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La tragédie de Lac-Mégantic n’est pas terminée

Au moment d’écrire ces lignes, un train de wagons remplis de pétrole est peut être encore stationné en haut de la côte à Nantes, la côte d’où est parti le train, une pente considérée comme particulièrement abrupte dans le milieu ferroviaire. La réglementation le permet. Comme elle a permi à la compagnie de faire rouler le train avec un seul employé.

De plus, nous n’avons toujours pas de voie de contournement, bien que le gouvernement fédéral se soit engagé à en construire une avant son élection. Le procès des employés de la MMA a remis le dossier en avant scène et le gouvernement a finalement relancé son projet, après un long silence. Disons qu’il était temps!

Comme vous le comprenez, les trains passent encore en plein centre-ville. Un centre-ville désertique avec à peine quelques nouveaux bâtiments modernes, loins de l’architecture parfois centenaire de l’ancien centre-ville qui tenait en parti encore debout après le déraillement. Il ne reste que le bâtiment le plus laid, celui de la compagnie de communication, une compagnie qui possède beaucoup d’argent. La vieille auberge avec une splendide architecture qui venait d’agrandir l’année d’avant le déraillement et qui avait accueilli mes premières soirées dans un bar avec mes ami.e.s n’est plus. Il avait survécu à la catastrophe et se trouvait même plus loin que le bâtiment de la compagnie de communication. Il a malgré tout été démoli, comme le reste du centre-ville. Ce centre-ville n’aurait pas dû être démoli après le déraillement, pas à ce point. On ne sait pas exactement ce qu’il s’est passé avec la ville. On n’a pas su ce qui arriverait avec le terrain de notre maison familiale brûlée durant plus d’un an à cause des embrouilles avec la ville.

C’est comme ça aussi qu’on s’est retrouvé avec un nouveau centre-ville juste à côté de ground zéro, un mini dix30 comme on l’appelle pas du tout affectueusement dans la région. On sait pas trop d’où ça vient comme idée merdique. Bonjour la discussion citoyenne hein! Parlant de citoyens et de citoyennes, ces derniers n’ont pas attendu une quelconque autorisation pour s’organiser. On pensera à la Coalition de citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire à Lac-Mégantic qui exige depuis sa création une voie de contournement et une commission d’enquête. On pensera à cet ingénieur, Mr. Bellefleur qui est allé lui-même inspecter les voies du chemin de fer dans les environs de la ville et s’est fait tappé sur les doigts par l’ordre des ingénieurs pour avoir voulu en apprendre plus et exposer ses découvertes sur la sécurité ferroviaire plus que défaillante dans sa propre communauté.

La tragédie de Lac-Mégantic n’est donc pas terminée. Elle a continuée longtemps après le déraillement, durant la destruction de notre centre-ville, laissé entre les mains de contracteurs plutôt qu’entre ceux de la population. Elle a continuée avec le suicide de ce jeune pompier de 25 ans qui avait découvert le corps de sa copine dans les décombres. Elle continue avec le déraillement de train à Hochelaga à l’automne 2015 et celui en plein centre-ville de Sherbrooke au printemps 2017. Au moins, ces trains n’ont pas explosés.

C’est la tragédie d’une société et de son modèle économique qui met la quantité avant la qualité. Un modèle économique au service des caprices des big boss de la finance et des énergies fossiles aux détriments de la population. Nous ne sommes pas dupes, nous savons que les vrais responsables sont aux sommets des compagnies et dans le gouvernement trop doux avec ceux-ci. Les choses seraient différentes si les employé.e.s avaient eu leur mot à dire sur les règles de sécurité. Mais quand est-ce que les employé.e.s sont écouté.e.s par leur employeur?

En effet, quel serait le premier réflexe d’une entreprise gérée directement par les membres de la communauté? Par les gens qui travaillent dans celle-ci, savent comment bâtir, connaissent leurs machineries, investissent leurs milieux de travail et surtout, sont les plus à même de savoir donner du sens à ce travail fait? Je doute franchement que ce serait de penser à comment cacher le profit de leur entreprise dans des paradis fiscaux afin d’éviter les impôts, qu’il faut le dire, financent nos écoles, nos hôpitaux, nos services publics et le filet social. Je doute que ce serait de faire les viaducs les plus cheap qui nous tombent dessus. Je doute que ce soit de maintenir notre dépendance aux énergies fossiles qui mettent en danger nos modes et lieux de vie.

