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Syndicat sous le radar

Les réussites visibles

Quand on parle de syndicats, qu’ils soient à l’IWW ou ailleurs, on pense généralement à de grosses bannières bien visibles. Chez nous, les noms qui frappent le plus comme des exemples de réussites sont sans doute le Starbuck’s Workers Union qui a mis l’IWW sur la map au début des années 2000 ou encore les récentes campagnes menées par le Syndicat des travailleurs et travailleuses du Frite Alors et celui des travailleurs et travailleuses du milieu associatif en éducation, tous deux affiliés à la section locale de Montréal.

 

La pointe de l’iceberg syndical

Mais si ce n’était là que la pointe de l’iceberg? Dans la formation d’organisation 101, on nous amène à discuter et débattre de la définition la plus englobante qu’il serait possible de donner d’un syndicat. Après y avoir assisté trois fois en tant que participant et 5 fois en tant que formateur, je peux vous garantir qu’à presque tout coup nous arrivons à la même réponse : un syndicat c’est quand deux travailleurs ou travailleuses ou plus s’unissent pour améliorer leurs conditions de travail et celles de leurs collègues.

Si on regarde du côté du Syndicat des travailleurs et travailleuses du Frite Alors de la rue Rachel, par exemple, on remarque que l’action syndicale commença longtemps avant que le S-Word ne soit prononcé. Dès le printemps ils et elles mettaient de l’avant des actions collectives pour avoir droit à de la climatisation dans le restaurant, une demande qui fut suivie de quelques actions, puis par de nouvelles revendications.

Dernièrement, le Combat Syndical publiait un article parlant de salarié-es de l’industrie de l’animation 3D qui ont réussi à substantiellement améliorer leurs conditions de travail, mais l’équipe de la rédaction aurait aussi pu se pencher sur de nombreux autres exemples locaux. Des salarié-es de l’industrie de la livraison qui ont réussi à obtenir de meilleurs outils pour travailler et une augmentation de salaire de 20 %, des salarié-es de la santé qui ont réussi à limiter les dommages du modèle Lean dans leur établissement, des salarié-es de la restauration qui ont obtenu des augmentations de salaire et la réparation de plusieurs de leurs instruments de travail, des salarié-es d’un centre d’appels qui ont obtenu eux et elles aussi une augmentation de salaire.. Ce sont là des exemples d’une solidarité victorieuse et qui la plupart du temps resta néanmoins dans l’ombre. Ils sont le résultat de l’union des travailleurs et travailleuses concerné-es, de nombreuses heures de réunion nécessitant la participation de tous et chacune, et souvent de plusieurs actions, bref de l’action syndicale en bonne et due forme!

 

Sur le terrain

Un autre exemple vers lequel il est possible de se tourner est celui du Stardust Family United (SFU) à New-York. Bien que leur syndicat, dont l’existence fut rendue publique en août dernier eu à faire face à une répression monstre, on peut constater deux choses. La première est qu’en dépit des dizaines de congédiements qui suivirent la sortie publique du SFU, ce n’est que la partie émergée du syndicat qui fut congédiée. Si cette dernière a maintenu la pression en organisant des lignes de piquetage jour après jour, d’autres travailleurs et travailleuses de chez Stardust, de leur côté, ont continué à travailler sous le radar et à aller chercher de nombreux gains. D’ailleurs, nous apprenions dernièrement que deux des vétérans et vétérantes de la campagne d’organisation new-yorkaise poursuivaient leurs activités ailleurs. Forcé-es de déserter les lignes de piquetage pour se trouver un autre travail, l’une d’entre elles participa à un refus collectif de signer une nouvelle politique de discipline qui était littéralement draconienne, tandis que l’autre coordonna une sorte de marche tournante sur le patron, au sujet des pourboires laissés par carte de crédit et volés des serveurs et serveuses. La victoire fut immédiate. À l’IWW, nous disons souvent que ce ne sont pas les lieux de travail que nous organisons, mais plus tôt les travailleurs et les travailleuses directement. Qu’un des objectifs principaux derrière nos campagnes d’organisation est de créer plus d’organisateurs et plus d’organisatrices qui pourront mener la lutte sur leur actuel lieu de travail comme dans tous les autres qu’ils et elles croiseront au fil de leur vie.

 

Sortie publique ou pas sortie publique?

Il y a quelque chose de très médiatique, de très glamour à faire une sortie publique, mais ce n’est pas la seule manière de s’organiser en tant que syndicat et de gagner en tant que syndicat. Aider ses collègues à prendre pleinement conscience du pouvoir que notre patron exerce sur notre vie, puis les amener à réaliser toute la force qu’il est possible d’avoir lorsque nous nous unissons, pour ensuite prendre les actions qui s’imposent, c’est une victoire en soit! Ce sont là des exemples de travailleurs et de travailleuses qui se sont empoweré-es, ont vu leurs conditions de travail s’améliorer et se sont outillé-es pour pouvoir recommencer à se battre ou qu’ils et elles soient! En un mot : Du Syndicalisme.

 

Mathieu Stakh

 

La qualité chez Ericsson?

Coupes dans le contrôle de qualité

Tout au long de mon parcours au sein du département des Services accès de Red Bee Media / Ericsson, j’ai développé une certaine ardeur à produire des sous-titres de grande qualité pour tous les publics, quel que soit le contenu du programme ou la chaîne qui le diffuse. La même chose peut être dite de mes collègues. On pourrait croire que ce genre de fierté à offrir des services de grande qualité aux téléspectateur.rice.s malentendant.e.s serait partagée et même encouragée par la direction des opérations. À la place, j’ai pu observer des coupures récurrentes dans les programmes de contrôle de qualité, sacrifiés en faveur d’une hausse des bénéfices. La logique qui sous-tend ces pratiques veut que tout le travail investi dans la révision, la relecture et l’amélioration de nos activités pourrait être plus “productivement” employé dans la production d’une plus grande quantité de sous-titres. Inévitablement, les sous-titres en ressortent de moindre qualité. Les coupures sont particulièrement prononcées dans les bureaux d’Amérique du Nord, à Montréal (QC) et Duluth (GA), qui sont nouveaux dans le paysage et qui ont été ciblés par les objectifs de réduction des coûts d’opération globale mis en place par la direction.

Dans le cadre de leurs activités de sous-titrage et des tâches administratives qui leur sont associées, les sous-titreur.euse.s sont régulièrement confronté.e.s aux derniers restes d’une infrastructure de contrôle de la qualité aujourd’hui moribonde. Avant d’aborder la question de l’infrastructure-même, il est important de comprendre qu’en termes de précision, le sous-titrage en direct est un processus particulièrement imparfait. Les sous-titreur.euse.s doivent prendre des décisions éditoriales à la volée et un logiciel de reconnaissance vocal peut s’avérer un ami inconstant. Les sous-titres en direct peuvent être soit créés à partir de rien par les sous-titreur.euse.s (i.e. “répétition en direct”), soit produits à partir de textes préparés et fournis par le diffuseur, ou (dans le cas de contenu répété) ils peuvent être des retransmissions de texte créé à l’avance. À l’origine, chez Red Bee Media / Ericsson, lorsque le texte devait être retransmis de cette manière, il devait être relu après la première transmission afin de s’assurer que toutes les transmissions suivantes auraient une précision presque parfaite. Aujourd’hui, ce processus n’a plus lieu. Le résultat est que les mêmes erreurs se répètent d’une transmission à l’autre. Les tentatives de corriger les erreurs à la volée sont souvent empêchées par des problèmes techniques. Au fil des ans, une réduction similaire des processus de relecture s’est mise en place en ce qui concerne le sous-titrage des programmes préenregistrés.

Ignorer les demandes des employé-es

Lorsqu’on se prépare à sous-titrer un programme en direct, chaque minute est précieuse. Néanmoins, les sous-titreur.euse.s disposent souvent d’une copie remplie de fautes de frappe et d’orthographe. Parfois, il se retrouvent aussi avec une mise en page étrange qui doit être méticuleusement modifiée afin de créer des sous-titres conformes aux lignes directrices et au style du client. Au courant de la dernière année, le temps de préparation alloué aux programmes sous-titrés en direct a été presque unilatéralement coupé de moitié. La direction a à plusieurs reprises ignoré les demandes du personnel de sous-titrage et de formation d’augmenter ce temps de préparation pour certains programmes en direct. Celle-ci soutient que les travailleur.euse.s vont “s’adapter” aux nouvelles exigences, alors que même les sous-titreur.euse.s expérimenté.e.s peinent à accomplir le strict minimum en termes de travail de préparation.

Chez Red Bee Media / Ericsson, la principale mesure de contrôle qualité mise en place pour garantir l’exactitude des sous-titres en direct est l’examen détaillé du travail des sous-titreur.euse.s. Dans l’aile britannique des opérations, établie depuis longtemps, les sous-titreur.euse.s sont examiné.e.s trois fois par mois: une fois par eux.elles-mêmes, une fois par un.e pair.e, et une fois par le personnel de soutien. Au cours de la dernière année, la direction des opérations nord-américaines a éliminé les examens par les pair.e.s et les autos-examens, et a éliminé le système qui assurait qu’une grande variété du travail était révisée. Les sous-titreur.euse.s ne disposent par conséquent que de très peu d’informations sur les améliorations à apporter à leur travail.

Un problème de contrôle de qualité me semble particulièrement flagrant. Il s’agit du cas d’un.e employé.e daltonien.ne qui avait de la difficulté à coloriser du texte pour les émissions britanniques. Cet.te employé.e s’est fait dire à plusieurs reprises que des accommodements d’accessibilité ne seraient pas fournis aux travailleur.se.s parce que la coloration du texte n’est pas une haute priorité pour les diffuseurs. Il convient de noter que les téléspectateur.rice.s, et non les diffuseurs, sont les utilisateur.rice.s de sous-titres. Dans de nombreuses régions, les changements de couleur sont la seule méthode utilisée pour indiquer un changement de locuteur. Le.a téléspectateur.rice a le droit de s’attendre à ce que les sous-titreur.euse.s essaient au moins d’utiliser les couleurs avec précision. Dans ce cas, la direction de Red Bee Media / Ericsson échoue doublement: elle échoue face à ses téléspectateur.rice.s ainsi que face à ses employé.e.s. L’attitude blasée de la direction des Services d’accès envers ses responsabilités en matière d’accessibilité à l’égard de ses propres employé.e.s donne une idée troublante de son attitude à l’égard des services d’accessibilité en général.

Désintérêt pour de possibles améliorations

Ces coupures, de même que la suppression d’un bulletin informant les travailleur.euse.s sur le secteur des services d’accès en général, soulignent le désintérêt de la direction à fournir des services d’accès de haute qualité à ses clients. La direction de Red Bee Media  et des services d’accès d’Ericsson a clairement indiqué que beaucoup des diffuseurs pour lesquels nous produisons des sous-titres ne se soucient pas de la qualité des sous-titres, et ont souvent utilisé ce raisonnement pour justifier les décisions visant à réduire ou éliminer les mesures de contrôle de qualité mentionnées plus haut. Le mépris de la direction de Red Bee Media / Ericsson pour les téléspectateur.rice.s qui utilisent son produit est clair.

Lorsque les travailleur.euse.s sont informé.e.s que l’amélioration de leur travail est une perte de temps, il y a quelque chose qui cloche – lorsque les téléspectateur.rice.s dans les communautés sourdes et malentendantes sont lésé.e.s par une priorité placée sur les profits aux dépens des individus, la blessure est doublement honteuse.

 

Le syndicat des sous-titreuses et des sous-titreurs de Montréal cherche actuellement à négocier sa première convention collective avec Red Bee Media / Ericsson, une entreprise qui a refusé de négocier à compter du 21 mars 2018. Les travailleur.euse.s demandent des salaires équitables et des pauses fondées sur les opérations globales, et la fin du modèle des quarts de travail exténuants présentement en place.

 

Solidarité,

Le syndicat des sous-titreuses et des sous-titreurs de Montréal.

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Des sous-titreurs et sous-titreuses montréalais.e.s au service de la communauté sourde et malentendante du Canada forment un syndicat

Aujourd’hui, le 15 mars 2018, une nouvelle communauté de travailleurs et travailleuses qualifié.e.s de Montréal ont choisi de se joindre au Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses dans leur combat contre l’exploitation.

 

Les sous-titreurs et sous-titreuses travaillant pour le géant des télécommunications Ericsson, qui produit des sous-titres destinés à la télédiffusion au Canada et au Royaume-Uni, ont vu la qualité de leur travail se dégrader tout comme leurs conditions de travail.

 

Les employé.e.s d’Ericsson Canada sont sous la direction de Red Bee Media, une filiale anglaise détenu par Ericsson. Red Bee Media est en charge de produire et acheminer les sous-titres au Canada pour Corus Entertainment (Global News). Ce service est essentiel pour la communauté des personnes sourdes ou malentendantes du Canada et mérite qu’il soit de la plus grande qualité.

 

Toutefois, alors que les sous-titreurs et sous-titreuses d’Ericsson et de Red Bee Media en France, en Australie, en Espagne et au Royaume-Uni sont syndiqué.e.s, la compagnie a choisi de délocaliser sa production en Amérique Du Nord, laissant la porte grande ouverte à l’exploitation. En raison des salaires insoutenables, des longues heures de travail, des pauses inadéquates et d’un manque de respect pour les travailleurs et travailleuses, les consommateurs reçoivent un service de moins grande qualité.

 

Les différentes communautés sourdes et malentendantes du Canada méritent mieux que des sous-titres créés par des travailleurs et travailleuses fatigué.e.s, affamé.e.s et lésé.e.s.

 

Nous exigeons que Ericsson Canada respecte les normes et standards qu’ils se sont eux-même fixés dans leur code d’éthique professionnel et respecte le fait que « toutes les personnes devraient être libres de former et de rejoindre pacifiquement et légalement les associations de travailleurs et travailleuses de leur choix et devraient avoir le droit de négocier collectivement » en reconnaissant volontairement le Syndicat et en entamant des négociations de bonne foi.

 

Le Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses (SITT-IWW) a plusieurs branches partout dans le monde, incluant la section locale de Montréal. Ces membres luttent pour un modèle syndical fondé sur une forte solidarité entre la classe ouvrière, appelé le syndicalisme de solidarité. Ce modèle encourage l’action directe sur les milieux de travail comme peuvent en témoigner nos campagnes au Ellen’s Stardust Diner à New-York et au Frite-Alors! à Montréal.

 

Le SITT-IWW est heureux d’accueillir nos camarades de Ericsson et Red Bee Media au sein de la lutte pour l’amélioration des conditions de travail.

 

Contact média: Selena 438-345-5046

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L’ASSÉ et le syndicalisme

Il y a environ deux semaines, j’étais au congrès hivernal de l’ASSÉ pour la fin de semaine du 24 et 25 février. J’étais bien content d’y croiser d’autres Wobblies, dans les délégations comme à la table du présidium, et c’est ce qui m’a poussé à écrire ce texte pour vous aujourd’hui. Ma réflexion tourne autour de la question: qu’est-ce que le milieu syndical a à voir avec la politique étudiante et plus spécifiquement l’ASSÉ? La réponse que je souhaite proposer: la solidarité.

 

La politique étudiante et l’ASSÉ

Mes quelques mois d’implication dans mon association locale universitaire m’ont permis de constater plusieurs choses à propos de la politique étudiante: peu de personnes impliquées, peu de résultats concrets pour les actions entreprises, les buts sont toujours politiques et à grande échelle… Bref, ce n’est pas du pareil au même avec des syndicats comme le SITT-IWW. Toutefois, il ne serait pas juste de mettre toutes les associations étudiantes dans le même panier. Tandis que certaines d’entre elles sont contentes de n’exister que pour la vie sociale de leurs membres, il y en d’autres d’une différente espèce, qui elles se dotent de revendications politiques à l’envers du statu quo. C’est, pour la majeure partie, ce genre d’association étudiante qui s’est présenté au congrès de l’ASSÉ.

 

ASSÉ: Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante. Peu importe ce que devient l’organisation en tant que telle, le principe d’un syndicalisme étudiant demeurera toujours important. Un syndicat étudiant n’a pas pour objectif de faire pression sur un employeur, mais il n’en reste pas moins que les étudiants et étudiantes du Québec ont un rôle politique des plus pertinents à jouer. C’est à leurs associations de lutter pour les droits à l’éducation de tous et toutes, en raison de leur perspective privilégiée sur ce sujet. Ce sont les étudiants et étudiantes des cégeps et des universités qui connaissent mieux leurs réalités et ce sont elles et eux qui souffriront de coupes en éducations et hausses des frais de scolarité. Ce sont donc à elles et eux que le gouvernement devra avoir à faire lorsqu’il voudra encore porter atteinte à ce droit à l’éducation.

