Pourquoi je manifeste le 1er mai?

Alain, travailleur de Postes Canada à la retraite, ancien dirigeant du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses des Postes (STTP) et membres du SITT-IWW Montréal explique les raisons qui l’amèneront à manifester lundi prochain pour la journée internationale des travailleurs et travailleuses.


Chaque journée il sort des choses, des dossiers, qui sont une insulte pour la classe ouvrière. Des affaires de corruption ou ce qui se passe avec Bombardier en ce moment. La classe ouvrière a raison d’être en tabarnak, c’est eux et elles qui en arrache le plus.

Le 1er mai c’est important pour moi parce que c’est la vraie fête des travailleurs et des travailleuses. D’ailleurs ça devrait être une journée férié!

Malgré les promesses d’un renouveau syndical, depuis des années et des années, ça tourne en rond. La seule avenue possible, celle qui nous donnerait le rapport de force, c’est de reprendre le contrôle des plancher de travail. C’est la force du SITT-IWW, l’esprit de solidarité des wobblies.

Parce que la stratégie des employeurs c’est de diviser pour mieux régner. La solidarité c’est dans notre ADN mais elle doit s’exprimer à la base, au quotidien sur nos lieux de travail.

Les centrales syndicales sont plus capables de faire cette job là, de revenir sur les plancher de travail et d’en reprendre le contrôle. C’est devenu des grosses machines, trop lourdes. C’est rendus des professionnels du syndicalisme alors ça leur coûterait trop cher de mobiliser la base véritablement.

Les syndiqué-es considèrent leurs organisations comme une compagnie d’assurance, et de fait celles ci ne s’occupent presque plus que du volet légal. Souvent c’est long et décourageant un grief, alors la base perd confiance dans le syndicalisme. Après il faut nuancer, ça a aussi du bon : les employé-es syndiqué-es ont quand même des meilleures conditions de travail. Je pense qu’abolir le milieu syndical serait dangereux. Il faut trouver une manière de conscientiser les travailleurs et travailleuses.

C’est pour toutes ces raisons que j’aime bien le slogan que j’ai vu sur notre banderole : «travailleurs et travailleuses en tabarnak!», ça résume bien ce que je pense. Il y a un ras le bol. La coupe est pleine!

Alain Duguay

Crédit photo: L’occupation du Frite Alors! Rachel par C.Martin

Manif-action à l’hôtel Bonaventure: On a peut-être pas eu le 15$/h, mais on a la piscine!

Samedi le 22 avril à 17h, des wobblies ont décidé que c’était leur tour de profiter des bonnes choses de la vie, ne serait-ce que pour un instant!  Une occupation festive de la piscine chauffée située sur le toit de l’Hotel Hilton Bonaventure fut organisée par 25 membres du SITT-IWW Montréal. «Nous sommes venus profiter des bonnes choses de la vie et rappeler à la bourgeoisie que son luxe et ses largesses sont possibles grâce à notre travail.» lance d’emblée une militante présente sur place. «À 10 jours du 1er mai, nous voulions aussi exprimer à la classe des travailleuses et des travailleurs qu’il est temps de reprendre le pouvoir sur nos vies.», ajoute-t’elle.

La Coupe est pleine! Le coût de la vie augmente sans arrêt. Les services publics se font tronçonner. Les personnes assistées sociales subissent des attaques sauvages. Il y a la menace d’une réforme des Normes du travail à la sauce patronale qui nous guette. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, tandis que syndicats et groupes communautaires réclament un salaire minimum à 15$ de l’heure, les boss et l’État répondent : vous ne valez guère plus de 11,25$. Comme si ce n’était pas suffisant, le climat social se dégrade. Les discours racistes ont de vastes tribunes. On maltraite la différence. Les crimes haineux visant les femmes, les musulman.es et la communauté LGBTQIA* se multiplient. Nous ne tolérons pas ces discours de haine qui se propagent autant dans les médias, les milieux de travail et nos communautés.

Nous appelons donc les travailleurs et les travailleuses ainsi que nos groupes alliés à participer à notre ras-le-bol. