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Des vergers qui ne payent pas les pickers

La cueillette des fruits en Colombie-Britannique : un emploi précaire

Que ce soit dans la vallée d’Okanagan ou ailleurs, le monde de la cueillette des fruits en est un unique et particulièrement difficile à gérer pour les travailleurs et travailleuses. Que ce soit en char, sur le pouce, en avion ou en bus, chaque année des centaines de Québécois-es parcourent une distance faramineuse pour faire ce travail précaire.

Payé au rendement, le picking (ou la cueillette) est un travail difficile qui exige de composer avec plein d’aspects qui affectent notre salaire.

Comme notre paye dépend uniquement de notre rapidité de travail, nous sommes donc dépendant-es de la qualité du travail d’entretien des arbres, des caprices de mère Nature ou encore de la qualité de l’organisation de travail du verger (malheureusement souvent médiocre).

En plus de devoir nous soumettre au harcèlement patronal par rapport à notre statut légal, notre nationalité, genre, ou orientation sexuelle, en passant par notre look ou nos habitudes de vie, on s’épuise à travailler sans cesse pendant plusieurs jours (ou nuits) d’affilée : sauf en cas de pluie, pas de congé pendant la saison de picking.

Comme la majorité des pickers viennent d’ailleurs, notre qualité de vie pendant la période de travail est également déterminée par le bon vouloir de nos employeurs, qui sont responsables de nous fournir des installations de camping décentes. Pourtant il est fréquent que des dizaines (ou même des centaines) de pickers doivent se partager une minuscule cuisine, des toilettes chimiques débordantes, des douches dégueulasses et des conditions généralement dégradantes.

Enfin, à la fin de notre contrat de travail, il reste tout à fait possible que notre employeur décide de carrément ne pas nous payer pour le dur labeur effectué.

Conditions de travail difficiles

Je me présente, mon nom est Luciano et comme chaque été depuis environ dix ans, je suis parti dans l’Ouest canadien l’été passé. Pas pour un trip de voyage ou faire la rumba mais plutôt pour aller travailler, essayer de gagner ma vie. Au mois d’août, je suis retourné à un verger où j’avais déjà travaillé par le passé. Je n’avais jamais eu de problèmes avec mes employeurs. Tout allait bien. Je me sentais d’ailleurs privilégié de pouvoir bosser à cette ferme-là plutôt que dans un autre verger plus « hardcore », comme dans les vergers Dhaliwal, Smagh  ou OPL (Orchard Pros Logistics Inc)  où les employé-es sont très mal traité-es.

Je  suis arrivé à Creston en Colombie-Britannique autour du 20 juillet 2017 pour travailler chez Shukin, le verger en question.  J’y ai travaillé 18 jours consécutifs avant de continuer ma route. À la fin de notre dernière journée de travail, la secrétaire du patron a remis des chèques postdatés à certain-es d’entre nous qui devaient absolument quitter le jour même. J’ai récupéré les miens sans même me soucier de quoi que ce soit (puisque je leur faisais confiance) et je suis parti le jour même vers Kelowna pour me rendre à un prochain contrat qui commençait le lendemain matin.

Quelques jours ont passé avant que je dépose mes chèques dans mon compte bancaire. Ce n’est qu’après une semaine que je me suis rendu compte que mon chèque avait rebondi par manque de fonds. Au début, je ne me suis pas trop inquiété : je me disais que c’était certainement une erreur bancaire et que tout allait rentrer dans l’ordre. Mais une deuxième et puis une troisième semaine ont passé et rien n’avait changé.  À partir de ce moment-là, j’ai commencé à téléphoner à mon ancien patron pour savoir quand il allait être possible de recevoir ma paye. Je ne sais pas combien de messages vocaux, de textos, de courriels je lui ai laissés, mais à ce jour je n’ai reçu aucun retour d’appel. Aucun message, ne serait-ce qu’un «bonjour» ou, on «est désolé de la situation».

Salaires impayés

L’été a tiré à sa fin et je suis revenu au Québec. À mon retour, j’ai voulu faire une demande de chômage, mais je me suis rendu compte qu’il me manquait des heures sur mon relevé d’emploi. J’ai donc voulu entrer en contact avec la comptable du patron, mais une fois de plus j’ai frappé un mur : aucune réponse. Grâce à une amie qui était responsable d’équipe pendant que je travaillais chez Shukin, j’ai pu réclamer une partie de mes heures manquantes, mais à l’heure actuelle il en manque toujours. Évidemment, aucune aide du côté du bureau d’assurance-emploi, où on se contente de me répéter qu’il est de ma responsabilité de voir à ce que mes heures de travail soient déclarées et qu’ils et elles ne peuvent rien faire pour moi.

Aujourd’hui, nous sommes le 16 janvier et plus de cinq mois après la fin de mon contrat chez Shukin, je cours toujours après mon argent. Ils me doivent plusieurs milliers de dollars.

À cause de ces profiteurs-exploiteurs, mes plans ont drastiquement changé. J’ai dû mettre de côté tous mes projets pour trouver une solution financière. Non seulement tout cela me mets dans des états de stress et d’angoisse importants, à ne pas trop savoir si je verrai la couleur de mon argent, mais ça brise aussi des rêves que j’avais pour me sortir de cet emploi précaire.

Sachant que j’ai un statut «légal» (puisque j’ai ma citoyenneté canadienne), je n’ose pas imaginer ce qu’endurent toutes mes sœurs et  tous mes frères immigrant-es, sans papiers, qui subissent ces injustices quotidiennement et ont accès à encore moins de recours que moi. C’est ainsi qu’on traite la main-d’œuvre agricole, on les exploite et on les jette quand c’est fini. Une rage survient en moi quand j’entends les mots patrons, travail, paye… j’imagine que c’est un traumatisme!

Si j’ai décidé de diffuser cette histoire, ce n’est pas pour obtenir la pitié de personne mais plutôt pour faire en sorte que l’information circule. S’il y a d’autres camarades qui se retrouvent dans une situation aussi répugnante, j’espère qu’ils et elles feront de même : il faut en parler et dénoncer les employeurs exploiteurs des vergers du BC, sachant notamment que Shukin Orchard est une ferme très populaire et fréquentée par beaucoup de Québécois-es. Partagez cette lettre dans vos réseaux !

Soyons solidaire envers toutes et tous les camarades qui font quotidiennement face à ces abus de pouvoir patronal. Ensemble, haussons la voix, arrêtons de nous faire exploiter, faisons pression, réagissons! Ne laissons rien passer sous silence !

Seul un syndicalisme de combat peut changer nos conditions et remettre les patrons à leur place.

Rage et Solidarité,

Luciano.

 

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Crédit photo: www.publicdomainpictures.net

Le sous-salaire minimum en Colombie-Britannique: 6,35$ de l’heure

Le président de la Fédération du Travail de la Colombie-Britannique, Jim Sinclair, demande aux “restaurant officiel” (McDonald’s) des jeux Olympiques de cesser de payer leurs employés moins que le salaire minimum provincial, qui est déjà le plus bas au Canada.

“J’ai parlé à plusieurs employés de McDonald’s qui font moins de 7$ de l’heure au cours des dernières semaines, et je dois vous dire qu’ils ne sont pas impressionnés par la compagnie”, déclare Sinclair. “Ces travailleurs ont droit à un salaire décent et au respect.”

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Nouvelle idée patronale pour les précaires: le salaire minimum au 2/3

Île-du-Prince-Édouard – Le débat autour d’une idée patronale ultra-réactionnaire d’un salaire minimum modulable selon l’expérience fait rage à l’Île-du-Prince-Édouard, où la ministre conservatrice a lancé l’idée cet automne. Vaguement comparable aux fameux CPE (contrats de première embauche) qui avaient embrasés la France en 2006, l’idée est présentée comme étant une correction de “l’injustice” qui fait qu’un travailleur au salaire minimum qui a 5 ans d’expérience gagne le même salaire qu’un travailleur nouvellement en poste, comme si les travailleurs les moins payés et les plus précaires devaient payer parce que les patrons sont trop cheap pour donner des augmentations à leurs employés les plus fidèles.

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