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Canada : Vale conteste les piquets de grève et menace d’utiliser des jaunes dans la grève du nickel

Fédération internationale des syndicats de travailleurs de la chimie, de l’énergie, des mines et des industries diverses

Pressée de toutes parts de reprendre la négociation dans le litige qui l’oppose depuis maintenant six mois à l’United Steelworkers (USW) dans les mines de nickel du Canada, la direction de la compagnie brésilienne Vale est maintenant devant les tribunaux et face à l’opinion publique dans un conflit acharné entre la classe laborieuse canadienne et une multinationale riche et rentable.

Comme si la guerre des mots pour savoir qui doit fléchir pour que la négociation reprenne ne suffisait plus, les deux camps se livrent maintenant une véritable bataille pour faire amender un protocole d’accord relatif aux piquets de grève et cesser des pratiques déloyales du travail devant la Commission des relations de travail de l’Ontario. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une tentative de Vale pour affecter des membres de l’USW non grévistes aux activités frappées par la grève.

La direction canadienne de Vale cherche ainsi à “diviser pour régner” sur les métallurgistes de l’USW, mais aussi à faire croire dans le public que ses propositions de rétrocessions sociales aux sections locales de l’USW sont nécessaires à la survie de l’exploitation minière au Canada.

3.250 mineurs et métallurgistes se sont mis en grève dans les sites d’extraction, de fonte et de transformation du nickel de Vale à Sudbury et Port Colborne, dans l’Ontario, le 13 juillet 2009 avant d’être rejoints, le 1er août par 350 mineurs de cuivre et de nickel de Goose Bay et Voiseys Bay, dans la province du Labrador. Vale, qui a racheté le canadien Inco fin 2006, voudrait supprimer une prime de production aux métallurgistes canadiens, imposer un plan de pension à deux vitesses et modifier le texte des conventions pour recourir davantage à la sous-traitance, ce qui, en finale, constitue une menace pour la sécurité d’emploi et l’avenir professionnel des travailleurs.

Depuis dix semaines, Vale menace de relancer la production dans le nord de l’Ontario, près de Sudbury, une décision qui serait sans précédent dans la région. Tout récemment, la direction a fait afficher des avis disant qu’elle va remettre en service l’énorme four de Copper Cliff avec un sous-traitant de son choix.

Le syndicat a introduit un recours pour pratique déloyale du travail devant la Commission des relations du travail de l’Ontario parce que Vale veut affecter des adhérents de la section locale 2020 de l’USW – des employés, des administratifs et des techniciens – à des activités d’extraction et de transformation. La section 2020 a elle-même déposé plainte pour activité dangereuse contre Vale qui affecte ses membres à des tâches pour lesquelles ils ne sont pas formés.

Un protocole d’accord relatif aux piquets de grève signé le 29 juillet fait l’objet d’une controverse, principalement parce que Vale voudrait l’amender pour que les cars transportant des travailleurs de remplacement puissent aussi franchir les piquets. Maintenant devant les tribunaux, le litige porte aussi sur la question de savoir combien de temps les grévistes de la section locale 6500 de l’USW peuvent bloquer les véhicules devant les grilles de l’entreprise, ainsi que sur des points mineurs comme le fait que Vale ne fournit pas de bois à brûler aux grévistes, comme le prévoit pourtant l’accord de départ.

La Cour suprême de l’Ontario devrait statuer sur ces points et sur l’attitude à adopter par les piquets de grève avant la fin décembre.

Vale a aussi proposé aux 200 adhérents de la section locale 6200 de Port Colborne, à 400 kilomètres au sud de Sudbury, de reprendre la négociation indépendamment de la section 6500, pourtant couverte par la même convention collective. Il s’agit là d’une tentative avérée de diviser les travailleurs qui, selon le Président de la section 6200, Wayne Rae, n’a aucune chance d’aboutir.

Ensuite, la semaine dernière, la direction canadienne de Vale a tenté de court-circuiter le syndicat en envoyant directement une lettre à tous les grévistes. Elle les exhorte à faire pression sur le syndicat pour qu’il reprenne la négociation et accepte les demandes de Vale qui est prête à “reprendre le cours des activités”, c’est-à-dire relancer la production en embauchant et en faisant appel à des sous-traitants.

