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Aux origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport minoritaire 2

Lors de la plus récente Assemblée Générale de l’IWW, j’ai eu la chance de participer à un panel pour partager des idées sur la manière de reconstruire le mouvement syndical. Mon échange avait pour thème le syndicalisme minoritaire. En voici quelques extraits:

 

Si le syndicalisme doit redevenir un mouvement, nous devons sortir du modèle actuel, qui repose sur une recette de plus en plus difficile à préparer: une majorité de travailleurs et travailleuses vote un syndicat, un contrat est négocié. Nous devons revenir au type d’agitation qui nous a gagné la journée de huit heures et construit les syndicats en tant que force vitale. L’une des manières d’y parvenir est ce que l’on appelle maintenant le “syndicalisme minoritaire”. Il s agit de constituer des réseaux de solidarité organisés et significatifs capables de gagner des améliorations sur les lieux de travail individuels, dans les industries et au profit de la classe ouvrière internationale.

 

Le syndicalisme minoritaire se produit à nos propres conditions, indépendamment de la reconnaissance juridique. Il ne s’agit pas de se contenter de créer une petite clique de mécontents professionnels. Il devrait plutôt aspirer à grandir, mais à court terme, il donne un exemple des types d’organisation possibles lorsque nous décidons que nos syndicats vont exister parce que nous en avons besoin.

 

Les régimes de relations de travail entre les États-Unis et le Canada sont établis en partant du principe que la majorité des travailleurs et travailleuses doivent avoir un syndicat, généralement agréé par le gouvernement dans un contexte mondial, ce qui est relativement rare. Et même en Amérique du Nord, l’idée selon laquelle un syndicat a besoin d’une reconnaissance officielle ou d’un statut de majorité pour avoir le droit de représenter ses membres est relativement récente, principalement grâce au choix des syndicats de faire du commerce légal des garanties d’adhésion.

 

Le mouvement syndical n’a pas été construit par le syndicalisme majoritaire – il n’aurait pas pu exister. Il y a cent ans, les syndicats n’avaient aucun statut juridique (en effet, les tribunaux ont souvent statué que les syndicats constituaient une conspiration illégale et constituaient une forme d’extorsion) – ils ont été reconnus par leur pouvoir industriel brut.

 

Lorsque l’IWW s’est battue pour la journée de huit heures dans les champs de bois et de blé, ils n’ont pas décidé de prouver leur majorité au patron par le biais d’élections. Les travailleurs et travailleuses ont plutôt tenu des réunions pour décider quelles étaient leurs revendications, élu des comités d’atelier pour représenter ces revendications, et utilisé des tactiques telles que quitter le travail après un quart de huit heures pour persuader les patrons récalcitrants d’accepter leurs revendications. La reconnaissance syndicale dans les métiers de construction a été réalisée grâce à une combinaison de grêves, d’actions directes et de respect des piquets de grêve des uns et des autres (et ce qui, souvent, ne suffit pas).

 

La vague de grèves d’occupation qui ont mis en place le CIO en auto et en acier, par exemple, a été entreprise par des syndicats minoritaires qui étaient très présents sur les lieux de travail avec des antécédents d’agitation. Les syndicats ont ensuite fait appel à cette présence minoritaire pour entreprendre des actions directes qui ont galvanisé la main-d’œuvre la plus importante dans leurs usines et ont inspiré les travailleurs et travailleuses de tout le continent.

 

Le syndicalisme a été construit grâce à l’action directe et à travers l’organisation du travail. Mais dans les années 1930, les patrons ont eu de plus en plus de mal à recruter des voyous et des juges amis, et à procéder à des licenciements collectifs. Reconnaissant qu’il n’y avait aucun moyen d’écraser les syndicats et fatigués des conflits continus, ils ont proposé un accord: si les syndicats acceptaient d’abandonner leur pouvoir industriel et travaillaient plutôt par des voies appropriées – le Conseil national des relations professionnelles aux États-Unis, divers offices provinciaux au Canada – le gouvernement agirait comme un arbitre “impartial” pour déterminer si le syndicat était ou non le représentant de bonne foi des travailleurs.

