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En grève pour la planète

Nous sommes en 2019. La situation sur la Terre est catastrophique. La couche d’ozone est en voie d’être complètement détruite par les gazs carboniques des voitures, l’industrie chimique, et le push-push en cacane. Résultat : la Terre se meurt sous les rayons du soleil. Il faudrait éventuellement trouver une nouvelle planète où déménager 8 milliards de tatas, mais une providentielle série pour enfant ayant bercé une génération complète de ces tatas nous ayant prévenu que les gouvernements et le grand Capital n’apprendront jamais de leurs erreurs, la population terrienne décide de se mettre en grève pour sauver ce qu’il reste à sauver.

 

Alors qu’en juillet 2017, le journal britannique The Guardian publiait les résultats d’une étude démontrant que seules 100 compagnies sont responsables de plus de 70% des émissions globales, il devient de plus en plus dérangeant de parler de choix personnels et de jouer le jeux de la culpabilisation ou de la morale pour traiter d’écologie. Si des espèces animales disparaissent, que le nombre de morts humaines dues aux vagues de chaleur augmentent été après été et que nos années sur Terre sont comptées, ce n’est pas parce que le bac de recyclage du voisin n’est pas assez plein ou que notre collègue a oublié de mettre son trognon de pomme au compost.

 

Juste à Montréal, ce sont plus de 150 000 de personnes qui se sont rejointes au pied du Mont-Royal le 15 mars 2019 pour manifester leurs craintes face à l’avenir et exiger du gouvernement et des compagnies des actions immédiates. En matinée, la Commission Scolaire de Montréal annonçait devoir fermer les portes de plusieurs de ses établissement d’enseignement secondaire suite aux pressions de nombreux étudiants et nombreuses étudiantes qui ont formé des chaînes humaines afin d’empêcher les cours d’avoir lieu. Dans plusieurs quartiers, le voisinage des écoles primaires a pu assister durant les récréations ou après l’école à des manifestations d’enfants accompagné-e-s de leurs enseignant-e-s. Loin d’être confinées à Montréal, on recensait une dizaine d’actions prévues à travers la province, dont à Québec où plusieurs milliers de manifestant-e-s prirent d’assaut les rues. Rappelons que les membres de 120 associations étudiantes issues de 35 établissements différents étaient en grève ce vendredi. Ces dernières ont d’ailleurs pu compter sur le support de nombreux groupes citoyens, organismes communautaires et syndicats comme le SITT-IWW, la Fédération Autonome de l’Enseignement, la CSN et le Syndicat des Employé-e-s du Vieux Port pour n’en nommer que quelques-uns.

 

À travers le monde, la vague écologiste s’est étendue à plus de 125 pays, pour un total de 2083 actions enregistrées et mais ce n’est qu’un début! L’organisation Earth Strike, annonce d’emblée de nouvelles manifestations pour le 27 avril, afin de profiter du momentum du 1er mai pour resserrer les liens avec les organisations syndicales, et le 1er août, comme répétition générale, afin que le mouvement culmine vers une Grande Grève Générale Mondiale visant à sauver la planète, le 27 septembre.

 

« A revolutionary ecology movement must also organize among poor and working people. With the exception of the toxics movement and the native land rights movement most U.S. environmentalists are white and privileged. This group is too invested in the system to pose it much of a threat. A revolutionary ideology in the hands of privileged people can indeed bring about some disruption and change in the system. But a revolutionary ideology in the hands of working people can bring that system to a halt. For it is the working people who have their hands on the machinery. And only by stopping the machinery of destruction can we ever hope to stop this madness. »  ― Judi Bari (1947-1997), IWW et Earth First!

 

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Crédit Photo: Patrick Sicotte

Retour des grèves en enseignement aux États-Unis

Retour sur les événements de l’an dernier

Lancé le 22 février 2018 par les enseignants et enseignantes du niveau secondaire de West Virginia, le mouvement de grève de 2018 s’est étendu au corps professoral des États d’Oklahoma, d’Arizona, du Kentucky, de North Carolina, du Colorado, de Washington, New-York et d’Illinois. Bien que les vagues de grèves aient été plus petites dans ces 4 derniers États, elles ont néanmoins permis au mouvement de sortir des limites du métier pour aller chercher les professeur.es associé.es de la Virginia Commowealth University et les chauffeur.es d’autobus scolaires de Georgie.

Alors que la Maison Blanche se bornait à répéter ne pas avoir d’argent dû aux coûts des pensions de vieillesses (un discours qui nous rappelle quelque chose?), les demandes des enseignants et enseignantes étaient claires: de meilleures conditions de travail et un plus grand financement en éducation. Or, comme à chaque fois que le patronat ou l’État refuse de délier les cordons de la bourse (qui se remplie à même le travail que nous faisons et les impôts que nous payons), il ne suffit que de brasser un peu la cage pour finalement réaliser que de l’argent s’y trouvait effectivement. Les gains furent massifs: réinvestissement en éducation via la taxe sur le tabac, augmentation des salaires de 5% à 25% et augmentation du salaire des employé.es de soutien ne sont que quelques-uns des gains effectués en 2018.

 

Los Angeles, Denver et Oakland relancent le bal!

Or le mouvement qui semblait s’être essoufflé depuis le mois de mai vient de réapparaitre sur le radar, cette fois via le Los Angeles Teacher Union, la Oakland Education Association (Californie) et le Denver Teacher Union (Colorado). Que demandent-ils et elles? La même chose que tout le monde! Une augmentation dans le financement des institutions afin d’offrir un environnement d’apprentissage sans moisissure et où chaque élève pourra se vanter d’avoir une chaise et un pupitre où travailler et les livres nécessaires à son apprentissage. Des conditions de travail décentes pour un métier qui peine à garder ses travailleurs et travailleuses et où la stabilité des employé.es est plus que nécessaire pour le bien-être des principaux intéressé.es: les enfants et les adolescent.es. Alors qu’au Québec c’est un.e enseignant.e sur 5 qui abandonne avant sa 5e année de carrière, aux États-Unis on parle d’un taux d’abandon définitif de 8% chaque année, toutes anciennetés confondues.

Comme dans de trop nombreux syndicats américains et canadiens, l’un des principaux obstacles auquel ont fait face les enseignants et enseignantes du sud de la frontière était la tiédeur du leadership syndical qui, on le sait, bien qu’élu pour représenter leurs membres, développe assez vite le complexe de ceux et celles qui savent mieux que les autres. Ces exécutant.es ne croient pas en la combativité de leurs membres et quand bien même qu’ils y croiraient, ils et elles ne croient pas non plus que combattre puisse amener quoi que ce soit, vaut mieux éviter le pire et demander le minimum. La grève des enseignant.es de Los Angeles, coït interrompu après 6 jours, en est un bon exemple. Ainsi, si la centrale et le corps enseignant qu’elle représente peuvent se réjouir d’avoir obtenu une augmentation de salaire de 6%, une diminution de la taille des classes et l’embauche de bibliothécaire et d’infirmer.es supplémentaire, la section commentaires de la page facebook de l’UTLA présente un goût amer. On reproche principalement à la centrale son mode de scrutin en ligne qui, n’ayant été ouvert que quelques heures, a empêché des milliers d’enseignants de participer au vote sur la ratification de l’entente. Rappelons que si le 6% d’augmentation n’est pas anodin, l’Arizona et la Virginie ont vu leur salaire augmenté de 20 et 25% suite aux moyens de pression effectués en 2018. Pourquoi le leadership de l’UTLA s’est-il borné à un maigre 6%? Mystère et boule de gomme.

