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Peur et dégout dans une centrale près de chez vous

J’ai eu plein de jobs à petits salaires. Manutentionnaire, employé en centres d’appel ou au service à la clientèle, concierge, plongeur, commis, aide-cuisinier, vendeur de sapins, peintre en bâtiment, intervenant, name it. Dans tous les cas, j’ai toujours eu des boss à divers degrés de marde.

Un qui nous traitait de moumounes quand on refusait de travailler à 10 mètres de hauteur sans harnais; un autre qui disait toujours qu’on prenait trop de temps entre deux sondages; un qui nous espionnait à distance via caméras; d’autres qui faisaient ou toléraient du harcèlement.

Ma première expérience syndicale a été avec les Teamsters, à la Gare d’autocars de Montréal comme préposé à l’information. On était une nouvelle équipe d’environ 10 personnes embauchées par une compagnie sous-traitante. Une job d’été qui a finalement duré six ans, à 40 heures/semaine au salaire minimum avec des cadres aussi hypocrites que méprisants.

Tant qu’à avoir un boss, autant se défendre, c’est ce qui explique pourquoi je suis devenu plus tard membre des IWW, un Wobblie. Mais initialement, je n’étais pas un syndicaliste convaincu. Cette première expérience avec les Teamsters m’a même plutôt dégoûté des syndicats.

En entrant, je connaissais mon taux horaire, mais pas bien plus.  Personne ne nous disait rien. C’est notre boss, un jour, qui nous a dit que nous serions syndiqués avec les Teamsters. C’est drôle, parce que je ne me souviens pas d’avoir jamais signé de carte de membre. À l’époque, j’ai trouvé ça étrange, voire suspicieux que ce soit notre boss qui nous trouve un syndicat; maintenant je comprends qu’on se faisait avoir, big time.

Un an (ou deux) plus tard, une collègue, plus allumée au niveau de ses droits, et moi avons commencé à se jaser . Parfois avec d’autres collègues. Nos conditions de travail faisaient vraiment dures. On voulait plus que le salaire minimum, au moins 3-4$ de plus. Surtout que la moitié du staff était là depuis plus de 10 ans. Plusieurs avaient des enfants. On le savait que si on se structurait, on pouvait aller chercher de l’argent. Et du respect.

Cette collègue m’a demandé si on avait une copie de notre convention collective. Je n’étais même pas certain de ce que c’était. On a fait le tour, personne ne l’avait. À mon souvenir, c’est notre boss qui nous en a donné une copie.

Après avoir feuilleté notre convention, on a compris qu’on devait s’élire des délégué-e-s et que nombre de nos conditions de travail n’étaient pas respectées. On a contacté les bureaux des Teamsters, pour qu’on nous explique un peu comment tout ça fonctionne. On nous a donné le numéro de notre conseiller syndical, celui qui devait répondre à nos questions, nous aider à nous organiser et défendre nos droits. Le rejoindre a été laborieux. Il était très occupé disait-il. Nous n’étions visiblement pas dans sa liste de priorités. 

Ça avait l’air d’un syndicat tout croche. Pas trop intéressé par nous. À nous envoyer un gars payé 3-4 fois notre salaire, ça nous l’a rendu bien antipathique.

On a contacté la CSN, voir si on pourrait pas embarquer avec eux. Ça ne pouvait pas être pire et peut-être que l’idée de perdre nos cotisations réveillerait les Teamsters. C’était bien compliqué pour je ne sais quoi d’avoir une réponse franche de la CSN. On était pourtant dans les temps pour le changement d’accréditation. Après quelques échanges, c’est tombé à l’eau. Un jeune conseiller sympathique nous dit que la centrale n’était pas très intéressée, entre autres parce qu’on rapporterait pas beaucoup en cotisations.

