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À quand la grève?

Avec la Journée internationale des travailleurs et travailleuses qui est toute proche, je me suis mis à réfléchir à ma job, à la société en général, à un peu tout. Pis ça va mal à shop, comme dirait l’autre.

 

Les inégalités sociales explosent depuis des années. Nos salaires stagnent tandis que nos loyers augmentent sans arrêt. Aller faire une épicerie ou payer le bill d’hydro est de plus en plus un exercice comptable. Patrons et PDG, eux, se donnent des gros bonus et souvent à même l’argent que l’État prend de nos poches pour leur sauver le cul. L’environnement, lui, pendant ce temps-là,  continue de se prendre des claques pour satisfaire de riches actionnaires d’industries en voie de (nous faire) disparaître. Faire valoir nos droits en tant que travailleurs et travailleuses, ça relève du bon vouloir des tribunaux, quasi toujours là pour faire la belle vie à nos boss. Et pour s’assurer d’avoir une belle ambiance sociale, ajoutons à cela les politiques racistes qui ne font que nous diviser tandis qu’on nous appauvrit.

 

À échelle moins macro, ça fait quelques années que je suis intervenant et je dois dire que je trouve ça difficile. Pas tant la job, parce que j’aime profondément les gens que j’accompagne et avec qui je travaille. Mais c’est difficile de voir ces personnes, mes collègues comme les participant-e-s de notre organisme, devoir se débattre contre un système de plus en plus violent pour essayer d’obtenir des services ou faire respecter des droits qui sont censés nous être acquis. C’est tough de voir de plus en plus de monde dans la misère pendant qu’on nous demande de remplir des statistiques et de répondre à des attentes bureaucratiques épaisses. Et rough de voir mes collègues (et moi-même) se brûler par les deux bouts à essayer de compenser avec des miettes pour un État qui n’a plus rien de providentiel.

 

Mais on est pas aussi isolé-e-s qu’on le pense. Si mes collègues et moi-même on le sent qu’on fonce droit vers un mur, ça veut dire qu’on est pas les seul-e-s à en avoir ras-le-bol. Pis ça me force à réfléchir. Ça me force à penser que je peux plus attendre après mes coordos et ma direction collabo qui me disent de me taire, qu’il y a rien à faire, pendant qu’eux y gèrent ça, le communautaire. Comme dit un camarade, on peut pas se permettre d’avoir la classe floue. Plus, ça me force à faire un portrait de la situation et à me demander où on s’en va en général, comme société.

 

Donc, collectivement, on fait quoi pour stopper ces attaques? On fait quoi pour non seulement arrêter de manger la volée, mais pour aller chercher ce qui nous revient de droit, soit des meilleures conditions de vie pis le dernier mot sur comment on la fait rouler, cette société? Comment mettre à profit notre meilleure arme, soit la solidarité?

 

Ma réponse est celle-ci : un arrêt complet de la machine (et de toutes les plus petites), pour faire plier l’État et nos boss, tentons la grève générale.

 

Et je fabule pas trop (j’espère). En 2014, plusieurs groupes, notamment les IWW et des regroupements communautaires, dont la Coalition Main Rouge, ont appelé à une grève générale le 1er mai 2015. Pendant un an, des militant-e-s des IWW et de différents groupes communautaires ont organisé des assemblées, ont multiplié les moments où se réunir pour se concerter et se préparer pour une journée de grève générale. Bon nombre d’associations étudiantes et quelques syndicats, notamment de l’éducation, ont emboîté le pas. Le contexte s’y prêtait bien : le secteur public tombait en négociation et les compressions étaient l’ennemi commun. Le mot « austérité » a été mis sur la map.

 

Le contexte actuel a des différences et des similitudes. On subit toujours les mêmes politiques qui favorisent la classe des boss. Il y a un nouveau gouvernement provincial en place, qui ne cesse de se mettre les pieds dans les plats et qui a vite fait de montrer son mépris pour les travailleuses et travailleurs (on a qu’à penser aux paroles de Legault à propos du lock-out d’ABI, un boss ça reste un boss).

 

L’an prochain, le secteur public sera à nouveau en négociation. Les infirmières ont démontré depuis plus d’un an leur écoeurement généralisé. La CAQ s’attaque aux enseignant-e-s, que ce soit par son projet de loi sur les symboles religieux ou par leur obsession pour la création de maternelles 4 ans, alors qu’il y a un manque flagrant de personnel pour combler ces futurs postes, aussi peu désirée soit cette promesse électorale. Les associations étudiantes ont bien changé, mais le mouvement pour la rémunération des stages a fait parler de lui.

 

Mais bon, pour une grève générale, il faut du monde pour lancer le bal. Pis surtout, avoir un discours plus combatif et plus rassembleur que les centrales syndicales, toujours prêtes à se pencher pour garder la paix sociale.

 

Sans qu’on se pète les bretelles, je crois qu’on peut convenir que les travailleuses et les militantes du communautaire ont prouvé plus d’une fois leur capacité à brasser de la marde et à (se) mobiliser. Malgré l’éléphant qu’est le secteur public et l’attention qu’il occupera durant les négociations, le communautaire pourrait très bien lancer un appel à la mobilisation en vue d’une grève dans le communautaire et par le fait même inviter ses alliés dans les mouvements syndicaux et étudiants à faire de même. Surtout que les infirmières et les enseignantes semblent aussi écoeurées de leurs conditions, il y aurait de belles alliances sur des bases autonomes à faire.

 

La Coalition Main Rouge et la Coalition du 1er mai 2015 avaient démontré leur capacité à rejoindre différents groupes et à créer des liens en 2014-2015. Ces mêmes groupes une fois mobilisés avaient opté pour des actions selon leurs moyens. Des grèves illégales dans plus de dix cégeps, une interruption des activités économiques dans certaines régions, des grèves étudiantes, des voies de transports bloquées; des occupations de bureaux ministériels par-ci, des manifestations par-là, une grève générale quoi.

 

Il n’y a pas de formule magique pour faire une mobilisation ou obtenir des gains. Je n’ai pas la prétention d’avoir un plan de match parfait, d’autres ont de meilleures analyses et savent sûrement mieux que moi comment on pourrait fesser le plus fort. Mais je suis un intervenant communautaire et militant syndical écoeuré, pis quand je regarde l’épuisement de mes collègues, les burn outs qui s’accumulent pis le monde en général en arracher de plus en plus, je ne peux pas m’empêcher de me demander, en 2020, dans le communautaire, on la déclenche quand la grève?

 

Solidarité,

Un membre du comité communautaire des IWW Montréal.

Financer la matraque plutôt que le social

On le sait, notre filet social est attaqué de toute part. Sous des prétextes aussi cheaps que mensongers, l’État se déresponsabilise au plus grand bonheur du patronat. En santé, dans les services sociaux et en éducation, ça fait dur. On nous demande de faire plus chaque année avec moins ou aussi peu. On voit les gens qu’on accompagne manger la volée au niveau économique et sociale, sinon littéralement; et par manque de ressources, on se brûle et on s’épuise. Le burn out musical, c’est la réalité pour la majorité des personnes qui travaillent dans le milieu communautaire.

Par contre, nous, travailleuses et travailleurs du communautaire, avons des « partenaires » souvent imposés qui ne vivent pas cette violence du capitalisme, ou même pire qui appliquent directement cette violence, à savoir les policiers. D’ailleurs, leur nombre, leur matériel et leurs ressources ne cessent de grossir. C’est donc dire que l’État et ses différents paliers investissent massivement dans la répression, le profilage et l’intimidation plutôt que dans l’inclusion, la prévention et les divers services sociaux (santé, éducation, communautaire, etc.). C’est un choix politique.

En travail de rue dans le Village et le Centre-ville, on a trop souvent l’occasion de voir à l’oeuvre les agents des postes de quartier 21 et 22. Un beau cocktail d’intimidation, d’harcèlement et de profilage envers les personnes en situation d’itinérance ou marginalisées. Il y a les agents qui donnent de faux quadrilatères (une interdiction d’être sur un territoire) aux personnes de la rue, se donnant illégalement le statut de juge. Il y a les flics qui interpellent systématiquement les jeunes du quartier par leur nom de famille en leur demandant s’ils sont sous mandat, question de savoir s’ils peuvent les arrêter et de leur rappeler qui sont les boss. Il y a les policiers qui embarquent les jeunes et moins jeunes, leur confisquent leur dope, les emmènent loin dans l’Est de la ville pour mieux les abandonner sans manteau ou soulier, loin de leur coin habituel. Il y a les policiers qui, en parlant du parterre en terre battue rouge au Nord du parc Émilie-Gamelin où des consommateurs s’installent, appellent cet espace la « litière ».

On jurerait (sic) que leur rôle est de faire sentir aux « indésirables » que leur présence dans cet environnement très commercial est à peine tolérée…Beaucoup d’argent investie qui serait plus que la bienvenue dans le secteur communautaire. Faut croire que les priorités des instances publiques ne sont pas les mêmes que les nôtres.

En plus, on se retrouve souvent à dealer avec les policiers dans les instances de concertation auxquelles on participe. Il est plutôt ironique de voir que les flics sont considérés comme des acteurs importants pour discuter de thèmes comme la lutte à la pauvreté ou l’amélioration du bien-être et de la sécurité des personnes vivant différentes problématiques. Les voir prendre la parole sur ces enjeux est non seulement pénible mais aussi très frustrant quand on sait très bien que nos recommandations, travailleurs et travailleuses du communautaire, ne seront pas réellement prises en compte et que l’institution pour laquelle ils travaillent fera exactement le contraire, c’est-à-dire continuer de réprimer et criminaliser les pauvres et les marginaux. Pire encore, on sait très bien que lorsqu’on fera une manifestation communautaire, pour finalement faire entendre nos revendications, nous qui travaillons quotidiennement avec les personnes les plus précaires, ils seront là pour nous surveiller, voire nous matraquer si on a le malheur d’être trop dérangeant-e-s.

Comme travailleuses et travailleurs du communautaire, nous dénonçons la brutalité policière, l’impunité quasi totale dont bénéficie la police, mais aussi nos différents paliers de gouvernement qui non seulement sanctionnent ces gestes mais les subventionnent à coups de centaines de millions chaque année. C’est pourquoi nous invitons nos camarades et allié-e-s du communautaire à participer à la manifestation contre la brutalité policière de ce vendredi 15 mars prochain. Nous y serons avec nos couleurs syndicales, solidarité!

 

Une travailleuse et un travailleur du Comité communautaire du SITT-IWW Montréal.

 

Texte initialement publié dans l’édition 2019 du journal État Policier du Collectif opposé à la brutalité policière.

Crédit Photo: L’Activiste.

Mission Accomplie au show des précaires du communautaire

Le Show des précaires du communautaire, quelle belle soirée de solidarité ce fut pour nous, membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire!

 

Comme syndicat « par et pour », nous n’avons pas les moyens financiers d’un groupe patronal, conséquemment, les tribunes pour s’exprimer ne sont pas monnaie courante. En fait, pour avoir la parole, nous ne pouvons attendre qu’on nous la tende, nous devons la prendre. C’est dans cette optique que l’on voulait que se déroule ce spectacle et c’est pourquoi nous voulions prêter le micro à des personnes, des organismes et des artistes qui nous ressemblent.

 

Pouvoir exprimer notre écœurement, notre fatigue, notre rage et notre solidarité devant et avec des camarades, c’est un privilège. Dénoncer le sous-financement qui nous affecte, nous brûle, les conditions qui minent notre travail, les menaces que des bailleurs de fonds comme Centraide font peser sur des groupes de défense de droits comme l’Organisation Public des Droits Sociaux  du Grand Montréal (OPDS-RM), le sexisme du filet social, tout en riant et écoutant des camarades et collègues jouer sur scène, voilà pourquoi nous avons organisé ce spectacle.

 

Et nous n’aurions pas pu espérer une meilleure réception, autant de monde. Ce fut pour nous un succès!


Un peu d’humour


Le show des précaires du communautaire a débuté avec la solide prestation de Colin, le fils de Christian Vanasse, qui semblait avoir 20 ans d’expérience à donner des shows devant publics. Les précaires du communautaire ont donc pu découvrir le prochain prodige de l’humour québécois. Ensuite c’est le père qui a fait son entrée en enchaînant les blagues contre les gens qui nous exploitent et les contradictions que le capitalisme fait peser sur nos conditions de vie. Par la suite sont arrivés les deux gauchistes par excellence de l’humour québécois : Colin Boudrias et Fred Dubé. Colin nous a fait plusieurs blagues de son répertoire politique, dont celle sur le faux-véganisme. Tandis qu’Anarcho-taquin (Fred) nous ait arrivé avec ses blagues anticapitalistes et militantes d’extrême-gauche. Enfin, Catherine Ethier nous a ébloui.e.s encore une fois de sa verve incroyable remettant en question plusieurs problématiques de notre société.

 

 

Après les humoristes, place à la musique!

Le duo Assonance Acoustique,  accompagnée de leur fille, nous a offert une prestation à couper le souffle! Le choix des chansons, douces et mélancoliques, chantées par la voix enlevante de Izabelle a su conquérir la salle et après avoir ri un brin, nous ramener dans la mélancolie de ce travail et cette lutte qu’est la nôtre. Assonance Acoustique a ensuite fait place aux Union Thugs, qui ont lancé leur partie avec un discours bien senti sur les injustices qui sévissent dans le milieu depuis trop longtemps.

 

 

En guise d’approbation, les spectateurs et spectatrices ont rapidement abandonné leur siège pour chanter en cœur Héros et Martyrs, une reprise du groupe parisien Brigada Flores Magon qui fait honneur à tous ceux et toutes celles mort.es au combat. Si la fin du concert fut éprouvante pour leur guitariste qui fêtait ses 25 ans et vu donc chaque chanson être entrecoupée d’une nouvelle ronde de shooters amenés par ses ami.es, pour nombreux et nombreuses dans la salle la reprise de Je Suis Fils de Corrigan Fest finissait de mettre la table pour le punk de The Awkwerz. Personne à son arrivée en milieu d’après-midi n’aurait pu s’imaginer que le petit bar des Sans-Tavernes allait se transformer en piste de danse pour un trash endiablé à peine quelques heures plus tard! Geneviève a, comme toujours, été une frontwoman de premier ordre. Crachant ses paroles et occupant le devant de la scène avec une présence inégalée ce soir-là au Bâtiment 7, la recette parfaite pour un parfait show des précaires du communautaire était officiellement complétée et on peut se dire : Mission Accomplie!

 

Tous les fonds récoltés au cours de la soirée ont été versés à L’OPDS-RM.

Solidarité pour toujours!

Syndicalisme, communautaire et journée de réflexion

Lendemain de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses

Le 2 mai dernier, une journée de réflexion sur les conditions de travail dans le communautaire était organisée par les organismes Au bas de l’échelle, le Centre de Formation populaire ainsi que le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM).

Nous étions trois membres du comité communautaire des IWW Montréal à y assister. Ce fut une journée intéressante et bien organisée. Il y a eu matière à brasser des idées avec plus d’une centaine de personnes. Nos félicitations au passage à l’organisation. Plusieurs propositions ont été mises de l’avant; nous allons en mentionner quelques-unes, en expliquant les pour et les contre, ainsi qu’émettre certaines critiques que nous espérons constructives.

 

Contexte

Trois ateliers encadraient les discussions : les conditions de travail, la conciliation travail-vie personnelle et le milieu de travail. Les enjeux soulevés ont été principalement le manque de financement (majoritairement), le surmenage, les burnouts, le gros roulement de staff, la culture du martyr, le peu de liens des salarié-e-s avec leur conseil d’administration, le sexisme sur les lieux de travail, la bureaucratisation, le financement par projet (et donc la précarité), etc.

Ce sont, somme toute, des problèmes que la plupart d’entre nous qui travaillons dans le communautaire avons déjà constaté et qui pèsent sur nos épaules au quotidien.

Avant d’aller de l’avant, un petit aparté est nécessaire pour expliquer le contexte des discussions. Nous l’avons dit, une bonne centaine de personnes étaient présentes. Cependant la majorité de ces personnes étaient soit à des postes de direction, à la coordination avec un pouvoir d’embauche et de renvoi ou bien membre de conseil d’administration. C’est donc dire que nous parlions de nos conditions de travail avec des boss. Des boss visiblement soucieux de leurs salarié-e-s (et qui subissent eux-mêmes et elles-mêmes certains des enjeux discutés), mais des boss tout de même. Et les discussions en ont été teintées.

Également, pour être clair : les réflexions et critiques que nous apportons ici sont les nôtres, celles de syndicalistes.

 

Vocation versus emploi

Plusieurs personnes l’ont évoquée : il existe une culture du martyr au sein des organismes communautaires. Celle de ne pas compter les heures supplémentaires, d’accepter des conditions souvent précaires, et ce, sous prétexte que notre travail en est un de care. On travaille avec du monde précaire et souvent magané, notre travail est essentiel. Un peu le même discours que l’on sert aux infirmières et aux métiers dits féminins. Un hasard? Probablement pas. On dit également souvent du communautaire qu’il s’agit d’un travail ‘’militant’’. La frontière entre militantisme et travail n’est pas toujours clairement définie. Il est fréquent de voir des personnes se surmener au travail sur cette base, que la ‘’cause’’ mérite une couple d’heures supplémentaires non payées!

Des propositions intéressantes sont ressorties. Déconstruire ce discours premièrement. Expliquer la nature de nos emplois, de dénoncer ces situations de surmenage, comme justement les travailleuses de la santé le font depuis des mois avec force, que ce soit via des textes publics ou des vidéos. Refuser d’en faire davantage (avec de moins en moins de moyens).

Une expression est ressortie cependant à plusieurs reprises de la bouche de directeurs ou directrices d’organismes, soit le besoin de « sensibiliser leurs employé-e-s à l’overtime ». Façon de remettre la faute de l’overtime sur les épaules des employé-e-s, mais ni sur les directions ni sur la structure des organismes, et encore moins sur les bailleurs de fonds. Si les employeurs acceptent les exigences de rendement qu’imposent les bailleurs de fonds, tout en nous sachant souvent « low staff », il est inconséquent de demander aux salarié-e-s d’offrir les mêmes services, mais en moins de temps.

 

Financement, bureaucratisation et paperasse

Évidemment, l’enjeu principal demeure : le sous-financement et le financement par projet. Quelques personnes ont évoqué la possibilité de faire pression sur les partis politiques dans le cadre des campagnes électorales. Tenter de nouveau de faire une grève du communautaire, avec peut-être des objectifs plus clairs et de manière décentralisée que celle avortée du 7 février dernier. Et de ratisser plus large et d’en parler davantage. Mais surtout de mobiliser une des bases mêmes des organismes : soit les salarié-e-s!

[À ce sujet, une anecdote personnelle et un parallèle avec la Journée de réflexion : à ce jour, très très peu d’employé-e-s d’organismes avec un mandat de santé et services sociaux (telle la prévention des ITSS) à qui je parle avaient entendu parler de cette grève manquée du 7 février dernier. Tout comme peu de mes collègues en intervention avaient entendu parler de cette journée de réflexion sur nos conditions de travail. Visiblement, si ce sont les coordos ou directions qui reçoivent une invitation à parler des conditions de travail du milieu, il y a peu de chance que ça se transmette aux employé-e-s. Imaginez alors parler de faire grève…]

Pour ce qui est des enjeux de précarité liés au financement par projet plutôt qu’à la mission, peu de solutions ont été mises de l’avant, outre d’en faire une revendication de grève. Nous avons mentionné à quelques reprises de s’attaquer à certains bailleurs de fonds privés comme Centraide, qui participent activement à cette culture entrepreneuriale, mais personne n’a repris la balle au bond, ce qui en soit en dit long sur le manque d’analyse que nous avons de notre propre « industrie » de travail.

 

Se faire entendre en tant que travailleuses et travailleurs

Une annonce a été faite, à savoir qu’une association nationale de travailleuses et travailleurs du communautaire serait créée dans les prochains mois. Peu de détails ont été dévoilés. Comme son assemblée de création n’a pas eu lieu, il est difficile de dire quel sera son mandat, mais nous pouvons soupçonner qu’il s’agira de faire valoir nos droits, de revendiquer un meilleur financement, etc.

En posant quelques questions dans les semaines suivantes à des personnes impliquées dans sa création, nous avons certaines réserves, voire inquiétudes, mais le projet nous intéresse malgré tout.

Déjà, avoir un espace où proposer des actions, où échanger et parler de nos conditions de travail est en soi intéressant. De pouvoir se regrouper est quasiment un luxe, considérant toutes les tâches qui nous incombent et nous pèsent. Ce sera certainement un projet dans lequel il pourra s’organiser des actions concernant les métiers que nous faisons.

Cependant, quelques inquiétudes demeurent. Premièrement, qui pourra en faire partie? Est-ce que seront qualifié-e-s de travailleurs et travailleuses les personnes qui ont des pouvoirs d’embauche et de renvoi au sein de nos organismes? Supposons qu’on se met à parler de syndicalisation, allons-nous faire face à un groupe interne qui s’y opposera farouchement? Ou simplement à parler d’autogestion, de conflits internes, de rapports de pouvoir au sein de nos organismes… Parlera-t-on de conditions de travail ou seulement de sous-financement de manière générale? La question se pose.

 

Syndicalisme de solidarité et autogestion

Évidemment, nous avons prêché à plusieurs pour des solutions qui nous ressemblent. Contre une certaine frilosité à se syndiquer sous un modèle traditionnel, nous avons parlé de mettre de l’avant un syndicalisme de solidarité. À savoir se mobiliser, nous la base, par et pour nous-mêmes, de manière à non seulement parler de sous-financement, mais également à remettre au goût du jour l’autogestion au sein des organismes communautaires dans lesquels nous travaillons. Mais aussi pour pouvoir aborder des sujets comme le harcèlement, les rapports employé-e-s versus directions/conseils d’administration, etc. C’est pourquoi notre syndicalisme se fait sur une base volontaire, pour permettre aux gens de se faire entendre selon leurs besoins.

Nous avons mentionné l’importance de ne plus rester impassibles lorsqu’un organisme se fait couper. Et je crois que cet objectif demeurera pour nous un de nos mandats principaux : faire valoir la solidarité au sein des personnes qui travaillent dans le communautaire. Parce c’est ensemble que nous avons un rapport de force et que nous pouvons protéger nos organismes.

 

Conclusion

En somme, ce fut une rencontre intéressante. Nous espérons qu’elle ne sera pas qu’un exercice isolé et qu’elle sera suivie d’une réflexion plus générale et plus large. Les organismes qui l’ont organisée ont entamé quelque chose d’important, nous espérons que ça se poursuive et que des suites lui soient données.

La rencontre fut somme toute à l’image du communautaire : nous connaissons  bien les problèmes que nous vivons, nous avons une bonne idée des solutions à notre portée, mais le passage à l’action est nébuleux, voire incertain.

Quoi qu’il en soit, de notre bord, nous apporterons toute l’aide que nous pourrons à nos collègues du milieu, et nous les invitons à nous contacter. Plus nous serons nombreuses et nombreux, plus notre voix portera.

 

An injury to one, an injury to all!

 

Des membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire.

Triste bilan

Le RQ-ACA et la lutte

Depuis quelques années, le RQ-ACA (Réseau québécois de l’action communautaire autonome) et ses fronts régionaux sont les canaux par lesquels les groupes communautaires de l’Action Communautaire Autonome (ACA) portent leurs revendications en matière de financement et de reconnaissance face aux différents paliers de gouvernement, à travers la campagne “Engagez-vous pour le communautaire”.

 

Les critères pour faire partie des groupes d’action communautaire sont les suivants : être un organisme à but non lucratif, enraciné dans la communauté, avoir une vie associative et démocratique, et avoir la liberté de déterminer sa mission, ses approches, ses pratiques et ses orientations. Pour être qualifiés d’autonomes, on y ajoute qu’il doit avoir été constitué à l’initiative des gens de la communauté, poursuivre une mission sociale qui lui est propre et favorise la transformation sociale, avoir une approche  axée sur la globalité de la problématique abordée et être dirigé par un CA indépendant du réseau public. Dans nos groupes, c’est généralement envers nos membres, militant.e.s et/ou usagers et usagères que nous avons des comptes à rendre.

 

L’ACA rassemble des groupes intervenant sur des axes très diversifiés : femmes, LGBTQ, défense de droits, réduction des méfaits, éducation populaire, associations de familles, ressources d’hébergement, coopération internationale, écologie, etc. Des assemblées sont tenues périodiquement, par région, afin que les membres participent à l’élaboration des grandes lignes du plan d’action qui définira la lutte nationale.

 

Parmi les moyens utilisés, on retrouve des campagnes d’affichages, la distribution des autocollants “Je soutiens le communautaire”, des conférences de presses, publication de textes, représentations à différentes instances, manifestations, actions “dérangeantes” et finalement la grève, comme celle avortée du 7 février.

 

Le discours porté est grosso modo le suivant : l’État doit réinvestir dans le communautaire afin qu’on puisse accomplir notre mission et maintenir (ou augmenter) nos services, des suites de luttes historiques, on a réussi plusieurs gains dont on veut sauver ce qui est maintenant un acquis.

 

Le (manque de) financement du communautaire

Depuis quelques décennies, on voit un changement au niveau du financement étatique. Des fondations privées prennent une place de plus en plus importante et amènent avec eux des exigences de rendement et d’efficience, bref faites plus avec moins. Dans les plus connues, il y a Centraide, la Fondation Chagnon, etc. Ceux-ci donnent du financement sur demande en fonction de leur jugement vis-à-vis la mission, les services, rapports d’activités, etc. Ces bailleurs de fonds exigent des rendements de compte spécifiques d’un point de vue qualitatif et quantitatif. En mode survie, le communautaire n’a pas le choix de se tourner vers ces bailleurs de fonds pour survivre. Et bien malgré nous, par moment, on doit dénaturer nos missions et mandats pour répondre aux critères de financement. L’État semble aussi de plus en plus enclin à agir ainsi dans l’attribution de fonds.

 

Les groupes en ACA sont importants et méritent d’être financés, mais ne sont pas les seuls éléments du communautaire. Plusieurs salarié.e.s du communautaire doivent à la fois composer avec un financement précaire, et leur tutelle sous des instances externes (CIUSS/CLSC, YMCA, fondations, hôpitaux, etc.). C’est le cas des pair.e.s aidant.e.s qui sont considéré.e.s comme faisant partie d’un projet spécifique sous tutelle et qui sont ensuite envoyé.e.s dans divers groupes, mais ne sont pas toujours traités également face aux intervenant.e.s permanent.e.s de ces organismes.

 

La lutte est personnelle

Le travail dans le communautaire est, pour plusieurs d’entre nous, beaucoup plus qu’un job, c’est une vocation. Il reste que concrètement, un.e salarié.e occupant la même fonction dans une ressource gouvernementale ou même dans le privé a de bien meilleures conditions. Notre vocation doit elle nous laisser dans la pauvreté?