 

Inutile de le souligner, le problème avec ce manque de vision de la part du leadership syndical est que cela crée un nouveau standard qui dépasse les limites de la convention ou du lieu de travail. Chaque fois qu’un syndicat accepte une entente à rabais, voir le statu quo ou pire encore ‘’un moindre recul’’ comme nous commençons à en avoir l’habitude au Québec, c’est un pas de plus vers la normalisation des défaites. Une accentuation de la pente à grimper pour ceux et celles qui voudraient plus. D’autant plus que pendant que nous émoussons nos armes, l’État continue d’affuter les siennes. Alors que le Québec commence à découvrir que les lois spéciales sont de moins en moins spéciales, les salarié.es de l’État d’Oklahoma doivent déjà préparer leur prochaine bataille alors que vient d’être déposé un projet de loi visant à criminaliser les enseignant.es qui voudrait en découdre avec leur sénateur. An injury to one is an injury to all, a manque de combativité to one is a manque de combativité to all.

En dépit de la lâcheté de certains leaders syndicaux et de la répression des leaders politiques, ce que les enseignants et enseignantes des États-Unis ont réussi à prouver est qu’il est encore possible de s’organiser avec ses collègues. Qu’il est possible de le faire localement s’en se soucier d’une centrale inerte en organisant un walk-out totalement illégal, mais parfaitement légitime, comme il est possible de reprendre le contrôle de ses assemblés et d’amener son syndicat à reprendre le rôle qui lui revient historiquement: Celui de s’assurer non seulement de notre bien-être en tant que salarié.es, mais aussi celui de porter un projet de société plus grand pour tous et toutes.

 

Solidarité,

Mathieu Stakh.

Crédit photo: thenation.com

 

Mission Accomplie au show des précaires du communautaire

Le Show des précaires du communautaire, quelle belle soirée de solidarité ce fut pour nous, membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire!

 

Comme syndicat « par et pour », nous n’avons pas les moyens financiers d’un groupe patronal, conséquemment, les tribunes pour s’exprimer ne sont pas monnaie courante. En fait, pour avoir la parole, nous ne pouvons attendre qu’on nous la tende, nous devons la prendre. C’est dans cette optique que l’on voulait que se déroule ce spectacle et c’est pourquoi nous voulions prêter le micro à des personnes, des organismes et des artistes qui nous ressemblent.

 

Pouvoir exprimer notre écœurement, notre fatigue, notre rage et notre solidarité devant et avec des camarades, c’est un privilège. Dénoncer le sous-financement qui nous affecte, nous brûle, les conditions qui minent notre travail, les menaces que des bailleurs de fonds comme Centraide font peser sur des groupes de défense de droits comme l’Organisation Public des Droits Sociaux  du Grand Montréal (OPDS-RM), le sexisme du filet social, tout en riant et écoutant des camarades et collègues jouer sur scène, voilà pourquoi nous avons organisé ce spectacle.

 

Et nous n’aurions pas pu espérer une meilleure réception, autant de monde. Ce fut pour nous un succès!


Un peu d’humour


Le show des précaires du communautaire a débuté avec la solide prestation de Colin, le fils de Christian Vanasse, qui semblait avoir 20 ans d’expérience à donner des shows devant publics. Les précaires du communautaire ont donc pu découvrir le prochain prodige de l’humour québécois. Ensuite c’est le père qui a fait son entrée en enchaînant les blagues contre les gens qui nous exploitent et les contradictions que le capitalisme fait peser sur nos conditions de vie. Par la suite sont arrivés les deux gauchistes par excellence de l’humour québécois : Colin Boudrias et Fred Dubé. Colin nous a fait plusieurs blagues de son répertoire politique, dont celle sur le faux-véganisme. Tandis qu’Anarcho-taquin (Fred) nous ait arrivé avec ses blagues anticapitalistes et militantes d’extrême-gauche. Enfin, Catherine Ethier nous a ébloui.e.s encore une fois de sa verve incroyable remettant en question plusieurs problématiques de notre société.

 

 

Après les humoristes, place à la musique!

Le duo Assonance Acoustique,  accompagnée de leur fille, nous a offert une prestation à couper le souffle! Le choix des chansons, douces et mélancoliques, chantées par la voix enlevante de Izabelle a su conquérir la salle et après avoir ri un brin, nous ramener dans la mélancolie de ce travail et cette lutte qu’est la nôtre. Assonance Acoustique a ensuite fait place aux Union Thugs, qui ont lancé leur partie avec un discours bien senti sur les injustices qui sévissent dans le milieu depuis trop longtemps.

 

 

En guise d’approbation, les spectateurs et spectatrices ont rapidement abandonné leur siège pour chanter en cœur Héros et Martyrs, une reprise du groupe parisien Brigada Flores Magon qui fait honneur à tous ceux et toutes celles mort.es au combat. Si la fin du concert fut éprouvante pour leur guitariste qui fêtait ses 25 ans et vu donc chaque chanson être entrecoupée d’une nouvelle ronde de shooters amenés par ses ami.es, pour nombreux et nombreuses dans la salle la reprise de Je Suis Fils de Corrigan Fest finissait de mettre la table pour le punk de The Awkwerz. Personne à son arrivée en milieu d’après-midi n’aurait pu s’imaginer que le petit bar des Sans-Tavernes allait se transformer en piste de danse pour un trash endiablé à peine quelques heures plus tard! Geneviève a, comme toujours, été une frontwoman de premier ordre. Crachant ses paroles et occupant le devant de la scène avec une présence inégalée ce soir-là au Bâtiment 7, la recette parfaite pour un parfait show des précaires du communautaire était officiellement complétée et on peut se dire : Mission Accomplie!

 

Tous les fonds récoltés au cours de la soirée ont été versés à L’OPDS-RM.

Solidarité pour toujours!

Syndicalisme, communautaire et journée de réflexion

Lendemain de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses

Le 2 mai dernier, une journée de réflexion sur les conditions de travail dans le communautaire était organisée par les organismes Au bas de l’échelle, le Centre de Formation populaire ainsi que le Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM).

Nous étions trois membres du comité communautaire des IWW Montréal à y assister. Ce fut une journée intéressante et bien organisée. Il y a eu matière à brasser des idées avec plus d’une centaine de personnes. Nos félicitations au passage à l’organisation. Plusieurs propositions ont été mises de l’avant; nous allons en mentionner quelques-unes, en expliquant les pour et les contre, ainsi qu’émettre certaines critiques que nous espérons constructives.

 

Contexte

Trois ateliers encadraient les discussions : les conditions de travail, la conciliation travail-vie personnelle et le milieu de travail. Les enjeux soulevés ont été principalement le manque de financement (majoritairement), le surmenage, les burnouts, le gros roulement de staff, la culture du martyr, le peu de liens des salarié-e-s avec leur conseil d’administration, le sexisme sur les lieux de travail, la bureaucratisation, le financement par projet (et donc la précarité), etc.

Ce sont, somme toute, des problèmes que la plupart d’entre nous qui travaillons dans le communautaire avons déjà constaté et qui pèsent sur nos épaules au quotidien.

Avant d’aller de l’avant, un petit aparté est nécessaire pour expliquer le contexte des discussions. Nous l’avons dit, une bonne centaine de personnes étaient présentes. Cependant la majorité de ces personnes étaient soit à des postes de direction, à la coordination avec un pouvoir d’embauche et de renvoi ou bien membre de conseil d’administration. C’est donc dire que nous parlions de nos conditions de travail avec des boss. Des boss visiblement soucieux de leurs salarié-e-s (et qui subissent eux-mêmes et elles-mêmes certains des enjeux discutés), mais des boss tout de même. Et les discussions en ont été teintées.

Également, pour être clair : les réflexions et critiques que nous apportons ici sont les nôtres, celles de syndicalistes.

 

Vocation versus emploi

Plusieurs personnes l’ont évoquée : il existe une culture du martyr au sein des organismes communautaires. Celle de ne pas compter les heures supplémentaires, d’accepter des conditions souvent précaires, et ce, sous prétexte que notre travail en est un de care. On travaille avec du monde précaire et souvent magané, notre travail est essentiel. Un peu le même discours que l’on sert aux infirmières et aux métiers dits féminins. Un hasard? Probablement pas. On dit également souvent du communautaire qu’il s’agit d’un travail ‘’militant’’. La frontière entre militantisme et travail n’est pas toujours clairement définie. Il est fréquent de voir des personnes se surmener au travail sur cette base, que la ‘’cause’’ mérite une couple d’heures supplémentaires non payées!

Des propositions intéressantes sont ressorties. Déconstruire ce discours premièrement. Expliquer la nature de nos emplois, de dénoncer ces situations de surmenage, comme justement les travailleuses de la santé le font depuis des mois avec force, que ce soit via des textes publics ou des vidéos. Refuser d’en faire davantage (avec de moins en moins de moyens).

Une expression est ressortie cependant à plusieurs reprises de la bouche de directeurs ou directrices d’organismes, soit le besoin de « sensibiliser leurs employé-e-s à l’overtime ». Façon de remettre la faute de l’overtime sur les épaules des employé-e-s, mais ni sur les directions ni sur la structure des organismes, et encore moins sur les bailleurs de fonds. Si les employeurs acceptent les exigences de rendement qu’imposent les bailleurs de fonds, tout en nous sachant souvent « low staff », il est inconséquent de demander aux salarié-e-s d’offrir les mêmes services, mais en moins de temps.

 

Financement, bureaucratisation et paperasse

Évidemment, l’enjeu principal demeure : le sous-financement et le financement par projet. Quelques personnes ont évoqué la possibilité de faire pression sur les partis politiques dans le cadre des campagnes électorales. Tenter de nouveau de faire une grève du communautaire, avec peut-être des objectifs plus clairs et de manière décentralisée que celle avortée du 7 février dernier. Et de ratisser plus large et d’en parler davantage. Mais surtout de mobiliser une des bases mêmes des organismes : soit les salarié-e-s!

[À ce sujet, une anecdote personnelle et un parallèle avec la Journée de réflexion : à ce jour, très très peu d’employé-e-s d’organismes avec un mandat de santé et services sociaux (telle la prévention des ITSS) à qui je parle avaient entendu parler de cette grève manquée du 7 février dernier. Tout comme peu de mes collègues en intervention avaient entendu parler de cette journée de réflexion sur nos conditions de travail. Visiblement, si ce sont les coordos ou directions qui reçoivent une invitation à parler des conditions de travail du milieu, il y a peu de chance que ça se transmette aux employé-e-s. Imaginez alors parler de faire grève…]

Pour ce qui est des enjeux de précarité liés au financement par projet plutôt qu’à la mission, peu de solutions ont été mises de l’avant, outre d’en faire une revendication de grève. Nous avons mentionné à quelques reprises de s’attaquer à certains bailleurs de fonds privés comme Centraide, qui participent activement à cette culture entrepreneuriale, mais personne n’a repris la balle au bond, ce qui en soit en dit long sur le manque d’analyse que nous avons de notre propre « industrie » de travail.

 

Se faire entendre en tant que travailleuses et travailleurs

Une annonce a été faite, à savoir qu’une association nationale de travailleuses et travailleurs du communautaire serait créée dans les prochains mois. Peu de détails ont été dévoilés. Comme son assemblée de création n’a pas eu lieu, il est difficile de dire quel sera son mandat, mais nous pouvons soupçonner qu’il s’agira de faire valoir nos droits, de revendiquer un meilleur financement, etc.

En posant quelques questions dans les semaines suivantes à des personnes impliquées dans sa création, nous avons certaines réserves, voire inquiétudes, mais le projet nous intéresse malgré tout.

Déjà, avoir un espace où proposer des actions, où échanger et parler de nos conditions de travail est en soi intéressant. De pouvoir se regrouper est quasiment un luxe, considérant toutes les tâches qui nous incombent et nous pèsent. Ce sera certainement un projet dans lequel il pourra s’organiser des actions concernant les métiers que nous faisons.

Cependant, quelques inquiétudes demeurent. Premièrement, qui pourra en faire partie? Est-ce que seront qualifié-e-s de travailleurs et travailleuses les personnes qui ont des pouvoirs d’embauche et de renvoi au sein de nos organismes? Supposons qu’on se met à parler de syndicalisation, allons-nous faire face à un groupe interne qui s’y opposera farouchement? Ou simplement à parler d’autogestion, de conflits internes, de rapports de pouvoir au sein de nos organismes… Parlera-t-on de conditions de travail ou seulement de sous-financement de manière générale? La question se pose.

 

Syndicalisme de solidarité et autogestion

Évidemment, nous avons prêché à plusieurs pour des solutions qui nous ressemblent. Contre une certaine frilosité à se syndiquer sous un modèle traditionnel, nous avons parlé de mettre de l’avant un syndicalisme de solidarité. À savoir se mobiliser, nous la base, par et pour nous-mêmes, de manière à non seulement parler de sous-financement, mais également à remettre au goût du jour l’autogestion au sein des organismes communautaires dans lesquels nous travaillons. Mais aussi pour pouvoir aborder des sujets comme le harcèlement, les rapports employé-e-s versus directions/conseils d’administration, etc. C’est pourquoi notre syndicalisme se fait sur une base volontaire, pour permettre aux gens de se faire entendre selon leurs besoins.

Nous avons mentionné l’importance de ne plus rester impassibles lorsqu’un organisme se fait couper. Et je crois que cet objectif demeurera pour nous un de nos mandats principaux : faire valoir la solidarité au sein des personnes qui travaillent dans le communautaire. Parce c’est ensemble que nous avons un rapport de force et que nous pouvons protéger nos organismes.

 

Conclusion

En somme, ce fut une rencontre intéressante. Nous espérons qu’elle ne sera pas qu’un exercice isolé et qu’elle sera suivie d’une réflexion plus générale et plus large. Les organismes qui l’ont organisée ont entamé quelque chose d’important, nous espérons que ça se poursuive et que des suites lui soient données.

La rencontre fut somme toute à l’image du communautaire : nous connaissons  bien les problèmes que nous vivons, nous avons une bonne idée des solutions à notre portée, mais le passage à l’action est nébuleux, voire incertain.

Quoi qu’il en soit, de notre bord, nous apporterons toute l’aide que nous pourrons à nos collègues du milieu, et nous les invitons à nous contacter. Plus nous serons nombreuses et nombreux, plus notre voix portera.

 

An injury to one, an injury to all!

 

Des membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire.

Aux Origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 5

Lors des récentes formations des organisateurs d’IWW, nous avons parlé du genre d’accords que les syndicalistes de la solidarité pourraient faire avec un patron. Après tout, nous visons à garantir de meilleures conditions et à en tirer parti, ce qui signifie , d’une part, de pouvoir négocier avec la direction et commémorer les accords que nous avons conclus.

 

Les lecteurs et lectrices de mes rubriques me verront régulièrement critiquer des éléments de contrats qui, à mon avis, doivent être exclus si nous voulons être un mouvement fort. Certains de ces éléments sont souhaités par les bureaucraties syndicales enracinées, certains sont souhaitables pour la gestion, et certains servent les deux intérêts, le tout en abandonnant les travailleurs et les travailleuses. Je parle des retenues de cotisations syndicales, des prérogatives de la direction et des clauses de non-grève. Il y a d’autres caractéristiques des contrats, comme l’arbitrage exécutoire comme dernière étape d’une procédure de règlement des griefs, les délais qui favorisent la gestion, les ‘’zipper clauses’’ et ainsi de suite, dont je me plains régulièrement.

Mais quels sont les types d’accords que nous devrions conclure, alors? En règle générale, je parle des accords en termes d’utilisation de l’action directe pour prendre le pouvoir sur des situations spécifiques et négocier pour commémorer le résultat. Mais il y a des éléments dans les contrats actuels qui sont très utiles. Ce qui reste à voir, c’est si un contrat plus englobant qui protège vraiment et étend les droits des travailleurs et des travailleuses peut être négocié dans le climat actuel.

 

À mon avis, au moment de négocier, les travailleurs et les travailleuses devraient chercher à obtenir:
1) la fin du statut d’emploi « de gré à gré »;
2) une procédure de règlement des griefs;
3) toutes les améliorations économiques et de conditions de travail qu’ils elles peuvent souhaiter et;
4) les clauses de pratiques passées.

La plupart des contrats contiennent une clause de « discipline progressive » ou de « congédiement motivé », qui met effectivement fin au statut d’employé ‘’de gré à gré’’. Cela m’intéresserait d’entendre des syndicalistes chevronné-e-s sur le genre de clauses de discipline progressiste qui ont bien fonctionné dans leurs expériences. L’une d’entre elles que nous avons négociée ici reposait sur l’idée de ne pas rendre la tâche facile de discipliner les employé-e-s pour de simples actes répréhensibles. La direction était obligée pour chaque discipline de rédiger une dissertation sur les bonnes qualités de la personne disciplinée, de préciser comment améliorer la performance et de rencontrer régulièrement la personne concernée pour discuter des progrès. Parce que c’est un peu pénible de faire cela, seules les infractions les plus graves sont relevées, et les anciennes disciplines insignifiantes ont tout simplement disparues.

Les procédures de règlement des griefs sont la façon systématique dont les problèmes qui surviennent dans une usine sont traités. De nombreuses clauses limitent la définition d’un grief à des questions couvertes par le contrat, réduisant ainsi la capacité des travailleurs et des travailleuses à déposer des griefs sur des questions non prévues dans le contrat. On pourrait faire valoir que les questions qui ne sont pas couvertes par le contrat sont exemptes des limites des résolutions proscrites dans le contrat, alors ce n’est peut-être pas la pire chose qui puisse arriver. Mais avoir une procédure que la direction a accepté de suivre quand un conflit survient peut être très avantageux pour les travailleurs et les travailleuses.

Trop souvent, j’ai vu le vent sortir des voiles des campagnes d’organisation avec des promesses de la direction qui ne sont jamais livrées. Un processus clair démontre à tout le monde quand il sont en train d’être éjecté-e-s, et les travailleurs et les travailleuses peuvent ainsi décider plus rapidement comment monter la barre. Je préfère que la dernière étape d’une procédure de règlement des griefs soit effectivement une zone grise où rien n’est assuré. Oui, avoir des étapes à l’avance – des réunions pour discuter de la question, la mettre par écrit, apporter un médiateur, et tout ce qui a du sens dans la structure de votre lieu de travail. Mais de s’en remettre à un tiers – qui n’a pas à travailler en vertu de l’accord auquel il vous oblige à vous soumettre – pour prendre la décision finale n’est pas l’idéal. Les clauses de pratique passées disent effectivement: « À moins que nous parvenions à un accord, le lieu de travail reste tel qu’il est actuellement. » Ce que cela a pour effet est de mettre le fardeau de changer le lieu de travail sur les épaules de l’employeur. Ils doivent venir au syndicat pour parler des changements et le syndicat peut être ou ne pas être en accord, ou négocier. Lorsque les travailleurs et les travailleuses décident qu’une situation doit être réglée, la procédure de règlement des griefs peut être utilisée pour mettre la discussion au calendrier. Ces clauses ont largement disparues des contrats actuels, mais je pense qu’il est temps pour une renaissance.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority5

Aux Origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 4

La plupart des campagnes syndicales s’organisent autour des problèmes vécus dans un milieu de travail ou dans une industrie spécifique. Les travailleuses et travailleurs forment des comités, une campagne est lancée, et les problèmes vécus en milieu de travail sont explicités de manière à faire croître le soutien accordé au syndicat. De manière générale, ce mode d’organisation vise l’obtention d’une reconnaissance formelle de la part du patronat dans le respect des procédures légales en place, afin qu’une convention collective soit négociée.

 

Mais qu’arrive-t-il lorsque vient le temps de négocier ladite convention? Il est faux de croire que les parties patronale et syndicale prennent part à ce processus en toute égalité, et que de ce processus émerge une entente qui soit avantageuse pour tout le monde. Dans le contexte du syndicalisme accrédité, les syndicats entrent dans le processus de négociation en position de faiblesse : leur légitimité en tant que syndicat et la satisfaction de leurs revendications dépendent avant tout de la bonne foi de la classe patronale, plutôt que de la mise en œuvre d’actions combatives.

 

Le concept de « paix du travail », appliqué au Canada notamment par la Formule Rand et par l’adoption des lois d’accréditation syndicale, faisait l’affaire tant du patronat que des gouvernements et des bureaucraties syndicales : le patronat en avait assez du syndicalisme de combat et de ses méthodes perturbatrices (occupations, manifestations, grèves, sit-ins, etc.), les gouvernements en avaient assez de devoir aider les grandes entreprises à se démerder après chaque conflit de travail, et la bureaucratie syndicale en avait assez d’avoir à « gérer » des membres qui réclament d’être respectés. Le système des conventions collectives fut donc mis en place afin de donner au patronat la responsabilité légale de négocier les conditions des travailleuses et travailleurs avec les syndicat, encadrée par des règles et des lois qui limitent essentiellement le champ d’action syndical à une joute légale et rhétorique.

 

Traditionnellement, il est présumé que tant que l’entreprise visée est profitable, les syndicats et la classe patronale profitent du renouvellement des conventions collectives ou de la renégociation des contrats d’embauche pour améliorer les conditions des travailleuses et travailleurs. Ce n’est toutefois pas le cas : il est très courant que les entreprises, syndiquées ou non, ferment des usines, des succursales ou des bureaux, abolissent des postes, réduisent les salaires et les avantages sociaux, et ne démontrent de manière générale aucune compassion pour les travailleuses et travailleurs, même quand les affaires vont bien. De plus, il est habituel – et généralement attendu – que les conventions et contrats contiennent une série de clauses et de prérogatives managériales complètement inutiles et absurdes, voire nuisibles, pour les travailleuses et travailleurs.

 

Puisque plusieurs syndicats semblent considérer que les travailleuses et travailleurs doivent être « géré-e-s » par des patrons qui font ce qu’ils veulent, la plupart des conventions collectives et contrats d’embauche négociés accordent au patronat un pouvoir total sur les milieux de travail. De plus, en récoltant les cotisations directement sur la de paie de leurs membres, les syndicats accrédités ont intérêt à les encourager à ne pas faire la grève, sous peine de perdre une partie de leur revenu et d’avoir à soutenir les perturbations des grévistes.

 

Lorsque nous réfléchissons aux moyens qui s’offrent à nous de transformer le syndicalisme, nous devons donc tenir compte de ces éléments, et ne pouvons pas nous limiter à dire « organisons mieux nos milieux de travail »; tant que nous n’aurons pas résolu le problème des syndicats complaisants qui ne font rien pour aider leurs membres à prendre le contrôle de leurs milieux, nous serons coincé-e-s dans un paradigme de négociation à perte avec une classe patronale qui décide de l’ordre du jour.

 

Comment, donc, devons-nous sortir de ce jeu dont nous n’avons pas écrit les règles? Il faut d’abord et avant tout cesser de faire de la reconnaissance légale et de la négociation contractuelle des priorités absolues. Bien que nos syndicats et nos réseaux de solidarité doivent être en mesure d’agir pour régler les enjeux aux sources de la plupart des campagnes syndicales (salaires, avantages sociaux, conditions de travail, etc.), il est absolument nécessaire de se faire respecter en tant que travailleuses et travailleurs, ainsi que d’avoir le contrôle sur nos milieux de travail et sur la manière dont notre travail nous lie à notre communauté et au monde. Il nous faut créer un contexte dans lequel ce sont les patrons et les patronnes, et non les syndicats, qui veulent la signature d’une entente; il nous faut créer un contexte dans lequel c’est le patronat qui recule sur ses positions afin d’obtenir notre collaboration. C’est là une partie importante du potentiel de lutte qu’offre le syndicalisme de solidarité.

 

L’objectif de ce syndicalisme, tel que défendu par le SITT-IWW, est d’organiser les travailleuses et travailleurs de manière à ce que notre pouvoir ne puisse être ignoré par le patronat et par les gouvernements, ou récupéré par des syndicalistes de façade. Le syndicalisme de solidarité est l’une des manières d’y parvenir, puisque l’objectif de notre lutte n’est pas simplement de signer un contrat ou d’obtenir un statut légal.

