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Infirmières en mouvement

Depuis l’hiver dernier, plusieurs infirmières de toutes les régions du Québec se mobilisent dans leurs milieux afin d’améliorer leurs conditions de travail. À l’hiver dernier, le témoignage public d’une infirmière a lancé une vague de dénonciations, de conscientisation et d’actions collectives faites par les infirmières. Leurs revendications? L’amélioration de la qualité de vie au travail et de la qualité de vie de leurs patient.es. Elles revendiquent, entre autres, la fin du temps supplémentaire obligatoire (TSO), des ratios infirmières-patient.es plus sécuritaires, l’accès à plus de matériel de soin pour les patient.es.

Afin de mieux comprendre leur quotidien, des membres du personnel soignant de l’Outaouais ont publié Le livre noir des urgences de l’Outaouais (2018) dans lequel on retrouve des dizaines de témoignages dont en voici quelques extraits :

J’ai de la difficulté à regarder dans le blanc des yeux mes patients et leur famille et de leur dire que tout va bien aller, peu convaincue moi-même que tout ira bien. (Témoignage, p. 13)

Ce soir comme plusieurs autres, j’ai mis ma licence de travail en jeu. Heureusement, je suis vigilante et perfectionniste. Mais ce soir, j’ai eu honte et j’étais insatisfaite des soins donnés à mes patients. Je ne pensais jamais devoir répondre à mes patients qui me demandaient de changer leur culotte souillée depuis 1 heure : « désolé, je vais devoir revenir, nous sommes à court de personnel, mais je vous promets qu’aussitôt que j’ai 5 minutes, je reviens vous voir »! Sérieusement, c’est inacceptable, je ne traiterais jamais un membre de ma famille de cette façon! (Témoignage, p. 39)

Le gestionnaire du département s’avance avec son « expression de pitié » collée au visage (comme à l’habitude) pour demander si l’on accepte de rester « un petit 4 heures ce matin » ? Il s’avance devant ma collègue pour lui parler, elle lui exprime son refus de rester ce matin, mais il insiste. Ma collègue me demande si elle est obligée […]. (Témoignage, p. 18)

À l’urgence, nous nous sommes toujours entraidés, pas seulement comme une équipe, mais comme une famille. Dernièrement, la surcharge de travail devient tellement lourde que nous ne pouvons même plus nous soutenir. (Témoignage, p. 9)

Il est temps de crier: ÇA SUFFIT. C’EST NON! (Témoignage, p.11)

 

Contrairement à plusieurs initiatives dans le milieu du travail, cette mobilisation vient de la base; pas des centrales syndicales, ni des politicen.nes, ni d’un projet douteux de gestionnaire. Les infirmières prennent par elles-mêmes les moyens qui leur conviennent pour se faire entendre et changer les dynamiques de pouvoir qui nuisent à leur profession. Parmi les différents moyens qu’elles ont pris, certains sont illégaux, d’autres plus artistiques, d’autres, offensifs. En voici quelques exemples :

-Manifestations locales avec le soutien de la population;

-Micro-ouvert et témoignages publics: les infirmières sont généralement sanctionnées quand elles prennent la parole publiquement;

-Sit-in aux changements de quarts contre le travail supplémentaire obligatoire (illégal);

-Auto-dénonciation : Les infirmières ont un ordre professionnel qui doit techniquement protéger la sécurité de leurs patient.es. Elles ont, par centaines, contacté leur ordre pour se dénoncer elles-mêmes étant donné que les conditions de travail mettent en danger les patient.es. Cette action a forcé leur ordre à prendre position publiquement en leur faveur;

Leur lutte est un exemple de ce que les travailleuses et travailleurs peuvent faire par elles-mêmes, pour elles-mêmes. On parle plus rarement des campagnes dans les secteurs à majorité de femmes, ou encore dans les emplois de soin, historiquement laissés aux femmes. Si certaines personnes trouvent les mobilisations en soin de santé moins frappantes ou radicales parce qu’elles ne brandissent pas de gun à clous en faisant un piquet de grève, il n’en reste pas moins qu’elles font une lutte de la base, ancrée dans leurs milieux. Elles politisent leur quotidien, prennent du pouvoir sur leurs milieux de travail, améliorent leurs conditions et celles de notre système de santé.

Solidarité avec les infirmières, les infirmiers et tout le personnel de soin de santé!

 

Joëlle Dussault

1er novembre 2018 pour La Sociale, le journal des travailleuses et travailleurs du communautaire.

 

Crédit Photo: Cédric Martin

 

L’absurdité du monde: Le maraudage

Le Comité Communication est fier de vous présenter la première transcription des chroniques d’Action en Direct. Pour lancer le bal, la première chronique d’Éric, soit le maraudage dans le secteur de la santé, sujet dépassé? Rien n’est moins sûr. La triste vérité est qu’on a eu droit a une campagne de maraudage des plus typique. Changeons le nom des syndicats et retrouvons nous dans le secteur de la construction, de la fonction publique ou sur la chaîne de montage la plus près de chez vous.