Après cet épisode, nos négociations arrivant, même si on ne sentait pas supportés, on a essayé d’organiser des meetings par nous-mêmes. Il fallait bien s’organiser et visiblement personne ne le ferait pour nous. On devait parler à nos collègues et se poser des questions : Qui se tient avec qui? Qui veut quoi? Qui est potentiellement de confiance, qui voterait pour des moyens de pression, pour une grève? Ça fonctionnait de manière brouillonne. Ce que maintenant chez les IWW j’appelle de l’ « agitation, de l’éducation, de l’inoculation, du social mapping, etc. » Du syndicalisme.

On a posé des affiches pour annoncer une assemblée. On passait des petits tracts. Je me trouvais ben drôle à mettre des affiches avec des citations de Karl Marx. Mon boss, lui, riait moins. Nous n’avions pas le droit de parler de syndicat au travail. De leur bord par contre, nos boss prétextaient des rencontres individuelles à propos de l’horaire pour menacer les collègues, savoir qui disait quoi…

Ils utilisaient les plus anciennes employées pour obtenir des informations, pour répandre des rumeurs comme quoi la compagnie fermerait et qu’on perdrait nos jobs si on déclenchait une grève.

Notre conseiller syndical retournait sans presse nos appels et était rarement, voire jamais là. Lors de notre première assemblée, durant laquelle nous avons refusé l’offre du boss, notre conseiller parlait agressivement, répétait les mêmes rumeurs que les cadres faisaient circuler, disait qu’on devrait accepter le 50 cennes d’augmentation proposé ou sortir avec les piquets drette-là.

On a arrêté de lui faire confiance le jour où on l’a aperçu par hasard dans un restaurant pas loin en train de manger avec notre boss, l’air de deux bons chums. J’étais en tabarnak.

Lors de la deuxième assemblée, l’offre du boss nous faisait grimper de 1,50$ (environ) de l’heure. Le petit groupe plus combattif mais inexpérimenté qu’on était a essayé de pousser pour plus, mais l’assemblée a voté en faveur. Notre conseiller nous a dit que dans 3 ans, on aurait peut-être mieux…ce même gars qui avait plus en commun avec notre boss nous traitait comme des enfants, des imbéciles. Ça m’a fait détester les syndicats.

Gang de vendus je me disais. Les centrales pis leurs gérants d’estrades de salariés, des compagnies d’assurances plus préoccupées par la paix industrielle que les conditions de travail et de vie de ma classe.

J’ai redécouvert sous un meilleur jour le syndicalisme en rencontrant des Wobblies. Quand on m’a expliqué qu’un vrai syndicat, ce sont les travailleuses et travailleurs qui le forment et qui lui donnent ses couleurs. Que le modèle légal de la compagnie d’assurances, c’est un échec retentissant. Que c’est certainement pas en acceptant le statu quo qu’on va éviter le mur vers lequel le capitalisme nous fait foncer.

De ma première expérience avec un syndicat corporatiste, j’en retiens ceci : faut parler à nos collègues; leur demander ce qu’ils et elles vivent et comment obtenir plus, savoir ce qui les fait chier, leur rappeler qu’un boss c’est un boss, même s’il a un sourire; comprendre que ça sera pas simple, que nos collègues (et nous-mêmes), on a des vies complexes.

Toujours syndiqué avec les IWW, mais aussi par un syndicat « légal », je garde en tête qu’il faut se protéger du boss, mais souvent aussi de l’appareil syndical grassement payé, qui a peur de perdre le contrôle. Surtout si on ne veut pas se contenter de signer une convention, mais de remettre le pouvoir sur le plancher de travail.

Solidarité,

Un memre du SITT-IWW.

La fragilité masculine et l’orgueil à l’usage des boss

L’odeur infecte du WD-40 qui brûle en irritant nos voies respiratoires et en nous faisant crever à petit feu

plane dans l’usine ce soir. C’est que mes patrons préfèrent utiliser ça pour éviter les projections pendant la

découpe de l’acier au laser plutôt que le fluide sécuritaire spécialement (ou moins nocif, du moins) conçu

pour ça. Probablement une question de prix pour sauver quelques dizaines ou centaines de dollars par

année. Pis pendant ce temps-là, notre santé, il s’en sacre. Bein oui, on est de la marde, nous autres, on est

juste des ouvriers et des ouvrières.