 

En fait, autant que possible, il nous faut éviter de céder notre pouvoir collectif pour le remplacer par un contrat ou par un cadre légal; si les contrats et les ententes nous aident à rendre nos patrons et patronnes redevables en les obligeant à respecter leurs engagements, c’est très bien. Mais si la négociation ne devient qu’un processus par lequel on négocie ce que nous perdrons comme droits et avantages, et par lequel nous légitimons un contrôle patronal total sur nous en tant que travailleuses et travailleurs, il y a définitivement quelque chose qui cloche.

 

Note: cet article a été traduit de l’anglais et adapté à la réalité canado-québécoise par x377545. Dans le texte original, l’auteur évoquait plus spécifiquement dans le contexte américain la procédure de Card Check recognition et la procédure électorale syndicale, encadrées par la National Labor Relations Act (NLRA).

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority4

Aux origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 3

Dans cette rubrique, ainsi qu’à d’autres occasions, j’ai écrit à propos de l’avantage majeur dont dispose le SITT-IWW par rapport aux syndicats corporatistes. Plus particulièrement en ce qui a trait à notre approche permettant à toute travailleuse ou tout travailleur de s’impliquer et de trouver un sens à son implication par l’organisation syndicale, et ce qu’une majorité de collègues ait démontré ou non son envie de négocier avec le patron. J’ai nommé le syndicalisme minoritaire.

Il y a d’autres avantages au SITT-IWW — nous croyons au principe d’un droit de vote par membre. Tout et toute responsable et représentant et représentante du syndicat est élu-e et ces postes voient un roulement fréquent. Tout changement structurel du syndicat est sujet à un vote, incluant les montants des cotisations et les amendements constitutionnels : démocratie. Nos membres sont très motivé-es à se battre pour gagner de meilleurs conditions de travail. Les Wobblies sont souvent les premiers et premières à arriver sur une ligne de piquetage et les derniers et dernières à en partir, même lorsque l’action ne les touche pas directement : Militantisme. Ces éléments ne devraient pas nous rendre uniques, mais c’est malheureusement trop souvent le cas.

Un militantisme et une démocratie croissantes ne peuvent que bénéficier à tout organisme ouvrier, en particulier aux syndicats corporatistes et il y a des gens qui travaillent très fort pour ce genre de réformes. Celles-ci restent de bien minimes réformes pour les syndicats qui restent sagement dans les limites du code du travail.

Depuis que j’ai écrit la première édition de cette rubrique, j’ai réalisé à quel point l’idée du syndicalisme minoritaire dérange le modèle des grandes centrales syndicales,  en particulier lorsqu’on parle de juridictions. Jetons un coup d’œil à un exemple hypothétique:

Alice, une employée du quai de chargement chez Best Buy, se fait dire qu’elle doit acheter ses propres chaussures de sécurité. C’est légal. Elle ne veut pas payer, ces chaussures sont coûteuses. Disons, pour les besoin de la cause, que la plupart de ses collègues sont du même avis. La directive qui leur a été transmise doit être appliqué dans deux semaines.

Alice discute avec un électricien qui est venu installer un nouveau gadget au magasin. Il est membre IBEW (The International Brotherhood of Electrical Workers) et lui dit que, si elle était syndiquée, elle n’aurait pas ce problème puisque le syndicat s’assurerait que la compagnie paie pour l’équipement de sécurité.

Alice appelle l’IBEW et affirme vouloir rejoindre le syndicat. C’est de la pure folie aux oreilles de son interlocuteur. Il faudrait qu’elle suive le programme d’apprentissage et la liste d’attente est longue. De plus, il n’y a pas suffisamment de travail dans la région pour justifier de nouveaux membres. Alice raccroche, déroutée par ce contact avec le syndicat de métier.

Elle discute avec un camionneur faisant une livraison. Le camionneur est un Teamster. Lui aussi lui dit que de former un syndicat est la bonne manière de régler leur situation. Alice appelle donc les Teamsters et demande à rejoindre le syndicat. Disons que nous avons affaire ici à une section qui expérimente un peu avec le syndicalisme minoritaire étant donné qu’ils mènent une campagne chez Overnite (compagnie de transport) et ont eut à développer une stratégie leur permettant de tenir une présence syndicale sur le lieu de travail (à noter que je dis cela aux fins de la discussion — ce n’est pas quelque chose qui s’est réellement passé). Les Teamsters lui répondent «Oui, rejoins nous.»

Cependant, un des collègues d’Alice a un frère qui travaille dans le secteur publique, lui aussi sur les quais de chargement, et est représenté par le SEIU (Service Employees International Union). Ce collègue devient membre SEIU.

Le UFCW (United Food & Commercial Workers), qui représente les travailleurs et travailleuses de l’industrie du détail, a vent de ce qui se déroule et exige le transfert de ces deux membres en son nom, ce que l’AFL-CIO (American Federation of Labor – Congress of Industrial Organizations) leur accorde. Aucun des deux syndiqué-es ne veut être affilié au UFCW vu leur incapacité à représenter adéquatement les travailleurs et travailleuses de supermarchés à travers le pays. Ils décident plutôt de s’acheter leurs propres chaussures de sécurité et d’abandonner l’idée d’un syndicat.

Bien que le scénario ci-haut soit fictif, je crois qu’il illustre bien les problèmes qui feraient surface advenant que les syndicats corporatistes adoptent une stratégie de syndicalisme minoritaire ou un programme d’affiliation directe. La raison pour laquelle je crois que la situation se déroulerait ainsi — peut-être pas à tous les coups, mais assez souvent pour que ce soit problématique — est que les syndicalistes corporatistes ont abandonné le syndicalisme minoritaire en 1935 lorsqu’ils et elles ont plaidé-es en faveur de la loi Wagner.

La loi Wagner — bien quelle offre une certaine protection aux travailleuses et travailleurs impliqués dans des campagnes de syndicalisme minoritaire par le biais de ses clauses protégeant l’action concertée — a été accueillie à bras ouverts par les dirigeants syndicaux. En effet, elle garantie les droits exclusifs de négociations aux syndicats qui remportent le pouvoir de représentation, tout en facilitant la gestion des clauses reliées aux membres, tel que la perception des cotisations. L’AFL-CIO a poussé encore plus loin avec, au sein de sa structure, un langage anti-maraudage et juridictionnel ayant protégé les pires syndicats affiliés, empêchant les travailleurs et travailleuses d’accentuer les aspects démocratiques et militants des syndicats les représentants.

En Australie, le gouvernement, les syndicats accrédités et les patrons ont découpé le paysage ouvrier du pays en juridictions industrielles. Les syndicats ont les droits exclusifs de négociation des normes industrielles telles que les congés, les salaires, le normes de sécurité, les heures and conditions de travail. Ils ont le droit de négocier peu importe la densité de membres, mais les résultats de ces négociations affectent tous et toutes les travailleuses et travailleurs de l’industrie, syndiqué-es ou non. Lorsqu’un ou une travailleur ou travailleuse devient membre, c’est généralement pour s’attaquer à un problème sur leur propre lieu de travail. Un travailleur peut devenir membre d’un syndicat et s’en servir pour agiter pour son propre intérêt ou pour le lieu de travail en entier. Vu l’historique des syndicats américains se battant pour des droits légaux, je peux m’imaginer un système basé sur celui de l’Australie, mais sans le droit de représenter une industrie entière.

Cela serait mis en place par l’AFL-CIO qui découperait les juridictions et approuverait que seuls les syndicats ayant une présence dans certaines industries puissent représenter un ou une membre y travaillant. La majorité de ce travail a déjà été fait, il a seulement été mis à l’écart au courant des dernières années plus difficiles. Le système Australien a été mis en place parce que l’activité ouvrière était en hausse. Beaucoup se déplaçaient d’un syndicat à l’autre, changeant d’organisation comme bon leur semblait à la recherche d’un niveau de militantisme maximal. Plutôt que d’encourager ce dévouement, le choix fut pris de contrôler les travailleurs et travailleuses en ne leur permettant l’adhésion que dans des circonstances précises.