 

À court terme, les syndicats ont pu court-circuiter le besoin de signer les travailleurs un par un et de percevoir les cotisations directement. Les patrons ont échangé des syndicalistes en costume pour les voyous qu’ils avaient précédemment employés. Et après une brève période d’adhésion, les syndicats (particulièrement aux États-Unis) ont entamé une spirale à long terme. Dans le cadre de ce modèle exclusif de négociation, les syndicats ne tentent pas de fonctionner sur le tas tant qu’ils n’ont pas obtenu de certification légale. Ce processus juridique offre aux patrons une possibilité presque illimitée de menacer et d’intimider les travailleurs et de traîner les procédures pendant des années. C’est un système conçu pour interférer avec le droit des travailleurs à s’organiser – et l’IWW l’a souligné lorsque la loi nationale sur les relations de travail a été adoptée.

 

Cependant, si le régime de droit du travail est conçu autour de ce syndicalisme à majorité majoritaire, il ne l’exige pas réellement. Tant que les travailleurs agissent de concert, ils jouissent des mêmes droits juridiques fondamentaux – tels que ceux-là – qu’ils soient ou non dans un syndicat officiellement certifié. En effet, dans certains cas, ils jouissent de droits plus importants, les tribunaux ayant statué que la plupart des contrats syndicaux renvoient implicitement au droit de grève. Il est illégal de licencier des membres d’un syndicat minoritaire pour leur activité syndicale, de les discriminer, de les licencier pour grève, de refuser de permettre aux représentants syndicaux de participer à des audiences disciplinaires, etc. Un groupe organisé de travailleurs et travailleuses ont des droits légaux, mais ce serait une erreur de s’attendre à ce que les commissions du travail les appliquent plus vigoureusement qu’elles ne le font pour les syndicats qui ont été certifiés. Et un groupe organisé de travailleurs, même s’il s’agit d’une petite minorité, a beaucoup plus de pouvoir que les travailleurs individuels non organisés.

 

Dans la plupart des cas, vous avez autant de droits juridiques qu’un syndicat majoritaire en tant que syndicat minoritaire – à la seule exception d’être certifié en tant qu’agent négociateur exclusif et seul habilité à négocier un contrat. Un syndicat minoritaire a le droit de présenter des griefs (même s’il n’existe peut-être pas de procédure officielle de réclamation); se livrer à une activité concertée, faire des demandes au patron; chercher des réunions, voire déclencher une grêve (même si ce n’est pas une bonne idée si vous n’avez pas le soutien de la majorité).

 

Si vous choisissez bien vos problèmes et les utilisez comme une opportunité pour parler avec vos collègues et les mobiliser, vous pouvez vous battre simultanément pour de meilleures conditions et construire un ‘syndicat’. En faisant campagne sur des questions qui comptent pour vos collègues, vous acquérerez de l’expérience en auto-organisation, vous apprendrez à qui vous pouvez vous fier, et vous établirez que le syndicat est des travailleurs et travailleuses sur le tas et qu’ils sont là pour un long moment.

 

Le mouvement syndical a été construit lorsque des groupes de travailleurs et travailleuses se sont réunis ensemble et ont commencé l’agitation pour leurs revendications: parfois, ils persuadaient leurs collègues d’approcher leur patron et demander que certains problèmes soient corrigés. Parfois, ils refusaient de travailler sous des conditions de travail ou de façon non sécuritaires, et persuadaient leurs collègues de faire de même. D’autres fois, ils agissaient individuellement, parfois ils faisaient des manifestations à l’échelle de la ville sur des questions d’intérêts communs telles que les heures de travail ou le travail dangereux.

 

Le point crucial est qu’ils ont agi. Ils ont identifié les éléments-clé de leurs problèmes; ils se sont réunis, ils ont décidé d’un plan d’action, puis ils l’ont exécuté. C’est le syndicalisme en action. Il ne nécessite pas de reconnaissance officielle, il ne nécessite pas de contract. Il requiert des travailleurs et des travailleuses qui s’unissent ensemble et agissent collectivement.

