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APPEL À MANIFESTER LE 1ER MAI : VOUS N’ÊTES PAS SEUL-ES!

Rassemblement avec nourriture et prises de parole à 14H30 au métro Parc. Départ de la manifestation de quartier à 16H00.

Suivi de la manifestation anticapitaliste de la CLAC au centre-ville.

(English below)

 

En tant que travailleuses et travailleurs, chômeuses et chômeurs, étudiant-es et locataires, notre meilleure arme pour se défendre contre ceux qui nous exploitent et nous abusent demeure la solidarité. C’est pourquoi le Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses (SITT-IWW Montréal) vous invite à vous rassembler pour lutter ensemble dans Parc-Extension le 1er mai prochain.

 

Nos luttes se multiplient sur plusieurs fronts à la fois. Tout comme les attaques à notre endroit. Les grèves et lockouts sont matés par le pouvoir des tribunaux, le secteur public se privatise et brûle ses employé-e-s, nos salaires stagnent tandis que nos loyers augmentent, les discours racistes se banalisent au grand bonheur de la classe dominante. La tenue du G7 paralyse une région complète pour que riches et puissants se partagent la planète. Et tout cela, pendant que patrons et politiciens se partagent les profits.

 

Mais qu’importe, nous luttons! Les groupes communautaires prennent la rue pour dénoncer les inégalités sociales. Les locataires de quartiers populaires se mobilisent contre la gentrification. Les femmes dénoncent et prennent l’espace public avec #MeToo. Les réseaux de solidarité antiraciste se multiplient pour contrer la montée de l’extrême-droite. Les infirmières scandent « ça va faire! » et refusent de s’épuiser dans le silence. Les travailleurs et travailleuses les plus précaires s’organisent et se solidarisent.

 

Nous ne sommes pas aussi isolé-es que les patrons et politiciens veulent le laisser entendre. Nous ne sommes pas que de simples pions qui vont voter et qui regardent les boss décider de notre sort. Nous nous battons pour nous faire entendre. Et c’est pourquoi nous devons dépasser le corporatisme, être solidaires et faire le pont entre nos luttes respectives, car c’est cela notre force!

 

C’est avec cet esprit de solidarité que le SITT-IWW Montréal vous invitent à manifester le mardi 1er mai prochain dans le quartier Parc-Extension, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses, pour scander ensemble : NOUS NE SOMMES PAS SEUL-ES!

 

Nous invitons tous les syndicats, groupes et organisations à endosser notre appel et à nous écrire.

 

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Gathering with food and speeches at 2:30 pm at Parc Metro. Departure of the neighborhood demonstration at 16H00.

Follow-up with the CLAC anti-capitalist protest downtown.

 

As workers, unemployed, students and tenants, our best defense against those who exploit and abuse us is solidarity. That is why the Industrial Workers of the World (SITT-IWW Montreal) invites you to gather and fight together in Parc-Extension on May 1st.

 

Our struggles are multiplying on several fronts at the same time. Just like the attacks on us. Strikes and lockouts are muted by the power of the courts, the public sector privatizes and burns its employees, our wages stagnate while our rents increase, racist speeches become commonplace to the delight of the ruling class. Holding the G7 paralyzes a complete region for wealth and power to move the planet. And all that, while the bosses and politicians share the profits.

 

But no matter what, we fight! Community groups take to the streets to denounce social inequalities. Tenants from working-class neighborhoods are mobilizing against gentrification. Women denounce and take public space with #MeToo. Anti-racist solidarity networks are multiplying to counter the rise of the extreme right. Nurses say, “Enough is enough!” and refuse to wear themselves out in silence. The most precarious workers are organizing and solidarity is on the rise.

 

We are not as isolated as bosses and politicians would like us to believe. We are not just pawns that will vote and watch as the bosses decide our fate. We fight to make ourselves heard. And that’s why we must go beyond corporatism, stand together and make the bridge between our struggles, that’s our strength!

 

It is with this spirit of solidarity that the SITT-IWW Montréal invites you to demonstrate on Tuesday, May 1st, in the Parc-Extension neighborhood, on the occasion of the International Workers’ Day, to chant all together: WE ARE NOT ALONE!

 

We invite all unions, groups and organizations to endorse our call and write to us.

Est-ce que les planteurs et planteuses d’arbres ont le syndrome de Stockholm?

Portrait de l’industrie du treeplanting

Autrefois un moyen de vivre une vie respectable et digne, le treeplanting n’est plus qu’un lieu pour vivre un lifestyle contre-culturel entre vagabondes et vagabonds et entre étudiantes et étudiants cherchant une alternative au salaire minimum. Aujourd’hui, la possibilité de dépasser le seuil de la pauvreté n’est réservée qu’aux meilleur-es d’entre nous qui feront une très longue saison d’ouest en est du pays. Il n’y a pas de confusion possible. Les salaires n’ont pas augmenté depuis belle lurette. Lorsqu’on demande pourquoi, la réponse est toujours la même : il n’y a pas suffisamment d’argent, ou bien on se fait simplement dire de la fermer.

Les pratiques ultras compétitives de l’industrie sont à blâmer. Toutes ces années, les compagnies ont férocement maintenu leur part du marché au détriment de nos salaires. Elles laissent souvent sur la table plusieurs milliers de dollars pour gagner leur soumission. C’est-à-dire le montant d’argent qui sépare la soumission la plus basse de son plus proche compétiteur. Et si les autres compagnies qui paient au standard de l’industrie n’ont pas jugé possible de soumissionner aussi bas, alors où ont-ils coupé? Dans notre sécurité? Dans le budget de la cuisine? Dans nos salaires?

Dans tout cela, nous n’avons pas notre mot à dire. Il ne faut surtout pas donner notre opinion sur les pratiques de l’industrie ou celle de notre compagnie. La production doit continuer, mais la production pour qui? « Si t’es pas content, si t’es pas contente, trouve une autre job »… Une réalité qui se cristallise dans la figure du contremaître qui systématiquement demande des candidatures ayant « bonne attitude ».

Ils et elles ne veulent surtout plus nous entendre nous plaindre des salaires démesurément trop bas pour un travail démesurément trop difficile. Ils et elles ne veulent plus écouter nos plaintes, alors qu’ils et elles ne font rien pour nous. Et ne feront rien! Pourtant, qui paie le prix de leur irresponsabilité et de leur avarice sans fin? C’est nous, car nos salaires constituent les plus grands frais d’exploitation. Des salaires plus bas ça se traduit par plus de contrats et plus d’argent pour eux et elles. Mais, aussi par plus de précarité pour nous; plus de blessures parce que nous ressentons toujours plus de pression à performer pour nous assurer de payer notre loyer, notre nourriture, notre scolarité, nos loisirs… Dont les prix ne cessent d’augmenter chaque année! Mais le bal ne s’arrête pas là. Ils et elles « oublient » parfois d’inscrire nos heures de transport dans nos heures totales travaillées, nous intimident lorsqu’on veut prendre notre CSST (WCB), nous font travailler gratuitement lorsqu’il faut démonter et remonter le campement, laissent les douches à l’abandon, ne fournissent pas un budget suffisant à la cuisine… Et le comble, nous devons payer 25$ par jour pour chier dans les toilettes que nous avons, nous-mêmes, creusées.