J’ai décidé de faire cette chronique, l’absurdité du monde, présenté à l’émission de radio Action en Directe, pour montrer à quel point on vit dans un monde rempli de contradictions et comment l’establishment, avec les médias, l’éducation et la maîtrise du discours officiel réussit souvent à nous faire gober n’importe quoi. C’est aussi un peu un pied de nez aux différents médias officiels ou indépendants de droite qui disent n’importe quoi sur un ton colérique. J’ai décidé de faire sensiblement la même chose, mais d’un point de vue progressiste.

Aujourd’hui je vais vous parler du maraudage syndical en santé. En gros, le maraudage, c’est quand deux centrales syndicales se battent pour avoir la représentation d’une unité d’accréditation syndicale. Grosso modo, si tu es dans le syndicat des infirmières du CHUM, par exemple, il y a un moment prévu dans la loi où tu peux changer de syndicat, par exemple, si le syndicat était à la CSN, il peut décider d’aller vers la FTQ. Celui-là est particulier, car il a été forcé par l’État. Il n’y a pas si longtemps, nos centrales syndicales étaient toutes unies sur un même plancher, en front commun, tout le monde ensemble contre le gouvernement et contre les coupures en santé. Puis le gouvernement a fait passé la loi 10, en forçant un regroupement, passant des CSSS au CIUSSS, ce qui a modifié les unités d’accréditation syndicales. Donc à la place de combattre cette loi là, les centrales ont décidé de se clasher pour gagner des nouvelles accréditation. Oh surprise, on n’entend plus parler de la loi 10, maintenant tout ce qu’on entend, c’est “notre syndicat est meilleur, le votre est moins bon, on a de meilleures assurances” etc. On peut donc voir que le grand gagnant de ce maraudage forcé là, c’est l’État, c’est l’employeur et ça ne fait que montrer à quel point c’est néfaste pour le syndicalisme. Ça me conforte aussi dans nos positions, aux IWW, de ne pas essayer d’aller grabber des membres à d’autres syndicats et de ne pas décider de s’accréditer, car le gouvernement peut facilement décider de jouer avec ces accréditations pour mettre la merde dans les syndicats.

Avant de commencer à rentrer dans le vif du sujet, je voulais vous faire entendre cette publicité de la FIQ (Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec) :



Pour décrire un peu, on voit une infirmière qui semble être dans un établissement de santé qui attend l’ascenceur. Une première porte s’ouvre avec pleins de gens qui n’ont rien à voir avec une infirmière : un gars de la construction, une travailleuse de shop, une fille qui joue du violoncelle, même un fakir. Et là, l’infirmière fait une moue qu’on peut interpréter comme “maudit! ça me représente pas”. Et là, l’autre porte s’ouvre avec Régine Laurent, la présidente de la FIQ, pis une gang d’infirmières en sarraus bleus poudre qui dit “embarquez avec nous”, on se ressemble, contrairement aux autres!

Ce que ça nous dit cette publicité-là, et pourquoi c’est aussi un peu de la bouette, c’est qu’on ne devrait pas s’unir en tant que classe ouvrière pour faire face, ensemble, au même patron. Par exemple, en santé, il y a, oui, les professionel-le-s de la santé que la FIQ syndique, mais aussi, toutes sortes de quarts de métier, comme des cuisiniers, des concierges, des préposés aux bénéficiaires. Le message qu’envoie la FIQ, c’est qu’il ne faut pas s’unir avec les autres quarts de métier, qui ont le même patron que nous et lutter en solidarité. Non, la FIQ préfère plutôt profiter de leur statut de professionnel-le-s de la santé pour aller chercher des miettes de plus que les autres quarts de métier, considérés comme moins importants. Bref, ne nous unissons pas sur une base industrielle, ayant tous le même patron, mais faisons un espèce de syndicalisme de métier qui permet à une élite ouvrière d’aller se chercher de meilleurs conditions que leurs collègues.

 

N’écoutant que mon courage, et suite à plusieurs discussions avec des camarades qui travaillent dans le secteur de la santé, je suis allé voir sur le site web des différents syndicats corporatistes pour voir les arguments qu’ils donnent pour voter pour eux :

La première chose qui frappe, c’est l’emphase mise sur les régimes d’assurances et les cotisations syndicales.


Premiers arguments.
Chaque syndicat nous explique comment son régime d’assurance est le meilleur.
On a l’impression de se magasiner une police d’assurance.
Question : Avez-vous confiance en vos compagnies d’assurance? Imaginez maintenant quel est le degré de confiance des gens envers les syndicats…

Deuxième argument : Nos cotisations sont plus basses.
Sans trop d’explication du pourquoi, tous les syndicats ont les cotisations les plus basses et les mieux gérées. C’est simple comme « Payer moins pour en avoir plus dans vos poches » C’est d’ailleurs le pitch de vente du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) pour vendre ses votes. Avec le SCFP, plus d’argent dans vos poches.
Y’a même des calculateurs de combien tu sauves sur leur site web. By the way j’ai vérifié, les cotisations des wobblies battent toute la concurrence, mais bon.

 

Troisième argument : On est les plus nombreux
Poussons cet argument au plus loin. Saviez-vous que le Journal de Montréal est le journal le plus lu au Québec ? Que Radio X est la radio la plus écoutée à Québec ? Ça vous donne une idée… Donc la FIQ est celle qui regroupe le plus de professionnelles, le SCFP est dans la FTQ, qui regroupe le plus grand nombre d’adhérents au Québec, la CSN est celle qui a le plus syndiqué-e-s en santé. Ça vous donne une idée… On est les plus nombreux, donc vous êtes caves si vous n’êtes pas avec nous.

 

Quatrième argument : Nos employé-e-s sont les meilleurs.
Autre tendance lourde, les employé-e-s de tous ces syndicats sont les meilleurs, les plus compétents, les plus serviables, les mieux organisés. Vous voyez le portrait.

On en vient presque à se demander pourquoi les IWW ont fait le choix de ne pas avoir d’employé-e-s. C’est un peu comme si ces syndicats se vantaient d’être les meilleurs patrons. Ou encore d’être la meilleure machine de service, on en revient encore au bon vieux vendeur d’assurances.

Cinquième argument : Les goodies

Ils ne s’en vantent pas sur leur site web, mais un peu partout sur les lieux de travail, les centrales se promènent en distribuant différents goodies pour acheter le vote. C’en est tellement ridicule que plusieurs travailleuses et travailleurs de la santé se sont mis à les collectionner. T-shirts, tuques, agendas, crayons, bloc-notes, tabliers et même coupes de champagne. Y’a pas à dire, les syndicats sont vraiment là pour nos besoins dans les périodes de maraudage. C’est encore pire que des politiciens en campagne électorale.

 

Bref, que devons-nous retenir de ça?
En aucun cas, les syndicats ne parlent de combativité, de démocratie directe, de défense collective, bref de tout ce qui est à la base du syndicalisme.
Le syndicalisme d’affaires est pathétique, on le voit sous sa forme la plus crasse, celle du vendeur d’assurance, celle du petit peddler qui essaie de t’acheter pour avoir tes cotisations, celle de la multinationale qui essaie de nous acheter à grands coups de publicité et de slogans creux.

 

Le gouvernement est celui qui a gagné sur toute la ligne et les syndicats sont entrés dans son jeu à grande vitesse à la place de faire front commun et de lutter.

N’attendons rien des centrales.

 

Éric.

 

Crédit Photo: http://www.familyfuncanada.com/saskatoon
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Mobilisation Verdun sur l’entente de principe entre la FIQ et l’État

Comité de mobilisation Verdun

Ce que les dernières négociations nous ont appris, mis à part que le syndicalisme a perdu toute combativité, c’est qu’il n’y a plus aucune solidarité syndicale. Le front commun, c’était chacun pour soi.

La FIQ a conclu une entente qui sera acceptée massivement. Sa stratégie est claire désormais. Dès le départ, la FIQ avait accepté de faire partie du front commun à la seule condition qu’aucun autre syndicat ne se mêlerait de ses négos sectorielles. Elle a accepté les offres médiocres de la table centrale pour ensuite aller chercher des augmentations déguisées dans ses négos sectorielles. J’ai vu Madame Laurent, présidente de la FIQ, avoir une conversation assez corsée avec une représentante locale CSN à ce sujet. La FIQ savait aussi que les infirmières, avec l’appui de la population, ont un vrai rapport de force, rapport de force qu’elle a gardé pour elle-même.

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Hôpital de Verdun: les travailleurs s’organisent et mécontentent les représentants CSN et FIQ

— Exclusif —

Mise à jour: les travailleuses et travailleurs de Verdun ont un blog: Comité de mobilisation Verdun

Voilà une histoire qui illustre bien l’état pitoyable dans lequel le syndicalisme québécois se trouve, embourbé dans un légalisme démobilisateur, qui sert trop souvent de prétexte à l’inaction, qui favorise les petites guerres de pouvoir mesquines et cantonne la base des syndicats à une inaction apathique et un encadrement infantilisant.

Les IWW ont toujours été pour l’action et la démocratie directe, le contrôle du syndicat et de ses ressources par l’ensemble des travailleurs et des travailleuses à la base, l’implication des membres étant à la fois garante de la combativité du syndicat et de sa démocratie interne.

La lettre qui suit relate l’histoire de travailleurs et de travailleuses du réseau de la santé qui tentent de s’organiser sur leur lieux de travail pour informer, politiser et mobiliser leurs collègues dans une optique de lutte, alors que les représentants syndicaux tentent de saboter l’initiative et se conduisent comme des petits boutiquiers effrayés que “leur” base ait pu penser à s’organiser et bouger.

Les travailleurs en question ne sont pas anti-syndicaux, ne sont pas réactionnaires, de droite, anti-travailleurs… rien de tout cela. Ce sont simplement des gens déterminés à faire bouger les choses, qui n’acceptent pas d’attendre indéfiniment après des bureaucrates qui considèrent leur base comme leur fief privé, comme leur clientèle captive.

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