Note intéressante : le système Australien n’est pas réellement un syndicalisme industriel. Par exemple, il y a un syndicats des secrétaires. Les secrétaires sont une partie indispensables de pratiquement n’importe quelle industrie, mais plutôt que d’être membres du syndicat qui représente la leur, elles et ils sont représenté-es par un syndicat de métier. Ironiquement, bien que la grande majorité des secrétaires soient des femmes, le syndicat est contrôlé par des hommes antiféministes, principalement à cause du peu de membres du syndicat ayant le droit de vote. Le syndicat en fait très peu pour organiser les gens qu’il représente et s’efforce même de contrer toute tentative de réforme par les membres. Le syndicat peut se comporter de cette façon puisqu’il peut conserver son droit de négociation malgré une très faible quantité de membres, permettant ainsi à un groupuscule d’individus très impopulaires auprès des secrétaires d’en être les uniques représentants.

Pour revenir au scénario d’Alice, que ferait le SITT-IWW dans cette situation? Nous nous occuperions immédiatement des chaussures de sécurité. Alice serait tout d’abord mise en contact soit avec un section locale intersectorielle ou un conseil industriel régional, un organisme qui sert à unifier les travailleurs et travailleuses peu importe leur industrie. Elle serait mise en contact avec d’autres membres, se ferait offrir des formations et y trouverait de la solidarité. Elle apprendrait comment s’organiser afin d’obtenir des gains ainsi que comment bâtir une présence syndicale sur son lieu de travail.

Le SITT-IWW est ouvert à tous les travailleurs et toutes les travailleuses et notre système de syndicats industriels est conçu afin d’augmenter notre rapport de force. La seule raison pour laquelle ont devrait se demander quel syndicat industriel rejoindre est pour nous donner le plus de pouvoir de négociation possible, non pas pour protéger un territoire. Le SITT-IWW s’opposait à la loi Wagner quand les penseurs qui l’ont créée en ont fait le première ébauche. C’est parce que nous avons vu le danger que représentait le fait de s’en remettre à des lois pour organiser la classe ouvrière à notre place et nous ne voulions pas de la bureaucratie encombrante, de la courte-vue et des méthodes de désolidarisation des syndicats corporatistes.

Bâtir notre mouvement de cette façon nous rend profondément unique. Nous choisissons d’expérimenter avec de nouvelles méthodes d’organisation, des méthodes qui ont le potentiel non seulement de réussir à subvenir à des revendications plus modestes, mais aussi le potentiel de créer un mouvement capable de faire une réelle différence.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority3

Aux origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport minoritaire 2

Lors de la plus récente Assemblée Générale de l’IWW, j’ai eu la chance de participer à un panel pour partager des idées sur la manière de reconstruire le mouvement syndical. Mon échange avait pour thème le syndicalisme minoritaire. En voici quelques extraits:

 

Si le syndicalisme doit redevenir un mouvement, nous devons sortir du modèle actuel, qui repose sur une recette de plus en plus difficile à préparer: une majorité de travailleurs et travailleuses vote un syndicat, un contrat est négocié. Nous devons revenir au type d’agitation qui nous a gagné la journée de huit heures et construit les syndicats en tant que force vitale. L’une des manières d’y parvenir est ce que l’on appelle maintenant le “syndicalisme minoritaire”. Il s agit de constituer des réseaux de solidarité organisés et significatifs capables de gagner des améliorations sur les lieux de travail individuels, dans les industries et au profit de la classe ouvrière internationale.

 

Le syndicalisme minoritaire se produit à nos propres conditions, indépendamment de la reconnaissance juridique. Il ne s’agit pas de se contenter de créer une petite clique de mécontents professionnels. Il devrait plutôt aspirer à grandir, mais à court terme, il donne un exemple des types d’organisation possibles lorsque nous décidons que nos syndicats vont exister parce que nous en avons besoin.

 

Les régimes de relations de travail entre les États-Unis et le Canada sont établis en partant du principe que la majorité des travailleurs et travailleuses doivent avoir un syndicat, généralement agréé par le gouvernement dans un contexte mondial, ce qui est relativement rare. Et même en Amérique du Nord, l’idée selon laquelle un syndicat a besoin d’une reconnaissance officielle ou d’un statut de majorité pour avoir le droit de représenter ses membres est relativement récente, principalement grâce au choix des syndicats de faire du commerce légal des garanties d’adhésion.

 

Le mouvement syndical n’a pas été construit par le syndicalisme majoritaire – il n’aurait pas pu exister. Il y a cent ans, les syndicats n’avaient aucun statut juridique (en effet, les tribunaux ont souvent statué que les syndicats constituaient une conspiration illégale et constituaient une forme d’extorsion) – ils ont été reconnus par leur pouvoir industriel brut.

 

Lorsque l’IWW s’est battue pour la journée de huit heures dans les champs de bois et de blé, ils n’ont pas décidé de prouver leur majorité au patron par le biais d’élections. Les travailleurs et travailleuses ont plutôt tenu des réunions pour décider quelles étaient leurs revendications, élu des comités d’atelier pour représenter ces revendications, et utilisé des tactiques telles que quitter le travail après un quart de huit heures pour persuader les patrons récalcitrants d’accepter leurs revendications. La reconnaissance syndicale dans les métiers de construction a été réalisée grâce à une combinaison de grêves, d’actions directes et de respect des piquets de grêve des uns et des autres (et ce qui, souvent, ne suffit pas).

 

La vague de grèves d’occupation qui ont mis en place le CIO en auto et en acier, par exemple, a été entreprise par des syndicats minoritaires qui étaient très présents sur les lieux de travail avec des antécédents d’agitation. Les syndicats ont ensuite fait appel à cette présence minoritaire pour entreprendre des actions directes qui ont galvanisé la main-d’œuvre la plus importante dans leurs usines et ont inspiré les travailleurs et travailleuses de tout le continent.

 

Le syndicalisme a été construit grâce à l’action directe et à travers l’organisation du travail. Mais dans les années 1930, les patrons ont eu de plus en plus de mal à recruter des voyous et des juges amis, et à procéder à des licenciements collectifs. Reconnaissant qu’il n’y avait aucun moyen d’écraser les syndicats et fatigués des conflits continus, ils ont proposé un accord: si les syndicats acceptaient d’abandonner leur pouvoir industriel et travaillaient plutôt par des voies appropriées – le Conseil national des relations professionnelles aux États-Unis, divers offices provinciaux au Canada – le gouvernement agirait comme un arbitre “impartial” pour déterminer si le syndicat était ou non le représentant de bonne foi des travailleurs.

 

À court terme, les syndicats ont pu court-circuiter le besoin de signer les travailleurs un par un et de percevoir les cotisations directement. Les patrons ont échangé des syndicalistes en costume pour les voyous qu’ils avaient précédemment employés. Et après une brève période d’adhésion, les syndicats (particulièrement aux États-Unis) ont entamé une spirale à long terme. Dans le cadre de ce modèle exclusif de négociation, les syndicats ne tentent pas de fonctionner sur le tas tant qu’ils n’ont pas obtenu de certification légale. Ce processus juridique offre aux patrons une possibilité presque illimitée de menacer et d’intimider les travailleurs et de traîner les procédures pendant des années. C’est un système conçu pour interférer avec le droit des travailleurs à s’organiser – et l’IWW l’a souligné lorsque la loi nationale sur les relations de travail a été adoptée.