On en parle entre collègues au break. C’est clair qu’on va faire quelque chose avec ça, ça restera pas là !

Tout s’enligne pour une petite action directe simple, c’est-à-dire de fermer la découpeuse, qui est l’une des

trois machines d’ou toute la job part, jusqu’à ce qu’on aie de l’huile de coupe non-toxique. Presque tout le

monde est d’accord et se tient. Ouais, tout va bien excepté un détail : L’opérateur de la machine veut pas

l’arrêter…

Le champion en question s’appelle Jean (nom modifié). Jean n’est pas un plaignard ! Les plaignards, selon

lui, c’est des chochottes, et être une chochotte est quelque chose de terrible parce que Jean, vous l’aurez

deviné, souffre de masculinité toxique. Lui, les vapeurs de WD-40 toxiques, il dit que ça le dérange pas et

qu’il est capable de les endurer. Il en tire même une fierté raconter des choses comme ça dans les partys

ou au bar. Il a une job d’homme, lui ! De vrai mâle, là !

Malheureusement, Jean scrap sa santé et souffre autant que nous. Lui aussi, il va le chopper, le cancer,

inquiétez-vous pas ! Et probablement aussi qu’à quarante ou cinquante ans, il va avoir le dos fini et être

trois mois par année en arrêt de travail pis trouver sa vie plate en ****, donc il est pas vraiment plus

«toff» que nous autres. Il est juste manipulé par les boss par rapport à sa fragilité masculine.

Jean est aussi contre ça, les syndicats. Selon lui, ça protège les lâches et empêche les travaillants comme

lui de progresser. Ça nivelle par le bas. Il a plein d’histoires de travailleurs lâches qui lui ont été racontées

par «le gars qui a vu le gars qui a vu l’ours», sans contexte, qui l’empêchent de comprendre que les

employées slackaient sur la job parce qu’ils étaient en moyens de pression et que le petit nouveau zélé

scrappait leur job, ou bien que l’impossibilité de progresser dans une entreprise syndiquée est dans la

plupart des cas une riposte des Boss et le résultat d’une «pas assez bonne» convention collective.

Le Jean d’Amérique

On connaît tous et toutes des tonnes de Jean. Ça peut être des Jeanne aussi, mais typiquement, c’est des

Jean, évidemment. Les Jean sont travaillants et aiment nous le faire savoir, pis maudit que les boss

apprécient les gens pas de colonne comme eux parce qu’ils peuvent profiter d’eux et qu’ils vont presque

les remercier de le faire. C’est que les boss sont brillants : Ils ont réussi à profiter de la fragilité masculine

et/ou de l’orgueil des Jean de ce monde et à leur faire voir tout à l’envers. Ainsi, plutôt que de voir l’acte

de rébellion comme étant l’acte héroïque, ils ont plutôt réussi à leur faire entrer dans la tête que c’est, au

contraire, l’acte de soumission qui l’est ! Et les Jean endurent n’importe quoi, voir s’auto-exploitent, sans

broncher ni se plaindre pour nous démontrer qu’ils sont des vrais «toffs» et pas des lâches. Quelle ironie,

hein ?