 

Qui parmi nous, travailleurs et travailleuses, bénévoles et militant.e.s du communautaire, n’a pas vu de collègues ou camarades partir en burn-out? Qui ne connait pas quelqu’un.e qui a vu son poste aboli ou ses heures coupées par manque de financement? Combien sommes-nous à sauter de contrat en contrat et nous retrouver au chômage chroniquement ? Combien d’équipes de travail ou de CA ont eu à faire des choix difficiles tel celui de maintenir un poste ou de couper dans les assurances, pensions et/ou autres avantages sociaux? Et on en passe! C’est ça la réalité dont on se jase entre travailleurs et travailleuses du milieu communautaire.

 

On semble faire du surplace depuis des années, et nos luttes sont fragmentées. Tout le monde essaie de tirer un bout de la couverture de leur côté en espérant se faire redonner une partie du montant qu’on s’est fait couper, ou encore voir notre financement être indexé. Dès que ça reçoit une partie de ce que ça espérait, ça se retire de la lutte. Les actions visant nos bailleurs de fonds étatiques ne sont pas à la hauteur de notre potentiel. D’année en année, les mêmes stratégies sont répétées : représentations à diverses instances, pétition et lettre, puis une occupation temporaire très symbolique d’un hall d’entrée de bureaux gouvernementaux ou de grands joueurs financiers.

 

Le financement de nos groupes doit non seulement nous permettre de continuer nos activités, il doit permettre un salaire et des conditions viables pour tous et toutes. Bien souvent les organismes doivent puiser à même leurs fonds pour permettre de payer adéquatement les salarié.e.s engagé.e.s pour un projet temporaire. Ça a assez duré. Nous ne pouvons supporter plus longtemps d’être le cheap labor de l’État en matière de services sociaux. Nos bailleurs de fonds peuvent peut-être museler nos groupes, organismes et projets, mais ils ne pourront museler les travailleuses et travailleurs qui les portent à bout de bras. Joignez-vous au Syndicat des travailleurs et travailleuses du communautaire!

 

Rage et Solidarité,

Un membre du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire.

Financement et fondations privées

Avec le développement du néo-libéralisme, la philanthropie a pris une place de plus en plus importante dans le financement du communautaire. En effet c’est payant pour les riches de ce monde, outre de cacher leur argent dans des paradis fiscaux, de créer des fondations privées afin de ne pas payer d’impôts comme tout le monde. C’est ainsi que la famille Chagnon, ancienne propriétaire de Vidéotron, a pu économiser autour de 460M$ en impôts en choisissant par elle-même où investir ces montants qui devraient être redistribués pour le bien commun. Dans une note publiée en mars 2018, Maxim Fortin, chercheur associé à l’IRIS, fait état de l’impact du financement des fondations privées sur l’action communautaire.

 

Parmi les problèmes soulevés, on peut d’emblée noter le manque de démocratie, de transparence et de respect envers l’autonomie des groupes d’action communautaire autonome. Les conseils d’administration de fondations telles celle des Chagnon sont très généralement composés de gens d’affaires et amis de la famille. Ainsi, le CA de Chagnon est majoritairement composé du réseau d’affaire d’André Chagnon. Pour certains projets, on va chercher l’expertise d’universitaires ou de représentant-es du réseau public de la santé et des services sociaux. Le choix des projets et campagnes se fait en fonction des intérêts des dirigeants et selon des principes propres au capitalisme : efficience, retours sur investissements, impact, réussite individuelle, etc. On remarque que les groupes communautaires ne sont pas invités à la table de prise de décisions. On nous confie la mise en oeuvre des projets, sans égard à nos missions premières, notre expertise et l’existence d’instances qui travaillent déjà sur les enjeux visés. Dans ce contexte, certains enjeux ou causes sont oubliés parce que moins vendeurs, entre autres la défense des droits.

 

Aussi, l’émergence des fondations privées coïncide avec un retrait de l’État au niveau du financement des services sociaux et de santé publique, qui ont été sous-traités à nous, travailleurs et travailleuses du communautaire, sans que notre financement augmente de façon significative. En effet, on le sait bien, la tendance est à la baisse au niveau de l’entrée d’argent pour nos groupes. Malgré que les fondations philanthropiques soient critiques du désinvestissement de l’État, elles participent tout de même à cette dynamique.  Les grands philanthropes sont bien conscients de ne pas disposer des ressources permettant de remplacer l’État comme garant du filet social.

 

Le financement récurrent, tant public que privé, étant de plus en plus rare, les groupes communautaires n’ont souvent d’autre choix que modifier leur raison d’être afin de se conformer aux exigences des bailleurs de fonds. Cela comprend une tendance à la professionnalisation du milieu communautaire et à sa dépolitisation. On passe donc d’une logique de lutte d’émancipation à une logique de service, qui se concrétise par l’imposition d’évaluations de nature quantitative et par l’adaptation des communautés au contexte socio-économique actuel et non à une transformation de celui-ci. Si on ne fait que du service, les problèmes vécus collectivement par l’ensemble de la classe ouvrière demeurent. Cette logique est explicite dans la manière dont Chagnon formule sa mission, qui est de « prévenir la pauvreté en contribuant à la réussite éducative des jeunes […] nous entendons par réussite éducative le développement du plein potentiel de l’enfant afin que devenu adulte, il soit autonome et accompli, instruit, qualifié et habile socialement. » Ainsi, le philantrocapitalisme de la fondation Chagnon se base sur la conviction que la réussite individuelle enrichit notre avenir collectif et que le succès d’un individu rapporte à la société. Lorsque la fondation Chagnon parle de succès, elle entend l’activation par l’emploi.