 

Cependant, si le régime de droit du travail est conçu autour de ce syndicalisme à majorité majoritaire, il ne l’exige pas réellement. Tant que les travailleurs agissent de concert, ils jouissent des mêmes droits juridiques fondamentaux – tels que ceux-là – qu’ils soient ou non dans un syndicat officiellement certifié. En effet, dans certains cas, ils jouissent de droits plus importants, les tribunaux ayant statué que la plupart des contrats syndicaux renvoient implicitement au droit de grève. Il est illégal de licencier des membres d’un syndicat minoritaire pour leur activité syndicale, de les discriminer, de les licencier pour grève, de refuser de permettre aux représentants syndicaux de participer à des audiences disciplinaires, etc. Un groupe organisé de travailleurs et travailleuses ont des droits légaux, mais ce serait une erreur de s’attendre à ce que les commissions du travail les appliquent plus vigoureusement qu’elles ne le font pour les syndicats qui ont été certifiés. Et un groupe organisé de travailleurs, même s’il s’agit d’une petite minorité, a beaucoup plus de pouvoir que les travailleurs individuels non organisés.

 

Dans la plupart des cas, vous avez autant de droits juridiques qu’un syndicat majoritaire en tant que syndicat minoritaire – à la seule exception d’être certifié en tant qu’agent négociateur exclusif et seul habilité à négocier un contrat. Un syndicat minoritaire a le droit de présenter des griefs (même s’il n’existe peut-être pas de procédure officielle de réclamation); se livrer à une activité concertée, faire des demandes au patron; chercher des réunions, voire déclencher une grêve (même si ce n’est pas une bonne idée si vous n’avez pas le soutien de la majorité).

 

Si vous choisissez bien vos problèmes et les utilisez comme une opportunité pour parler avec vos collègues et les mobiliser, vous pouvez vous battre simultanément pour de meilleures conditions et construire un ‘syndicat’. En faisant campagne sur des questions qui comptent pour vos collègues, vous acquérerez de l’expérience en auto-organisation, vous apprendrez à qui vous pouvez vous fier, et vous établirez que le syndicat est des travailleurs et travailleuses sur le tas et qu’ils sont là pour un long moment.

 

Le mouvement syndical a été construit lorsque des groupes de travailleurs et travailleuses se sont réunis ensemble et ont commencé l’agitation pour leurs revendications: parfois, ils persuadaient leurs collègues d’approcher leur patron et demander que certains problèmes soient corrigés. Parfois, ils refusaient de travailler sous des conditions de travail ou de façon non sécuritaires, et persuadaient leurs collègues de faire de même. D’autres fois, ils agissaient individuellement, parfois ils faisaient des manifestations à l’échelle de la ville sur des questions d’intérêts communs telles que les heures de travail ou le travail dangereux.

 

Le point crucial est qu’ils ont agi. Ils ont identifié les éléments-clé de leurs problèmes; ils se sont réunis, ils ont décidé d’un plan d’action, puis ils l’ont exécuté. C’est le syndicalisme en action. Il ne nécessite pas de reconnaissance officielle, il ne nécessite pas de contract. Il requiert des travailleurs et des travailleuses qui s’unissent ensemble et agissent collectivement.

 

Si le syndicalisme doit redevenir un mouvement, nous devons sortir du modèle actuel et revenir au type d’agitation sur le terrain qui nous a gagné la journée de huit heures et a construit les syndicats comme force vitale. Le syndicalisme minoritaire consiste à former des réseaux de solidarité organisés et significatifs capables de gagner des améliorations sur les lieux de travail individuels, dans toutes les industries et au bénéfice de la classe ouvrière internationale. Il s’agit d’un processus, un processus qui offre l’espoir de transformer notre plus grande faiblesse – le fait que nos membres soient dispersés dans de nombreux lieux de travail en grande partie désorganisés – en une force.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority2

Aux Origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 1

Ces dernières années, j’ai contribué occasionnellement à une rubrique qui s’appelait “Wobbling the Works”, qui mettait l’accent sur l’impact des lois encadrant le monde du travail sur l’organisation syndicale. Je continuerai à écrire à ce sujet de temps à autre, mais depuis peu mon attention a été porté sur un concept que je désigne comme le “syndicalisme minoritaire”, soit une façon de décrire une méthode d’organisation qui n’attend pas après la majorité des ouvriers d’un lieu de travail pour gagner le droit légal de négocier. Ce mois-ci, je vais partager quelques aspects qui ont suscité mon intérêt et qui m’ont mené dans cette direction.

 

Récemment, j’ai dut réécrire la constitution du SITT-IWW pour nos camarades des Comités d’Organisation Régionaux, qui étaient fatigué-es des fautes d’orthographes américaines telles que “labour et “organising”. Examiner minutieusement la constitution m’a fait penser à l’idée des branches d’emplois. Une branche d’emplois est un groupe de cinq membres ou plus du SITT-IWW sur un même lieu de travail et qui  se réunisse au minimum une fois par mois. Cela implique de manière plus ou moins implicite qu’il-les discutent de leurs griefs, qu’il-les crée des stratégies pour les résoudre et établissent une présence syndicale à leur travail.

 

Je travaille présentement sur un projet qui se voulait au départ une version vidéo du pamphlet classique des IWW, “A Worker’s Guide to Direct Action”, mais qui a pris de l’ampleur après que l’on ait commencé. En faisant de la recherche pour la vidéo, j’ai vu parler Miriam Ching Yoon Louie à propos de son livre, Sweatshop Warriors, qui fournit d’excellent exemples expliquant comment les centres de travailleurs et travailleuses immigrant-es ont aidé de nombreux travailleurs et travailleuses à comprendre leurs droits et à s’organiser autour de divers problèmes au travail et dans la communauté. J’ai aussi eu la chance d’interviewer Barbara Pear, une femme de ménage à l’Université de la Caroline du Nord et présidente de la branche de l’UE numéro 150, lorsqu’elle a visité le personnel d’entretien au Collège Swarthmore, qui ont mené une campagne pour le salaire suffisant pendant plus de six ans. Le syndicat de l’Université n’a pas le droit légal de négocier, mais a pourtant eu du succès grâce à l’utilisation de moyens de pression ayant pour but d’amener les administrateurs à la table de négociation et d’obtenir des améliorations pour les travailleurs et les travailleuses les moins payé-es.

 

Je pense souvent aux façons que les travailleurs et travailleuses, qui n’ont pas le droit légal de négocier ou qui n’ont pas de convention collective, peuvent mettre de l’avant pour agir comme un syndicat, en utilisant la loi pour amplifier leur travail. Cela m’est venu à l’esprit parce que Staughton Lynd m’a demandé de rééditer notre pamphlet “Labor Law for the Rank and Filer” à un moment où j’étais devenu particulièrement cynique à l’égard de l’utilisation des lois encadrant le travail dans l’organisation syndicale. Je revenais d’une fin de semaine avec la famille Lynd, des personnes du “Youngstown Workers Solidarity Club” et leurs cohortes de perturbateurs, perturbatrices, de vétérans et vétéranes du militantisme et d’organisateurs et d’organisatrices étudiant-es, issu d’un peu partout aux États-Unis.

 

Le club s’était développé comme une centrale syndicale parallèle qui remplissait un manque quand la centrale local ne pouvait fournir un support adéquat pour une grève. Me tenir avec ces gens fut l’antidote au cynisme que je ressentais; ce n’est pas que j’ai plus de confiance en la loi, mais je me sens maintenant capable de voir les possibilités… Il y a un mois j’ai vu un documentaire, American Standoff, sur la grève de la compagnie de camionnage Overnight, que j’ai critiqué dans le dernier numéro. “Standoff” illustrait beaucoup de problèmes que la classe ouvrière n’a pas encore confronté adéquatement. Comment pouvons nous nous organiser dans des compagnies qui sont tellement anti-syndicales qu’elles sont prêtes à dépenser des millions de dollars juste pour garder les ouvrier-es loin de la table de négociation? La campagne des Teamsters chez Overnight, qui est présentement dans une situation si difficile que ce n’est même pas certain qu’elle pourra être reprise en main, n’est que le dernier exemple d’une longue liste de campagnes qui a laissé la gauche syndicale se gratter la tête en se demandant quoi faire face à un patronat autodestructeur et des lois du travail tout à fait arriérées. Évidemment, la réponse, c’est de ne pas abandonner. Mais il ne s’agit pas non plus de se contenter d’une clique d’agitateurs et d’agitatrices minoritaires sur chaque milieu de travail. Il s’agit de créer de véritables réseaux solidaires qui sont organisés et capable de gagner des améliorations dans des milieux de travail individuels, passant par les industries, et pour le bénéfice de la classe ouvrière internationale.