L’USW a réagi par un communiqué de presse daté du 11 décembre affirmant qu’il a déjà proposé de bonne foi à Vale à reprendre la discussion sans aucun préalable. “Nous réitérons publiquement notre position parce que la lettre de Vale tente de faire croire que nous ne voulons pas reprendre des discussions constructives”, peut-on y lire.

“Nous sommes prêts et disposés à reprendre la discussion aujourd’hui même, sans conditions. Compte tenu de l’impact que ce conflit a sur nos travailleurs, nos familles et notre communauté, il incombe au syndicat et à la direction de renoncer à toute condition préalable et de se reparler.”

“Hélas, Vale Inco maintient ses conditions préalables et l’argument disant que des concessions sont nécessaires pour assurer sa “pérennité”, alors que sa volonté de supprimer la prime sur le nickel n’affecte en rien sa survie. Vale a dû payer très cher pour racheter cette entreprise rentable contre ses concurrents. Inco a fait des bénéfices chaque année avec des cours du nickel inférieurs à ceux d’aujourd’hui. Vale a fait des profits énormes avec la convention actuelle. Personne ne peut dire que les riches mines de nickel de Sudbury ne sont pas pérennes.”

Les sections locales de l’USW de l’Ontario et du Labrador placent beaucoup d’espoirs dans une proposition de loi déposée à titre individuel par le député Claude Gravelle. Son texte imposerait la transparence à toutes les transactions relevant de la Loi sur Investissement Canada, ce qui serait une grande leçon de démocratie pour beaucoup de Canadiens, étant donné que les pourparlers entre le gouvernement fédéral et Vale ont été tenus secrets lors du rachat d’Inco.

Claude Gravelle a aussi déposé deux propositions de loi demandant l’ouverture des dossiers des rachats d’Inco par Vale et de Falconbridge par Xstrata, une opération portant sur d’intéressants gisements de cuivre et de nickel dans le nord de l’Ontario.

À la section locale 6500 de Sudbury, les 3.100 adhérents restent solidaires et affichent leur unité, leur fraternité et un fort sentiment communautaire, convaincus que la résistance à Vale est la garantie d’un avenir durable.

Du 10 au 15 décembre, la section 6500 a mené une Semaine d’action avec plusieurs activités à Sudbury. Par exemple, le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme, une veillée aux flambeaux et un défilé organisés conjointement avec le Conseil du district de Sudbury du Congrès du travail du Canada. Le lendemain, 11 décembre, les étudiants et l’association des professeurs de l’Université Laurentienne, toute proche, ont “délocalisé les classes vers les piquets de grève” de la fonderie de Copper Cliff où des cours ont été donnés pour étudier les causes et les effets de la grève.

Une collecte de fonds “Des familles pour les grévistes” a eu lieu le week-end des 12-13 décembre tandis qu’une caravane de “Soutien et solidarité avec les métallurgistes” partie de Toronto est aussi arrivée aux piquets de grève le 13 décembre. Aujourd’hui, 14 décembre, des anciens du syndicat et des retraités organiseront un colloque sur le thème “Les leçons du passé – Ce que nous avons obtenu” en se remémorant une grève de 1978 et avec une réflexion sur la nécessité de préserver l’acquis.

Et demain, 15 décembre, les membres de la section 6500 et leurs familles organiseront une marche “Équité pour nos familles” et une manifestation devant les bureaux de Vale-Inco à Copper Cliff.

Le 3 décembre, dans un autre élan de soutien aux mineurs canadiens en grève, des dizaines d’adhérents du syndicat américain Unite-Here se sont joints aux membres des sections locales 6500 et 6200 qui s’étaient rendus en autobus à New York pour protester contre la remise d’un prix du Conseil des entreprises pour la compréhension internationale au P-DG de Vale, Roger Agnelli.

Cette action de Unite-Here, qui a récemment rejoint les rangs de l’AFL-CIO, est symbolique du regain d’unité du mouvement syndical américain, une solidarité qui s’étend maintenant au Canada.

L’ICEM a été rejointe par la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) dans la mise sur pied d’une campagne mondiale de soutien aux mineurs canadiens. Le site Internet (en anglais) des grévistes fournit tous les détails sur cette grève. Son adresse est www.fairdealnow.ca.

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