 

Si le syndicalisme doit redevenir un mouvement, nous devons sortir du modèle actuel et revenir au type d’agitation sur le terrain qui nous a gagné la journée de huit heures et a construit les syndicats comme force vitale. Le syndicalisme minoritaire consiste à former des réseaux de solidarité organisés et significatifs capables de gagner des améliorations sur les lieux de travail individuels, dans toutes les industries et au bénéfice de la classe ouvrière internationale. Il s’agit d’un processus, un processus qui offre l’espoir de transformer notre plus grande faiblesse – le fait que nos membres soient dispersés dans de nombreux lieux de travail en grande partie désorganisés – en une force.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority2

Réforme des normes du travail: Pas de 4e semaine de vacances

C’est sans surprise que nous apprenions mercredi dernier, le 7 février, que le Gouvernement du Québec abandonnait l’idée d’accorder une quatrième semaine de vacances aux salarié-es ayant plus de 10 ans d’ancienneté.

Le projet de loi qui ne devait être déposé qu’en mars fut donc tué dans l’oeuf par les représentants du patronat qui hurlèrent qu’on allait leur faire porter un fardeau allant de 400 à 600 millions de dollars par année, que cela créerait un fouillis pour les entreprises oeuvrant dans plusieurs provinces et qu’il valait mieux s’attaquer à la disparité entre les jeunes et les plus ancien.nes d’une entreprise. Arguments boiteux vous dites? Vous avez tout à fait raison.

Bien que savamment rapporté par La Presse, ce que personne ne semble avoir mentionné jusqu’à maintenant est que cette ‘’charge supplémentaire’’ de plus ou moins 500 millions de dollars sera assumée collectivement par les employeurs. Alors que le Québec en compte plusieurs milliers, mentionnons à titre d’exemple que les bénéfices nets de 8 de ses 10 plus grandes entreprises atteignaient la somme de 26 750 millions en 2010. Que représentent 500 millions de dollars pour le patronat? Moins de 2% des bénéfices d’une poignée de ses entreprises.

En ce qui a trait au ‘’fouillis’’ que créerait une telle mesure pour les compagnies en action dans plusieurs provinces, nous nous demandons en quoi l’application d’une quatrième semaine de vacances serait si différente que l’application de n’importe quelles autres normes du travail? MacDonald est présent dans 116 pays à travers le monde, au Canada le salaire minimum varie de province en province et l’accès au chômage de région en région. Un fouillis? Peut-être, mais rien à quoi les compagnies ne soient pas déjà habituées.

Finalement, notre bon gouvernement prétend vouloir lutter contre la disparité entre les plus jeunes et les anciens et anciennes au sein de l’entreprise. Nous aimerions lui rappeler, d’une part, que la véritable inégalité est entre nous et ses copains, pas entre nous et nos collègues qui bossent depuis plus longtemps. D’autre part, que si la chose lui tient réellement à coeur nous sommes ouverts à une négociation à la hausse et non à la baisse. La seule chose plus ridicule que d’offrir 4 semaines après 10ans de travail, c’est de refuser 4 semaines après 10ans de travail. Si c’est avec ce genre de modification aux normes du travail que le ministre du travail compte apaiser la grogne et calmer le renouveau syndical, nous avons des nouvelles pour lui!

 

Mathieu Stakh

 

CSST: Le patronat s’active en vue d’une réforme néfaste

Union des Travailleurs et travailleuses Accidentés de Montréal

Le printemps dernier, le ministre du Travail de l’époque, David Whissell, annonçait qu’il avait demandé à la CSST de former un groupe de travail afin de proposer des modifications aux régimes de réparation et de prévention des lésions professionnelles. Le Conseil d’administration de la CSST, qui regroupe paritairement des membres syndicaux et patronaux, a accepté de former un tel groupe de travail.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le patronat s’active afin de réduire encore une fois les droits des travailleuses et des travailleurs. Bien que ses demandes « formelles » ne soient pas encore connues, on connaît déjà les grandes orientations visées. Et ça n’a rien de réjouissant…

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Travail précaire: Le patronat renforce l’exploitation

emploi-precaire1236418574Dans les vingt dernières années on a vu se généraliser des conditions de travail précaires, des emplois flexibles et à horaires brisés, sur appel et à des conditions de moins en moins intéressantes. Cette transformation du travail et des emplois corresponds à une volonté du patronat de mettre à genoux les travailleurs et travailleuses et de restaurer leurs profits en renforçant l’exploitation salariale. La crise économique actuelle aura pour effet d’encore empirer la précarisation de l’emploi et la flexibilisation de la main-d’oeuvre.

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