qui pourraient mener quelque clique que ce soit à chercher à prendre le contrôle du syndicat. Ceci est accompli grâce à ces garanties supplémentaires:

  1. Il ne peut y avoir de gain financier par une clique dominante, car la paie des officiers/officières ne peut dépasser la moyenne de celle des travailleurs et et travailleuses représenté-e-s. La tenue efficace des livres de comptes ainsi qu’une comptabilité d’une honnêteté rigide sont assurées par la publication de bilans financiers mensuels et annuels, qui sont tous vérifiés. Les comptes pour «dépenses générales» sont interdits.
  2. Aucun pouvoir ne sera donné aux officiers, à part celui nécessaire à l’exécution des instructions des membres. Les officiers et officières ne peuvent démarrer ou arrêter une grève, car seulement les membres concerné-e-s ont le pouvoir de le faire. Les accords avec le patronat ne peuvent être négociés que par des comités rassemblant les travailleurs et travailleuses concerné-e-s. Les membres de ces comités ainsi que les permanent-e-s n’ont pas la permission de s’entretenir avec les employeurs sans l’approbation du co-mité lui-même.
  3. Les cliques politiques ou autres cherchant à prendre le contrôle du syndicat afin de détourner ou corrompre ses équipements (locaux, photocopies etc), ses ressources ou sa réputation à leurs propres fins, se heurtent aux règlements apolitiques qui ont été adoptés dans nos rangs afin d’assurer notre propre unité.

4. Pas de politique dans ce syndicat

C’est du syndicalisme sain que de ne pas exprimer de préférence pour une religion, un parti politique ou bien un candidat plutôt qu’un autre. Ces questions n’ont aucun rapport avec le syndicat, et chaque membre individuel-le du syndicat doit y répondre selon ses convictions personnelles. Le Syndicat existe et se forme pour prendre des décisions sur des questions industrielles et les appliquer. Son pouvoir en la matière peut être détruit par le détournement de ses ressources vers des campagnes politiques.

Pour que tous et toutes les travailleurs et travailleuses, peu importe leurs préférences religieuses ou politiques, puissent s’unir afin d’obtenir les meilleures conditions possibles de leur emploi, le IWW doit être apolitique et areligieux. Il laisse à ses membres la liberté de répondre à ces questions comme ils et elles l’entendent personnellement – en mettant à profit la conscience sociale, l’égard pour ses semblables, ainsi que l’instruction générale qu’ils et elles détiennent.

Ceci ne veut pas dire que le SITT-IWW est indifférent aux grandes questions sociales et économiques actuelles, au contraire. Nous croyons que le SITT-IWW procure les solutions pratiques à ces questions. Quand l’industrie du monde est dirigée par les travailleurs et travailleuses pour leur propre bien, nous ne voyons aucune raison pour que perdure aucun de nos grands problèmes de société, comme le chômage, la guerre, les conflits sociaux, le crime à grande échelle.

Avec le genre d’organisation que construit le SITT-IWW, la force de travail peut exercer la pression requise pour minimiser les bouffonneries de politiciens. Elle peut aussi accomplir plus constructivement, à travers l’action directe, ce que nous avons souvent échoué à obtenir par le lobbying politique.

5. Les actions au travail et la loi

Par exemple, en tant que travailleurs et travailleuses et membres de communautés, nous voulons que les sites de stockage de pétrole ou les usines chimiques soient toujours situés dans des endroits sûrs, loin de là où nous et nos camarades vivons. Une façon d’obtenir cela est d’essayer de faire passer des lois, puis ensuite d’essayer de faire en sorte qu’elles soient appliquées. Il serait beaucoup plus simple, plus fiable, et certainement plus utile au développement de notre capacité à résoudre nos propres problèmes, que nous refusions de construire dans des endroits que nous jugeons dangereux, et que nous refusions de travailler dans des usines qui mettent en danger une communauté donnée. Habituellement, les lois sont inspirées d’une pratique concrète. La meilleure chose à faire pour la force de travail est donc de se concentrer sur le contrôle de ces pratiques concrètes. Cela fait en sorte qu’il est facile de faire des bonnes lois, et difficile d’en faire de mauvaises. Qui fait la loi est attentif à ceux et celles qui ont du pouvoir dans la société.

Le Syndicat pour toutes et tous rend la force de travail toute-puissante. Quand la force de travail est bien organisée, les législateurs y seront dûment attentifs. Et si ce n’est pas le cas, cela n’aura pas d’importance, car ce qui se produira à partir de ce moment-là sera ce que la classe ouvrière organisée aura décidé.