C’est triste, au fond. Parce que des gens travaillants comme Jean, quand on y pense, c’est ça qu’on veut,

car pour être honnête, c’est vrai que des lâches qui rendent notre job plus difficile à faire, au même titre

que des colocs qui font jamais la vaisselle ou le ménage, ça craint ! Et malheureusement, les gens qui

pensent comme Jean propagent le mythe que les syndicalistes et autres gauchistes sont des paresseux et

des paresseuses de ce genre alors que ce contre quoi on est, en réalité, c’est pas le travail, c’est

l’exploitation et les injustices. Et les paresseux et paresseuses, on les laisse pas faire non plus. On a

seulement une autre approche : Nous, plutôt que de les caler, on les forme, on les écoute, on essaie de

comprendre pourquoi ils et elles ont pas envie de rentrer travailler et on fait en sorte qu’ils et elles arrivent

à être heureux et heureuses dans leur job et dans leur vie et à s’épanouir. En fin de compte, on est

beaucoup plus utiles pour enrayer la paresse que les Jean qui pensent qu’une claque derrière la tête ou un

congédiement (mais pas de BS) c’est la solution contre la fainéantise.

Quand on regarde ça comme ça, c’est nous, les héros, et les Jeans sont les lâches parce qu’en plus de

même pas avoir de colonne pour eux et elles-mêmes, ils et elles se désolidarisent aussi de leurs collègues

et font en sorte qu’ils et elles souffrent encore. Bref, avec du monde comme Jean, personne n’y gagne,

sauf les patrons. Et c’est pourquoi il faut en finir avec cette mentalité-là !

On fait quoi ?

Je n’ai pas toutes les réponses, mais je sais par contre que notre job, quand on croise un Jean ou une

Jeanne, c’est surtout pas de l’envoyer promener ! C’est de comprendre ce qui le ou la fait chier à la job,

pareil comme avec tout le monde, et l’amener recadrer ses conceptions avec des angles différents pour

réorienter ses «combats» et frustrations.

Ça peut être, par exemple, de comprendre que c’est pas contre le fait de travailler qu’on se bat, c’est contre

celui de se faire exploiter. Se laissera-t-il ou elle exploiter comme un.e pas de colonne ? Il ou elle a plus

de courage que ça, voyons ! Ça peut aussi être de l’amener à réaliser que c’est pas contre «l’équipe de

l’entrepôt qui se pogne le cul» qu’on doit chialer, mais plutôt contre leur cynisme face à des années de

demandes non-retenues à leur superviseur qui les fait chier et qui les empêche d’organiser le travail

comme ils et elles voudraient, d’une part, et d’avoir le droit de se réunir avec les gens qui travaillent dans

les autres départements sur les heures de travail pour communiquer et prendre des décisions ensemble qui

vont faciliter la job d’une étape à l’autre de l’usine. Etc.

Parce qu’au fond, le Jean ou la Jeanne est un.e bon.ne candidat.e au syndicalisme. Il ou elle a de la drive, est

souvent allumé.e, veut accomplir des choses dont il ou elle va pouvoir être fier.e, est travaillant.e, etc. Il faut

juste lui parler et lui démêler l’esprit. Aller à la source des problèmes, comme on dit.

Allez tout le monde, on se prend tous et toutes un Jean ou une Jeanne et on s’en va prendre un café avec.

Notre classe sociale en a besoin.

Solidarité !

 

Max K

 

Syndicalisme, communautaire et journée de réflexion

Lendemain de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses

Le 2 mai dernier, une journée de réflexion sur les conditions de travail dans le communautaire était organisée par les organismes Au bas de l’échelle, le Centre de Formation populaire ainsi que le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM).

Nous étions trois membres du comité communautaire des IWW Montréal à y assister. Ce fut une journée intéressante et bien organisée. Il y a eu matière à brasser des idées avec plus d’une centaine de personnes. Nos félicitations au passage à l’organisation. Plusieurs propositions ont été mises de l’avant; nous allons en mentionner quelques-unes, en expliquant les pour et les contre, ainsi qu’émettre certaines critiques que nous espérons constructives.

 

Contexte

Trois ateliers encadraient les discussions : les conditions de travail, la conciliation travail-vie personnelle et le milieu de travail. Les enjeux soulevés ont été principalement le manque de financement (majoritairement), le surmenage, les burnouts, le gros roulement de staff, la culture du martyr, le peu de liens des salarié-e-s avec leur conseil d’administration, le sexisme sur les lieux de travail, la bureaucratisation, le financement par projet (et donc la précarité), etc.