 

À l’IWW, nous pensons que c’est par les luttes collectives contre les injustices que l’on s’émancipe et que l’ascension d’un individu n’a rien à voir avec l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble de la communauté. L’émancipation d’une communauté est incompatible avec le modèle de charité individualiste prôné par Chagnon. Elle s’inscrit plutôt dans une optique de défense collective des droits et de reprise en charge de notre vie.

 

Solidarité,

X377511 et X360341 pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses du communautaire.

Travailleur du communautaire : Pourquoi je manifeste le 1er mai

Je travaille comme intervenant dans le milieu communautaire depuis quelques années. Avant ça, j’ai eu un tas de jobs différentes dans plusieurs industries. Plongeur, sondeur téléphonique, caissier, aide-cuisinier, manutentionnaire, peintre en bâtiment, concierge, commis, préposé au service à la clientèle, name it.

Le mal a peut-être changé de place, mais la situation change pas tant : j’ai toujours un employeur qui profite de moi. Sauf que cette fois-ci, l’employeur, il a une mission « humaniste » derrière laquelle se cacher. Et si ce n’est pas l’employeur directement qui en veut plus de moi pour le moins possible, ce sont les bailleurs de fonds, privés ou étatiques.

Je ne suis pas seul. Les travailleuses (et travailleurs) du communautaire ne l’ont pas facile. Des raisons de manifester et d’être écoeuré-es, il ne nous en manque pas.

Nos conditions ne s’améliorent pas. Nos salaires stagnent. Beaucoup sont en mode survie d’une paie à l’autre. Et pourtant, on nous en demande de plus en plus. L’État se déresponsabilise : les services publics et le filet social mangent la volée, les personnes avec qui l’on travaille aussi par le fait même, nous devons donc compenser avec les moyens du bord.

Le mode de financement des organismes nous garde systématiquement en précarité. Nos postes sont subventionnés au « projet », souvent pour un an, sans aucune garantie d’être renouvelés. On bosse donc à tisser des liens avec des personnes qu’on aide et accompagne (parce qu’on travaille avec des êtres humains, souvent maganés), sans trop savoir si dans six mois, un an, nous pourrons continuer. C’est aussi inquiétant pour nous que malsain pour les relations que nous tentons de maintenir avec les gens qui fréquentent nos ressources.

On se brûle. Comme dans le système de santé, les cas de burn out sont monnaie courante. Dans quasiment tous les organismes avec lesquels je collabore dans le cadre de mon travail, il y a au moins une personne ayant été en arrêt de travail maladie dans la dernière année. Et quand une personne quitte, avec nos charges de travail qui augmentent, ce sont d’autres travailleuses ou travailleurs qui se magasinent un épuisement professionnel. C’est le burn out musical…

Heureusement, nous ne sommes pas seul-e-s. Il y a de quoi s’inspirer du mouvement des infirmières et des employé-e-s de la santé. Des voix s’élèvent. On s’organise petit à petit. Il n’en tient qu’à nous à se mobiliser. Notre meilleure arme demeure notre solidarité, qu’importe où nous travaillons. Organisation communautaire, intervention, animation, on travaille toutes et tous en collaboration et nous sommes dans le même bateau (qui fuit…). C’est pourquoi, que vous travaillez dans le communautaire, en santé, en restauration, en construction, etc., le 1er mai, je marche avec vous.

 

Solidarité,

Un membre du comité communautaire du Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses (SITT-IWW Montréal)

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On s’laissera pas faire! Près d’une centaine de manifestant-es défilent dans Centre-Sud.

Face aux coupures dans le financement, divers organismes communautaires montréalais se sont réunis
hier dans le but de faire connaître leur mécontentement. Une manif fut organisée en collaboration avec
l’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues (AQPSUD), le Groupe d’intervention par les pairs (GIAP) et plusieurs camarades du SITT-IWW Montréal afin de manifester leur soutien et de joindre leurs voix à celles des travailleurs et travailleuses du secteur qui en ont plus que marre de
devoir déshabiller paulette pour habiller pierre! En chanson, le groupe Union Thugs s’est fait porte voix
de la cause défendue en cette journée, et le groupe SOS Itinérance s’est chargé de nourrir les affamé-es
qui ont sillonnés les rues du Centre-Sud.

Cette année, c’est le Festival d’Expression de la Rue [FER] qui a fait les frais des ciseaux aiguisé du
gouvernement Trudeau, pourtant ce ne sont pas les sous qui manquaient (500 millions de dollars) pour
célébrer, l’espace d’une journée, les 150 ans de la fédération canadienne: triste héritage colonial du
raciste John A. Macdonald. Compte tenue des réductions constantes dans les budgets alloués par les
différents paliers gouvernementaux, les travailleurs et travailleuses du GIAP, comme d’autres, ont dû
faire des choix déchirants: « dans un contexte où nous peinons à maintenir nos services réguliers, nous
manquions de ressources pour organiser le festival. » Au municipal, on ajoute l’insulte à l’injure en
investissant des dizaines de millions de dollars dans des frivolités telles que la formule e et l’illumination d’un
pont rouillé aux os. On sent bien que malgré ses belles paroles, le maire Coderre se fout bien des impacts sur
la population de ses choix financiers digne d’un enfant roi dans un Toys-R-Us pour milliardaire… C’est
pourquoi la 21e édition du FER n’aura pas lieu en 2017.