Pour unir la classe ouvrière industriellement, il est bien sûr nécessaire d’éviter des pratiques comme des cotisations syndicales élevées, des livres de comptes fermés, ainsi que de la discrimination raciale, religieuse ou politique. Ce qu’il nous faut, c’est un Syndicat pour tous et toutes les travailleurs et travailleuses, peu importe leur langue, leur croyances, ou la couleur de leur peau. Au sein du syndicat nous sommes à égalité, car nous sommes également exploité-e-s par le même système. Ce que la majorité décide à propos de n’importe quelle question industrielle constitue une décision que tous et toutes doivent respecter. C’est pour cette raison qu’il serait inapproprié d’essayer d’arriver à des décisions à propos de questions qui ne sont pas liées à l’industrie.

6. Du syndicalisme efficace

Les principes sous-jacents à ces politiques sont la solidarité et la démocratie au sein du syndicat. Une autre facette de ces mêmes principes est l’efficacité (et le rendement qui en découle). Nous parvenons à notre efficacité par notre force unie, mesurable uniquement par ce que nous pouvons accomplir. Notre rendement est mesuré par la balance entre nos gains et les coûts de ces gains, que ce soit en temps, en argent, en difficultés et en efforts, ou tous les autres sacrifices que la classe ouvrière doit souvent faire. Tuer une mouche avec une masse fonctionne très bien, mais ce n’est que peu efficace en termes de rendement. Nous voulons le maximum de gains à un coût minimal.

Que le SITT-IWW est efficace en termes de rendement a été prouvé à plusieurs reprises, par le fait que, malgré un nombre d’adhérent-e-s restreint, il a réussi à acquérir des gains énormes pour la force de travail. Il gagne son efficacité de sa démocratie, son contrôle par la base. Il existe un mythe selon lequel la démocratie rend inefficace. L’expérience syndicale réfute ce mythe.

En premier lieu, pour obtenir les résultats que nous désirions, nous devons viser ces résultats. Laisser le syndicat être dirigé par d’autres que ses membres serait comme essayer de couper du bois alors que c’est un-e autre qui tient la hache.

Deuxièmement, plus les membres ont leur mot à dire sur les affaires du syndicat, et plus nous nous en occupons, plus la source de la force du syndicat grandit. Nous ne gagnons pas nos luttes en payant des cotisations à la trésorerie du syndicat. L’argent ne peut que payer le matériel du syndicat. Ce qui fait avancer le syndicat, c’est l’enthousiasme ainsi que les efforts fournis par ses membres – des choses qui ne peuvent être achetées.

C’est cette participation directe dans les affaires du syndicat, ainsi que la façon de gérer ces affaires, par des délégué-e-s du Syndicat élu-e-s sur le lieu de travail et les comités de travail plutôt que par des permanent-e-s ou des consultant-e-s externes, qui développent les aptitudes des membres. Cela fait du SITT-IWW une force avec laquelle nous pouvons véritablement organiser notre propre futur.

Enfin, c’est l’autonomie et l’indépendance organisées des parties constituantes du SITT-IWW allant avec ce contrôle par la base, qui nous permet de régler les problèmes de la manière la plus commode et la moins coûteuse. Ce syndicat est construit comme une main : chaque joint peut bouger séparément, mais toutes ses parties peuvent instantanément former un poing fermé efficace.

7. L’action directe

Le contrôle direct de nos affaires syndicales se concrétise dans l’action directe sur le lieu de travail, pour laquelle le SITT-IWW s’est rendu célèbre.Il y a nombreuses années, le IWW a modernisé l’industrie du bois de la côte ouest des États-Unis et du Canada. Nos membres ont établi la journée de huit heures en sonnant la fin de leur quart de travail au bout de huit heures et en s’en allant, au lieu de poursuivre le travail pendant les deux heures additionnelles auxquelles le patron s’attendait. Certaines équipes ont été congédiées, mais les équipes qui les remplaçaient firent la même chose, jusqu’à ce que la journée de huit heures devienne une pratique établie. (Plus tard, une loi fut adoptée.)

L’ancienne pratique était pour les travailleurs et travailleuses de dormir sur des couchettes superposées et insalubres, et de trimballer leur propre couverture lors de leur recherche de travail. Les travailleurs et travailleuses de l’industrie du bois, membres du SITT-IWW, firent des feux de joie avec les couchettes et la literie et annoncèrent aux compagnies que si elles voulaient des ouvriers et ouvrières, elles devraient dorénavant fournir des lits et des matelas décents, ainsi que des draps et des couvertures propres.

Parfois, les longues grèves s’avèrent inévitables, mais le SITT-IWW tente le plus possible de les éviter. Nous préférons une série de grèves courtes placées aux bons moments pour en tirer le plus grand profit possible. Cela nous permet souvent d’obtenir des résultats semblables sinon supérieurs, et à moindre coût pour nous.

