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Réclamer le respect… un strict minimum

La branche montréalaise du SITT-IWW a, depuis quelques années maintenant, une campagne qui lui est propre et unique, lancée le 8 mars 2018 lors de la Journée Internationale des Luttes des Droits des Femmes.

Elle a pour titre : ‘Réclame Ton Respect’.

Partie sur l’idée de dé-macho-iser le milieu syndical et se réapproprier les luttes syndicales, certain-e-s membres du syndicat ont décidé de monter une campagne qui lui ressemble : mettre fin aux oppressions sur les milieux de travail, que ce soit du sexisme, du harcèlement, de l’homophobie, du racisme ou même de la transphobie.

Un Réclame Ton Respect, comment ça se passe ?

Ça commence par un-e employé-e qui contacte le SITT-IWW pour l’aider avec une problématique sur son milieu de travail. S’enclenche ensuite une mise en marche soit rencontrer la ou les personne-s, discuter et faire un plan de match. Cette campagne vise à collectiviser une problématique car les personnes victimes sont souvent isolées et en détresse (alors que, la plupart du temps, plusieurs autres, sur le même plancher de travail, vivent la même réalité).

Chaque campagne et chaque réalité sont différentes.

Une histoire de campagne victorieuse

Je vais parler ici de mon expérience d’une campagne menée, en tant qu’organisatrice externe à cette campagne. Le SITT-IWW n’est pas un syndicat de service mais bien un syndicat de solidarité : empowerer les travailleurs et travailleuses sous notre mantra : chaque travailleuse et travailleur est une organisatrice ou organisateur syndical.

Nous avons été approché-e-s par des employée, Max* et Camille*, car elles et certain-e-s de leurs collègues vivaient du harcèlement, de l’intimidation, du racisme, de l’homophobie et tellement d’autres horreurs, et ce, par leur patron. Cela devait cesser !

Lors de notre première réunion, Max et Camille avaient déjà réussi à réunir les 3/4 de leurs collègues autour d’une table.
C’était irréel pour moi qui m’en allait jaser de comment on solidarise nos collègues…
Wow, le travail était déjà fait ! Quelle belle réunion mais en même temps avec un goût doux-amer, tout le monde était solidaire parce que tout le monde avait été violenté-e-s par ce même boss, certains hommes présents, n’avaient pas vécu la chose mais étaient solidaires de leurs collègues. 

Ensemble, on est plus fort-e-s, exactement !

Toutes ces personnes parlaient des horreurs faites par leur boss et avaient déjà décidé d’envoyer une lettre à leur Comité d’Administration (C.A.), et ce, en bypassant leur boss/manager problématique. La hiérarchisation est parfois en elle-même problématique, leur boss étant leur seul lien avec le C.A.

Il a fallu trouver les adresses électroniques des membres du C.A., faire une liste claire de demandes tout en énumérant les faits reprochés, tenir des journaux de bord pour preuves, planifier des réunions futures mais surtout, planifier ce qu’on allait faire suite aux différentes réponses possibles du C.A.

Quel était notre véritable levier ? Ici c’était atteindre l’image publique de l’organisme.

On a commencé par cette dite-lettre, signée par les 3/4 de la shop, tout en gardant en tête qu’ultimement, publiquement, la problématique pourrait ressortir, notre seul véritable levier avant des démissions collectives par exemple. L’idée étant d’avoir le gros bout du bâton et pouvoir réclamer un milieu de travail sain ! Le strict minimum !

Un milieu de travail sain… bien sûr que c’est légitime ! C’est un droit qui est si difficilement accessible et les conseils d’Éducaloi, par exemple, sont ridicules quand on vit une situation problématique. L’action directe et la solidarité sont la clé de gains rapides et efficients.

La lettre fut envoyée, sans oublier de donner un délai de réponse afin que ça ne tombe pas dans les craques du plancher. La lettre fut reçue et le boss problématique a été interdit de la réunion du C.A. suivante. Ce fût une petite victoire déjà en soi !

La suite ? Le C.A. a demandé à rencontrer les personnes 1-à-1 et de signer une lettre de confidentialité. Les 2 demandes ont été refusées par le groupe. Notre force c’est la solidarité et on a appris par la bande que ce même boss avait déjà été viré pour les mêmes problématiques ailleurs… et sous couvert de la confidentialité, personne ne pouvait donc vraiment le savoir ! C’est indécent de remettre des personnes problématiques en situation de pouvoir encore et encore et ce, sous le chapeau du volet confidentiel et donc en toute connivence… ark ! Plutôt que changer et éduquer, c’est ça, pelletons le problème dans la cour du voisin en se mettant des oeillères ! Neunon !

Finalement, des rencontres ont été faites, en groupe, les demandes ont été acceptées dont : virer le boss et avoir une voix, un-e représentant-e des employé-es, sur le C.A.

Écrit ainsi, cela semble facile… ce ne l’a pas été. Ça a été tout un challenge émotionnel, tout un challenge de garder, pendant des mois, des gens solidaires entre elles et eux sans se démonter malgré les stratégies mises en place par le patronat. Mais quelle belle victoire que de se débarrasser d’un oppresseur (qui malgré les efforts d’éducation ne changeait pas) et de pouvoir avoir enfin la chance d’exprimer le point de vue des travailleuses et travailleurs à la plus haute instance de la compagnie !

On a réussi malgré les hauts et les bas, les réticences, les erreurs et les apprentissages, à travers toutes ces petites victoires cumulées !
Boss viré, milieu de travail assaini !

La culture du silence doit cesser.

 
Réclame Ton Respect c’est ici la réappropriation de son milieu de travail et un pas de plus vers l’équité et le respect, finalement, vers la normalité.

Bravo à elles et eux ! Solidarité !

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Témoignage : s’organiser comme messager-ère à vélo

En février dernier, 5 messagers à vélo ont été renvoyés par la compagnie QA Courier à Montréal. Ces messagers avaient refusé de monter sur leur vélo en pleine tempête de neige car ils jugeaient que cela contrevenait à leur droit de travailler dans des conditions sécuritaires. Suite à leur renvoi subi, les patrons de chez QA avaient augmenté les conditions de travail des prochain-es coursier-ères… On a également pu assister à une grande vague de solidarité pour ces messagers à vélo. Le 18 février 2019, plus d’une cinquantaine de personnes s’étaient déplacées au petit matin en soutien avec les 5 renvoyés lors d’une conférence de presse pour exiger de meilleures conditions de travail pour toutes les messagères et tous les messagers à vélo! Voici un texte écrit par un-e camarade messager-ère à vélo :

« Bien que les bikers de QA renvoyés en février ne se soient pas fait réengager, le patron a quand même augmenté le salaire de ses nouveaux bikers, pas de 10 ni de 15%, mais bien de 20% avec même une grosse prime lors de l’embauche. Cela me dit 2 choses : que, contrairement à ce que les patrons veulent bien nous faire croire, les messagers et messagères sont des pièces indispensables sur l’échiquier de l’industrie de la messagerie mais aussi que ces patrons ont les moyens et le pouvoir de mieux nous payer/traiter.

S’ils ne le font pas, c’est simplement parce que personne ne se soulève. Cette affaire qui aura marqué l’industrie et la communauté en date du 13 février 2019 se résout donc, ne serait-ce que pour l’instant, par une nette augmentation salariale pour les nouvelles et nouveaux bikers qui se feront embauché-e-s chez QA dans le présent et futur.

Seulement ça, c’est une victoire énorme en soi. Lorsque j’ai commencé à me mobiliser avec mes camarades en 2016 pour réclamer de meilleures conditions de travail, je gagnais 100$ par jour et c’était le meilleur deal en ville. Nombreux sont ceux et celles qui nous démontaient en disant qu’on y gagnerait rien, ou encore que rien n’allait changer parce que ça faisait déjà un bon 10 ans que rien n’avait bouger. EH BEN SURPRISE! En seulement 3 ans, mes camarades et moi, on a fait bondir notre salaire de 50% après notre renvoi.

Tout ça est né de mobilisation et de persévérance. Donc à ces gens, je leur réponds que rien ne bouge parce que personne ne bouge. Mobilisez-vous, éduquez-vous et restez fortes et forts, camarades. Si une entreprise ne te respecte pas, elle ne te mérite pas! »

Mission Accomplie au show des précaires du communautaire

Le Show des précaires du communautaire, quelle belle soirée de solidarité ce fut pour nous, membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire!

 

Comme syndicat « par et pour », nous n’avons pas les moyens financiers d’un groupe patronal, conséquemment, les tribunes pour s’exprimer ne sont pas monnaie courante. En fait, pour avoir la parole, nous ne pouvons attendre qu’on nous la tende, nous devons la prendre. C’est dans cette optique que l’on voulait que se déroule ce spectacle et c’est pourquoi nous voulions prêter le micro à des personnes, des organismes et des artistes qui nous ressemblent.

 

Pouvoir exprimer notre écœurement, notre fatigue, notre rage et notre solidarité devant et avec des camarades, c’est un privilège. Dénoncer le sous-financement qui nous affecte, nous brûle, les conditions qui minent notre travail, les menaces que des bailleurs de fonds comme Centraide font peser sur des groupes de défense de droits comme l’Organisation Public des Droits Sociaux  du Grand Montréal (OPDS-RM), le sexisme du filet social, tout en riant et écoutant des camarades et collègues jouer sur scène, voilà pourquoi nous avons organisé ce spectacle.

 

Et nous n’aurions pas pu espérer une meilleure réception, autant de monde. Ce fut pour nous un succès!


Un peu d’humour


Le show des précaires du communautaire a débuté avec la solide prestation de Colin, le fils de Christian Vanasse, qui semblait avoir 20 ans d’expérience à donner des shows devant publics. Les précaires du communautaire ont donc pu découvrir le prochain prodige de l’humour québécois. Ensuite c’est le père qui a fait son entrée en enchaînant les blagues contre les gens qui nous exploitent et les contradictions que le capitalisme fait peser sur nos conditions de vie. Par la suite sont arrivés les deux gauchistes par excellence de l’humour québécois : Colin Boudrias et Fred Dubé. Colin nous a fait plusieurs blagues de son répertoire politique, dont celle sur le faux-véganisme. Tandis qu’Anarcho-taquin (Fred) nous ait arrivé avec ses blagues anticapitalistes et militantes d’extrême-gauche. Enfin, Catherine Ethier nous a ébloui.e.s encore une fois de sa verve incroyable remettant en question plusieurs problématiques de notre société.

 

 

Après les humoristes, place à la musique!

Le duo Assonance Acoustique,  accompagnée de leur fille, nous a offert une prestation à couper le souffle! Le choix des chansons, douces et mélancoliques, chantées par la voix enlevante de Izabelle a su conquérir la salle et après avoir ri un brin, nous ramener dans la mélancolie de ce travail et cette lutte qu’est la nôtre. Assonance Acoustique a ensuite fait place aux Union Thugs, qui ont lancé leur partie avec un discours bien senti sur les injustices qui sévissent dans le milieu depuis trop longtemps.

 

 

En guise d’approbation, les spectateurs et spectatrices ont rapidement abandonné leur siège pour chanter en cœur Héros et Martyrs, une reprise du groupe parisien Brigada Flores Magon qui fait honneur à tous ceux et toutes celles mort.es au combat. Si la fin du concert fut éprouvante pour leur guitariste qui fêtait ses 25 ans et vu donc chaque chanson être entrecoupée d’une nouvelle ronde de shooters amenés par ses ami.es, pour nombreux et nombreuses dans la salle la reprise de Je Suis Fils de Corrigan Fest finissait de mettre la table pour le punk de The Awkwerz. Personne à son arrivée en milieu d’après-midi n’aurait pu s’imaginer que le petit bar des Sans-Tavernes allait se transformer en piste de danse pour un trash endiablé à peine quelques heures plus tard! Geneviève a, comme toujours, été une frontwoman de premier ordre. Crachant ses paroles et occupant le devant de la scène avec une présence inégalée ce soir-là au Bâtiment 7, la recette parfaite pour un parfait show des précaires du communautaire était officiellement complétée et on peut se dire : Mission Accomplie!