Non, je suis peut-être naïf, mais je pense que les premiers réflexes seraient de penser comment être le plus utile à la société en répondant à ses besoins. Ce serait de créer des infrastructures efficaces, pensées pour être utilisées par sa propre communauté et soi-même donc adieu le cheap. Ce serait penser comment ne pas faire passer des trains remplis de produits dangereux en pleines zones d’habitations.

Qui a peur de démocratiser son milieu de travail et son quartier? Et surtout, qui a peur que nous prenions en mains le monde du salariat en tant que travailleuses et travailleurs?

 

Solidarité,

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Crédit photo: photo de l’auteur

L’ASSÉ et le syndicalisme

Il y a environ deux semaines, j’étais au congrès hivernal de l’ASSÉ pour la fin de semaine du 24 et 25 février. J’étais bien content d’y croiser d’autres Wobblies, dans les délégations comme à la table du présidium, et c’est ce qui m’a poussé à écrire ce texte pour vous aujourd’hui. Ma réflexion tourne autour de la question: qu’est-ce que le milieu syndical a à voir avec la politique étudiante et plus spécifiquement l’ASSÉ? La réponse que je souhaite proposer: la solidarité.

 

La politique étudiante et l’ASSÉ

Mes quelques mois d’implication dans mon association locale universitaire m’ont permis de constater plusieurs choses à propos de la politique étudiante: peu de personnes impliquées, peu de résultats concrets pour les actions entreprises, les buts sont toujours politiques et à grande échelle… Bref, ce n’est pas du pareil au même avec des syndicats comme le SITT-IWW. Toutefois, il ne serait pas juste de mettre toutes les associations étudiantes dans le même panier. Tandis que certaines d’entre elles sont contentes de n’exister que pour la vie sociale de leurs membres, il y en d’autres d’une différente espèce, qui elles se dotent de revendications politiques à l’envers du statu quo. C’est, pour la majeure partie, ce genre d’association étudiante qui s’est présenté au congrès de l’ASSÉ.

 

ASSÉ: Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante. Peu importe ce que devient l’organisation en tant que telle, le principe d’un syndicalisme étudiant demeurera toujours important. Un syndicat étudiant n’a pas pour objectif de faire pression sur un employeur, mais il n’en reste pas moins que les étudiants et étudiantes du Québec ont un rôle politique des plus pertinents à jouer. C’est à leurs associations de lutter pour les droits à l’éducation de tous et toutes, en raison de leur perspective privilégiée sur ce sujet. Ce sont les étudiants et étudiantes des cégeps et des universités qui connaissent mieux leurs réalités et ce sont elles et eux qui souffriront de coupes en éducations et hausses des frais de scolarité. Ce sont donc à elles et eux que le gouvernement devra avoir à faire lorsqu’il voudra encore porter atteinte à ce droit à l’éducation.

 

Ce serait donc une erreur d’ignorer la politique étudiante sous prétexte qu’elle ne sert que « ses propres intérêts ». Une société qui adopterait les principes d’aide mutuelle et d’autogestion doit se préoccuper de l’éducation de tous et toutes. Les attaques envers l’éducation perpétrée par le projet néolibéral ne cesseront pas de sitôt, malheureusement. Ainsi, il est important d’avoir les moyens de se défendre et de se mobiliser. Le projet d’une éducation publique et accessible en vaut la peine! Le seul moyen efficace d’accomplir ces tâches est, selon moi et mon humble opinion, le syndicalisme étudiant. Le modèle syndical a fait ses preuves dans le monde économique, par ses moyens de pression efficaces pour faire plier les patrons. Il sera toujours bénéfique à la politique étudiante de continuer de se calquer sur ce modèle pour mener à bien ses luttes.

 

Bien sûr, il faut rendre bien clair le fait que les syndicats de travail ne sont pas des syndicats étudiants. Il ne s’agit pas de fusionner les deux, car ils ont leurs propres objectifs, qu’il ne faudrait pas confondre: les droits des travailleurs et travailleuses pour l’un et les droits à l’éducation pour l’autre.

 

Les problèmes de l’ASSÉ

C’est ainsi que je me lance dans une analyse de ce qui ne va pas à l’ASSÉ. J’identifie trois problèmes majeurs, à régler dans les plus brefs délais si elle veut survivre. Un mot pour débuter: démobilisation. Ce premier problème, je le constate dans les associations locales comme nationales. La base étudiante n’est pas impliquée comme elle l’était en 2012 ou même en 2015. On parle souvent d’un « creux de mobilisation ». Les burnouts de militants et militantes ne sont pas rares et, à ce qu’on m’a rapporté, ce sont bel et bien les militantes qui pâtissent le plus de la pression qui vient avec l’implication à l’ASSÉ. Ce quelques jours après le 8 mars, j’estime nécessaire de souligner que les hommes impliqués n’en font pas assez (ou trop dans le mauvais sens selon le cas) pour favoriser un milieu militant qui n’est pas hostile aux femmes. En cela consiste donc le deuxième problème de l’ASSÉ: une association qui n’a pas la confiance des femmes n’est pas une association qui devrait s’attendre à survivre longtemps. Nous étions loin d’avoir une proportion paritaire d’hommes et femmes au congrès. Il y a aussi la question de l’implication amoindrie des personnes de la communauté LGBT+ qui doit être considérée, en plus des questions de genre. Ce rapport de confiance doit absolument être rétabli et pour cela un travail de fond est à faire. Troisièmement et enfin viennent les problèmes financiers. On parle de déficits atteignant plusieurs dizaines de milliers de dollars, majoritairement imputables aux associations locales qui ne paient pas leurs cotisations. Un problème de grande taille, c’est le moins qu’on puisse dire.

 

S’il fallait que je résume ces trois problèmes en un seul plus général, alors je dirais que l’ASSÉ souffre d’un manque de solidarité. C’est l’aliment principal de tout syndicat, sans quoi il ne peut pas vraiment vivre. L’ASSÉ doit donc: travailler à ce que sa base reprenne le goût de s’impliquer pour des enjeux qui touchent toutes les étudiantes et tous les étudiants, construire une véritable solidarité féministe dans ses rangs et finalement rétablir la confiance de ses associations locales pour qu’elles redeviennent solidaires entre elles et emploient l’argent de leurs cotisations à bon escient. Bien sûr, lorsque je dis « l’ASSÉ doit », je veux dire « tous les membres et toutes les membres de l’ASSÉ doivent »! Car une association syndicale n’est rien sauf l’ensemble de ses membres qui sont prêts et prêtes à lutter, uni-es. Les problèmes de l’ASSÉ ne lui sont pas nécessairement uniques, ce sont des dangers qui guettent tout syndicat. La solidarité est à la fois un moyen de lutte et un objectif à atteindre, qui ne doit jamais être perdue de vue.

 

La solidarité syndicale étudiante

C’est donc à ça que le milieu syndical a à voir avec la politique étudiante. Leurs objectifs et méthodes peuvent varier, mais les associations étudiantes ont tout à gagner d’adopter le modèle syndical, et tout à perdre de s’en délaisser. L’ASSÉ fut un temps le véhicule le plus populaire de cette solidarité politique étudiante, mais ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui. Je n’y suis pas attaché, j’étais trop jeune pour vraiment participer à la grève de 2012, mais je n’y suis pas aussi catégoriquement opposé que d’autres peuvent l’être. Ce qui m’importe, et ce pour quoi j’argumente, c’est une association étudiante qui vit une vraie solidarité et qui est véritablement en mesure de mettre en action des moyens de pression syndicaux pour faire valoir ses revendications. Je l’ai vu au congrès de l’ASSÉ, les associations locales veulent travailler ensemble, elles veulent lutter ensemble, même celles qui sont en faveur de la dissolution. Des coalitions d’individus pourraient bien mobiliser les étudiants et étudiantes, mais seule une approche syndicale peut entretenir un rapport de force assez importante pour faire fléchir le gouvernement. L’ASSÉ et ses membres font face au choix difficile de laisser mourir un engin de mobilisation autrefois puissant, ou de miser sur la réanimation de ce qui reste de cet engin. Il faut simplement faire en sorte que la solidarité, elle, reste bien vivante. Qui sait, l’ASSÉ et les autres associations étudiantes feraient peut-être bien de s’inspirer de ce que les Wobblies font à Montréal? Après tout c’est un modèle syndical tel que celui du SITT-IWW qui prône la solidarité dans toutes ses luttes!

 

Solidarité pour toujours,

 

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Crédit photo: https://commons.wikimedia.org