 

Et, enfin et surtout, plusieurs camarades de l’autre côté de l’atlantique m’ont envoyé un article sur le syndicalisme minoritaire qui a paru dans une édition récente du magazine The Nation. L’article, rédigée par Richard B. Freeman et Joel Rogers, soutient que l’AFL-CIO devrait développer un plan d’organisation qui ne dépend pas du recrutement de la majorité des travailleurs et travailleuses d’un milieu de travail. Ce qui était incroyable de recevoir de multiples copies de cet article dans mes courriels était l’étonnement des syndicalistes non-américains qui l’ont envoyé. La façon tout à fait à l’envers dont nous faisons les chaisons est absurde. Peu de pays pratiquent le syndicalisme comme nous le faisons aux États-Unis (et au Canada) avec le syndicat comme seul agent de négociation d’une majorité déclarée. Je pense que cela aiderait beaucoup si une plus grande partie des travailleurs et travailleuses avec lesquels je discute étaient au courant de comment les choses se font ailleurs, et ça serait aussi bien si les personnes d’ailleurs pouvaient voir les conséquences de notre façon d’organiser.

 

Alors, c’est le but de cette rubrique. Je veux partager ces histoires et ces expériences. Je veux connecter mes camarades avec des ressources que d’autres ont trouvés utiles dans leur travail de syndicaliste. Je ne peux pas offrir la recette du succès. Ces exemples ne seront pas toujours appropriés pour tout le monde. Mais une réflexion intelligente sur une façon d’avancer n’est pas seulement une possibilité, il s’agit de quelque chose qui est déjà en court. Et en développant des ressources pour essayer ces idées, nous allons nous donner la confiance de transformer des commentaires du genre “quelle bonne idée!” à “Je vais l’essayer!”.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

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Triste bilan

Le RQ-ACA et la lutte

Depuis quelques années, le RQ-ACA (Réseau québécois de l’action communautaire autonome) et ses fronts régionaux sont les canaux par lesquels les groupes communautaires de l’Action Communautaire Autonome (ACA) portent leurs revendications en matière de financement et de reconnaissance face aux différents paliers de gouvernement, à travers la campagne “Engagez-vous pour le communautaire”.

 

Les critères pour faire partie des groupes d’action communautaire sont les suivants : être un organisme à but non lucratif, enraciné dans la communauté, avoir une vie associative et démocratique, et avoir la liberté de déterminer sa mission, ses approches, ses pratiques et ses orientations. Pour être qualifiés d’autonomes, on y ajoute qu’il doit avoir été constitué à l’initiative des gens de la communauté, poursuivre une mission sociale qui lui est propre et favorise la transformation sociale, avoir une approche  axée sur la globalité de la problématique abordée et être dirigé par un CA indépendant du réseau public. Dans nos groupes, c’est généralement envers nos membres, militant.e.s et/ou usagers et usagères que nous avons des comptes à rendre.

 

L’ACA rassemble des groupes intervenant sur des axes très diversifiés : femmes, LGBTQ, défense de droits, réduction des méfaits, éducation populaire, associations de familles, ressources d’hébergement, coopération internationale, écologie, etc. Des assemblées sont tenues périodiquement, par région, afin que les membres participent à l’élaboration des grandes lignes du plan d’action qui définira la lutte nationale.

 

Parmi les moyens utilisés, on retrouve des campagnes d’affichages, la distribution des autocollants “Je soutiens le communautaire”, des conférences de presses, publication de textes, représentations à différentes instances, manifestations, actions “dérangeantes” et finalement la grève, comme celle avortée du 7 février.

 

Le discours porté est grosso modo le suivant : l’État doit réinvestir dans le communautaire afin qu’on puisse accomplir notre mission et maintenir (ou augmenter) nos services, des suites de luttes historiques, on a réussi plusieurs gains dont on veut sauver ce qui est maintenant un acquis.

 

Le (manque de) financement du communautaire

Depuis quelques décennies, on voit un changement au niveau du financement étatique. Des fondations privées prennent une place de plus en plus importante et amènent avec eux des exigences de rendement et d’efficience, bref faites plus avec moins. Dans les plus connues, il y a Centraide, la Fondation Chagnon, etc. Ceux-ci donnent du financement sur demande en fonction de leur jugement vis-à-vis la mission, les services, rapports d’activités, etc. Ces bailleurs de fonds exigent des rendements de compte spécifiques d’un point de vue qualitatif et quantitatif. En mode survie, le communautaire n’a pas le choix de se tourner vers ces bailleurs de fonds pour survivre. Et bien malgré nous, par moment, on doit dénaturer nos missions et mandats pour répondre aux critères de financement. L’État semble aussi de plus en plus enclin à agir ainsi dans l’attribution de fonds.

 

Les groupes en ACA sont importants et méritent d’être financés, mais ne sont pas les seuls éléments du communautaire. Plusieurs salarié.e.s du communautaire doivent à la fois composer avec un financement précaire, et leur tutelle sous des instances externes (CIUSS/CLSC, YMCA, fondations, hôpitaux, etc.). C’est le cas des pair.e.s aidant.e.s qui sont considéré.e.s comme faisant partie d’un projet spécifique sous tutelle et qui sont ensuite envoyé.e.s dans divers groupes, mais ne sont pas toujours traités également face aux intervenant.e.s permanent.e.s de ces organismes.

 

La lutte est personnelle

Le travail dans le communautaire est, pour plusieurs d’entre nous, beaucoup plus qu’un job, c’est une vocation. Il reste que concrètement, un.e salarié.e occupant la même fonction dans une ressource gouvernementale ou même dans le privé a de bien meilleures conditions. Notre vocation doit elle nous laisser dans la pauvreté?

 

Qui parmi nous, travailleurs et travailleuses, bénévoles et militant.e.s du communautaire, n’a pas vu de collègues ou camarades partir en burn-out? Qui ne connait pas quelqu’un.e qui a vu son poste aboli ou ses heures coupées par manque de financement? Combien sommes-nous à sauter de contrat en contrat et nous retrouver au chômage chroniquement ? Combien d’équipes de travail ou de CA ont eu à faire des choix difficiles tel celui de maintenir un poste ou de couper dans les assurances, pensions et/ou autres avantages sociaux? Et on en passe! C’est ça la réalité dont on se jase entre travailleurs et travailleuses du milieu communautaire.

 

On semble faire du surplace depuis des années, et nos luttes sont fragmentées. Tout le monde essaie de tirer un bout de la couverture de leur côté en espérant se faire redonner une partie du montant qu’on s’est fait couper, ou encore voir notre financement être indexé. Dès que ça reçoit une partie de ce que ça espérait, ça se retire de la lutte. Les actions visant nos bailleurs de fonds étatiques ne sont pas à la hauteur de notre potentiel. D’année en année, les mêmes stratégies sont répétées : représentations à diverses instances, pétition et lettre, puis une occupation temporaire très symbolique d’un hall d’entrée de bureaux gouvernementaux ou de grands joueurs financiers.

 

Le financement de nos groupes doit non seulement nous permettre de continuer nos activités, il doit permettre un salaire et des conditions viables pour tous et toutes. Bien souvent les organismes doivent puiser à même leurs fonds pour permettre de payer adéquatement les salarié.e.s engagé.e.s pour un projet temporaire. Ça a assez duré. Nous ne pouvons supporter plus longtemps d’être le cheap labor de l’État en matière de services sociaux. Nos bailleurs de fonds peuvent peut-être museler nos groupes, organismes et projets, mais ils ne pourront museler les travailleuses et travailleurs qui les portent à bout de bras. Joignez-vous au Syndicat des travailleurs et travailleuses du communautaire!

 

Rage et Solidarité,

Un membre du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire.