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Aux Origines du Syndicalisme de Solidarité: Rapport Minoritaire 1

Ces dernières années, j’ai contribué occasionnellement à une rubrique qui s’appelait “Wobbling the Works”, qui mettait l’accent sur l’impact des lois encadrant le monde du travail sur l’organisation syndicale. Je continuerai à écrire à ce sujet de temps à autre, mais depuis peu mon attention a été porté sur un concept que je désigne comme le “syndicalisme minoritaire”, soit une façon de décrire une méthode d’organisation qui n’attend pas après la majorité des ouvriers d’un lieu de travail pour gagner le droit légal de négocier. Ce mois-ci, je vais partager quelques aspects qui ont suscité mon intérêt et qui m’ont mené dans cette direction.

 

Récemment, j’ai dut réécrire la constitution du SITT-IWW pour nos camarades des Comités d’Organisation Régionaux, qui étaient fatigué-es des fautes d’orthographes américaines telles que “labour et “organising”. Examiner minutieusement la constitution m’a fait penser à l’idée des branches d’emplois. Une branche d’emplois est un groupe de cinq membres ou plus du SITT-IWW sur un même lieu de travail et qui  se réunisse au minimum une fois par mois. Cela implique de manière plus ou moins implicite qu’il-les discutent de leurs griefs, qu’il-les crée des stratégies pour les résoudre et établissent une présence syndicale à leur travail.

 

Je travaille présentement sur un projet qui se voulait au départ une version vidéo du pamphlet classique des IWW, “A Worker’s Guide to Direct Action”, mais qui a pris de l’ampleur après que l’on ait commencé. En faisant de la recherche pour la vidéo, j’ai vu parler Miriam Ching Yoon Louie à propos de son livre, Sweatshop Warriors, qui fournit d’excellent exemples expliquant comment les centres de travailleurs et travailleuses immigrant-es ont aidé de nombreux travailleurs et travailleuses à comprendre leurs droits et à s’organiser autour de divers problèmes au travail et dans la communauté. J’ai aussi eu la chance d’interviewer Barbara Pear, une femme de ménage à l’Université de la Caroline du Nord et présidente de la branche de l’UE numéro 150, lorsqu’elle a visité le personnel d’entretien au Collège Swarthmore, qui ont mené une campagne pour le salaire suffisant pendant plus de six ans. Le syndicat de l’Université n’a pas le droit légal de négocier, mais a pourtant eu du succès grâce à l’utilisation de moyens de pression ayant pour but d’amener les administrateurs à la table de négociation et d’obtenir des améliorations pour les travailleurs et les travailleuses les moins payé-es.

 

Je pense souvent aux façons que les travailleurs et travailleuses, qui n’ont pas le droit légal de négocier ou qui n’ont pas de convention collective, peuvent mettre de l’avant pour agir comme un syndicat, en utilisant la loi pour amplifier leur travail. Cela m’est venu à l’esprit parce que Staughton Lynd m’a demandé de rééditer notre pamphlet “Labor Law for the Rank and Filer” à un moment où j’étais devenu particulièrement cynique à l’égard de l’utilisation des lois encadrant le travail dans l’organisation syndicale. Je revenais d’une fin de semaine avec la famille Lynd, des personnes du “Youngstown Workers Solidarity Club” et leurs cohortes de perturbateurs, perturbatrices, de vétérans et vétéranes du militantisme et d’organisateurs et d’organisatrices étudiant-es, issu d’un peu partout aux États-Unis.

 

Le club s’était développé comme une centrale syndicale parallèle qui remplissait un manque quand la centrale local ne pouvait fournir un support adéquat pour une grève. Me tenir avec ces gens fut l’antidote au cynisme que je ressentais; ce n’est pas que j’ai plus de confiance en la loi, mais je me sens maintenant capable de voir les possibilités… Il y a un mois j’ai vu un documentaire, American Standoff, sur la grève de la compagnie de camionnage Overnight, que j’ai critiqué dans le dernier numéro. “Standoff” illustrait beaucoup de problèmes que la classe ouvrière n’a pas encore confronté adéquatement. Comment pouvons nous nous organiser dans des compagnies qui sont tellement anti-syndicales qu’elles sont prêtes à dépenser des millions de dollars juste pour garder les ouvrier-es loin de la table de négociation? La campagne des Teamsters chez Overnight, qui est présentement dans une situation si difficile que ce n’est même pas certain qu’elle pourra être reprise en main, n’est que le dernier exemple d’une longue liste de campagnes qui a laissé la gauche syndicale se gratter la tête en se demandant quoi faire face à un patronat autodestructeur et des lois du travail tout à fait arriérées. Évidemment, la réponse, c’est de ne pas abandonner. Mais il ne s’agit pas non plus de se contenter d’une clique d’agitateurs et d’agitatrices minoritaires sur chaque milieu de travail. Il s’agit de créer de véritables réseaux solidaires qui sont organisés et capable de gagner des améliorations dans des milieux de travail individuels, passant par les industries, et pour le bénéfice de la classe ouvrière internationale.

 

Et, enfin et surtout, plusieurs camarades de l’autre côté de l’atlantique m’ont envoyé un article sur le syndicalisme minoritaire qui a paru dans une édition récente du magazine The Nation. L’article, rédigée par Richard B. Freeman et Joel Rogers, soutient que l’AFL-CIO devrait développer un plan d’organisation qui ne dépend pas du recrutement de la majorité des travailleurs et travailleuses d’un milieu de travail. Ce qui était incroyable de recevoir de multiples copies de cet article dans mes courriels était l’étonnement des syndicalistes non-américains qui l’ont envoyé. La façon tout à fait à l’envers dont nous faisons les chaisons est absurde. Peu de pays pratiquent le syndicalisme comme nous le faisons aux États-Unis (et au Canada) avec le syndicat comme seul agent de négociation d’une majorité déclarée. Je pense que cela aiderait beaucoup si une plus grande partie des travailleurs et travailleuses avec lesquels je discute étaient au courant de comment les choses se font ailleurs, et ça serait aussi bien si les personnes d’ailleurs pouvaient voir les conséquences de notre façon d’organiser.

 

Alors, c’est le but de cette rubrique. Je veux partager ces histoires et ces expériences. Je veux connecter mes camarades avec des ressources que d’autres ont trouvés utiles dans leur travail de syndicaliste. Je ne peux pas offrir la recette du succès. Ces exemples ne seront pas toujours appropriés pour tout le monde. Mais une réflexion intelligente sur une façon d’avancer n’est pas seulement une possibilité, il s’agit de quelque chose qui est déjà en court. Et en développant des ressources pour essayer ces idées, nous allons nous donner la confiance de transformer des commentaires du genre “quelle bonne idée!” à “Je vais l’essayer!”.

 

La série des “Rapports minoritaires” a été écrite et publiée en 2002 sur le site web de l’IWW, par le FW Alexis Buss.

Lien vers l’article original: https://iww.org/about/solidarityunionism/explained/minority1

Triste bilan

Le RQ-ACA et la lutte

Depuis quelques années, le RQ-ACA (Réseau québécois de l’action communautaire autonome) et ses fronts régionaux sont les canaux par lesquels les groupes communautaires de l’Action Communautaire Autonome (ACA) portent leurs revendications en matière de financement et de reconnaissance face aux différents paliers de gouvernement, à travers la campagne “Engagez-vous pour le communautaire”.

 

Les critères pour faire partie des groupes d’action communautaire sont les suivants : être un organisme à but non lucratif, enraciné dans la communauté, avoir une vie associative et démocratique, et avoir la liberté de déterminer sa mission, ses approches, ses pratiques et ses orientations. Pour être qualifiés d’autonomes, on y ajoute qu’il doit avoir été constitué à l’initiative des gens de la communauté, poursuivre une mission sociale qui lui est propre et favorise la transformation sociale, avoir une approche  axée sur la globalité de la problématique abordée et être dirigé par un CA indépendant du réseau public. Dans nos groupes, c’est généralement envers nos membres, militant.e.s et/ou usagers et usagères que nous avons des comptes à rendre.

 

L’ACA rassemble des groupes intervenant sur des axes très diversifiés : femmes, LGBTQ, défense de droits, réduction des méfaits, éducation populaire, associations de familles, ressources d’hébergement, coopération internationale, écologie, etc. Des assemblées sont tenues périodiquement, par région, afin que les membres participent à l’élaboration des grandes lignes du plan d’action qui définira la lutte nationale.

 

Parmi les moyens utilisés, on retrouve des campagnes d’affichages, la distribution des autocollants “Je soutiens le communautaire”, des conférences de presses, publication de textes, représentations à différentes instances, manifestations, actions “dérangeantes” et finalement la grève, comme celle avortée du 7 février.

 

Le discours porté est grosso modo le suivant : l’État doit réinvestir dans le communautaire afin qu’on puisse accomplir notre mission et maintenir (ou augmenter) nos services, des suites de luttes historiques, on a réussi plusieurs gains dont on veut sauver ce qui est maintenant un acquis.

 

Le (manque de) financement du communautaire

Depuis quelques décennies, on voit un changement au niveau du financement étatique. Des fondations privées prennent une place de plus en plus importante et amènent avec eux des exigences de rendement et d’efficience, bref faites plus avec moins. Dans les plus connues, il y a Centraide, la Fondation Chagnon, etc. Ceux-ci donnent du financement sur demande en fonction de leur jugement vis-à-vis la mission, les services, rapports d’activités, etc. Ces bailleurs de fonds exigent des rendements de compte spécifiques d’un point de vue qualitatif et quantitatif. En mode survie, le communautaire n’a pas le choix de se tourner vers ces bailleurs de fonds pour survivre. Et bien malgré nous, par moment, on doit dénaturer nos missions et mandats pour répondre aux critères de financement. L’État semble aussi de plus en plus enclin à agir ainsi dans l’attribution de fonds.

 

Les groupes en ACA sont importants et méritent d’être financés, mais ne sont pas les seuls éléments du communautaire. Plusieurs salarié.e.s du communautaire doivent à la fois composer avec un financement précaire, et leur tutelle sous des instances externes (CIUSS/CLSC, YMCA, fondations, hôpitaux, etc.). C’est le cas des pair.e.s aidant.e.s qui sont considéré.e.s comme faisant partie d’un projet spécifique sous tutelle et qui sont ensuite envoyé.e.s dans divers groupes, mais ne sont pas toujours traités également face aux intervenant.e.s permanent.e.s de ces organismes.

 

La lutte est personnelle

Le travail dans le communautaire est, pour plusieurs d’entre nous, beaucoup plus qu’un job, c’est une vocation. Il reste que concrètement, un.e salarié.e occupant la même fonction dans une ressource gouvernementale ou même dans le privé a de bien meilleures conditions. Notre vocation doit elle nous laisser dans la pauvreté?

 

Qui parmi nous, travailleurs et travailleuses, bénévoles et militant.e.s du communautaire, n’a pas vu de collègues ou camarades partir en burn-out? Qui ne connait pas quelqu’un.e qui a vu son poste aboli ou ses heures coupées par manque de financement? Combien sommes-nous à sauter de contrat en contrat et nous retrouver au chômage chroniquement ? Combien d’équipes de travail ou de CA ont eu à faire des choix difficiles tel celui de maintenir un poste ou de couper dans les assurances, pensions et/ou autres avantages sociaux? Et on en passe! C’est ça la réalité dont on se jase entre travailleurs et travailleuses du milieu communautaire.

 

On semble faire du surplace depuis des années, et nos luttes sont fragmentées. Tout le monde essaie de tirer un bout de la couverture de leur côté en espérant se faire redonner une partie du montant qu’on s’est fait couper, ou encore voir notre financement être indexé. Dès que ça reçoit une partie de ce que ça espérait, ça se retire de la lutte. Les actions visant nos bailleurs de fonds étatiques ne sont pas à la hauteur de notre potentiel. D’année en année, les mêmes stratégies sont répétées : représentations à diverses instances, pétition et lettre, puis une occupation temporaire très symbolique d’un hall d’entrée de bureaux gouvernementaux ou de grands joueurs financiers.

 

Le financement de nos groupes doit non seulement nous permettre de continuer nos activités, il doit permettre un salaire et des conditions viables pour tous et toutes. Bien souvent les organismes doivent puiser à même leurs fonds pour permettre de payer adéquatement les salarié.e.s engagé.e.s pour un projet temporaire. Ça a assez duré. Nous ne pouvons supporter plus longtemps d’être le cheap labor de l’État en matière de services sociaux. Nos bailleurs de fonds peuvent peut-être museler nos groupes, organismes et projets, mais ils ne pourront museler les travailleuses et travailleurs qui les portent à bout de bras. Joignez-vous au Syndicat des travailleurs et travailleuses du communautaire!

 

Rage et Solidarité,

Un membre du Syndicat des travailleuses et travailleurs du communautaire.

La valeur

Cet article n’est pas un de nos articles habituels. Il fait plutôt partie d’une nouvelle série d’articles provenant de notre syndicat des travailleurs et travailleuses autonomes, qui évaluera les différents enjeux vécus par ces travailleurs et travailleuses dont le domaine est, par nature, imprévisible. Et, d’une manière plus importante, elle évaluera ce que nous pouvons faire à propos de ces enjeux.

 

Est-ce que la critique de film a encore de la valeur? J’ai vu de plus en plus de grondements à cet effet ces derniers temps, mais comme pour toutes choses, cela aussi passera. C’est une passe transitoire; j’ai à peine la trentaine et le cinéma est mort et a été sauvé une douzaine de fois durant ma vie. Les critiques sont des penseurs et penseuses; ils et elles contextualisent l’art du monde. Mais je ne suis pas ici pour débattre du rôle de critique. Ce que je suis ici pour faire est de décomposer le travail qui va dans une critique de film assez standard. Parce que, naturellement, la critique est un travail.

Peu de choses sont aussi tenues pour acquises que l’écrit publié en ligne. Il y a eu une dévaluation constante de l’écriture à nature culturelle sur internet en tant que service payé, depuis plus d’une décennie maintenant. Les légendes de ce domaine ne peuvent maintenir un contrat. Les éditeurs et éditrices mènent un concours de médiocrité pour voir la quantité de contenu qu’ils et elles peuvent presser de leur écurie avec un financement presque inexistant. Tout ce que vous voyez en ligne a été écrit par quelqu’un-e et une choquante partie de ces écrits a été faite pour des peanuts.

Alors combien vaut une critique de film? Détaillons le tout.

Avant d’aller plus loin, précisons que ceci est à 100% une estimation. Les taux que je vais utiliser sont basés sur de solides intuitions et un peu de math de cinquième année. Là où j’essaie d’en venir ici est une figure approximative qui est plus grande que, bien, zéro.

Maintenant, avant même que vous preniez papier et crayon pour écrire cette vicieuse ligne ou cette notice scintillante, vous devez regarder ce maudit film. Il est donc évident que cela fasse partie du boulot, et donc vous devriez être payé-es pour cela. Considérez-le comme une formation; c’est la partie du boulot où vous apprenez ce à quoi vous avez à faire. Sans cela, vous ne pouvez pas faire le boulot. Les critiques devraient absolument être payé-es pour le temps qu’ils et elles passent à regarder le film. Maintenant, je sais que les critiques sont souvent invité-es aux diffusions,obtiennent des liens ou reçoivent d’une façon ou d’une autre une copie de film. Mais vous ne regardez pas le film pour le plaisir! Si nous allons exister dans un système capitaliste, et si quelqu’un va extraire de la valeur de notre travail (dans ce cas, une critique de film), un salaire équitable devrait être attendu. Ce temps durant lequel vous êtes coincé-es sur le siège du cinéma est une partie de cette valeur qui est extraite parce que c’est une partie inextricable du travail que vous faites. Pas de film, pas de critique, c’est aussi simple que ça.

« Mais attendez » dira sans aucun doute quelqu’un-e dans les coulisses,  « est-ce que ça veut dire qu’un-e critique de jeu vidéo devrait être payé-e pour les nombreuses heures qu’il ou elle place dans un jeu pour pouvoir écrire à son propos? » Absolument. À 100%. “Mais “Breath of the Wild” est un jeu de 45 heures?!” Vous voulez que je joue le jeu complet et que j’écrive à son propos? Payez!

Donc, si nous tenons pour acquis un taux horaire de 15$ de l’heure (et sérieusement, pourquoi ne le ferais-je pas?) et qu’un film dure en moyenne deux heures, ça devrait faire 30$ dans vos poches dès le début. Nous n’avons même pas encore commencé à mettre des mots ensemble. Encore une fois, en utilisant des maths bien élémentaires, présupposant un ratio 1:1 de temps de visionnement – temps d’écriture, un salaire à 15$ de l’heure, et un texte de 700 mots, nous en arrivons à un taux d’environ quatre cents le mot (ce qui est dans le bas de la bracket de prix des travailleur-euse-s autonomes). Donc le taux minimum pour ce texte de 700 mots serait 60$. Une courte capsule de 200 mots revient à 38$. Un texte de 1000 mots vaudrait 70$. Ce taux de quatre cents le mot en plus d’un salaire décent pour le visionnement du film est un plancher absolu de ce que votre travail vaut.

Ceci est pour un seul film. Ces chiffres ne sont pas transposables pour une semaine complète; ceux et celles qui gardent le score à la maison se rendront compte que notre texte moyen de 700 mots a coûté quatre heures de travail: deux pour le regarder, deux pour l’écrire. Il n’y a absolument aucune chance qu’une personne regarde dix films en une semaine et écrive à propos de chacun. C’est une façon assurée d’annihiler votre équilibre travail-vie. De plus, la quantité la plus élevée de sorties de films en une semaine est de quatre, avec une moyenne plus près de trois. Mais assumons que la section films d’une publication engage une personne sur les nouvelles sorties, et disons qu’il y a une grosse fin de semaine de quatre films qui s’en vient. Prenons par exemple les 6-8 avril 2018. Cette semaine a vu les sorties de :

  • A Quiet Place
  • Blockers
  • The Miracle Season
  • Chappaquiddick

Ces quatre films ont été couverts dans le New York Times donc utilisons les chiffres établis plus haut avec la longueur respective de leurs revues dans le Times comme base, décomposons ces films en termes de coûts de travail (15$ de l’heure pour le visionnement, quatre cents le mot).

  • A Quiet Place: (651 mots*$0.04) + (91’*($15/60’)) = $48.79
  • Blockers: (674 mots*$0.04) + (91’*($15/60’)) = $52.46
  • The Miracle Season: (252 mots*$0.04) + (99’*($15/60’)) = $34.83
  • Chappaquiddick: (881 mots*$0.04) + (101’*$15/60’)) = $60.49

Donc si une personne couvre toute la fin de semaine, cela revient à une paye de 196,57$. Ces films sont relativement courts et une de ces revues est grosso modo une capsule; si nous gardons notre exemple de deux heures, 700 mots, une fin de semaine à quatre films reviendrait à une paye de 232$, ce qui n’est toujours pas un salaire permettant de vivre. Mais il y a des précédents pour ce qui est d’être capable de vivre sur un salaire de critique de nouvelles sorties. Laissez-moi vous ramener aux temps lointains, pré-récession de 2008, et au taux horaire de Mike D’Angelo, présentement un des nombreux et nombreuses critiques de films qui travaillent à contrat. D’après ce tweet, il était payé 400$ par revue quand il travaillait pour le Las Vegas Weekly. C’est quatre zéro zéro. C’est un taux qu’il a négocié du 200$ la revue qu’on lui offrait parce que, selon lui, il n’avait “pas besoin du travail”. M. D’Angelo, et présumément d’autres critiques à temps plein autour de la même époque, gagnaient assez d’argent en écrivant pour avoir un salaire permettant de vivre avec deux ou trois revues, ou environ 2100 mots, par semaine, et avaient assez de poids pour négocier un taux deux fois plus élevé qui ce qui leur était offert au début. C’est ahurissant.

Plus déprimant encore: prenons le taux horaire que D’Angelo recevait en 2008 selon son tweet (400$ par revue, 600-800 mots par revue) et analysons-le. Gardons le même taux horaire de 15$ pour le temps passé à regarder le film et assumons une fin de semaine moyenne de trois sorties de films, à deux heures le film. Six heures, 90$. Cela laisse 310$ pour l’acte d’écrire, et si on présuppose une critique moyenne de 700 mots, cela nous donne un taux par mots juste au-dessus de 44 cents.

Tout ceci est une autre façon de dire quelque chose que vous saviez déjà. Le capitalisme a détruit le filet de secours que les critiques avaient il y a une décennie et depuis s’est hâté de couper le plus de coins ronds. Mais vous devriez être compensé-es équitablement pour votre travail, sans exception. En se tenant ensemble, les taux équitables peuvent devenir une réalité plutôt qu’une rareté.

Solidarité,

Yancy Richardson

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Entrevue ouvrière: Une gréviste de la SAQ est en tabarnak!

Les employé-e-s de la SAQ (Société des alcools du Québec) se sont doté-e-s d’un mandat de grève de 6 jours pour faire pression sur la société d’État dans le cadre de leur négociation. Un membre du IWW a posé quelques questions à une camarade du SEMB-SAQ (CSN) à propos de leur grève. Pour éviter les représailles de l’employeur, son nom demeurera anonyme. Solidarité!

 

Rapidement, peux-tu nous en dire un peu sur ton background? Est-ce que c’est ta première grève?

 

Je suis une employée de la SAQ depuis presque dix ans, avant cela, j’avais travaillé dans une urgence du CHUM dès mes 18 ans. 2012 fut ma première lutte, maintenant je me bats comme employée à la SAQ.

 

Pourquoi vous êtes en grève, c’est quoi vos revendications?

 

À date, nous avons utilisé une seule de nos 6 journées de grève perlée** et ce fut le mardi 17 juillet 2018 comme plusieurs ont pu le constater. Nos revendications principales sont les suivantes : la réduction de la précarité d’emploi au sein de nos membres et la conciliation travail-famille. Ce qu’il faut savoir est que 70% de nos employé-e-s sur 5500 sont des employé-e-s à temps partiel qui n’ont pas d’assurance, pas de vacances payées, pas de journée de congé payée, pas d’échelon salarial et pas d’heure garantie à l’horaire semaine après semaine.

Ils et elles reçoivent leurs horaires trois journées à l’avance et cela crée une « surembauche » et un roulement de personnel, car on ne peut pas garder des travailleurs et travailleuses dans ces conditions-là. Il faut aussi mentionner que ça prend entre 10 à 15 ans pour obtenir un poste. On se fait dépeindre par la population comme des enfants gâté-e-s parce que notre salaire à l’embauche est de 19,33$ de l’heure, mais si on le multiplie par 0 pendant 3 mois d’affilée, ça reste une multiplication de base qui donne 0$ en salaire. En gros, la SAQ n’arrive pas à garder les employé-e-s, et ce, même avec un salaire qu’on pourrait qualifier d’alléchant parce qu’elle ne peut pas garantir d’heures.

Notre autre revendication est la conciliation travail-famille et je pense que je n’ai pas de besoin d’élaborer trop sur ça, c’est pas mal évident. Sérieux, le gouvernement Couillard en a fait sa campagne, mais faut croire que ce n’est pas pour nous vu qu’il envisage de nous privatiser. Si déjà, il faut entre 10 et 15 ans pour avoir un poste à la SAQ, ça serait cool d’avoir un horaire qui comporte aucune ou une seule journée de fin de semaine. On veut garder le plancher des horaires de notre présente convention et/ou l’améliorer, mais quand ton employeur refuse même le statu quo, on se rend compte que malgré ses profits records, il s’en crisse de nous. Si j’obtiens un poste après 13 ans et que je veux espérer avoir une qualité de vie avec ma famille, ça ne sera pas à la SAQ, donc je me bats!

 

Les boss de la SAQ sont comment? Les cadres vous disent quoi?

 

Par où commencer? En gros, leur système de bonification se fait sur le dos des travailleurs et travailleuses. Plus ils coupent des heures et plus leurs bonis s’avèrent alléchants. Donc, ça ne vaut pas la peine d’en parler vraiment. Mon opinion est la suivante, j’ai étudié en relations industrielles parmi une panoplie de gens qui pensent que lorsqu’ils vont arriver dans une entreprise, ils pourront faire preuve de « leadership », c’est cute.

 

Vous faites quoi comme actions?

 

Au départ, nous avons commencé par enlever l’uniforme, mais ça n’a pas fait réagir la population. Par contre, le début des moyens de pression, qui ont été votés à 94.7%, a eu pour effet de changer le rapport de force. C’était par des actions en gradation que nous faisons comprendre à l’employeur qu’on se tient. Nous sommes 5500 membres partout au Québec et ils sont 350 et quelques gestionnaires de succursale. Ils nous trouvaient fatigant-e-s de nous voir arriver au travail, habillé-e-s comme on le voulait et qu’ils n’étaient plus reconnus comme figure d’autorité.

Après, nous avons fait une campagne de collants qui n’a jamais été demandée par notre table de négo et ni par l’exécutif. Je pense que c’est important de le mentionner pour dire à l’employeur que c’est un mouvement autonome des membres du SEMB qui a pris de l’ampleur, car nous avons été insulté-e-s par le manque de reconnaissance de l’employeur, donc ils devraient oublier leurs mises en demeure! Il faut aussi dire que certains de nos client-e-s nous ont demandé des collants afin de les apposer à l’intérieur ou à l’extérieur du magasin. Ce genre d’action de la part de ceux-ci nous a démontré qu’ils nous aiment et que ce ne sont pas les travailleurs et travailleuses qui sont dans le tort, mais bien les hauts dirigeants du monopole.

En ce moment, on fait du « facing » alternatif, on tourne le devant des bouteilles, on met à l’envers les pancartes et on se rend indispensable avec la clientèle. Puis le reste, ça reste un secret.

 

Le piquetage se passe comment?

 

Après une journée, ça s’est très bien passé parmi nos rangs. Les membres ont répondu à l’appel de façon extraordinaire. On s’est rendu compte, peu de temps avant le commencement de la grève, que l’employeur allait opérer les petits magasins, dont les SAQ Express.

Par-contre, les gens ont gardé le mot d’ordre : empêcher les livraisons! La réponse de nos membres fut incroyable.

Cependant, nous avons vu des gens de nombreux syndicats qui portaient des vêtements identifiés avec les couleurs desdits syndicats franchir nos lignes de piquetage, et ce, sans aucune honte. Le SEMB-SAQ est connu pour appuyer toutes les luttes des collègues syndiqué-e-s! Je ne mentirai pas, mais ça me met en tabarnak lorsqu’un/une syndiqué-e passe nos lignes de piquetage lors d’une SEULE journée de grève pour acheter du vin. C’est comme si nous membres du SEMB-SAQ ne valaient rien pour eux. Je leur conseille la lecture des « Traîneux de pied, Édition Boréale », parce que nous avons été les premiers à se syndiquer dès le milieu des années soixante dans la fonction publique. Nous avons une historique de lutte syndicale dont nous sommes fier-e-s.

À Montréal, j’aimerais souligner la présence de Manon Massé ainsi que plusieurs candidat-e-s de Québec Solidaire qui sont venu-e-s nous appuyer sur les lignes.

 

Si le monde en général voulait vous appuyer, quelles actions ils pourraient faire?

 

En premier, lorsque vous allez à la SAQ, vous pouvez remplir un sondage. Donc, si vous écrivez que vous aimeriez que les employé-e-s aient une bonne convention collective, ça serait super apprécié (vous pouvez aussi dire que le boss était au téléphone tout le long dans son bureau)! Ensuite, ne soyez jamais gêné-e-s de demander à parler au boss (même s’il est dans son bureau) de succursale afin de lui dire que vous trouvez inacceptable que l’employeur ne règle par le conflit de travail avec les employé-e-s. Si vous mettez la main sur des collants, gâtez-vous! Dites surtout aux travailleurs et travailleuses que vous les appuyez!

 

Les autres syndicats, ils peuvent faire quoi pour vous backer?

 

NE PAS PASSER NOS LIGNES DE PIQUETAGES, s’il-vous-plaît!

 

Solidarité et bonnes prochaines journées de grève!

 

Si vous voulez suivre les négociations et les journées de grèves suivantes, vous pouvez le faire via la page Facebook du SEMB-SAQ (CSN) : https://www.facebook.com/semb.saq/

 

** Grève perlée : qui interrompt l’activité d’une entreprise par une succession de petits arrêts de travail. Comme la camarade dit : « C’est à dire qu’on vote pour 6 jours, mais qu’on peut les utiliser une journée à la fois. Ça rend l’employeur plus nerveux parce qu’il ne sait pas quand on va sortir versus une grève illimitée. »

S’organiser, puis combattre

Comme tout le monde le sait, le G7 se tenait cette année chez nous, au Québec. Ce grotesque «Party de bourges», à 600 millions de dollars pigés des fonds publics, visait à ce que nos élites puissent comploter en paix selon LEURS intérêts (qui sont contraires aux nôtres). Étant l’un des symboles occidentaux suprêmes de leur mépris envers nous, nul-le ne fut surpris-e qu’une partie de la gauche se lance à son assaut et tente de le perturber autant que possible.

La réponse de l’état à cet «assaut» fut foudroyante : Près de 8000 policiers déployés, des hélicoptères survolant la ville de Québec, des sous-marins déployés dans le fleuve, l’armée en renfort, des prisons temporaires érigées, une zone de non-droit où la police procédait à des arrestations et des fouilles illégales, le tout précédé d’une longue campagne de peur visant à dissuader quiconque de venir s’opposer (même pacifiquement) au G7 et à légitimer toute la répression qui aurait lieu lors de cette fin de semaine.

Quelques personnes (dont moi-même) s’y sont tout de même présentées par principe, mais quelle victoire avaient-elles réellement à espérer obtenir devant une aussi lourde démonstration de puissance de l’état? Aucune, si ce n’est que celle d’en tirer cette leçon: nous ne pouvons actuellement pas changer les choses en prenant la rue. Cette lubie que certains et certaines d’entre-nous ont de croire que nous pouvons arriver à obtenir quoi que ce soit en manifestant dans les conditions actuelles (c’est-à-dire en bien trop petit nombre) doit cesser. Le constat est que nous en sommes au stade où devons consacrer notre énergie à agrandir nos rangs et à nous organiser!

Ce texte aura donc pour but remettre à l’ordre du jour quelques bases de l’organisation, et plus précisément du syndicalisme radical.

 

1. Qui rejoindre?

Lorsque l’on prend le temps de créer des liens d’amitié sincère avec les gens qui nous entourent, qu’il s’agisse de notre famille, de nos collègues de travail, des membres de notre équipe sportive, etc., il devient rapidement clair que la très grande majorité des travailleurs et travailleuses ou personnes opprimées d’autres manières (patriarcat, racisme, etc) souffrent et en sont pleinement conscientes. Ils et elles ne comprennent pas toujours en quoi ces systèmes d’oppression consistent, et encore moins comment lutter contre et qu’est-ce que pourrait être une société débarrassée de ceux-ci, mais ils et elles savent cependant qu’ils et elles sont affecté-es par de criantes injustices.

À cette question de «qui rejoindre», je répondrais donc : pratiquement toute personne subissant une quelconque forme d’oppression peut être rejointe par rapport à celle-ci. Inutile, donc, de se concentrer uniquement sur les personnes qui sont «déjà de gauche». Au contraire, prêcher aux converti-es nous empêche de développer notre influence.

 

2. Comment les rejoindre?

Les idéaux de justice sociale sont charmants et constituent des objectifs à atteindre pour les personnes qui subissent des injustices, cela va de soit. Cependant, pour la plupart des gens, ces idéaux sont si lointains qu’il est pratiquement impossible d’envisager de les atteindre un jour et il semble plus pragmatique de consacrer leur énergie à régler des problèmes qu’il est possible de régler maintenant. La bonne chose, c’est que ces deux pensées ne sont pas en contradiction puisque c’est effectivement en remportant de petites luttes, une à une, qu’on finit par en remporter de plus grandes et qu’on finira par tout remporter.

En partant de cette idée, la meilleure manière pour rejoindre les gens qui ne militent pas déjà est donc de discuter sincèrement avec elles et eux des choses qui les dérangent aujourd’hui même et de travailler avec elles et eux afin que ces situations changent. Inutile, voire immensément contre-productif, de débuter en parlant de grands idéaux socialistes-libertaires.

Il demeure cependant impératif de toujours garder en trame de fond que toutes nos luttes ne seront que palliatives tant et aussi longtemps qu’on ne remportera pas «la» grande victoire; c’est ce qui poussera les gens qu’on mobilise à comprendre qu’il faut toujours continuer, et à bien repérer quelles concessions il ne faut pas faire et dans quels pièges politiques il ne faut pas tomber.

 

3. Quelles actions entreprendre pour faire changer les choses?

Si la grève étudiante de 2012 nous a appris quelque chose si on la compare avec une grève du secteur des transports publics, par exemple, c’est qu’une masse de personnes qui prennent la rue, même très grande, et même sur une période de temps étendue, n’a hélas que très peu de pouvoir de perturbation comparé à une masse de travailleurs et travailleuses qui décident de faire la grève dans un secteur névralgique de l’économie (et cela qu’elle aie l’appui ou non du reste de la population!). Les gains immédiats, tout comme ceux à long terme, existent, mais demeurent limités.

Une autre chose que les luttes sociales nous apprennent rapidement lorsqu’on s’y attarde (et qui nous ramène au point précédent) est qu’il est bien plus facile de concentrer nos efforts pour faire campagne auprès des gens qui nous entourent contre une «petite forme de pouvoir» (par exemple, le patron de notre mileu de travail ou l’administration locale de notre école) que d’essayer de rallier toute la population à se soulever via un appel à la solidarité auquel elle répondrait par un fantasmatique et illusoire élan révolutionnaire.

Le jour où la plupart d’entre nous auront lutté-es, gagné-es, et auront acquis-es une conscience de classe collective, nous pourrons rêver et même accomplir de tels actes! Mais ce jour n’est PAS aujourd’hui. Aujourd’hui, si nous sortons de nos cercles militants déjà convaincus et allons vraiment organiser la lutte, nous savons que nous en sommes encore aux étapes de :

⁃ Faire réaliser aux personnes qui nous entourent en quoi consistent vraiment les injustices qu’ils et elles subissent au quotidien.

⁃ Leur faire réaliser qu’ils et elles ont un pouvoir concret pour faire changer les injustices dont ils et elles sont directement victimes au quotidien.

⁃ Les engager dans ces luttes, formant du même coup leur compréhension de la gauche organisée (démocratie, codes de procédures, comités, principe de non-mixité, etc.) et leur permettant d’à la fois devenir des gauchistes et de «s’empowerer».

 

Conclusion

Le passage à la société de demain est un processus qui se fera par étapes. Bien qu’elles ne s’opèreront pas une seule à la fois (on peut très bien à la fois faire du syndicalisme et des manifestations révolutionnaires du 1er mai, par exemple), il demeure important de comprendre où nous en sommes et d’investir notre énergie aux bons endroits en évitant de fantasmer sur un soudain élan révolutionnaire, ou bien que l’état cédera quoi que ce soit face à 200 manifestantes et manifestants enragé-es qui prennent la rue.

Si nous voulons réellement avancer, commençons par la base et suivons les étapes du processus. S’organiser d’abord, puis combattre!

 

Max K.

 

(L’écriture de ce texte est genrée binaire pour en faciliter la lecture, et uniquement pour cette raison. Merci d’en prendre note)

Histoire de campagne : réclame ta paye!

On reçoit souvent ce genre d’appel.

Rémi* nous a contactés parce que son ancien employeur, qui a une compagnie d’entretien ménager, ne lui avait toujours pas versé le salaire qu’il lui devait depuis près de deux mois. Pas loin de 300$. Soit de la bouffe pour un solide mois, ou une bonne partie du loyer.

Il avait travaillé pour son boss un weekend complet. Quatorze heures. Le boss devait le recontacter et lui envoyer son horaire en début de semaine. Après quelques jours sans nouvelle, Rémi en a conclu qu’il ne ferait pas d’autres quarts de travail. Il a donc commencé à essayer d’obtenir le salaire qui lui revenait de droit.

Vous serez plusieurs à vous reconnaître dans sa situation. Quand un boss veut vous parler, vous êtes mieux de répondre pis vite. Enwoye, ça presse, il a pas de temps et d’argent à perdre. Quand c’est l’inverse par contre, soudain, il y a pas d’urgence.

Appel après appel, pas de réponse. Le boss finit par répondre à un message texte en demandant que Rémi lui envoie un spécimen de chèque par email pour pouvoir lui faire un virement bancaire, ce qu’il fit on the spot. Quelques jours passent, rien. Rémi lui par contre, il est acharné et il réécrit à son boss, pour se faire dire d’envoyer de nouveau un courriel avec un spécimen de chèque. Encore une fois, sans nouvelle, pas de virement.

Il réessaiera une autre fois, mais silence radio, son ancien boss ne donnait pas de signe de vie. Quelques semaines plus tard, Rémi passait par hasard devant une de nos affiches Réclame ta paye et nous appelait.

Il nous a expliqué sa situation et nous notre manière de fonctionner. On a donc établi un plan de match rapidement. Actions directes au menu. Par contre, comme nous le demandons à toute personne qui nous contacte : un dernier appel est suggéré, mais cette fois-ci en mentionnant avoir pris contact avec un syndicat de solidarité!

Well, le mot syndicat fait encore peur! Dès que Rémi a dit à son ex-boss qu’il nous avait appelés et qu’on s’apprêtait à se mettre en démarche, soudain, le boss est devenu ben ben conciliant et quelques minutes plus tard, il lui versait son salaire impayé!

Tout cela pour dire, ensemble, quand on se tient debout et qu’on se serre les coudes, on obtient des résultats. Et les petites victoires, c’est essentiel pour bâtir un peu de solidarité. Bravo Rémi pour ta persévérance!

Solidarité,

Un membre du Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses.

 

* Par soucis de confidentialité, nous avons changé son prénom.

APPEL À MANIFESTER LE 1ER MAI : VOUS N’ÊTES PAS SEUL-ES!

Rassemblement avec nourriture et prises de parole à 14H30 au métro Parc. Départ de la manifestation de quartier à 16H00.

Suivi de la manifestation anticapitaliste de la CLAC au centre-ville.

(English below)

 

En tant que travailleuses et travailleurs, chômeuses et chômeurs, étudiant-es et locataires, notre meilleure arme pour se défendre contre ceux qui nous exploitent et nous abusent demeure la solidarité. C’est pourquoi le Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses (SITT-IWW Montréal) vous invite à vous rassembler pour lutter ensemble dans Parc-Extension le 1er mai prochain.

 

Nos luttes se multiplient sur plusieurs fronts à la fois. Tout comme les attaques à notre endroit. Les grèves et lockouts sont matés par le pouvoir des tribunaux, le secteur public se privatise et brûle ses employé-e-s, nos salaires stagnent tandis que nos loyers augmentent, les discours racistes se banalisent au grand bonheur de la classe dominante. La tenue du G7 paralyse une région complète pour que riches et puissants se partagent la planète. Et tout cela, pendant que patrons et politiciens se partagent les profits.

 

Mais qu’importe, nous luttons! Les groupes communautaires prennent la rue pour dénoncer les inégalités sociales. Les locataires de quartiers populaires se mobilisent contre la gentrification. Les femmes dénoncent et prennent l’espace public avec #MeToo. Les réseaux de solidarité antiraciste se multiplient pour contrer la montée de l’extrême-droite. Les infirmières scandent « ça va faire! » et refusent de s’épuiser dans le silence. Les travailleurs et travailleuses les plus précaires s’organisent et se solidarisent.

 

Nous ne sommes pas aussi isolé-es que les patrons et politiciens veulent le laisser entendre. Nous ne sommes pas que de simples pions qui vont voter et qui regardent les boss décider de notre sort. Nous nous battons pour nous faire entendre. Et c’est pourquoi nous devons dépasser le corporatisme, être solidaires et faire le pont entre nos luttes respectives, car c’est cela notre force!

 

C’est avec cet esprit de solidarité que le SITT-IWW Montréal vous invitent à manifester le mardi 1er mai prochain dans le quartier Parc-Extension, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs et travailleuses, pour scander ensemble : NOUS NE SOMMES PAS SEUL-ES!

 

Nous invitons tous les syndicats, groupes et organisations à endosser notre appel et à nous écrire.

 

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Gathering with food and speeches at 2:30 pm at Parc Metro. Departure of the neighborhood demonstration at 16H00.

Follow-up with the CLAC anti-capitalist protest downtown.

 

As workers, unemployed, students and tenants, our best defense against those who exploit and abuse us is solidarity. That is why the Industrial Workers of the World (SITT-IWW Montreal) invites you to gather and fight together in Parc-Extension on May 1st.

 

Our struggles are multiplying on several fronts at the same time. Just like the attacks on us. Strikes and lockouts are muted by the power of the courts, the public sector privatizes and burns its employees, our wages stagnate while our rents increase, racist speeches become commonplace to the delight of the ruling class. Holding the G7 paralyzes a complete region for wealth and power to move the planet. And all that, while the bosses and politicians share the profits.

 

But no matter what, we fight! Community groups take to the streets to denounce social inequalities. Tenants from working-class neighborhoods are mobilizing against gentrification. Women denounce and take public space with #MeToo. Anti-racist solidarity networks are multiplying to counter the rise of the extreme right. Nurses say, “Enough is enough!” and refuse to wear themselves out in silence. The most precarious workers are organizing and solidarity is on the rise.

 

We are not as isolated as bosses and politicians would like us to believe. We are not just pawns that will vote and watch as the bosses decide our fate. We fight to make ourselves heard. And that’s why we must go beyond corporatism, stand together and make the bridge between our struggles, that’s our strength!

 

It is with this spirit of solidarity that the SITT-IWW Montréal invites you to demonstrate on Tuesday, May 1st, in the Parc-Extension neighborhood, on the occasion of the International Workers’ Day, to chant all together: WE ARE NOT ALONE!

 

We invite all unions, groups and organizations to endorse our call and write to us.

L’ASSÉ et le syndicalisme

Il y a environ deux semaines, j’étais au congrès hivernal de l’ASSÉ pour la fin de semaine du 24 et 25 février. J’étais bien content d’y croiser d’autres Wobblies, dans les délégations comme à la table du présidium, et c’est ce qui m’a poussé à écrire ce texte pour vous aujourd’hui. Ma réflexion tourne autour de la question: qu’est-ce que le milieu syndical a à voir avec la politique étudiante et plus spécifiquement l’ASSÉ? La réponse que je souhaite proposer: la solidarité.

 

La politique étudiante et l’ASSÉ

Mes quelques mois d’implication dans mon association locale universitaire m’ont permis de constater plusieurs choses à propos de la politique étudiante: peu de personnes impliquées, peu de résultats concrets pour les actions entreprises, les buts sont toujours politiques et à grande échelle… Bref, ce n’est pas du pareil au même avec des syndicats comme le SITT-IWW. Toutefois, il ne serait pas juste de mettre toutes les associations étudiantes dans le même panier. Tandis que certaines d’entre elles sont contentes de n’exister que pour la vie sociale de leurs membres, il y en d’autres d’une différente espèce, qui elles se dotent de revendications politiques à l’envers du statu quo. C’est, pour la majeure partie, ce genre d’association étudiante qui s’est présenté au congrès de l’ASSÉ.

 

ASSÉ: Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante. Peu importe ce que devient l’organisation en tant que telle, le principe d’un syndicalisme étudiant demeurera toujours important. Un syndicat étudiant n’a pas pour objectif de faire pression sur un employeur, mais il n’en reste pas moins que les étudiants et étudiantes du Québec ont un rôle politique des plus pertinents à jouer. C’est à leurs associations de lutter pour les droits à l’éducation de tous et toutes, en raison de leur perspective privilégiée sur ce sujet. Ce sont les étudiants et étudiantes des cégeps et des universités qui connaissent mieux leurs réalités et ce sont elles et eux qui souffriront de coupes en éducations et hausses des frais de scolarité. Ce sont donc à elles et eux que le gouvernement devra avoir à faire lorsqu’il voudra encore porter atteinte à ce droit à l’éducation.

 

Ce serait donc une erreur d’ignorer la politique étudiante sous prétexte qu’elle ne sert que « ses propres intérêts ». Une société qui adopterait les principes d’aide mutuelle et d’autogestion doit se préoccuper de l’éducation de tous et toutes. Les attaques envers l’éducation perpétrée par le projet néolibéral ne cesseront pas de sitôt, malheureusement. Ainsi, il est important d’avoir les moyens de se défendre et de se mobiliser. Le projet d’une éducation publique et accessible en vaut la peine! Le seul moyen efficace d’accomplir ces tâches est, selon moi et mon humble opinion, le syndicalisme étudiant. Le modèle syndical a fait ses preuves dans le monde économique, par ses moyens de pression efficaces pour faire plier les patrons. Il sera toujours bénéfique à la politique étudiante de continuer de se calquer sur ce modèle pour mener à bien ses luttes.

 

Bien sûr, il faut rendre bien clair le fait que les syndicats de travail ne sont pas des syndicats étudiants. Il ne s’agit pas de fusionner les deux, car ils ont leurs propres objectifs, qu’il ne faudrait pas confondre: les droits des travailleurs et travailleuses pour l’un et les droits à l’éducation pour l’autre.

 

Les problèmes de l’ASSÉ

C’est ainsi que je me lance dans une analyse de ce qui ne va pas à l’ASSÉ. J’identifie trois problèmes majeurs, à régler dans les plus brefs délais si elle veut survivre. Un mot pour débuter: démobilisation. Ce premier problème, je le constate dans les associations locales comme nationales. La base étudiante n’est pas impliquée comme elle l’était en 2012 ou même en 2015. On parle souvent d’un « creux de mobilisation ». Les burnouts de militants et militantes ne sont pas rares et, à ce qu’on m’a rapporté, ce sont bel et bien les militantes qui pâtissent le plus de la pression qui vient avec l’implication à l’ASSÉ. Ce quelques jours après le 8 mars, j’estime nécessaire de souligner que les hommes impliqués n’en font pas assez (ou trop dans le mauvais sens selon le cas) pour favoriser un milieu militant qui n’est pas hostile aux femmes. En cela consiste donc le deuxième problème de l’ASSÉ: une association qui n’a pas la confiance des femmes n’est pas une association qui devrait s’attendre à survivre longtemps. Nous étions loin d’avoir une proportion paritaire d’hommes et femmes au congrès. Il y a aussi la question de l’implication amoindrie des personnes de la communauté LGBT+ qui doit être considérée, en plus des questions de genre. Ce rapport de confiance doit absolument être rétabli et pour cela un travail de fond est à faire. Troisièmement et enfin viennent les problèmes financiers. On parle de déficits atteignant plusieurs dizaines de milliers de dollars, majoritairement imputables aux associations locales qui ne paient pas leurs cotisations. Un problème de grande taille, c’est le moins qu’on puisse dire.

 

S’il fallait que je résume ces trois problèmes en un seul plus général, alors je dirais que l’ASSÉ souffre d’un manque de solidarité. C’est l’aliment principal de tout syndicat, sans quoi il ne peut pas vraiment vivre. L’ASSÉ doit donc: travailler à ce que sa base reprenne le goût de s’impliquer pour des enjeux qui touchent toutes les étudiantes et tous les étudiants, construire une véritable solidarité féministe dans ses rangs et finalement rétablir la confiance de ses associations locales pour qu’elles redeviennent solidaires entre elles et emploient l’argent de leurs cotisations à bon escient. Bien sûr, lorsque je dis « l’ASSÉ doit », je veux dire « tous les membres et toutes les membres de l’ASSÉ doivent »! Car une association syndicale n’est rien sauf l’ensemble de ses membres qui sont prêts et prêtes à lutter, uni-es. Les problèmes de l’ASSÉ ne lui sont pas nécessairement uniques, ce sont des dangers qui guettent tout syndicat. La solidarité est à la fois un moyen de lutte et un objectif à atteindre, qui ne doit jamais être perdue de vue.

 

La solidarité syndicale étudiante

C’est donc à ça que le milieu syndical a à voir avec la politique étudiante. Leurs objectifs et méthodes peuvent varier, mais les associations étudiantes ont tout à gagner d’adopter le modèle syndical, et tout à perdre de s’en délaisser. L’ASSÉ fut un temps le véhicule le plus populaire de cette solidarité politique étudiante, mais ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui. Je n’y suis pas attaché, j’étais trop jeune pour vraiment participer à la grève de 2012, mais je n’y suis pas aussi catégoriquement opposé que d’autres peuvent l’être. Ce qui m’importe, et ce pour quoi j’argumente, c’est une association étudiante qui vit une vraie solidarité et qui est véritablement en mesure de mettre en action des moyens de pression syndicaux pour faire valoir ses revendications. Je l’ai vu au congrès de l’ASSÉ, les associations locales veulent travailler ensemble, elles veulent lutter ensemble, même celles qui sont en faveur de la dissolution. Des coalitions d’individus pourraient bien mobiliser les étudiants et étudiantes, mais seule une approche syndicale peut entretenir un rapport de force assez importante pour faire fléchir le gouvernement. L’ASSÉ et ses membres font face au choix difficile de laisser mourir un engin de mobilisation autrefois puissant, ou de miser sur la réanimation de ce qui reste de cet engin. Il faut simplement faire en sorte que la solidarité, elle, reste bien vivante. Qui sait, l’ASSÉ et les autres associations étudiantes feraient peut-être bien de s’inspirer de ce que les Wobblies font à Montréal? Après tout c’est un modèle syndical tel que celui du SITT-IWW qui prône la solidarité dans toutes ses luttes!

 

Solidarité pour toujours,

 

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Crédit photo: https://commons.wikimedia.org

Action syndicale suite à une vague de renvois abusifs à Héritage Café

Mercredi le 28 Février, la section Montréalaise du Syndicat Industriel des Travailleuses et des Travailleurs (SITT-IWW) a commencé un piquetage devant le centre de distribution Héritage Café, situé au 5715 chemin Saint-François dans Ville Saint-Laurent. Ce piquet fait suite au renvoie de deux travailleurs, membres du SITT-IWW, pour organisation syndicale. Plusieurs membres avaient déjà appelé lundi pour signifier à l’employeur leur mécontentement face à cette décision qui va complètement à l’encontre des droits les plus fondamentaux des travailleurs et des travailleuses.

 

Vendredi le 23 Février, vers la fin de son quart de travail, Tessa Mascia s’est fait convoquer dans le bureau du Président directeur général ou elle a été renvoyé sans plus de cérémonie. “Le PDG m’a remit une lettre et a dit que j’étais renvoyé. Je croyais qu’il plaisantait. Il a dit que non. Il a dit que ça ne “marchait tout simplement pas”, comme s’il était un adolescent rompant avec une copine du secondaire.” explique Tessa. La travailleuse était pourtant une bonne employée. Elle avait une des productivité les plus élevé parmis ses collègues et venait d’être certifié au chariot élévateur. C’est lundi le 26 Février que Kyle Shaw-Müller, un autre membre du syndicat, s’est fait renvoyer sans même se voir remettre une lettre. Il fut convoqué dans le bureau du directeur après avoir tenté de convaincre ses collègues de demander à l’employeur d’annuler le congédiement de Tessa. “Je savais que je me mettais en danger, mais d’être renvoyé sans avertissement pour avoir parlé à quelqu’un d’un autre renvoie? Ahurissant.”

 

Après de nombreux appels lundi, un piquet de grève et une rencontre avec des négociateurs du Syndicat, l’employeur refuse toujours de renverser sa décision illégale et irréfléchie. Le Syndicat Industriel des Travailleurs et des Travailleuses en appellera donc non seulement aux recours légaux, mais à la force de tout son membership (canadien comme international) pour que l’employeur entende raison.

 

Le Syndicat Industriel des Travailleuses et des Travailleurs a plusieurs branches à travers le monde dont une à Montréal. Ses membres travail aujourd’hui à la construction d’un modèle syndical basé sur la solidarité de la classe ouvrière. Le syndicalisme de solidarité se caractérise aujourd’hui par la lutte directe dans les milieux de travail, par exemple dans les cafés Starbucks aux États-­Unis ou au Frite Alors! au Québec, où des améliorations des conditions de travail eurent lieu même en l’absence d’une accréditation syndicale. La Syndicat participe aussi à mettre sur pied des réseaux de mobilisation éclair sur les lieux de travail en solidarité avec des travailleurs et travailleuses victimes de vols de salaire.

 

Contact média: Sylvain Mousseau 438-345-5046

In english.

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Retour sur Capital et travail: la collaboration de classe dans le mouvement ouvrier

Les salaires, pour les travailleurs et les travailleuses d’une société dominée par l’économie libérale ou néolibérale, n’ont représenté et ne représenteront jamais rien de plus qu’une fraction de la valeur de notre travail une fois que le capital aura pris sa part de la production sociale(1). Le capital se réserve cette part avant de redistribuer le reste aux employé-es sous forme de rémunérations qui varieront selon les critères du «marché du travail» qui cherche à imposer une valeur marchande aux emplois et au travail autonome (et de ce fait aux employé-es et travailleur et travailleuses autonomes) comme s’il s’agissait d’une marchandise. Bien sûre le capitalisme, qui ne fonctionne que s’il est en croissance perpétuelle, utilisera cette part pour croître et accroître les moyens de s’approprier une part toujours plus grande de cette production sociale, ce qui en fait un système de concentration des richesses qui mène aux résultats que l’on connaît : un nombre ridicule d’individus se partageant une part immense des richesses, des moyens de production privés et qui décideront donc des orientations que prendra cette production (pouvoir). Les possédants, dans cette doctrine économique, obtiennent donc la part du travail non obtenu par les travailleurs et travailleuses. Depuis longtemps, le syndicalisme se présente comme moyen pour remédier à cette situation. Aujourd’hui, par exemple au Québec et au Canada, les centrales syndicales ont acquis des moyens et un nombre de membres qui dépassent de loin ce à quoi auraient pu rêver les organisations ouvrières du passé. Pourtant, il semble être plus que jamais improbable qu’une transformation d’envergure de l’organisation sociale (révolution) proviennent de ces entités. Pourquoi donc? Voilà , je vous laisse avec une parti d’un texte qui offre une réponse à cette question et je vous reviens avec mon point de vue sur la question.

…………………
Capital et travail : la collaboration de classe dans le mouvement ouvrier
par : Victor Levant (doctorant en science politique à l’université McGill), édition l’étincelle, 1977

chapitre V11 : le caractère de classe du syndicat «bona fide»
l’organisation du travail était illégale à ses débuts mais on fut finalement obligé d’accorder un «droit
d’association» à cause de la révolte de la classe ouvrière. La notion sous-jacente à la définition
d’activité syndicale légale dérivait cependant de la vision du monde capitaliste et reflétait les intérêts de
la classe du capital. Ce «droit» fut accordé de mauvais gré, sous condition et seulement après avoir
édulcoré l’essence du mouvement ouvrier : d’un mouvement de lutte politique pour l’émancipation du
travail en un mouvement de lutte économique pour des salaires plus élevés et de meilleures conditions
de travail. Ce «droit» ne fut finalement accordé qu’une fois le contenu de cette activité légale (le but,
les principes, la stratégie et les tactiques du syndicalisme) réduit à l’état inoffensif. On y réussit à coup
de force brutale, de répression judiciaire, de corruption et de mystification idéologique.
Notre analyse montrera que le «droit» d’association n’est que le droit de s’organiser d’une certaine
façon, dans l’intérêt du capital, i.e. dans le but d’assurer la permanence de l’actuel mode de production,
en conséquence, l’exploitation du travail.

La définition juridique de l’activité du syndicat bona fide se révéla n’être rien de plus que la
collaboration de classe sous la forme du «respect de la loi et de l’autorité». Cela signifiait que le travail
reconnaissait la légitimité de l’appareil d’État. Celui-ci maintenait sa domination – une domination
inscrite dans le code criminel du Canada, le code civil de la province de Québec et le code du travail
du Québec, domination aussi assurée par la nature de classe des gouvernements, de la bureaucratie, des
tribunaux, de la police et de l’armée qui, tour à tour, légifèrent, exécutent, jugent et font respecter les
lois. L’essence de cette appareil, c’est l’hégémonie, la domination politique du capital sur le travail.
Le code criminel du Canada et le code civil du Québec assurent l’exploitation du travail par la
légalisation de l’appropriation privée de la production sociale, maintiennent l’actuel mode de production
par la légitimation du contrat de travail et défendent la structure sociale existante en prescrivant toute
transformation de l’appareil d’état qui protège cette structure.

Le code du travail du Québec assure la domination du capital sur le travail en proscrivant la lutte de
masse militante, en régularisant, «routinisant» et individualisant le conflit des classes; il assure
l’intégration partielle du syndicat à l’appareil d’état en le rendant légalement responsable de
l’application de la convention collective et, enfin, il assure la dissémination de la mythologie libérale
capitaliste implicite dans le code : égalité de l’employeur et de l’employé («les droits égaux»), société
sans classe («le publique») et état au-dessus des classes («égalité devant la loi»).
…………….

Ceci dit, en observant la situation actuelle, il est évident que cette description du syndicalisme correspond à celle des grandes centrales syndicales du Québec qui s’inscrivent dans cette catégorie de version édulcorée et édentée de ce que l’on ne peut même plus appeler un mouvement ouvrier. Le dépôt d’une simple loi spéciale du Gouvernement Libéral suffit à faire retourner au travail des milliers de travailleurs et travailleuses de la construction ayant voté-es pour la grève et ce, dans la quasi absence de contestation. Les Syndicats actuels se sont si bien intégrés à l’appareil d’état, que l’état n’a même plus besoin de faire appelle ses forces répressives pour faire respecter des règles que le Gouvernement invente au fur et à mesure au détriment de la classe laborieuse. Les élites syndicales ont assez de pouvoir sur leurs membres pour faire appliquer les lois, les plus nocives soient-elles, pour les travailleurs et travailleuses.

Le syndicalisme révolutionnaire doit reprendre sa place dans le paysage syndicales car le syndicalisme «bona fide» (de bonne foi) actuel n’est pas adapté pour combattre le néo-libéralisme ayant accepté ou ayant été forcé à être réglementé pour acquérir un statut légale comme le suggère l’auteur de capital et travail. Il a aussi été développé dans un contexte politique durant lequel il était populaire de vouloir construire, tout et tousse ensemble, main dans la main, «la social-démocratie» qui profitera à tous et à toutes sans avoir à remettre en question la structure sociale et l’appareil d’état qui la protège (mystification idéologique?). Ce syndicalisme révolutionnaire doit exercer une pression qui s’accentuera au fils des années en émettant une critique crédible du syndicalisme actuel par des textes, des actions et la mobilisation des employé-es dans des secteurs d’emplois oubliés par le syndicalisme actuel (restauration, commerce au détail, dépanneur, travailleurs et travailleuses autonomes, communautaire etc). Il doit aussi comme dans le cas e Mapei et de Poste Canada appuyer les employé-es syndiqué-es victimes de pratiques syndicales allant dans le sens de la collaboration de classe. Bref, il doit pousser le syndicalisme à retrouver son essence : produire un mouvement conduisant à l’émancipation du Travail pour éliminer la domination des détenteurs de capitaux et de moyens de productions et éliminer aussi la domination de l’état qui défend les structures légales qui permettent l’appropriation privée de la production sociale. Ce, plutôt que de mener une lutte strictement économique visant à faire en sorte que ces possédants veulent bien accepter d’être plus «généreux» dans la redistribution de la production sociale via les salaires. Voilà pourquoi je considère que le syndicalisme révolutionnaire est plus que jamais pertinent et que ses positions, ses principes et à ses actions, puisse apporter des pistes de solution en vue de la réappropriation du travail (pouvoir) par les travailleurs et travailleuses du monde.

 

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(1) J’entends par production sociale, l’ensemble du travail effectuer par une société considérant que chaque secteur économique, fonctions et activités
sont interdépendants incluant par exemple : le travail étudiant(partage, acquisition et amélioration de la connaissance), stages étudiants, travaux ménager, éducation des enfants, travail autonome, participation citoyenne etc.