 

Tous les fonds récoltés au cours de la soirée ont été versés à L’OPDS-RM.

Solidarité pour toujours!

Aux Origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 5

Lors des récentes formations des organisateurs d’IWW, nous avons parlé du genre d’accords que les syndicalistes de la solidarité pourraient faire avec un patron. Après tout, nous visons à garantir de meilleures conditions et à en tirer parti, ce qui signifie , d’une part, de pouvoir négocier avec la direction et commémorer les accords que nous avons conclus.

 

Les lecteurs et lectrices de mes rubriques me verront régulièrement critiquer des éléments de contrats qui, à mon avis, doivent être exclus si nous voulons être un mouvement fort. Certains de ces éléments sont souhaités par les bureaucraties syndicales enracinées, certains sont souhaitables pour la gestion, et certains servent les deux intérêts, le tout en abandonnant les travailleurs et les travailleuses. Je parle des retenues de cotisations syndicales, des prérogatives de la direction et des clauses de non-grève. Il y a d’autres caractéristiques des contrats, comme l’arbitrage exécutoire comme dernière étape d’une procédure de règlement des griefs, les délais qui favorisent la gestion, les ‘’zipper clauses’’ et ainsi de suite, dont je me plains régulièrement.

Mais quels sont les types d’accords que nous devrions conclure, alors? En règle générale, je parle des accords en termes d’utilisation de l’action directe pour prendre le pouvoir sur des situations spécifiques et négocier pour commémorer le résultat. Mais il y a des éléments dans les contrats actuels qui sont très utiles. Ce qui reste à voir, c’est si un contrat plus englobant qui protège vraiment et étend les droits des travailleurs et des travailleuses peut être négocié dans le climat actuel.

 

À mon avis, au moment de négocier, les travailleurs et les travailleuses devraient chercher à obtenir:
1) la fin du statut d’emploi « de gré à gré »;
2) une procédure de règlement des griefs;
3) toutes les améliorations économiques et de conditions de travail qu’ils elles peuvent souhaiter et;
4) les clauses de pratiques passées.

La plupart des contrats contiennent une clause de « discipline progressive » ou de « congédiement motivé », qui met effectivement fin au statut d’employé ‘’de gré à gré’’. Cela m’intéresserait d’entendre des syndicalistes chevronné-e-s sur le genre de clauses de discipline progressiste qui ont bien fonctionné dans leurs expériences. L’une d’entre elles que nous avons négociée ici reposait sur l’idée de ne pas rendre la tâche facile de discipliner les employé-e-s pour de simples actes répréhensibles. La direction était obligée pour chaque discipline de rédiger une dissertation sur les bonnes qualités de la personne disciplinée, de préciser comment améliorer la performance et de rencontrer régulièrement la personne concernée pour discuter des progrès. Parce que c’est un peu pénible de faire cela, seules les infractions les plus graves sont relevées, et les anciennes disciplines insignifiantes ont tout simplement disparues.

Les procédures de règlement des griefs sont la façon systématique dont les problèmes qui surviennent dans une usine sont traités. De nombreuses clauses limitent la définition d’un grief à des questions couvertes par le contrat, réduisant ainsi la capacité des travailleurs et des travailleuses à déposer des griefs sur des questions non prévues dans le contrat. On pourrait faire valoir que les questions qui ne sont pas couvertes par le contrat sont exemptes des limites des résolutions proscrites dans le contrat, alors ce n’est peut-être pas la pire chose qui puisse arriver. Mais avoir une procédure que la direction a accepté de suivre quand un conflit survient peut être très avantageux pour les travailleurs et les travailleuses.

Trop souvent, j’ai vu le vent sortir des voiles des campagnes d’organisation avec des promesses de la direction qui ne sont jamais livrées. Un processus clair démontre à tout le monde quand il sont en train d’être éjecté-e-s, et les travailleurs et les travailleuses peuvent ainsi décider plus rapidement comment monter la barre. Je préfère que la dernière étape d’une procédure de règlement des griefs soit effectivement une zone grise où rien n’est assuré. Oui, avoir des étapes à l’avance – des réunions pour discuter de la question, la mettre par écrit, apporter un médiateur, et tout ce qui a du sens dans la structure de votre lieu de travail. Mais de s’en remettre à un tiers – qui n’a pas à travailler en vertu de l’accord auquel il vous oblige à vous soumettre – pour prendre la décision finale n’est pas l’idéal. Les clauses de pratique passées disent effectivement: « À moins que nous parvenions à un accord, le lieu de travail reste tel qu’il est actuellement. » Ce que cela a pour effet est de mettre le fardeau de changer le lieu de travail sur les épaules de l’employeur. Ils doivent venir au syndicat pour parler des changements et le syndicat peut être ou ne pas être en accord, ou négocier. Lorsque les travailleurs et les travailleuses décident qu’une situation doit être réglée, la procédure de règlement des griefs peut être utilisée pour mettre la discussion au calendrier. Ces clauses ont largement disparues des contrats actuels, mais je pense qu’il est temps pour une renaissance.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority5

Aux Origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 4

La plupart des campagnes syndicales s’organisent autour des problèmes vécus dans un milieu de travail ou dans une industrie spécifique. Les travailleuses et travailleurs forment des comités, une campagne est lancée, et les problèmes vécus en milieu de travail sont explicités de manière à faire croître le soutien accordé au syndicat. De manière générale, ce mode d’organisation vise l’obtention d’une reconnaissance formelle de la part du patronat dans le respect des procédures légales en place, afin qu’une convention collective soit négociée.