 

Ce serait donc une erreur d’ignorer la politique étudiante sous prétexte qu’elle ne sert que « ses propres intérêts ». Une société qui adopterait les principes d’aide mutuelle et d’autogestion doit se préoccuper de l’éducation de tous et toutes. Les attaques envers l’éducation perpétrée par le projet néolibéral ne cesseront pas de sitôt, malheureusement. Ainsi, il est important d’avoir les moyens de se défendre et de se mobiliser. Le projet d’une éducation publique et accessible en vaut la peine! Le seul moyen efficace d’accomplir ces tâches est, selon moi et mon humble opinion, le syndicalisme étudiant. Le modèle syndical a fait ses preuves dans le monde économique, par ses moyens de pression efficaces pour faire plier les patrons. Il sera toujours bénéfique à la politique étudiante de continuer de se calquer sur ce modèle pour mener à bien ses luttes.

 

Bien sûr, il faut rendre bien clair le fait que les syndicats de travail ne sont pas des syndicats étudiants. Il ne s’agit pas de fusionner les deux, car ils ont leurs propres objectifs, qu’il ne faudrait pas confondre: les droits des travailleurs et travailleuses pour l’un et les droits à l’éducation pour l’autre.

 

Les problèmes de l’ASSÉ

C’est ainsi que je me lance dans une analyse de ce qui ne va pas à l’ASSÉ. J’identifie trois problèmes majeurs, à régler dans les plus brefs délais si elle veut survivre. Un mot pour débuter: démobilisation. Ce premier problème, je le constate dans les associations locales comme nationales. La base étudiante n’est pas impliquée comme elle l’était en 2012 ou même en 2015. On parle souvent d’un « creux de mobilisation ». Les burnouts de militants et militantes ne sont pas rares et, à ce qu’on m’a rapporté, ce sont bel et bien les militantes qui pâtissent le plus de la pression qui vient avec l’implication à l’ASSÉ. Ce quelques jours après le 8 mars, j’estime nécessaire de souligner que les hommes impliqués n’en font pas assez (ou trop dans le mauvais sens selon le cas) pour favoriser un milieu militant qui n’est pas hostile aux femmes. En cela consiste donc le deuxième problème de l’ASSÉ: une association qui n’a pas la confiance des femmes n’est pas une association qui devrait s’attendre à survivre longtemps. Nous étions loin d’avoir une proportion paritaire d’hommes et femmes au congrès. Il y a aussi la question de l’implication amoindrie des personnes de la communauté LGBT+ qui doit être considérée, en plus des questions de genre. Ce rapport de confiance doit absolument être rétabli et pour cela un travail de fond est à faire. Troisièmement et enfin viennent les problèmes financiers. On parle de déficits atteignant plusieurs dizaines de milliers de dollars, majoritairement imputables aux associations locales qui ne paient pas leurs cotisations. Un problème de grande taille, c’est le moins qu’on puisse dire.

 

S’il fallait que je résume ces trois problèmes en un seul plus général, alors je dirais que l’ASSÉ souffre d’un manque de solidarité. C’est l’aliment principal de tout syndicat, sans quoi il ne peut pas vraiment vivre. L’ASSÉ doit donc: travailler à ce que sa base reprenne le goût de s’impliquer pour des enjeux qui touchent toutes les étudiantes et tous les étudiants, construire une véritable solidarité féministe dans ses rangs et finalement rétablir la confiance de ses associations locales pour qu’elles redeviennent solidaires entre elles et emploient l’argent de leurs cotisations à bon escient. Bien sûr, lorsque je dis « l’ASSÉ doit », je veux dire « tous les membres et toutes les membres de l’ASSÉ doivent »! Car une association syndicale n’est rien sauf l’ensemble de ses membres qui sont prêts et prêtes à lutter, uni-es. Les problèmes de l’ASSÉ ne lui sont pas nécessairement uniques, ce sont des dangers qui guettent tout syndicat. La solidarité est à la fois un moyen de lutte et un objectif à atteindre, qui ne doit jamais être perdue de vue.

 

La solidarité syndicale étudiante

C’est donc à ça que le milieu syndical a à voir avec la politique étudiante. Leurs objectifs et méthodes peuvent varier, mais les associations étudiantes ont tout à gagner d’adopter le modèle syndical, et tout à perdre de s’en délaisser. L’ASSÉ fut un temps le véhicule le plus populaire de cette solidarité politique étudiante, mais ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui. Je n’y suis pas attaché, j’étais trop jeune pour vraiment participer à la grève de 2012, mais je n’y suis pas aussi catégoriquement opposé que d’autres peuvent l’être. Ce qui m’importe, et ce pour quoi j’argumente, c’est une association étudiante qui vit une vraie solidarité et qui est véritablement en mesure de mettre en action des moyens de pression syndicaux pour faire valoir ses revendications. Je l’ai vu au congrès de l’ASSÉ, les associations locales veulent travailler ensemble, elles veulent lutter ensemble, même celles qui sont en faveur de la dissolution. Des coalitions d’individus pourraient bien mobiliser les étudiants et étudiantes, mais seule une approche syndicale peut entretenir un rapport de force assez importante pour faire fléchir le gouvernement. L’ASSÉ et ses membres font face au choix difficile de laisser mourir un engin de mobilisation autrefois puissant, ou de miser sur la réanimation de ce qui reste de cet engin. Il faut simplement faire en sorte que la solidarité, elle, reste bien vivante. Qui sait, l’ASSÉ et les autres associations étudiantes feraient peut-être bien de s’inspirer de ce que les Wobblies font à Montréal? Après tout c’est un modèle syndical tel que celui du SITT-IWW qui prône la solidarité dans toutes ses luttes!

 

Solidarité pour toujours,

 

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Crédit photo: https://commons.wikimedia.org

Est-ce que les planteurs et planteuses d’arbres ont le syndrome de Stockholm?

Portrait de l’industrie du treeplanting

Autrefois un moyen de vivre une vie respectable et digne, le treeplanting n’est plus qu’un lieu pour vivre un lifestyle contre-culturel entre vagabondes et vagabonds et entre étudiantes et étudiants cherchant une alternative au salaire minimum. Aujourd’hui, la possibilité de dépasser le seuil de la pauvreté n’est réservée qu’aux meilleur-es d’entre nous qui feront une très longue saison d’ouest en est du pays. Il n’y a pas de confusion possible. Les salaires n’ont pas augmenté depuis belle lurette. Lorsqu’on demande pourquoi, la réponse est toujours la même : il n’y a pas suffisamment d’argent, ou bien on se fait simplement dire de la fermer.

Les pratiques ultras compétitives de l’industrie sont à blâmer. Toutes ces années, les compagnies ont férocement maintenu leur part du marché au détriment de nos salaires. Elles laissent souvent sur la table plusieurs milliers de dollars pour gagner leur soumission. C’est-à-dire le montant d’argent qui sépare la soumission la plus basse de son plus proche compétiteur. Et si les autres compagnies qui paient au standard de l’industrie n’ont pas jugé possible de soumissionner aussi bas, alors où ont-ils coupé? Dans notre sécurité? Dans le budget de la cuisine? Dans nos salaires?

Dans tout cela, nous n’avons pas notre mot à dire. Il ne faut surtout pas donner notre opinion sur les pratiques de l’industrie ou celle de notre compagnie. La production doit continuer, mais la production pour qui? « Si t’es pas content, si t’es pas contente, trouve une autre job »… Une réalité qui se cristallise dans la figure du contremaître qui systématiquement demande des candidatures ayant « bonne attitude ».

Ils et elles ne veulent surtout plus nous entendre nous plaindre des salaires démesurément trop bas pour un travail démesurément trop difficile. Ils et elles ne veulent plus écouter nos plaintes, alors qu’ils et elles ne font rien pour nous. Et ne feront rien! Pourtant, qui paie le prix de leur irresponsabilité et de leur avarice sans fin? C’est nous, car nos salaires constituent les plus grands frais d’exploitation. Des salaires plus bas ça se traduit par plus de contrats et plus d’argent pour eux et elles. Mais, aussi par plus de précarité pour nous; plus de blessures parce que nous ressentons toujours plus de pression à performer pour nous assurer de payer notre loyer, notre nourriture, notre scolarité, nos loisirs… Dont les prix ne cessent d’augmenter chaque année! Mais le bal ne s’arrête pas là. Ils et elles « oublient » parfois d’inscrire nos heures de transport dans nos heures totales travaillées, nous intimident lorsqu’on veut prendre notre CSST (WCB), nous font travailler gratuitement lorsqu’il faut démonter et remonter le campement, laissent les douches à l’abandon, ne fournissent pas un budget suffisant à la cuisine… Et le comble, nous devons payer 25$ par jour pour chier dans les toilettes que nous avons, nous-mêmes, creusées.

Le syndrome de Stockholm

Mais, nous sommes aussi à blâmer. Car, pour chaque jour qui passe, nous continuons de danser sans jamais oser mettre notre pied à terr. Nous préférons regarder toute la journée nos camarades planter des arbres lorsqu’ils et elles ont une tendinite. Parfois même au point d’en avoir aux deux poignets. Nous ne voulons pas voir notre reflet en eux et elles, mais plutôt des compétiteurs et compétitrices. Lorsqu’une personne est forcée de travailler blessée, parce qu’intimidée ou parce qu’on lui refuse une forme de compensation, c’est nous tous et toutes qui payons le prix. Avez-vous déjà survécu une saison sans qu’il y ait de tendinites sur votre campement? Ça sera votre tour bientôt et vous n’aurez vraisemblablement aucune aide ou compensation. Si ça n’a pas déjà été le cas. C’est la blessure la plus fréquente, mais il y a aussi les infections par manque d’hygiène puisque les douches ne fonctionnent pas. Il y a les entorses lombaires et les chevilles foulées. Puis finalement, quand vient le temps de tirer notre révérence, il y a les tendinites chroniques et le genou défoncés. Parfois, c’est aussi les pneumonies qui se propagent ou on ne sait quel virus et les empoisonnements alimentaires. Sans compter le harcèlement et les agressions, entre nous et par le patronat, dont on ne parle jamais et qui pourtant sévissent chaque été.

Malgré tout cela, nous ne nous contentons pas d’observer avec indifférence notre agonie collective. Nous avons complètement adopté le discours de nos boss qui nous disent de toujours travailler plus fort. On se fait la compétition entre nous. On se met la pression entre nous. Plus besoins de police sur le campement, nous sommes notre propre police. Cette réalité, elle se retrouve dans la figure emblématique du highballer. Celui ou celle qui représente le plus haut degré de l’accomplissement de l’échelle sociale au treeplanting. Parfois, même des légendes se forment autour de ces figures. Et pourtant, la valeur de ces personnes ne se mesure que dans leur production et jamais dans leur individualité. Par effet antagonique, nous ne nous percevons qu’au travers du prisme de la production. Une réalité dont se réjouit le patronat.

Tout cela et nous trinquons sans problème avec nos boss. Nous leur assurons qu’ils et elles sont nos ami-es. Que l’expérience du treeplanting ne pourrait pas être la même sans eux et elles. Effectivement, elle serait bien mieux! Mais, je ne peux m’empêcher de ressentir un goût amer… ami-es? Comment pouvons-nous réconcilier amitié et maltraitance, si ce n’est que nous n’avons aucun respect pour nous même? Nous qui partageons les mêmes conditions, les mêmes problèmes. Nos boss ce sont des hypocrites. Cette relation d’amour-haine que nous développons avec notre emploi, elle n’est pas bien difficile à comprendre. Nous aimons la vie de camp, les soirées inoubliables, les amitiés tissées, les étoiles dans le ciel, les après-midis sur la plage… Nous détestons le travail gratuit, les insultes, les blessures, les crises psychologiques, la pression, les journées et les semaines qui ne terminent plus… Ce n’est pas eux et elles qui rendent nos saisons inoubliables, mais vous. Combien parmi vous avez déjà fantasmé, plusieurs heures durant, mille et une façons de torturer votre contremaître? Ils et elles ne font rien d’autre que nous contraindre à l’expérience de la souffrance et de l’indignité. Des choses qui contribuent à nous souder davantage, mais qui n’est pas notre plaisir en soi.

Les contremaîtres ne sont pas nos allié-es. Ils et elles sont des agents à la solde des compagnies. Le système de rémunération basé sur la production des planteurs et le respect des objectifs de production ne fait qu’agir en tant qu’incitatif à notre exploitation. Le mythe très répandu que les contremaîtres prennent davantage soin de nous lorsqu’ils et elles sont rémunéré-es ainsi est une chose qu’on ne cesse de se répéter. Mais, est-ce vraiment la réalité? La distribution inéquitable des terrains, les avertissements abusifs lorsque la production est trop basse, la pression à dépasser nos limites physiques et mentales semblent démontrer le contraire. Si ce n’est tout simplement pas un travail bâclé pendant que nous payons leurs salaires. N’oublions pas que les contremaîtres ne travaillent pas pour nous, mais c’est nous qui travaillons pour eux et elles.

Et maintenant quoi?

Nous devons cesser de nous plaindre chacun et chacune de notre côté. Cela ne nous permet que de nous réconforter alors que nous chutons toujours vers l’enfer.

Les deux solutions les plus souvent apporter ne nous mèneront nulle part. La première voudrait que les compagnies se rejoignent à une table de discussion pour s’accorder sur prix minimum pour l’industrie en deçà duquel elles ne se feraient pas la compétition. Aussi bien rester dans la passivité et prier que l’argent pousse de nos arbres. L’autre solution serait de former une coopérative. Dans ce modèle, nous aurions effectivement le contrôle de nos conditions de travail, mais nous serions toujours soumis à la dynamique du marché. Le prix de l’arbre devra rester compétitif pour nous permettre d’obtenir les contrats. Ces coopératives demeureront très petites puisqu’elles ne pourront pas se tailler une place dans le marché. Alors qu’en est-il de l’immense majorité de la main d’œuvre qui demeure prisonnière des rookie mills?

L’organisation est la clé

Il nous reste encore une solution : le syndicalisme de solidarité. La seule façon d’améliorer nos conditions de travail, c’est en bâtissant un rapport de force en notre faveur. Pour cela, il faut être solidaire face aux abus patronaux. La plus grande objection faite à l’arrivée d’un syndicat est qu’il ne comprendrait pas la réalité de notre travail et nos besoins. Nous ne ferions que payer des cotisations pour un syndicat qui ne nous représenterait pas. Notre rapport au syndicalisme a été perverti par des centrales syndicales qui aujourd’hui semblent agir plus en tant qu’arme du patronat que comme l’arme de la classe ouvrière. Et pourtant, le syndicalisme est une forme de lutte. Une pratique qui peut être horizontale et sans représentation autre que nous même. Nous pouvons mener cette lutte et faire les gains que nous choisirons collectivement: l’IWW, c’est ce syndicat-là. Des travailleurs et travailleuses qui ont choisi de se réunir, peu importe l’industrie pour organiser leur milieu de travail avec un modèle de syndicalisme qui n’échapperait pas à leur contrôle. Nous serons notre syndicat et personne d’autre.

Notre précarité est plus grande de saison en saison, il faut agir maintenant! Ce texte ne fera pas l’unanimité dans la communauté, comme toutes les publications sur le groupe King Kong Re-forestation dénonçant nos conditions. Certains et certaines voudront nous régurgiter leur culte du highballer. Pourtant cela n’est-il pas le signe d’un malaise profond? Réunissons-nous dès maintenant pour organiser la riposte. Ceux et celles qui souhaitent s’organiser, prenez contact avec nous!

 

Solidairement,

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In english.

 

Crédit photo de couverture: http://www.macleans.ca/news/canada/into-the-wild/

Source image 1 : http://www.replant.ca/phpBB3/viewtopic.phpf=27&t=66036&p=86600&hilit=graphic#p86600

Source image 2 : http://www.replant.ca/phpBB3/viewtopic.php?f=27&t=66856

Une nouvelle victoire Réclame ta paye!

Bonjour à toutes et à tous!

J’ai envie de vous partager une petite victoire « Réclame Ta Paie » qui s’est passée il y a quelque temps, parce que ces victoires-là sont tout autant importantes. Parfois, il faut faire avec les moyens qu’on a, et même s’il ne sont pas nombreux, on PEUT faire quelque chose. L’histoire est un peu complexe à expliquer par écrit, ça va être long, restez avec moi, j’apprendrai à faire bref éventuellement.