Le syndrome de Stockholm

Mais, nous sommes aussi à blâmer. Car, pour chaque jour qui passe, nous continuons de danser sans jamais oser mettre notre pied à terr. Nous préférons regarder toute la journée nos camarades planter des arbres lorsqu’ils et elles ont une tendinite. Parfois même au point d’en avoir aux deux poignets. Nous ne voulons pas voir notre reflet en eux et elles, mais plutôt des compétiteurs et compétitrices. Lorsqu’une personne est forcée de travailler blessée, parce qu’intimidée ou parce qu’on lui refuse une forme de compensation, c’est nous tous et toutes qui payons le prix. Avez-vous déjà survécu une saison sans qu’il y ait de tendinites sur votre campement? Ça sera votre tour bientôt et vous n’aurez vraisemblablement aucune aide ou compensation. Si ça n’a pas déjà été le cas. C’est la blessure la plus fréquente, mais il y a aussi les infections par manque d’hygiène puisque les douches ne fonctionnent pas. Il y a les entorses lombaires et les chevilles foulées. Puis finalement, quand vient le temps de tirer notre révérence, il y a les tendinites chroniques et le genou défoncés. Parfois, c’est aussi les pneumonies qui se propagent ou on ne sait quel virus et les empoisonnements alimentaires. Sans compter le harcèlement et les agressions, entre nous et par le patronat, dont on ne parle jamais et qui pourtant sévissent chaque été.

Malgré tout cela, nous ne nous contentons pas d’observer avec indifférence notre agonie collective. Nous avons complètement adopté le discours de nos boss qui nous disent de toujours travailler plus fort. On se fait la compétition entre nous. On se met la pression entre nous. Plus besoins de police sur le campement, nous sommes notre propre police. Cette réalité, elle se retrouve dans la figure emblématique du highballer. Celui ou celle qui représente le plus haut degré de l’accomplissement de l’échelle sociale au treeplanting. Parfois, même des légendes se forment autour de ces figures. Et pourtant, la valeur de ces personnes ne se mesure que dans leur production et jamais dans leur individualité. Par effet antagonique, nous ne nous percevons qu’au travers du prisme de la production. Une réalité dont se réjouit le patronat.

Tout cela et nous trinquons sans problème avec nos boss. Nous leur assurons qu’ils et elles sont nos ami-es. Que l’expérience du treeplanting ne pourrait pas être la même sans eux et elles. Effectivement, elle serait bien mieux! Mais, je ne peux m’empêcher de ressentir un goût amer… ami-es? Comment pouvons-nous réconcilier amitié et maltraitance, si ce n’est que nous n’avons aucun respect pour nous même? Nous qui partageons les mêmes conditions, les mêmes problèmes. Nos boss ce sont des hypocrites. Cette relation d’amour-haine que nous développons avec notre emploi, elle n’est pas bien difficile à comprendre. Nous aimons la vie de camp, les soirées inoubliables, les amitiés tissées, les étoiles dans le ciel, les après-midis sur la plage… Nous détestons le travail gratuit, les insultes, les blessures, les crises psychologiques, la pression, les journées et les semaines qui ne terminent plus… Ce n’est pas eux et elles qui rendent nos saisons inoubliables, mais vous. Combien parmi vous avez déjà fantasmé, plusieurs heures durant, mille et une façons de torturer votre contremaître? Ils et elles ne font rien d’autre que nous contraindre à l’expérience de la souffrance et de l’indignité. Des choses qui contribuent à nous souder davantage, mais qui n’est pas notre plaisir en soi.

Les contremaîtres ne sont pas nos allié-es. Ils et elles sont des agents à la solde des compagnies. Le système de rémunération basé sur la production des planteurs et le respect des objectifs de production ne fait qu’agir en tant qu’incitatif à notre exploitation. Le mythe très répandu que les contremaîtres prennent davantage soin de nous lorsqu’ils et elles sont rémunéré-es ainsi est une chose qu’on ne cesse de se répéter. Mais, est-ce vraiment la réalité? La distribution inéquitable des terrains, les avertissements abusifs lorsque la production est trop basse, la pression à dépasser nos limites physiques et mentales semblent démontrer le contraire. Si ce n’est tout simplement pas un travail bâclé pendant que nous payons leurs salaires. N’oublions pas que les contremaîtres ne travaillent pas pour nous, mais c’est nous qui travaillons pour eux et elles.