Pourquoi devrions-nous débrayer parce que la compagnie refuse de se débarrasser d’un contremaître qui met les travailleurs et travailleuses en danger? Pourquoi les travailleurs et travailleuses sous les ordres de ce contremaître n’éliraient-ils et elles pas à la place un-e des leurs, en qui ils et elles ont confiance et dont ils respectent le jugement pour diriger le travail? Seraient ainsi appliquées les instructions de leur propre délégué-e élu-e, plutôt que celles d’un contremaître de la compagnie.

Avec le soutien des travailleurs et travailleuses d’une entreprise, ceci peut normalement se faire. Pourquoi débrayer parce qu’un-e camarade de travail a été licencié? Il ne nous en coûte rien et il en coûte beaucoup à la compagnie si nous allons au travail en exprimant dans notre manière de travailler le chagrin que nous ressentons par rapport à un tel traitement.

La logique de l’action directe est assez simple. Si nous arrêtons de faire ce qu’on nous dit de faire, et qu’à la place nous commençons à faire ce que nous décidons collectivement, il n’y a pas grand-chose qui puisse nous arrêter. Le SITT-IWW compte construire un monde décent de cette manière simple.

En bref, ces quelques principes d’organisation sont parmi ceux que le SITT-IWW a jugé les meilleurs, à la lumière de l’expérience large et variée qu’elle a acquise à travers les luttes menées dans l’industrie depuis sa fondation en 1905. À travers l’expérience de ses nombreux et nombreuses membres qui ont contribué à le construire ainsi qu’à le maintenir, le SITT-IWW est capable d’offrir à la classe ouvrière un plan rationnel d’organisation industrielle, un ensemble de principes dignes de confiance, un ensemble de politiques et de méthodes, ainsi que de stratégies et tactiques gagnantes. Tout cela assure le succès non seulement dans la lutte ordinaire pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, mais aussi dans la lutte pour établir un ordre social plus sain.

Lors d’une grève du textile organisée par le SITT-IWW à Lawrence, au Massachusetts, quelques unes des femmes en grève ont piqueté avec une bannière où l’on pouvait lire : « Nous voulons du pain et des roses, nous aussi ». Lorsque le SITT-IWW dit qu’il veut davantage des bonnes choses de la vie, nous ne parlons pas seulement d’obtenir du patronat qu’il accorde un peu plus d’argent aux travail-leurs et travailleuses – nous voulons une vie meilleure ici et maintenant, nous voulons jeter les bases d’une nouvelle société à l’intérieur même de l’ancienne.

8. Que faire?

Un monde sain, géré par les producteurs et productrices de richesse et pour le bien commun, est un objectif qui devrait être atteint et qui peut l’être. Le SITT-IWW peut construire un mouvement des travailleurs et travailleuses capable de l’atteindre. Il n’y a vraiment qu’un seul gros problème dans le monde : une classe ouvrière trop désorganisée pour agir dans son propre intérêt. Le IWW a la solution à ce problème. C’est une honte de faire partie du problème, mais un honneur de faire partie de la solution. À toi de faire ta part.

Si ton lieu de travail n’est pas organisé syndicalement, contacte le SITT-IWW et nous t’aiderons, toi et tes camarades de travail, à le faire. Pendant que vous lutterez pour la réduction des heures de travail, de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, ainsi que des procédures de résolution démocratique de griefs, vous aurez aussi la satisfaction de contribuer à la construction d’un monde meilleur et d’aider à résoudre le problème du travail.

Si tu es déjà membre d’un autre syndicat, tu as quand même ta place dans le mouvement. Plusieurs membres du SITT-IWW font aussi partie d’autres syndicats. Ils et elles adhèrent au SITT-IWW parce que faire autrement serait contribuer au problème de la classe ouvrière plutôt qu’à la solution, et aussi par conviction que l’approche du SITT-IWW offre des solutions plus complètes, ainsi qu’une meilleure source d’inspiration. Ils et elles sont aussi parmi les membres les plus actifs et actives de leur autre syndicat. Le souci du SITT-IWW pour la solidarité et la démocratie syndicale est une garantie satisfaisante contre toute crainte de voir leur préférence pour le SITT-IWW les mener à chercher le contrôle ou la perturbation des autres syndicats.

Le SITT-IWW demande à ses membres qu’ils et elles poursuivent leur adhésion peu importe leurs changements professionnels. Il leur demande de développer une bonne connaissance de ses idées et de ses principes d’organisation, afin qu’ils et elles puissent se rendre d’autant plus utiles comme membres. Il leur demande aussi d’avoir la capacité et la volonté d’expliquer ces idées aux autres travailleurs et travailleuses, et d’être à l’affût de toute opportunité de croissance du Syndicat. Enfin, il demande à ses membres de rendre plus souvent service à leurs compagnons et compagnonnes de travail, autant sur leur propre lieu de travail que sur d’autres.