 

Je me suis retrouvé à démerder un employeur dans une situation d’urgence, tout en me faisant promettre un contrat de travail. Chaque semaine, il y avait une bonne excuse pour remettre à plus tard notre rencontre (qui devait se jumeler avec un training) : horaire trop chargé, oubli, déménagement, grippe, etc. Pendant ce temps, je continue à faire le travail qui est attendu, la paie prend du temps à arriver, et l’employeur me demande de faire des commissions qui ne font pas partie de ma liste de tâches, mais puisque c’est une situation d’urgence et que la cliente est à l’hôpital depuis des semaines, j’ai pilé sur mon coup de gueule…

Cette semaine, cela faisait 21 jours que je n’avais toujours pas reçu de paie. Lundi, j’ai encore contacté l’employeur, en lui expliquant très clairement que financièrement je ne serai plus en mesure de me déplacer pour le travail, que j’ai des comptes (astheure en retard, thanks to you!) à payer, un besoin fondamental de 3 repas par jour, et que je n’ai aucune garantie de me faire payer d’ici la fin de l’année (if ever!), et que tout ce stress quelques semaines avant les fêtes (mélodrame), ben, c’est vraiment inutile. Je me suis fait répondre que la cliente n’avait pas d’autres moyens que de faire un chèque puisqu’elle est encore à l’hôpital alors, « pourrais-tu aller chercher ton chèque à l’hôpital? » Et tant qu’à me faire faire ses commissions, je devais aussi : apporter des effets personnels à la dame, lui faire remplir le contrat, envoyer les signatures digitalisées, encaisser le chèque et lui faire le virement e-Interac des taxes.

…Ok.

Non, mais, ok. J’ai faim, pis j’tannée, caliss.

Ce matin-là, je me rends donc quêter mon argent de bonne heure à l’hôpital. La dame m’explique qu’elle a DÉJÀ rempli un contrat, qu’elle a demandé une COPIE du contrat, mais que l’employeur lui a dit qu’elle ne lui avait pas encore envoyé parce qu’il est dans les boîtes du déménagement. L’employeur ne m’ayant aucunement avisé de cette réalité, ça m’a profondément emmerdé drette là. Je tente de lui expliquer que de mon côté les informations que j’ai étaient de remplir le contrat et de prendre les signatures, mais elle refuse, et ne comprends toujours pas pourquoi c’est impossible de lui fournir une copie d’un contrat déjà rempli, signé et daté. Elle pas a faux. On fait quand même les signatures, mais on ne remplit pas le contrat puisqu’elle veut en discuter avec l’employeur directement. Pour le chèque, elle refuse de me le faire à mon nom personnel puisqu’elle fait affaire avec l’employeur/compagnie et qu’un contrat a été signé de toute façon. Encore une fois, elle a pas faux. Alors, le chèque est adressé à l’employeur. Je tente de le rejoindre par téléphone, tous mes appels sont envoyés directement à la boite vocale. Mes messages demeurent « non lu ». Impossible pour moi d’avoir mon dû. Je repars bredouille, et en crisse.

Je laisse un énième message à l’employeur pour lui dire de venir prendre son chèque chez moi pour que je puisse enfin avoir mon salaire. L’employeur me répond (après un gros délai) qu’il va vérifier avec son institution bancaire si je peux quand même encaisser le chèque. Sans surprise : non. J’essaie de rejoindre par téléphone, et je me fais dire « peux-tu arrêter de m’appeler lol » et l’employeur refuse de se déplacer, il veut que je lui envoie le chèque par la P O S T E (je niaise pas). Mais y’a plusse encore : il me donne son adresse civique P E R S O N N E L L E!!!!! Jackpot!?!

Après avoir pété un plomb, j’ai appelé 2 fellow workeuses qui sont dans le même domaine que moi pour discuter des meilleures alternatives compte tenu de ma situation. Comme je n’ai pas de contrat d’établi avec l’employeur et que je suis travailleuse autonome, je n’ai qu’une seule bonne option avant de réellement entamer un Réclame Ta Paye : me présenter sur place à l’adresse de l’employeur (merci de me l’avoir donné si gentiment hinhin), et d’exiger le versement de mon salaire live dans ma face. Je fait ma petite YesMan ™ et je demande si ça ne serait donc ben pas plus simple que je vienne lui déposer allègrement le chèque à son humble demeure « on est juste à 20 minutes l’un de l’autre lol ». L’employeur a dit OUI. Jackpot, #2?!?!

Pendant que j’étais en route, il commençait à argumenter (par messages) sur les sommes dues sur mon salaire, « j’enlève un 40$ ici pour X-Y-Z raison vraiment cave, et un 20$ pour Z-Y-X raison encore plus cave », que j’ai totalement refusé (lel). Il voulait aussi me soustraire un 40$ de mon salaire parce que l’employeur le devait à l’employée qui m’a référée à cet employeur (WtF). Je lui ai dit que l’argent des autres ne me concernait pas, et que je voulais être payé pour le travail que J’AI FAIT durant ces 21 jours. Vu que j’ai pas le temps de niaiser et que mon partenaire était disponible, je me suis présenté chez l’employeur avec lui. Il a attendu dans la voiture, question de faire prestance efficace (les rares fois que jouer la carte du patriarcat peut être favorable!), pendant que je sonnais à la porte, facture en main.

L’employeur me devait 460.00$, je suis repartie avec 540.00$.

 

STAY STRONG, FWs!

We can do it all even when the possibility seems bleak!

 

Euphorie Vagabonde

 

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Un syndicat pour recadrer le conflit

Je suis assis dans la poussière à la porte du quai de chargement de l’entrepôt dans lequel je travaille, les pieds qui pendent à l’extérieur, écœuré raide de ma semaine, à regarder la cour arrière pleine de mégots de cigarette et de bouts de plastique qui volent au vent et qui vont finir dans l’eau, quelque part, à faire réduire notre espérance de vie pour supporter un système autodestructeur. Je me suis pris un break tout seul cet après-midi. Pour être honnête, j’en prend pas souvent en fait; je préfère prendre une heure plutôt qu’une demi-heure pour dîner ou partir 10 minutes avant la fin de la journée histoire d’arriver plus tôt chez moi, mais là… j’suis en tabarnaque, et y fallait que je ventile un peu.

Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui me fait chier ? Hum… ça serait compliqué à expliquer simplement, mais si je voulais essayer de le résumer, je dirais que j’en peux plus de voir que le manque de culture de solidarité et de démocratie de notre société fait que ma job (et presque toutes les autres, même celles qui sont syndiquées par des syndicats «traditionnels»), c’est un pain in the ass constant ! C’est une interminable série de problèmes qu’on parvient jamais à régler pour la simple et bonne raison qu’on n’arrive pas à penser en dehors de la boîte ! J’ai hâte qu’on se le rentre dans la tête une fois pour toute, tout le monde ensemble : ça sert absolument à rien d’essayer d’améliorer nos conditions de travail si on prend pas le contrôle de l’entreprise au complet, et ça, presque personne, même les syndicats traditionnels, a l’air de le comprendre !

Pourtant, pour quelqu’un qui, comme moi, travaille constamment en démocratie directe à l’extérieur de sa job et qui sait comment ça change toute la façon de régler (ou plutôt d’éviter) tous les conflits que la hiérarchie cause, c’est un simple fait : Tant et aussi longtemps qu’on va lutter pour augmenter notre pouvoir face aux boss (ou à l’état, mais concentrons-nous sur les boss aujourd’hui) plutôt que pour les abolir, on sera continuellement en train de se diviser entre nous !

Qu’est-ce que je veux dire par là ? Je vous donne les deux raisons pour lesquelles je suis parti ventiler dehors, que vous avez sûrement déjà vu vous aussi à votre job, et vous allez tout comprendre :

 

Le conflit du temps supplémentaire


À mon travail qui fonctionne de façon très saisonnière, mes boss  utilisaient jusqu’à récemment la manœuvre du code du travail qui s’appelle «l’étalement des heures» qui consiste à payer tous leurs employés  40h par semaine, qu’ils en aient travaillé 15 ou 50, dans le but, qu’ils disait, «de leur assurer un revenu constant», puis, d’accumuler leur temps supplémentaire et de leur verser à taux horaire simple (plutôt qu’à taux 1.5) aux six mois ou en vacances payées. Sans vouloir m’étendre sur les détails, cette manœuvre que j’ai révélé illégale parce que l’entreprise pour laquelle je travaille répondait à aucun des critères nécessaires pour le faire, faisait en sorte que, sur les 100 à 200 heures de temps supplémentaire qu’on accumulait individuellement par période de six mois, on se faisait voler l’équivalent de 50 à 100 heures de travail, soit de 750 à 2500 $ chacun !

Lorsque j’ai entamé ce combat-là seul, faute d’avoir eu le temps de bien organiser mes collègues à cause d’une contrainte de temps, leur absence de conscience qu’il fallait prendre le contrôle de l’entreprise a fait qu’ils se sont rapidement braqués dans deux positions qui s’affrontent et y sont encore aujourd’hui : La première, adoptée principalement par les jeunes –  et fortement influencée par l’intervention des Boss pendant mes vacances –  est que si on va de l’avant avec l’idée d’obliger l’entreprise à répondre aux normes du travail, elle va engager du personnel supplémentaire pour éviter d’avoir à nous payer du temps supplémentaire à taux 1.5 et que bref, on pourra plus faire le temps supplémentaire dont certains ont besoin pour arriver à la fin du mois.  Il vaut donc mieux, selon ces collègues-là en tout cas, faire du temps supplémentaire à tarif simple que de ne pas en faire du tout (quoi qu’une augmentation de salaire aurait très bien pu faire la job aussi mais bon… une chose à la fois).

L’autre position, adoptée principalement par les pères de famille mieux rémunérés et plus occupés qu’eux, est d’applaudir l’idée que malgré la perte de salaire potentielle que la diminution de nos heures occasionnera peut-être, on va enfin pouvoir vivre un peu et s’occuper de nos familles, et c’est exactement de ça dont tout le monde ou presque avait besoin.

Mais voilà, c’est la merde ! Tout le monde est divisé ! Et pendant que les deux côté s’affrontent et ont, si on réfléchit pas en dehors du cadre où «on a des boss» et où «les employés ne contrôlent pas l’entreprise de A à Z», totalement raison, je sais très bien (et j’essaie de leur faire comprendre) que si nous, les travailleurs, on prenait toutes les décisions ensemble, sans boss, on aurait même pas à avoir ce débat insolvable là !

Pensez-y : Déjà, on aurait beaucoup plus de revenus à la base parce qu’on n’aurait pas de salaires astronomiques de boss à payer, mais en plus, on pourrait aussi nous-mêmes arriver à un accord qui fait en sorte que ceux et celles qui veulent travailler plus pourraient le faire et ceux et celles qui voudraient travailler moins pourraient le faire aussi. C’est même nous qui contrôlerait combien d’employé-es on engagerait ou pas ! On l’aurait totalement, le contrôle sur le temps supplémentaire, et les pères de famille pourraient voir leurs enfants et conjoint-es tandis que les jeunes pourraient travailler comme des fous et s’acheter une maison, payer leurs études ou faire la tournée de tous les festivals du Québec si ça les enchante. Ça vous sonne pas comme une solution pour tout le monde ça ?!?

Mais non… comme on prend pas le pouvoir, aucune des deux options est actuellement la bonne pour tout le monde, et pendant ce temps-là, tout le monde se fait chier, se divise, et mes boss continuent à rouler avec les chars à 100 000 $ qu’on leur paie.

Les «Yes-mans» contre les «Slackers»


Parce qu’il y a une seule personne (moi-même) dans l’entrepôt d’une compagnie dans laquelle il pourrait facilement en avoir trois, l’entrepôt de l’entreprise pour laquelle je travaille est continuellement le poste goulot, c’est-à-dire celui où il manque clairement du personnel, ce qui force tout le monde à interrompre régulièrement son travail pour venir me donner un coup de main même s’ils sont eux-aussi bien  occupés. On le répète à tous les jours, sans arrêt, et depuis des mois : il faut engager une personne de plus dans l’entrepôt parce que je dois toujours courir et couper les coins ronds pour arriver à la fin de la journée et que ça génère plein d’erreurs et de problème qui rendent la vie misérable à tout le monde, sauf à mes boss, bien entendu.

Ici encore, uniquement parce qu’on essaie de régler le problème autrement qu’en prenant le contrôle de l’entreprise de A à Z, deux visions s’opposent, nous divisent, et rendent le climat de travail insupportable : La première est que, tout en demandant activement à nos patrons d’engager une personne supplémentaire et en attendant qu’ils la trouvent (mais ils le font pas parce qu’ils auraient un salaire de plus à payer), on doit «travailler en équipe et s’entraider les uns les autres», et donc, lorsqu’un poste est débordé, il ne faut pas abandonner notre ou nos collègue(s) seul(s) et quitter notre travail à la fin de la journée sans lui avoir donné un coup de main. Disons-le, c’est une belle mentalité, la solidarité ! Mais dans le cadre d’une job dans un milieu de travail où on a pas 100 % du pouvoir, c’est plutôt une mentalité de yes-man ou de larbin. C’est rien de plus que d’embrasser son esclavage que de vouloir se faire exploiter davantage pour le même salaire en échange de «la fierté d’être des gars travaillants», et c’est une ostie de mentalité de marde dans ce contexte-là !

À l’inverse, la deuxième (très individualiste, que beaucoup de syndicats corporatistes adoptent, et qui coûte une fortune en griefs) est qu’on doit pas jouer le jeu des patrons en s’entraidant ou en travaillant plus fort si le problème est, à l’origine, qu’il manque de personnel, parce que peu importe la quantité de travail qu’on va faire, on va gagner le même salaire, et que bref, plus on va travailler, plus on va se fait exploiter, donc on s’en tient à notre job et ça fini là. J’appellerais cette mentalité-là celle de slacker. Mais Le problème avec elle, c’est qu’y faut être réaliste et se rendre compte que, comme on est encore en capitalisme à ce que je saches, la job doit être faite un jour ou l’autre si on veut que l’entreprise continue à rouler et générer un revenu, et que si on se contente d’en faire le minimum tout le temps, tout l’argent, les belles conditions, les semaines de vacances, etc, qu’on pourrait aller cherche par notre syndicalisme, on va les perdre !

Dit autrement, en étant slackers, on diminue notre rendement horaire, donc, même si on lutte férocement pour d’excellents salaires par notre syndicalisme, on aura besoin de travailler plus d’heures pour arriver à enfin sacrer notre camp chez nous à la fin de la journée, ou plus d’années avant de pouvoir enfin prendre notre retraire, et en plus, on laisse nos collègues surchargés seul-es pendant qu’on écoute des vidéos sur Youtube plutôt que d’aller les aider ou de s’en aller chez nous, parce qu’on veut faire notre 40h, mais en en faisant le moins possible.

Ça, quand c’est TOI le pauvre crétin surchargé depuis six mois, je peux le dire… ça donne envie de péter un câble comme je suis en train de le faire dret-là ! Bref, dans un cadre hiérarchique, c’est autant une mentalité de marde que celle des yes-mans, à la fin.

Donc si on regarde ça de loin, sans considérer l’option de prendre le contrôle total de l’entreprise et de congédier les boss, on se rend compte que d’une part, travailler fort c’est pas bon, et que d’autre part, ne pas travailler fort non plus, c’est pas bon, et que bref, peu importe ce qu’on fait, c’est-à-dire qu’on soit d’un extrême à l’autre, ou même en plein centre, on a TOUJOURS une mentalité de marde. C’est ridicule hein ?

Bien c’est pour ça qu’il faut arrêter de niaiser et se diviser entre les yes-mans et les slackers, et seulement prendre le contrôle total de la place pour s’approprier 100% des revenus (ou plutôt 100% du pouvoir de se les approprier). Ça devrait nous péter en pleine face il me semble : Le jour où l’argent que gagne ou perd notre milieu de travail va être le nôtre, plus personne va se faire exploiter, mais surtout, plus personne va avoir intérêt à en faire le moins possible et va mettre ses collègues dans le trouble en le faisant. Et si on regarde plus loin encore, le jour où toute l’économie entière va être enfin contrôlée par les travailleurs et les travailleuses, et collectivisée, on n’aura même plus à se donner le trouble de se faire compétition et à s’auto-exploiter pour éviter que nos concurrents nous fasse fermer.

 

Conclusion


Comme mes deux exemples le démontrent, la façon dont on voit les problèmes au travail (et dans la société, aussi), c’est souvent en «cadrant» les choses à l’intérieur d’un monde nécessairement hiérarchique, et ça limite notre capacité à voir que le problème lui-même bien… c’est souvent JUSTEMENT la hiérarchie. C’est important de prendre ce recul là! Il faut vraiment penser à ce qu’une dynamique horizontale, en démocratie directe, serait, et à qu’est-ce que ça changerait dans nos relations proches, notre bloc, notre quartier, notre milieu de travail, notre région, et sur les rapports entre toutes les différentes régions du monde, sinon, on tournera toujours autour en rond en répétant sans arrêt les mêmes erreurs et en essayant en boucle les mêmes «solutions».

Il faut qu’on prenne l’habitude, le réflexe, d’y penser à chaque jour, dans chaque conflit, dans chaque problème qui implique quelque part des gens en situation de hiérarchie, et je vous jure qu’on va bien vite comprendre collectivement cette analogie un peu simpliste là, que j’utilise tout le temps, mais qui résume bien le truc quand même, qui est que «pendant que les réformistes se demandent s’il faut utiliser un gros tuyau à faible débit ou un petit tuyau à haut débit pour remplir la piscine qui fuit, les anticapitalistes, nous, on propose de boucher la fuite !»

Bouchons ça, cette fuite là !

 

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*L’absence de terminaisons féminines constante n’est  pas une erreur ou une abstention;  elle traduit plutôt la triste réalité qu’il n’y a aucune femme sur mon milieu de travail actuellement, et cela n’a rien d’une coïncidence, mais ce sera le sujet d’un autre texte.

 

Crédit photo: led-lighting-product
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Panorama des luttes passées et à venir en Gaspésie

1909- Partout en Gaspésie, la pêche est menée par des compagnies étrangères de l’île de Jersey, avec en tête la Charles Robin, Collas and Co. Charles Robin est de loin, le pire des employeurs ; il met en effet sur pied le «système Robin» : celui-ci assure une loyauté obligée du pêcheur envers le commerçant. Pour ce faire , s’il veut acquitter sa dette accumulée durant l’hiver dans le magasin général tenu par le même commerçant, le pêcheur ne peut voir qu’une solution : accroître la quantité de morues pêchées la saison suivante. Cependant, comme c’est Robin qui décide le prix des produits et des prises, le remboursement est, à chaque saison, loin d’être complet.

Septembre 1909, les pêcheurs apprennent que les marchands fixent le prix du quintal de morue à 3,50$ alors qu’ils s’attendaient à 5 piastres. La situation est claire : on doit agir collectivement dans l’intérêt de tous et toutes. C’est donc avec la peur au ventre, mais le poing levé, que les pêcheurs entament leurs revendications le quatrième jour de septembre. Partant de petits villages près de Rivière-au-Renard, la population entame une marche qui la mène jusqu’au lieu où se trouve les commerçants ,avec la ferme intention de mettre fin à plus d’un siècle d’exploitation.

La suite de l’histoire est prévisible, les marchands font appel aux forces armées pour assurer leur sécurité, la répression est mise en place, il y aura mort, blessés, emprisonnement chez les pêcheurs et les revendications seront refusées. Cependant, quelques années plus tard, les pêcheurs s’organiseront en coopératives pour battre le monopole en place et se libéreront ainsi de l’emprise directe des commerçants. La révolte des pêcheurs fut le premier pas vers leur émancipation face à des employeurs sans scrupules. À travers ce mouvement collectif, les pêcheurs n’apprirent non pas qu’à revendiquer de meilleurs conditions de la part de leurs patrons, mais surtout, ils comprirent qu’ils devaient s’organiser de manière à pouvoir se passer d’eux.

1957- Plus connue et récemment soulignée dû à son 60ème anniversaire : la grève des mineurs de Murdochville en Gaspésie . La principale cause de cette grève fut le refus patronal de l’affiliation des ouvriers et ourières à un syndicat plus combatif versus le syndicat de boutique et catholique auquel il-les était affilié-es. Cette grève fut aussi fortement réprimée et aucun gain direct ne fut obtenu par les grévistes. Deux d’entre eux moururent durant le conflit, environ 500 furent congédiés pour être remplacés par les scabs. Cependant, on reconnaît aujourd’hui que ce soulèvement, en plein règne Duplessiste, fut le déclenchement de nombreux autres mouvements sociaux. Il força la mise en place de quelques réformes allant vers l’amélioration partielle des conditions de travail et surtout, vers le droit pour les travailleurs et travailleuses de choisir le syndicat de leur choix au lieu d’un système de représentation des ouvriers et ouvrières. Ce système de représentation, souvent mis en place par le patronat, favorisait en effet une paix permanente entre les deux parties. Malgré cette victoire, cette culture syndicale héritée des syndicats catholique perdure toujours.

Ainsi, derrière une image de destination vacances, la Gaspésie, à travers son histoire depuis la colonisation, est le théâtre d’importantes batailles entre forces productives vs les détenteurs de capitaux et leurs moyens de productions. Bien entendu, ce rapport de domination des seconds sur les premiers est toujours d’actualité.

Parlant de destination vacances, le travail saisonnier lié à l’industrie du tourisme est ici un secteur économique de premier ordre. Les petits commerçants, dans le domaine de la restauration par exemple, doivent profiter de de la manne estivale pour accumuler le capital nécessaire pour maintenir à flots leur entreprise et leur rythme de consommation à l’année, tandis que l’employé-e espère accumuler suffisamment d’heures pour pouvoir collecter son chômage en vue de sa mise à pied une fois la saison terminée ou, s’il ou elle est étudiant-e, pour tenter d’accumuler le nécessaire pour survivre à une année scolaire. Donc, les employé-es saisonnier-ères doivent produire de manière intensive durant la saison estivale et ce, malgré la faiblesse du salaire reçu. Le petit commerçant dira alors devoir offrir des petits salaires durant l’été pour engranger des économies suffisantes et des petits salaires le reste l’année, pour tenir jusqu’à la saison suivante.

Voilà ce qui m’amène à parler d’une première difficulté dans le domaine de l’organisation et de la revendication. C’est qu’il semble difficile, dans ce contexte, de revendiquer de meilleures conditions de travail sans se faire reprocher de s’en prendre «aux petits commerces qui font vivre l’économie locale». Le prétexte de la «précarité économique» des petits commerces gaspésiens semble justifier, aux yeux de plusieurs, la précarité des travailleurs, travailleuses et étudiant-es gaspésien-nes. Ainsi, les personnes travaillant d’arrache-pied dans les cuisines, les salles à manger, les cafés, les boutiques diverses pour que les touristes se sentent reçu-es comme roi et reine, jouent éternellement le rôle de support économique jetable et bon marché au service des patrons et des touristes.

Une autre difficulté d’ici dans le même domaine semble provenir du fait que dans ce milieu où tout le monde se connaît, les situations conflictuelles semblent devoir être évitées à tout prix, de peur qu’elles n’affectent les relations sociales hors travail et que les noms des personnes concernées ne deviennent synonymes de «trouble maker» et ainsi entraîner pour elles une certaine exclusion du marché du travail, problème moins présent dans l’anonymat des grands centres urbains.

Une troisième difficulté est le caractère de courte durée de la saison durant laquelle ce type d’emplois abondent. Un changement de culture est long à effectuer et demande une implication constante de nombreuses personnes. Bon nombre de ces travailleurs et travailleuses n’étant que de passage, ils et elles laissent derrière eux et elles les même conditions de travail qu’à leur arrivée, se disant que de toute façon ce n’est que temporaire. La saison hivernale serait donc le bon moment pour s’organiser avec celles et ceux qui héritent de cette situation de précarité à l’année.

Outre cela, on nous chante ici souvent la promesse de jours meilleur grâce à l’arrivée de la grande industrie : pâte et papier (la Gaspésia), ciment (ciment McInnis à Port-Daniel), pétrole (Pétrolia), industrie de l’éolienne (LM windpower)etc. Ces géants industriels, en collaboration avec l’État qui les finance, se présentent comme les sauveurs de la région. «Ils apporteraient emplois et prospérité», alors qu’à de nombreuses reprises, ce type de modèle économique n’engendre que chômage et dévitalisation. En effet, sauf dans le cas de LmWindpower qui engage plusieurs centaines de travailleurs et de travailleuses, ces industries préconisent l’achat d’équipement automatisé et n’apporte ainsi que quelques emplois qui disparaîtront aussitôt que l’entreprise subira les soubresauts d’une quelconque crise économique à Wall Street ou d’une décisions administrative prise très loin d’ici. Ainsi, elles laisseront derrière des personnes sans revenu et des ruines polluantes. Bref, il me semble qu’une organisation du travail fait par et pour les travailleurs et travailleuses dans l’optique d’une amélioration de la qualité de vie de tous et toutes serait sans doute supérieure à une distribution du travail par des dirigeants d’entreprises et d’état, décidant de produire tout et n’importe quoi, pourvu qu’il y ait un profit à en tirer pour les uns et pour les autres que leurs promesses électorales de création d’emplois semblent être tenues, au risque d’ajouter d’autres cicatrices sociales et environnementales dans la région.

Pour conclure, tout au long de leur histoire, les gens d’ici ont supporté d’intolérables traitements de la part d’élites économiques et politiques, autant sur la mer qu’au fond de la mine en passant par l’usine. Par contre, l’histoire populaire nous montre aussi que quand il est temps de se serrer les coudes entre camarades pour améliorer nos conditions, la passion, l’organisation et l’action sont au rendez-vous. Un long travail reste à faire pour déconstruire les préjugés qui divisent la population ouvrière, surtout ceux visant les personnes sans emplois, ou entre travailleurs et travailleuses permanent-es et saisonniers (chômeurs et chômeuseuses saisonnier-es). Aussi, avec un nouveau «chapitre» du groupe d’extrême droite La Meute en Gaspésie, la question du racisme et du fascisme devient prioritaire, sans oublier les luttes contre le sexisme, l’homophobie, luttes autochtone etc. Le SITT-IWW compte ici très peu de membres actuellement, mais son développement dans la région me semble fort pertinent et même urgent. Sur ce, s’il y a des personnes intéressées à venir «salter» dans le coin, gênez-vous pas!

 

Crédit Photo: Camping Québec.

Les origines du Syndicalisme de solidarité. Première Partie: Une Bibliographie

 

Le syndicalisme de solidarité est un terme qui fut principalement amené par Alice et Staughon Lynd, inspiré par le modèle d’organisation des premières campagnes de l’IWW qui arriva à obtenir des gains sans unité de négociation légale ou même sans être reconnu par la partie patronale (les conventions collectives ne sont juridiquement contraignantes aux États-Unis que depuis la signature du National Labor Relation Act en 1935, l’équivalent canadien pourrait être l’application de la formule Rand datant de 1946). Si le principe fut aussi inspiré par les travaux de Martin Glaberman, C.L.R. James et Stan Weird, l’usage du Syndicalisme de solidarité tel qu’il est compris aujourd’hui au SITT-IWW apparaît pour la première fois en juin 2002 dans un article du magazine The Nation intitulé Open Source Unionism: A proposal to American Labor, par Joel Rogers et Richard B. Freeman.

L’idée fut ensuite développée en grande partie par les efforts d’Alexis Buss, qui servit comme Secrétaire-trésorier général du Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses (SITT-IWW) de 2000 à 2005. C’est en lui donnant le nom de Syndicalisme de minorité, qu’il expliqua le concept dans une colonne publiée par l’Industrial Worker intitulée Rapport Minoritaire.

La littérature francophone est encore mince sur le sujet, mais pour ceux et celles d’entre vous ayant la chance de comprendre l’anglais, différents livres publiés, entre autre, par la Charles H. Kerr Company et Labor Notes sont aujourd’hui encore considérés comme des ouvrages clés. Le Quartier Général du SITT-IWW en a répertorié 9 parmis les plus importants:

  1. Punching Out & Other Writings – Martin Glaberman; édité par Staughton Lynd; Charles Kerr, 2002. 250 pages. 
  2. The New Rank & File -Édité par Staughton Lynd and Alice Lynd, ILR Press, © 2000. 288 pages. 
  3. Solidarity Unionism: Rebuilding the Labor Movement from Below – Staughton Lynd; Charles Kerr, 1993. 128 pages. 
  4. Democracy is Power: Rebuilding Unions from the Bottom Up – Mike Parker et Martha Gruelle, Labor Notes, © 1999. 262 pages.
  5. Class War Lessons; From Direct Action on the Job to the ’46 Oakland General Strike (Unions With Leaders Who Stay on the Job) – Stan Weir; Insane Dialectical Editions, 2006. 48 pages. 
  6. Singlejack Solidarity – Stan Weir; Université du Minnesota, © 2004. 408 pages. 
  7. A Troublemaker’s Handbook, How to Fight Back Where You Work–And Win! – Edité par Dan LaBotz, Labor Notes, 1991. 262 pages. 
  8. A Troublemaker’s Handbook 2, How To Fight Back Where You Work and Win! — Edité par Jane Slaughter, Labor Notes, 2004. 372 pages. 
  9. The Politics of Nonviolent Action – Gene Sharp, par Gene Sharp, Porter Sarg. © 1973. 913 pages.
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Parlons-en du salaire minimum !

Une réticence quant à son augmentation

La principale réticence au 15$ de l’heure comme salaire minimum est que l’augmenter équivaudrait à couper dans les emplois et/ou augmenter les prix.

Cette demande d’augmentation effraie les principales industries où les employé-e-s sont payé-e-s au salaire minimum, à savoir : le commerce de détails, l’hébergement et la restauration1 car elles ont peur que leur survie en dépende et qu’elles doivent alors mettre à pied des employé-e-s et/ou la clé sous la porte.

Selon l’étude2 des professeurs Michael Lynn et Christopher Boone, même lorsque les restaurants augmentent leurs prix en fonction de l’augmentation des salaires de leurs employé-e-s, il n’y a pas de changement notable dans l’affluence de la clientèle ni même dans le profit des restaurateurs et donc, pas non plus dans le nombre d’employé-e-s. En fait, ils ont même assisté à une productivité plus grande de ces derniers.
Encore selon une étude3 menée en Pennsylvanie et au New Jersey par les professeurs David Card et Alan Krueger, l’augmentation du salaire minimum n’amène à aucune perte d’emploi.

Et pour finir, selon l’analyste économique David Cooper4, en fait, augmenter le salaire minimum pourrait même amener à la création de plus d’emplois en plus d’augmenter modérément l’activité économique.

L’argumentaire selon lequel l’augmentation du salaire minimum engendrerait une perte d’emploi, des pertes de profits ou même handicaperait l’économie en général tombe alors. L’austérité ou la peur de la faillite ne sont donc plus des arguments pour refuser l’augmentation du salaire minimum.

L’importance de l’augmentation du salaire minimum

Selon Philippe Hurteau et Minh Nguyen, chercheurs à l’IRIS, “pour une personne seule vivant à Montréal, un salaire de 15.38$ de l’heure est nécessaire [afin d’avoir un salaire viable]5

En effet, le salaire minimum au Québec de 10.55$ ne permet pas à un travailleur ou une travailleuse exerçant son emploi à temps plein, de répondre à tous ces besoins, même les plus fondamentaux, car ils et elles se retrouvent sous le seuil de pauvreté. L’augmentation à 15$ de l’heure permettrait à cette population de travailleurs et travailleuses pauvres, car c’est ce qu’il est en, d’atteindre une qualité de vie décente, viable.

En 2015, travailler à temps plein à 10.55$ de l’heure équivaut à gagner 21 944$ par année. Le seuil de pauvreté se situe à 22 831$ par année (en 2014). Avec 15$ de l’heure, le revenu annuel passerait alors à 28 800$, soit à peine 6 000$ au-dessus du seuil.
On est donc loin du compte si l’on constate que le 1
er mai 2016, le salaire minimum augmentera à 10.75$ de l’heure, soit de 0.20$ par heure. Apparemment, cette augmentation (de 1.9%) sera plus grande que l’inflation (de 1.5%) mais il reste que le coût du panier d’épicerie augmentera d’entre 2% et 4%6 en 2016, et cela sans parler des coûts d’énergie qui augmentent eux aussi, le prix du transport en commun etc.

Le nombre de travailleurs et travailleuses au salaire minimum au Québec est passé de 163 500 en 1998 à 210 200 en 20147, et, contre la croyance populaire, plus de la moitié de ces employé-e-s ne sont pas étudiant-e-s et travaillent à temps plein. On assiste ici à une augmentation importante de travailleurs et travailleuses pauvres qui doivent cumuler plusieurs emplois afin de pouvoir boucler leur mois et répondre à leurs besoins primaires nécessaires à leur survie.

Travailleurs et travailleuses pauvres

C’est en effet une réalité aujourd’hui au Québec. Le travail n’est pas synonyme de viabilité et encore moins de dignité car il est souvent aussi synonyme de peu de vacances et de ne pas tomber malade (avec peu de repos au nombre de congés auquel ils et elles ont droit). On ne parle même pas ici des salarié-e-s au pourboire qui ne touche que 9.05$ de l’heure (et qui toucheront 9.20$ le 1er mai 2016) et qui vivent des aléas de la bonté et affluence des client-e-s sur leur milieu de travail…

Un salaire minimum à 15$ de l’heure, ce n’est pas du luxe !

C’est tout juste viable !

1 Selon l’Institut de la Statistique du Québec, ministère du Travail du Québec (ISQ)

2 Have minimum wages increases hurt the restaurant industry? The evidence says NO! du Dr. Michael Lynn et du Dr. Christopher Boone de la Cornell University’s school of Hotel Administration.

3 Minimum wages and employment: a case study of Fast Food industry in New Jersey and Pennsylvania des professeurs David Card et Alan Krueger

4 Raising the federal minimum wage to $10.10 would lift wages for millions and provide economic boost de David Cooper, 19 décembre 2013

5 Quel est le salaire viable ? Calcul pour Montréal et Québec en 2015 de Philippe Hurteau et Minh Nguyen, chercheurs à l’IRIS, avril 2015

6 Selon Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politiques agroalimentaires de l’Université de Guelph

7 Chiffres tirés de l’ISQ