Ce sont, somme toute, des problèmes que la plupart d’entre nous qui travaillons dans le communautaire avons déjà constaté et qui pèsent sur nos épaules au quotidien.

Avant d’aller de l’avant, un petit aparté est nécessaire pour expliquer le contexte des discussions. Nous l’avons dit, une bonne centaine de personnes étaient présentes. Cependant la majorité de ces personnes étaient soit à des postes de direction, à la coordination avec un pouvoir d’embauche et de renvoi ou bien membre de conseil d’administration. C’est donc dire que nous parlions de nos conditions de travail avec des boss. Des boss visiblement soucieux de leurs salarié-e-s (et qui subissent eux-mêmes et elles-mêmes certains des enjeux discutés), mais des boss tout de même. Et les discussions en ont été teintées.

Également, pour être clair : les réflexions et critiques que nous apportons ici sont les nôtres, celles de syndicalistes.

 

Vocation versus emploi

Plusieurs personnes l’ont évoquée : il existe une culture du martyr au sein des organismes communautaires. Celle de ne pas compter les heures supplémentaires, d’accepter des conditions souvent précaires, et ce, sous prétexte que notre travail en est un de care. On travaille avec du monde précaire et souvent magané, notre travail est essentiel. Un peu le même discours que l’on sert aux infirmières et aux métiers dits féminins. Un hasard? Probablement pas. On dit également souvent du communautaire qu’il s’agit d’un travail ‘’militant’’. La frontière entre militantisme et travail n’est pas toujours clairement définie. Il est fréquent de voir des personnes se surmener au travail sur cette base, que la ‘’cause’’ mérite une couple d’heures supplémentaires non payées!

Des propositions intéressantes sont ressorties. Déconstruire ce discours premièrement. Expliquer la nature de nos emplois, de dénoncer ces situations de surmenage, comme justement les travailleuses de la santé le font depuis des mois avec force, que ce soit via des textes publics ou des vidéos. Refuser d’en faire davantage (avec de moins en moins de moyens).

Une expression est ressortie cependant à plusieurs reprises de la bouche de directeurs ou directrices d’organismes, soit le besoin de « sensibiliser leurs employé-e-s à l’overtime ». Façon de remettre la faute de l’overtime sur les épaules des employé-e-s, mais ni sur les directions ni sur la structure des organismes, et encore moins sur les bailleurs de fonds. Si les employeurs acceptent les exigences de rendement qu’imposent les bailleurs de fonds, tout en nous sachant souvent « low staff », il est inconséquent de demander aux salarié-e-s d’offrir les mêmes services, mais en moins de temps.

 

Financement, bureaucratisation et paperasse

Évidemment, l’enjeu principal demeure : le sous-financement et le financement par projet. Quelques personnes ont évoqué la possibilité de faire pression sur les partis politiques dans le cadre des campagnes électorales. Tenter de nouveau de faire une grève du communautaire, avec peut-être des objectifs plus clairs et de manière décentralisée que celle avortée du 7 février dernier. Et de ratisser plus large et d’en parler davantage. Mais surtout de mobiliser une des bases mêmes des organismes : soit les salarié-e-s!

[À ce sujet, une anecdote personnelle et un parallèle avec la Journée de réflexion : à ce jour, très très peu d’employé-e-s d’organismes avec un mandat de santé et services sociaux (telle la prévention des ITSS) à qui je parle avaient entendu parler de cette grève manquée du 7 février dernier. Tout comme peu de mes collègues en intervention avaient entendu parler de cette journée de réflexion sur nos conditions de travail. Visiblement, si ce sont les coordos ou directions qui reçoivent une invitation à parler des conditions de travail du milieu, il y a peu de chance que ça se transmette aux employé-e-s. Imaginez alors parler de faire grève…]

Pour ce qui est des enjeux de précarité liés au financement par projet plutôt qu’à la mission, peu de solutions ont été mises de l’avant, outre d’en faire une revendication de grève. Nous avons mentionné à quelques reprises de s’attaquer à certains bailleurs de fonds privés comme Centraide, qui participent activement à cette culture entrepreneuriale, mais personne n’a repris la balle au bond, ce qui en soit en dit long sur le manque d’analyse que nous avons de notre propre « industrie » de travail.