Le FER c’est une tradition, un lieu de réjouissance mais aussi d’échange: un des rares espaces publics
où les gens.es de la rue peuvent se sentir inclus et non chassés par des gardes de sécurité en quête
d’émotions fortes. D’ailleurs, cette situation se fait de plus en plus sentir dans le bas de la ville avec les
divers projets de ‘’revitalisation’’ des espaces publics tel que le méga projet des ‘’Jardins Gamelins’’ qui a servi à mettre en place un système d’apartheid social en retirant de force l’accès à la place Émilie-Gamelin aux personnes itinérantes qui y séjournaient depuis toujours.

C’est donc pourquoi nous avons pris la rue, pour ceux et celles qui y vivent, y travaillent et l’on a cœur.
C’est aussi pourquoi nous croyons qu’en tant que membres du SITT-IWW nous devons tisser des liens
forts avec toutes celles et ceux qui se battent quotidiennement pour assurer la santé et la sécurité des
population stigmatisés par les gouvernements capitalistes, les banquiers, les patrons et les riches
propriétaires. Ensembles nous crions: On s’laissera pas faire!

Kacim

Travailleuses et travailleurs du communautaire, jetables après usage?

Témoignage d’Audrey, paru dans le premier volume de La Sociale, en mars 2014.

J’ai commencé à travailler pour l’employeur, dont il sera question dans le présent témoignage, le 3 septembre 2013. J’étais une employée à temps plein, contractuelle, mais permanente, relativement aux renouvellements de subventions accordées par les différents paliers de gouvernement. J’étais travailleuse de milieu pour une maison des jeunes. L’ambiance de travail a toujours été stressante, accablante; l’employeur a souvent fait preuve d’agressivité verbale et de mépris face aux employé-e-s. Mais je chérissais tout de même mon emploi pour la clientèle avec laquelle je travaillais. Des jeunes agé-e-s entre 9 et 12 ans vivant diverses problématiques d’immigration, de pauvreté, de questions existentielles, etc. Mon travail, c’est l’essence même de ce que je suis et cela prévalait largement sur les nombreuses montées de lait de la coordonnatrice.

En date du 19 décembre 2013, je me suis retrouvée en arrêt de travail dû à une récente agression dont j’ai été victime (non dans le cadre professionnel). Suite à l’agression, je suis allée travailler, comme si de rien n’était, mais surtout sous le coup de l’adrénaline, jusqu’à ce que j’explose quelques jours plus tard. Le 3 février, veille du jour de mon retour au travail, je reçois un appel de ma coordonnatrice, à 20h37 me disant que mes services n’étaient plus requis, que mon attitude vis-à-vis le travail était négative. Je suis littéralement sidérée. Des collègues m’ont épaulé et se sont levé-e-s face à l’employeur, protestant que j’adorais mon travail, que je remplissais mes tâches adéquatement en allant même au-delà de celles-ci, que j’apportais beaucoup à l’équipe et aux jeunes…
L’un d’eux a même soulevé l’idée de m’accorder quelques semaines d’arrêt, payées (parce
que nous avions des assurances) afin de me donner pleinement le temps de me remettre, ce que la coordonnatrice a balayé de facto. Certain-e-s jeunes ont même écrit des lettres exprimant à quel point elles et ils étaient attristé-e-s par mon départ, rien n’y fit. Plus malséant encore, deux semaines plus tôt, soit le 20 janvier, ma permanence m’était accordée par le conseil d’administration et je n’ai pas mis les pieds sur mon lieu
de travail entre l’octroi de ma permanence et mon congédiement. Après m’être informée, j’ai su qu’ils avaient le droit de me congédier s’ils jugeaient que l’agression dont j’ai été victime pouvait compromettre mes capacités à m’acquitter adéquatement de mes tâches.

Bien qu’ils devront se défendre devant les Normes du Travail à savoir pourquoi diable m’ont-ils octroyé ma permanence pour me la révoquer deux semaines plus tard sous des
motifs quelque peu houleux, je doute qu’ils seront sanctionnés. Bref, nous, travailleuses et travailleurs du communautaire, sommes trop souvent à la merci et au bon vouloir de nos employeurs, au détriment de notre humanité.

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La Sociale, Journal des Travailleurs et Travailleuses du Secteur Communautaire

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QU’EST CE QUE LA SOCIALE?
La Sociale est le nouveau journal d’organisation des travailleurs et des travailleuses du secteur communautaire, fruit d’une campagne de l’Industrial Workers of the World (IWW) de Montréal.
Nous cherchons à regrouper les gens qui travaillent dans l’ensemble du secteur communautaire dans le but de bâtir une solidarité syndicale présente dans l’ensemble du réseau ainsi qu’un rapport de force vis-à-vis des bâilleurs de fonds qui contrôlent, bien souvent, nos conditions de travail. En effet, plusieurs travailleurs et travailleuses du milieu subissent du harcèlement psychologique au travail ou sont victimes de coordonnateurs et coordonnatrices qui contrôlent tout, surtout dans les petits organismes. D’autres groupes, souvent les plus gros, sont gérés carrément comme des entreprises privées à but lucratif et brassent beaucoup d’argent tout en donnant souvent, paradoxalement, de moins bonnes conditions de travail aux employé- e-s.
Il est important de s’organiser pour que les travailleuses et travailleurs du secteur soient bien traité-e-s par leur employeur…