 

Mais qu’arrive-t-il lorsque vient le temps de négocier ladite convention? Il est faux de croire que les parties patronale et syndicale prennent part à ce processus en toute égalité, et que de ce processus émerge une entente qui soit avantageuse pour tout le monde. Dans le contexte du syndicalisme accrédité, les syndicats entrent dans le processus de négociation en position de faiblesse : leur légitimité en tant que syndicat et la satisfaction de leurs revendications dépendent avant tout de la bonne foi de la classe patronale, plutôt que de la mise en œuvre d’actions combatives.

 

Le concept de « paix du travail », appliqué au Canada notamment par la Formule Rand et par l’adoption des lois d’accréditation syndicale, faisait l’affaire tant du patronat que des gouvernements et des bureaucraties syndicales : le patronat en avait assez du syndicalisme de combat et de ses méthodes perturbatrices (occupations, manifestations, grèves, sit-ins, etc.), les gouvernements en avaient assez de devoir aider les grandes entreprises à se démerder après chaque conflit de travail, et la bureaucratie syndicale en avait assez d’avoir à « gérer » des membres qui réclament d’être respectés. Le système des conventions collectives fut donc mis en place afin de donner au patronat la responsabilité légale de négocier les conditions des travailleuses et travailleurs avec les syndicat, encadrée par des règles et des lois qui limitent essentiellement le champ d’action syndical à une joute légale et rhétorique.

 

Traditionnellement, il est présumé que tant que l’entreprise visée est profitable, les syndicats et la classe patronale profitent du renouvellement des conventions collectives ou de la renégociation des contrats d’embauche pour améliorer les conditions des travailleuses et travailleurs. Ce n’est toutefois pas le cas : il est très courant que les entreprises, syndiquées ou non, ferment des usines, des succursales ou des bureaux, abolissent des postes, réduisent les salaires et les avantages sociaux, et ne démontrent de manière générale aucune compassion pour les travailleuses et travailleurs, même quand les affaires vont bien. De plus, il est habituel – et généralement attendu – que les conventions et contrats contiennent une série de clauses et de prérogatives managériales complètement inutiles et absurdes, voire nuisibles, pour les travailleuses et travailleurs.

 

Puisque plusieurs syndicats semblent considérer que les travailleuses et travailleurs doivent être « géré-e-s » par des patrons qui font ce qu’ils veulent, la plupart des conventions collectives et contrats d’embauche négociés accordent au patronat un pouvoir total sur les milieux de travail. De plus, en récoltant les cotisations directement sur la de paie de leurs membres, les syndicats accrédités ont intérêt à les encourager à ne pas faire la grève, sous peine de perdre une partie de leur revenu et d’avoir à soutenir les perturbations des grévistes.

 

Lorsque nous réfléchissons aux moyens qui s’offrent à nous de transformer le syndicalisme, nous devons donc tenir compte de ces éléments, et ne pouvons pas nous limiter à dire « organisons mieux nos milieux de travail »; tant que nous n’aurons pas résolu le problème des syndicats complaisants qui ne font rien pour aider leurs membres à prendre le contrôle de leurs milieux, nous serons coincé-e-s dans un paradigme de négociation à perte avec une classe patronale qui décide de l’ordre du jour.

 

Comment, donc, devons-nous sortir de ce jeu dont nous n’avons pas écrit les règles? Il faut d’abord et avant tout cesser de faire de la reconnaissance légale et de la négociation contractuelle des priorités absolues. Bien que nos syndicats et nos réseaux de solidarité doivent être en mesure d’agir pour régler les enjeux aux sources de la plupart des campagnes syndicales (salaires, avantages sociaux, conditions de travail, etc.), il est absolument nécessaire de se faire respecter en tant que travailleuses et travailleurs, ainsi que d’avoir le contrôle sur nos milieux de travail et sur la manière dont notre travail nous lie à notre communauté et au monde. Il nous faut créer un contexte dans lequel ce sont les patrons et les patronnes, et non les syndicats, qui veulent la signature d’une entente; il nous faut créer un contexte dans lequel c’est le patronat qui recule sur ses positions afin d’obtenir notre collaboration. C’est là une partie importante du potentiel de lutte qu’offre le syndicalisme de solidarité.

 

L’objectif de ce syndicalisme, tel que défendu par le SITT-IWW, est d’organiser les travailleuses et travailleurs de manière à ce que notre pouvoir ne puisse être ignoré par le patronat et par les gouvernements, ou récupéré par des syndicalistes de façade. Le syndicalisme de solidarité est l’une des manières d’y parvenir, puisque l’objectif de notre lutte n’est pas simplement de signer un contrat ou d’obtenir un statut légal.

 

En fait, autant que possible, il nous faut éviter de céder notre pouvoir collectif pour le remplacer par un contrat ou par un cadre légal; si les contrats et les ententes nous aident à rendre nos patrons et patronnes redevables en les obligeant à respecter leurs engagements, c’est très bien. Mais si la négociation ne devient qu’un processus par lequel on négocie ce que nous perdrons comme droits et avantages, et par lequel nous légitimons un contrôle patronal total sur nous en tant que travailleuses et travailleurs, il y a définitivement quelque chose qui cloche.

 

Note: cet article a été traduit de l’anglais et adapté à la réalité canado-québécoise par x377545. Dans le texte original, l’auteur évoquait plus spécifiquement dans le contexte américain la procédure de Card Check recognition et la procédure électorale syndicale, encadrées par la National Labor Relations Act (NLRA).

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority4

Aux origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 3

Dans cette rubrique, ainsi qu’à d’autres occasions, j’ai écrit à propos de l’avantage majeur dont dispose le SITT-IWW par rapport aux syndicats corporatistes. Plus particulièrement en ce qui a trait à notre approche permettant à toute travailleuse ou tout travailleur de s’impliquer et de trouver un sens à son implication par l’organisation syndicale, et ce qu’une majorité de collègues ait démontré ou non son envie de négocier avec le patron. J’ai nommé le syndicalisme minoritaire.

Il y a d’autres avantages au SITT-IWW — nous croyons au principe d’un droit de vote par membre. Tout et toute responsable et représentant et représentante du syndicat est élu-e et ces postes voient un roulement fréquent. Tout changement structurel du syndicat est sujet à un vote, incluant les montants des cotisations et les amendements constitutionnels : démocratie. Nos membres sont très motivé-es à se battre pour gagner de meilleurs conditions de travail. Les Wobblies sont souvent les premiers et premières à arriver sur une ligne de piquetage et les derniers et dernières à en partir, même lorsque l’action ne les touche pas directement : Militantisme. Ces éléments ne devraient pas nous rendre uniques, mais c’est malheureusement trop souvent le cas.

Un militantisme et une démocratie croissantes ne peuvent que bénéficier à tout organisme ouvrier, en particulier aux syndicats corporatistes et il y a des gens qui travaillent très fort pour ce genre de réformes. Celles-ci restent de bien minimes réformes pour les syndicats qui restent sagement dans les limites du code du travail.

Depuis que j’ai écrit la première édition de cette rubrique, j’ai réalisé à quel point l’idée du syndicalisme minoritaire dérange le modèle des grandes centrales syndicales,  en particulier lorsqu’on parle de juridictions. Jetons un coup d’œil à un exemple hypothétique:

Alice, une employée du quai de chargement chez Best Buy, se fait dire qu’elle doit acheter ses propres chaussures de sécurité. C’est légal. Elle ne veut pas payer, ces chaussures sont coûteuses. Disons, pour les besoin de la cause, que la plupart de ses collègues sont du même avis. La directive qui leur a été transmise doit être appliqué dans deux semaines.

Alice discute avec un électricien qui est venu installer un nouveau gadget au magasin. Il est membre IBEW (The International Brotherhood of Electrical Workers) et lui dit que, si elle était syndiquée, elle n’aurait pas ce problème puisque le syndicat s’assurerait que la compagnie paie pour l’équipement de sécurité.

Alice appelle l’IBEW et affirme vouloir rejoindre le syndicat. C’est de la pure folie aux oreilles de son interlocuteur. Il faudrait qu’elle suive le programme d’apprentissage et la liste d’attente est longue. De plus, il n’y a pas suffisamment de travail dans la région pour justifier de nouveaux membres. Alice raccroche, déroutée par ce contact avec le syndicat de métier.

Elle discute avec un camionneur faisant une livraison. Le camionneur est un Teamster. Lui aussi lui dit que de former un syndicat est la bonne manière de régler leur situation. Alice appelle donc les Teamsters et demande à rejoindre le syndicat. Disons que nous avons affaire ici à une section qui expérimente un peu avec le syndicalisme minoritaire étant donné qu’ils mènent une campagne chez Overnite (compagnie de transport) et ont eut à développer une stratégie leur permettant de tenir une présence syndicale sur le lieu de travail (à noter que je dis cela aux fins de la discussion — ce n’est pas quelque chose qui s’est réellement passé). Les Teamsters lui répondent «Oui, rejoins nous.»

Cependant, un des collègues d’Alice a un frère qui travaille dans le secteur publique, lui aussi sur les quais de chargement, et est représenté par le SEIU (Service Employees International Union). Ce collègue devient membre SEIU.

Le UFCW (United Food & Commercial Workers), qui représente les travailleurs et travailleuses de l’industrie du détail, a vent de ce qui se déroule et exige le transfert de ces deux membres en son nom, ce que l’AFL-CIO (American Federation of Labor – Congress of Industrial Organizations) leur accorde. Aucun des deux syndiqué-es ne veut être affilié au UFCW vu leur incapacité à représenter adéquatement les travailleurs et travailleuses de supermarchés à travers le pays. Ils décident plutôt de s’acheter leurs propres chaussures de sécurité et d’abandonner l’idée d’un syndicat.

Bien que le scénario ci-haut soit fictif, je crois qu’il illustre bien les problèmes qui feraient surface advenant que les syndicats corporatistes adoptent une stratégie de syndicalisme minoritaire ou un programme d’affiliation directe. La raison pour laquelle je crois que la situation se déroulerait ainsi — peut-être pas à tous les coups, mais assez souvent pour que ce soit problématique — est que les syndicalistes corporatistes ont abandonné le syndicalisme minoritaire en 1935 lorsqu’ils et elles ont plaidé-es en faveur de la loi Wagner.

La loi Wagner — bien quelle offre une certaine protection aux travailleuses et travailleurs impliqués dans des campagnes de syndicalisme minoritaire par le biais de ses clauses protégeant l’action concertée — a été accueillie à bras ouverts par les dirigeants syndicaux. En effet, elle garantie les droits exclusifs de négociations aux syndicats qui remportent le pouvoir de représentation, tout en facilitant la gestion des clauses reliées aux membres, tel que la perception des cotisations. L’AFL-CIO a poussé encore plus loin avec, au sein de sa structure, un langage anti-maraudage et juridictionnel ayant protégé les pires syndicats affiliés, empêchant les travailleurs et travailleuses d’accentuer les aspects démocratiques et militants des syndicats les représentants.

En Australie, le gouvernement, les syndicats accrédités et les patrons ont découpé le paysage ouvrier du pays en juridictions industrielles. Les syndicats ont les droits exclusifs de négociation des normes industrielles telles que les congés, les salaires, le normes de sécurité, les heures and conditions de travail. Ils ont le droit de négocier peu importe la densité de membres, mais les résultats de ces négociations affectent tous et toutes les travailleuses et travailleurs de l’industrie, syndiqué-es ou non. Lorsqu’un ou une travailleur ou travailleuse devient membre, c’est généralement pour s’attaquer à un problème sur leur propre lieu de travail. Un travailleur peut devenir membre d’un syndicat et s’en servir pour agiter pour son propre intérêt ou pour le lieu de travail en entier. Vu l’historique des syndicats américains se battant pour des droits légaux, je peux m’imaginer un système basé sur celui de l’Australie, mais sans le droit de représenter une industrie entière.

Cela serait mis en place par l’AFL-CIO qui découperait les juridictions et approuverait que seuls les syndicats ayant une présence dans certaines industries puissent représenter un ou une membre y travaillant. La majorité de ce travail a déjà été fait, il a seulement été mis à l’écart au courant des dernières années plus difficiles. Le système Australien a été mis en place parce que l’activité ouvrière était en hausse. Beaucoup se déplaçaient d’un syndicat à l’autre, changeant d’organisation comme bon leur semblait à la recherche d’un niveau de militantisme maximal. Plutôt que d’encourager ce dévouement, le choix fut pris de contrôler les travailleurs et travailleuses en ne leur permettant l’adhésion que dans des circonstances précises.

Note intéressante : le système Australien n’est pas réellement un syndicalisme industriel. Par exemple, il y a un syndicats des secrétaires. Les secrétaires sont une partie indispensables de pratiquement n’importe quelle industrie, mais plutôt que d’être membres du syndicat qui représente la leur, elles et ils sont représenté-es par un syndicat de métier. Ironiquement, bien que la grande majorité des secrétaires soient des femmes, le syndicat est contrôlé par des hommes antiféministes, principalement à cause du peu de membres du syndicat ayant le droit de vote. Le syndicat en fait très peu pour organiser les gens qu’il représente et s’efforce même de contrer toute tentative de réforme par les membres. Le syndicat peut se comporter de cette façon puisqu’il peut conserver son droit de négociation malgré une très faible quantité de membres, permettant ainsi à un groupuscule d’individus très impopulaires auprès des secrétaires d’en être les uniques représentants.

Pour revenir au scénario d’Alice, que ferait le SITT-IWW dans cette situation? Nous nous occuperions immédiatement des chaussures de sécurité. Alice serait tout d’abord mise en contact soit avec un section locale intersectorielle ou un conseil industriel régional, un organisme qui sert à unifier les travailleurs et travailleuses peu importe leur industrie. Elle serait mise en contact avec d’autres membres, se ferait offrir des formations et y trouverait de la solidarité. Elle apprendrait comment s’organiser afin d’obtenir des gains ainsi que comment bâtir une présence syndicale sur son lieu de travail.

Le SITT-IWW est ouvert à tous les travailleurs et toutes les travailleuses et notre système de syndicats industriels est conçu afin d’augmenter notre rapport de force. La seule raison pour laquelle ont devrait se demander quel syndicat industriel rejoindre est pour nous donner le plus de pouvoir de négociation possible, non pas pour protéger un territoire. Le SITT-IWW s’opposait à la loi Wagner quand les penseurs qui l’ont créée en ont fait le première ébauche. C’est parce que nous avons vu le danger que représentait le fait de s’en remettre à des lois pour organiser la classe ouvrière à notre place et nous ne voulions pas de la bureaucratie encombrante, de la courte-vue et des méthodes de désolidarisation des syndicats corporatistes.

Bâtir notre mouvement de cette façon nous rend profondément unique. Nous choisissons d’expérimenter avec de nouvelles méthodes d’organisation, des méthodes qui ont le potentiel non seulement de réussir à subvenir à des revendications plus modestes, mais aussi le potentiel de créer un mouvement capable de faire une réelle différence.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://www.iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority3

Triste bilan

Le RQ-ACA et la lutte

Depuis quelques années, le RQ-ACA (Réseau québécois de l’action communautaire autonome) et ses fronts régionaux sont les canaux par lesquels les groupes communautaires de l’Action Communautaire Autonome (ACA) portent leurs revendications en matière de financement et de reconnaissance face aux différents paliers de gouvernement, à travers la campagne “Engagez-vous pour le communautaire”.

 

Les critères pour faire partie des groupes d’action communautaire sont les suivants : être un organisme à but non lucratif, enraciné dans la communauté, avoir une vie associative et démocratique, et avoir la liberté de déterminer sa mission, ses approches, ses pratiques et ses orientations. Pour être qualifiés d’autonomes, on y ajoute qu’il doit avoir été constitué à l’initiative des gens de la communauté, poursuivre une mission sociale qui lui est propre et favorise la transformation sociale, avoir une approche  axée sur la globalité de la problématique abordée et être dirigé par un CA indépendant du réseau public. Dans nos groupes, c’est généralement envers nos membres, militant.e.s et/ou usagers et usagères que nous avons des comptes à rendre.

 

L’ACA rassemble des groupes intervenant sur des axes très diversifiés : femmes, LGBTQ, défense de droits, réduction des méfaits, éducation populaire, associations de familles, ressources d’hébergement, coopération internationale, écologie, etc. Des assemblées sont tenues périodiquement, par région, afin que les membres participent à l’élaboration des grandes lignes du plan d’action qui définira la lutte nationale.

 

Parmi les moyens utilisés, on retrouve des campagnes d’affichages, la distribution des autocollants “Je soutiens le communautaire”, des conférences de presses, publication de textes, représentations à différentes instances, manifestations, actions “dérangeantes” et finalement la grève, comme celle avortée du 7 février.

 

Le discours porté est grosso modo le suivant : l’État doit réinvestir dans le communautaire afin qu’on puisse accomplir notre mission et maintenir (ou augmenter) nos services, des suites de luttes historiques, on a réussi plusieurs gains dont on veut sauver ce qui est maintenant un acquis.

 

Le (manque de) financement du communautaire

Depuis quelques décennies, on voit un changement au niveau du financement étatique. Des fondations privées prennent une place de plus en plus importante et amènent avec eux des exigences de rendement et d’efficience, bref faites plus avec moins. Dans les plus connues, il y a Centraide, la Fondation Chagnon, etc. Ceux-ci donnent du financement sur demande en fonction de leur jugement vis-à-vis la mission, les services, rapports d’activités, etc. Ces bailleurs de fonds exigent des rendements de compte spécifiques d’un point de vue qualitatif et quantitatif. En mode survie, le communautaire n’a pas le choix de se tourner vers ces bailleurs de fonds pour survivre. Et bien malgré nous, par moment, on doit dénaturer nos missions et mandats pour répondre aux critères de financement. L’État semble aussi de plus en plus enclin à agir ainsi dans l’attribution de fonds.

 

Les groupes en ACA sont importants et méritent d’être financés, mais ne sont pas les seuls éléments du communautaire. Plusieurs salarié.e.s du communautaire doivent à la fois composer avec un financement précaire, et leur tutelle sous des instances externes (CIUSS/CLSC, YMCA, fondations, hôpitaux, etc.). C’est le cas des pair.e.s aidant.e.s qui sont considéré.e.s comme faisant partie d’un projet spécifique sous tutelle et qui sont ensuite envoyé.e.s dans divers groupes, mais ne sont pas toujours traités également face aux intervenant.e.s permanent.e.s de ces organismes.

 

La lutte est personnelle

Le travail dans le communautaire est, pour plusieurs d’entre nous, beaucoup plus qu’un job, c’est une vocation. Il reste que concrètement, un.e salarié.e occupant la même fonction dans une ressource gouvernementale ou même dans le privé a de bien meilleures conditions. Notre vocation doit elle nous laisser dans la pauvreté?

 

Qui parmi nous, travailleurs et travailleuses, bénévoles et militant.e.s du communautaire, n’a pas vu de collègues ou camarades partir en burn-out? Qui ne connait pas quelqu’un.e qui a vu son poste aboli ou ses heures coupées par manque de financement? Combien sommes-nous à sauter de contrat en contrat et nous retrouver au chômage chroniquement ? Combien d’équipes de travail ou de CA ont eu à faire des choix difficiles tel celui de maintenir un poste ou de couper dans les assurances, pensions et/ou autres avantages sociaux? Et on en passe! C’est ça la réalité dont on se jase entre travailleurs et travailleuses du milieu communautaire.

 

On semble faire du surplace depuis des années, et nos luttes sont fragmentées. Tout le monde essaie de tirer un bout de la couverture de leur côté en espérant se faire redonner une partie du montant qu’on s’est fait couper, ou encore voir notre financement être indexé. Dès que ça reçoit une partie de ce que ça espérait, ça se retire de la lutte. Les actions visant nos bailleurs de fonds étatiques ne sont pas à la hauteur de notre potentiel. D’année en année, les mêmes stratégies sont répétées : représentations à diverses instances, pétition et lettre, puis une occupation temporaire très symbolique d’un hall d’entrée de bureaux gouvernementaux ou de grands joueurs financiers.

 

Le financement de nos groupes doit non seulement nous permettre de continuer nos activités, il doit permettre un salaire et des conditions viables pour tous et toutes. Bien souvent les organismes doivent puiser à même leurs fonds pour permettre de payer adéquatement les salarié.e.s engagé.e.s pour un projet temporaire. Ça a assez duré. Nous ne pouvons supporter plus longtemps d’être le cheap labor de l’État en matière de services sociaux. Nos bailleurs de fonds peuvent peut-être museler nos groupes, organismes et projets, mais ils ne pourront museler les travailleuses et travailleurs qui les portent à bout de bras. Joignez-vous au Syndicat des travailleurs et travailleuses du communautaire!

 

Rage et Solidarité,

Un membre du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire.

Intoxication culture and radical unionism

Pour lire cet article en français, cliquez ici. 

The opinions stated in this article aren't necessarily those of the SITT-IWW and shouldn't be considered as such.

For those who know me, it’ll be no surprise to hear that I consume a lot of marijuana, I am what people call a high functioning user. My consumption and use is intertwined with my self image issues, my social anxiety, and my PTSD. I feel like I need to use before going out and talking to focus my thoughts and not end up being a rambling idiot. I feel like I need to use to make my body acceptable, or at least in my mind, acceptable to society. I spend a lot of money on my self-medication, and I freak out when my means to self medicate is low or gone. This means I have the choice to stop self-medicating and plunge into a plethora of stress and internal anxiety, or forking over the money to keep up my line.

This is a facet of intoxication culture; it is a self-consuming beast that ingests social interactions and forces them to develop under the guise of consuming drugs. In our union, which is mostly conveyed through drinking alcohol, after a meeting we’ll go out for a drink, after a GMB we’ll go out for a drink, after a demo we’ll go out for a drink, we drink a lot, we drink an alarming amount. We spend a lot of money, collectively falling into the pit of intoxication culture, and there isn’t much we do socially that doesn’t include alcohol. Lire la suite

Culture de l’intoxication et syndicalisme radical

Note: Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur-e et ne doivent pas être considérées comme des positions officielles du SITT-IWW.

Ceux et celles qui me connaissent ne seront pas surpris et surprises d’apprendre que je consomme beaucoup de marijuana, je suis ce qu’on appelle un utilisateur fonctionnel élevé. Ma consommation est liée à mes problèmes d’image personnelle, mon anxiété sociale et mon trouble de stress post-traumatique. Je sens que j’ai besoin d’en consommer avant de sortir et de parler pour concentrer mes pensées et ne pas être un imbécile incohérent. Je sens que j’ai besoin de consommer pour rendre mon corps acceptable du moins dans ma tête pour la société. Je dépense beaucoup d’argent sur mon automédication et je panique lorsque mes moyens d’automédication sont bas ou épuisés. Ça veut dire que j’ai le choix entre arrêter de m’automédiquer et plonger dans une profusion de stress et d’anxiété interne, ou alors de casquer pour continuer.

Ceci est une facette de la culture de l’intoxication; c’est une bête qui se consume elle-même et qui avale les interactions sociales et les force à se développer dans le contexte de consommation de drogues. Dans notre syndicat, c’est principalement porté par l’alcool; nous allons prendre un verre après une réunion, nous allons prendre un verre après une réunion de branche, nous allons prendre un verre après une manif, nous buvons beaucoup, nous buvons une quantité alarmante d’alcool. Nous dépensons beaucoup d’argent, ce qui nous plonge collectivement dans le trou de la culture de l’intoxication, et nous faisons peu socialement qui n’inclut pas d’alcool.

Non seulement cela crée des espaces très peu sécuritaires, mais ça rend aussi inaccessible à ceux et celles qui ont fait le choix de ne pas boire ou qui ne le peuvent pas de sympathiser avec nous.

Écoutez, je n’essaie pas de casser le party. Parmi tous, je suis le premier à prendre quelques pintes après une longue réunion. Je suis le premier à consommer. Je fais partie de ce cycle, je vis dans la bête, j’ai eu un long passé à tourner les coins ronds pour me geler, j’ai séché le travail, planté des ami-e-s, laissé tomber des responsabilités pour continuer à consommer, en partie à cause de tout ce que j’ai mentionné, mais aussi parce que je me sentirais seul et incapable de faire face à mes responsabilités une fois sobre. C’est quelque chose avec quoi je lutte toujours, et j’ai tourné tellement de coins ronds que le gros de mon travail finit par ressembler à un cercle.

Lorsqu’une organisation de personnes nourrit cette machine, nous changeons, nous avons des standards plus bas, nous nous abandonnons à la bête et tout ce que nous faisons deviens assujetti à l’intoxication. C’est la différence entre accomplir quelque chose et accomplir quelque chose pour pouvoir aller boire. À mon avis, nous sommes meilleur-e-s que ça. Ça veut dire qu’aussi forts et fortes que nous sommes, aussi critiques que nous sommes, nous sommes toujours des esclaves à la boissons et au pot, et je crois que nous sommes bien meilleur-e-s que ça. Je n’ai pas les réponses à ce problème, j’ai mes propres démons, mais ensemble, y’a rien qu’on puisse pas faire.

– Harvest.

Deux militant-e-s syndicaux condamné-e-s


Alors que Jennifer Pawluck, militante au Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses (SITT-IWW) vient d’être reconnue coupable d’harcèlement envers Ian Lafrenière, porte-parole du Service de Police de la ville de Montréal et qu’Hamza Babou, membre de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ) est envoyé à la prison de Rivière-des-Prairies en attendant son procès, il est légitime pour les militant.es syndicaux de se demander où est-ce que tout cela s’arrêtera.

Rappelons que dans le cas de Jennifer Pawluck, ce que le système d’injustice appelle du harcèlement, n’est en fait rien d’autre que la publication sur son compte instagram comptant 81 abonné.es, de la photo d’un graffiti montrant le porte-parole du SPVM avec une balle dans la tête. Pawluck n’a pas fait ce graffiti, elle n’encouragea personne à partager la photo et surtout elle n’encouragea personne à atteindre à la sécurité de Lafrenière. Pierre Trudel, Professeur de droit à l’Université du Québec à Montréal, interviewé par Le Devoir, s’inquiète d’ailleurs des limites que la Cour est entrain de poser à la liberté d’expression, relevant que les codes du langage ne sont pas les mêmes sur internet que dans la vraie vie.

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Du côté d’Hamza Babou, ce sont 14 chefs d’accusations qui pèsent contre lui. Notamment ceux d’agression armée, lire : avoir lancé des fils serpentins en aérosol au visage d’un agent (il n’est toujours pas clair s’il s’agit d’un Garda ou d’un policier) et d’avoir brisé une injonction de la Cour interdisant les levées de cours votées démocratiquement par les associations étudiantes de l’UQÀM. Rappelons que le juge Denis Laberge n’en est pas à sa première en termes d’incarcération abusive. En 2003 il avait condamné un manifestant à 18 jours de prison en attendant son procès et, en dépit des lois canadiennes, lui avait interdit de présenter  la preuve pour sa propre défense lors de son enquête caution. Pour Me Véronique Robert, chargée de la défense de Babou, il ne fait aucun doute que la Cour essaie de faire de l’accusé un exemple et que son procès est chargé d’une volonté politique visant à écraser le mouvement de contestation qui a lieu au Québec.

Nous ne pouvons passer sous silence qu’il s’agit au mieux d’une drôle de coïncidence, que les procès de Pawluk et Babou prennent de si radicales tournures à deux semaines du 1er mai, journée internationale des travailleurs et des travailleuses et journée de grève générale et sociale poussée par plusieurs syndicats de base affiliés au Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses (SITT-IWW), à la Confédération des Syndicat Nationaux (CSN), à la Fédération des Travailleurs du Québec (FTQ), à la Centrale des Syndicats du Québec (CSQ) ou encore à l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ) en plus des nombreux groupes communautaires gravitant autour de la Coalition Main Rouge.

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Tant et aussi longtemps que contestation sera synonyme de répression il sera des plus importants pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses de se serrer les coudes. De se rappeler que ceux et celles qui font face à la justice aujourd’hui ont été choisi afin de servir d’exemples et en ce sens nous représentent tous et toutes. Demain ce sera peut-être notre tour de faire face à la justice pour eux et elles. Parce qu’une injure à l’un ou à l’une d’entre nous est une injure à tous et à toutes, la section locale montréalais du SITT-IWW en appelle à votre solidarité, la seule arme que nous possédions dans la lutte contre l’austérité.

Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs,
Je n’ai pas protesté,
Je n’étais pas juif.

Puis ils sont venus me chercher,
Et il ne restait personne pour protester.