Et maintenant quoi?

Nous devons cesser de nous plaindre chacun et chacune de notre côté. Cela ne nous permet que de nous réconforter alors que nous chutons toujours vers l’enfer.

Les deux solutions les plus souvent apporter ne nous mèneront nulle part. La première voudrait que les compagnies se rejoignent à une table de discussion pour s’accorder sur prix minimum pour l’industrie en deçà duquel elles ne se feraient pas la compétition. Aussi bien rester dans la passivité et prier que l’argent pousse de nos arbres. L’autre solution serait de former une coopérative. Dans ce modèle, nous aurions effectivement le contrôle de nos conditions de travail, mais nous serions toujours soumis à la dynamique du marché. Le prix de l’arbre devra rester compétitif pour nous permettre d’obtenir les contrats. Ces coopératives demeureront très petites puisqu’elles ne pourront pas se tailler une place dans le marché. Alors qu’en est-il de l’immense majorité de la main d’œuvre qui demeure prisonnière des rookie mills?

L’organisation est la clé

Il nous reste encore une solution : le syndicalisme de solidarité. La seule façon d’améliorer nos conditions de travail, c’est en bâtissant un rapport de force en notre faveur. Pour cela, il faut être solidaire face aux abus patronaux. La plus grande objection faite à l’arrivée d’un syndicat est qu’il ne comprendrait pas la réalité de notre travail et nos besoins. Nous ne ferions que payer des cotisations pour un syndicat qui ne nous représenterait pas. Notre rapport au syndicalisme a été perverti par des centrales syndicales qui aujourd’hui semblent agir plus en tant qu’arme du patronat que comme l’arme de la classe ouvrière. Et pourtant, le syndicalisme est une forme de lutte. Une pratique qui peut être horizontale et sans représentation autre que nous même. Nous pouvons mener cette lutte et faire les gains que nous choisirons collectivement: l’IWW, c’est ce syndicat-là. Des travailleurs et travailleuses qui ont choisi de se réunir, peu importe l’industrie pour organiser leur milieu de travail avec un modèle de syndicalisme qui n’échapperait pas à leur contrôle. Nous serons notre syndicat et personne d’autre.

Notre précarité est plus grande de saison en saison, il faut agir maintenant! Ce texte ne fera pas l’unanimité dans la communauté, comme toutes les publications sur le groupe King Kong Re-forestation dénonçant nos conditions. Certains et certaines voudront nous régurgiter leur culte du highballer. Pourtant cela n’est-il pas le signe d’un malaise profond? Réunissons-nous dès maintenant pour organiser la riposte. Ceux et celles qui souhaitent s’organiser, prenez contact avec nous!

 

Solidairement,

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In english.

 

Crédit photo de couverture: http://www.macleans.ca/news/canada/into-the-wild/

Source image 1 : http://www.replant.ca/phpBB3/viewtopic.phpf=27&t=66036&p=86600&hilit=graphic#p86600

Source image 2 : http://www.replant.ca/phpBB3/viewtopic.php?f=27&t=66856

Et si le syndicat ne bouge pas?

Bien qu’un syndicat soit en théorie un outil de lutte pour l’amélioration des conditions de travail des travailleurs et travailleuses, il n’est pas rare de voir ceux-ci se transformer en appareils de démobilisation. Que ce soit pour préserver « l’appareil » syndical en évitant de prendre les risques impliqués dans une grande lutte, collaborer ouvertement avec le patron qui accorde des faveurs à la centrale (ex : syndicalisation automatique des nouvelles succursales en échange d’un syndicalisme pacifié) ou encore vouloir préserver un parti politique d’une mauvaise image causée par une grève en période électorale, tout syndicat peut se déconnecter des intérêts de sa base pour se préserver comme institution. C’est pourtant dans ces moments qu’il importe le plus d’être syndicaliste.

Il faut alors se rappeler que le syndicat c’est avant tout nous et nos collègues et repartir sur cette base. Dès lors, un large éventail de tactiques s’ouvre à nous : il est possible de former des comités de base, qui œuvreront et lutterons en dehors du syndicat établit (ex : voir les CoBas en Italie), de tenter de s’organiser pour reprendre et réformer notre syndicat pour le recentrer vers la base (voir le CORE, the Caucus of Rank-and-file Educators à Chicago) ou encore de changer d’affiliation syndicale. Autant voir l’arrivée d’un syndicat patronal (aussi appelé syndicat « jaune ») comme une occasion de parler conditions de travail et ainsi retourner cette offensive des patrons contre ceux-ci. N’hésitez alors pas à contacter la branche de l’IWW la plus proche pour du support et de la formation pour (re) lancer le combat pour l’amélioration de vos conditions de travail et de vie.

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Crédit bande-dessinée: Val-bleu

Des vergers qui ne payent pas les pickers

La cueillette des fruits en Colombie-Britannique : un emploi précaire

Que ce soit dans la vallée d’Okanagan ou ailleurs, le monde de la cueillette des fruits en est un unique et particulièrement difficile à gérer pour les travailleurs et travailleuses. Que ce soit en char, sur le pouce, en avion ou en bus, chaque année des centaines de Québécois-es parcourent une distance faramineuse pour faire ce travail précaire.

Payé au rendement, le picking (ou la cueillette) est un travail difficile qui exige de composer avec plein d’aspects qui affectent notre salaire.

Comme notre paye dépend uniquement de notre rapidité de travail, nous sommes donc dépendant-es de la qualité du travail d’entretien des arbres, des caprices de mère Nature ou encore de la qualité de l’organisation de travail du verger (malheureusement souvent médiocre).

En plus de devoir nous soumettre au harcèlement patronal par rapport à notre statut légal, notre nationalité, genre, ou orientation sexuelle, en passant par notre look ou nos habitudes de vie, on s’épuise à travailler sans cesse pendant plusieurs jours (ou nuits) d’affilée : sauf en cas de pluie, pas de congé pendant la saison de picking.

Comme la majorité des pickers viennent d’ailleurs, notre qualité de vie pendant la période de travail est également déterminée par le bon vouloir de nos employeurs, qui sont responsables de nous fournir des installations de camping décentes. Pourtant il est fréquent que des dizaines (ou même des centaines) de pickers doivent se partager une minuscule cuisine, des toilettes chimiques débordantes, des douches dégueulasses et des conditions généralement dégradantes.

Enfin, à la fin de notre contrat de travail, il reste tout à fait possible que notre employeur décide de carrément ne pas nous payer pour le dur labeur effectué.

Conditions de travail difficiles

Je me présente, mon nom est Luciano et comme chaque été depuis environ dix ans, je suis parti dans l’Ouest canadien l’été passé. Pas pour un trip de voyage ou faire la rumba mais plutôt pour aller travailler, essayer de gagner ma vie. Au mois d’août, je suis retourné à un verger où j’avais déjà travaillé par le passé. Je n’avais jamais eu de problèmes avec mes employeurs. Tout allait bien. Je me sentais d’ailleurs privilégié de pouvoir bosser à cette ferme-là plutôt que dans un autre verger plus « hardcore », comme dans les vergers Dhaliwal, Smagh  ou OPL (Orchard Pros Logistics Inc)  où les employé-es sont très mal traité-es.

Je  suis arrivé à Creston en Colombie-Britannique autour du 20 juillet 2017 pour travailler chez Shukin, le verger en question.  J’y ai travaillé 18 jours consécutifs avant de continuer ma route. À la fin de notre dernière journée de travail, la secrétaire du patron a remis des chèques postdatés à certain-es d’entre nous qui devaient absolument quitter le jour même. J’ai récupéré les miens sans même me soucier de quoi que ce soit (puisque je leur faisais confiance) et je suis parti le jour même vers Kelowna pour me rendre à un prochain contrat qui commençait le lendemain matin.

Quelques jours ont passé avant que je dépose mes chèques dans mon compte bancaire. Ce n’est qu’après une semaine que je me suis rendu compte que mon chèque avait rebondi par manque de fonds. Au début, je ne me suis pas trop inquiété : je me disais que c’était certainement une erreur bancaire et que tout allait rentrer dans l’ordre. Mais une deuxième et puis une troisième semaine ont passé et rien n’avait changé.  À partir de ce moment-là, j’ai commencé à téléphoner à mon ancien patron pour savoir quand il allait être possible de recevoir ma paye. Je ne sais pas combien de messages vocaux, de textos, de courriels je lui ai laissés, mais à ce jour je n’ai reçu aucun retour d’appel. Aucun message, ne serait-ce qu’un «bonjour» ou, on «est désolé de la situation».

Salaires impayés

L’été a tiré à sa fin et je suis revenu au Québec. À mon retour, j’ai voulu faire une demande de chômage, mais je me suis rendu compte qu’il me manquait des heures sur mon relevé d’emploi. J’ai donc voulu entrer en contact avec la comptable du patron, mais une fois de plus j’ai frappé un mur : aucune réponse. Grâce à une amie qui était responsable d’équipe pendant que je travaillais chez Shukin, j’ai pu réclamer une partie de mes heures manquantes, mais à l’heure actuelle il en manque toujours. Évidemment, aucune aide du côté du bureau d’assurance-emploi, où on se contente de me répéter qu’il est de ma responsabilité de voir à ce que mes heures de travail soient déclarées et qu’ils et elles ne peuvent rien faire pour moi.

Aujourd’hui, nous sommes le 16 janvier et plus de cinq mois après la fin de mon contrat chez Shukin, je cours toujours après mon argent. Ils me doivent plusieurs milliers de dollars.

À cause de ces profiteurs-exploiteurs, mes plans ont drastiquement changé. J’ai dû mettre de côté tous mes projets pour trouver une solution financière. Non seulement tout cela me mets dans des états de stress et d’angoisse importants, à ne pas trop savoir si je verrai la couleur de mon argent, mais ça brise aussi des rêves que j’avais pour me sortir de cet emploi précaire.

Sachant que j’ai un statut «légal» (puisque j’ai ma citoyenneté canadienne), je n’ose pas imaginer ce qu’endurent toutes mes sœurs et  tous mes frères immigrant-es, sans papiers, qui subissent ces injustices quotidiennement et ont accès à encore moins de recours que moi. C’est ainsi qu’on traite la main-d’œuvre agricole, on les exploite et on les jette quand c’est fini. Une rage survient en moi quand j’entends les mots patrons, travail, paye… j’imagine que c’est un traumatisme!

Si j’ai décidé de diffuser cette histoire, ce n’est pas pour obtenir la pitié de personne mais plutôt pour faire en sorte que l’information circule. S’il y a d’autres camarades qui se retrouvent dans une situation aussi répugnante, j’espère qu’ils et elles feront de même : il faut en parler et dénoncer les employeurs exploiteurs des vergers du BC, sachant notamment que Shukin Orchard est une ferme très populaire et fréquentée par beaucoup de Québécois-es. Partagez cette lettre dans vos réseaux !

Soyons solidaire envers toutes et tous les camarades qui font quotidiennement face à ces abus de pouvoir patronal. Ensemble, haussons la voix, arrêtons de nous faire exploiter, faisons pression, réagissons! Ne laissons rien passer sous silence !

Seul un syndicalisme de combat peut changer nos conditions et remettre les patrons à leur place.

Rage et Solidarité,

Luciano.

 

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Crédit photo: www.publicdomainpictures.net