 

Se faire entendre en tant que travailleuses et travailleurs

Une annonce a été faite, à savoir qu’une association nationale de travailleuses et travailleurs du communautaire serait créée dans les prochains mois. Peu de détails ont été dévoilés. Comme son assemblée de création n’a pas eu lieu, il est difficile de dire quel sera son mandat, mais nous pouvons soupçonner qu’il s’agira de faire valoir nos droits, de revendiquer un meilleur financement, etc.

En posant quelques questions dans les semaines suivantes à des personnes impliquées dans sa création, nous avons certaines réserves, voire inquiétudes, mais le projet nous intéresse malgré tout.

Déjà, avoir un espace où proposer des actions, où échanger et parler de nos conditions de travail est en soi intéressant. De pouvoir se regrouper est quasiment un luxe, considérant toutes les tâches qui nous incombent et nous pèsent. Ce sera certainement un projet dans lequel il pourra s’organiser des actions concernant les métiers que nous faisons.

Cependant, quelques inquiétudes demeurent. Premièrement, qui pourra en faire partie? Est-ce que seront qualifié-e-s de travailleurs et travailleuses les personnes qui ont des pouvoirs d’embauche et de renvoi au sein de nos organismes? Supposons qu’on se met à parler de syndicalisation, allons-nous faire face à un groupe interne qui s’y opposera farouchement? Ou simplement à parler d’autogestion, de conflits internes, de rapports de pouvoir au sein de nos organismes… Parlera-t-on de conditions de travail ou seulement de sous-financement de manière générale? La question se pose.

 

Syndicalisme de solidarité et autogestion

Évidemment, nous avons prêché à plusieurs pour des solutions qui nous ressemblent. Contre une certaine frilosité à se syndiquer sous un modèle traditionnel, nous avons parlé de mettre de l’avant un syndicalisme de solidarité. À savoir se mobiliser, nous la base, par et pour nous-mêmes, de manière à non seulement parler de sous-financement, mais également à remettre au goût du jour l’autogestion au sein des organismes communautaires dans lesquels nous travaillons. Mais aussi pour pouvoir aborder des sujets comme le harcèlement, les rapports employé-e-s versus directions/conseils d’administration, etc. C’est pourquoi notre syndicalisme se fait sur une base volontaire, pour permettre aux gens de se faire entendre selon leurs besoins.

Nous avons mentionné l’importance de ne plus rester impassibles lorsqu’un organisme se fait couper. Et je crois que cet objectif demeurera pour nous un de nos mandats principaux : faire valoir la solidarité au sein des personnes qui travaillent dans le communautaire. Parce c’est ensemble que nous avons un rapport de force et que nous pouvons protéger nos organismes.

 

Conclusion

En somme, ce fut une rencontre intéressante. Nous espérons qu’elle ne sera pas qu’un exercice isolé et qu’elle sera suivie d’une réflexion plus générale et plus large. Les organismes qui l’ont organisée ont entamé quelque chose d’important, nous espérons que ça se poursuive et que des suites lui soient données.

La rencontre fut somme toute à l’image du communautaire : nous connaissons  bien les problèmes que nous vivons, nous avons une bonne idée des solutions à notre portée, mais le passage à l’action est nébuleux, voire incertain.

Quoi qu’il en soit, de notre bord, nous apporterons toute l’aide que nous pourrons à nos collègues du milieu, et nous les invitons à nous contacter. Plus nous serons nombreuses et nombreux, plus notre voix portera.

 

An injury to one, an injury to all!

 

Des membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire.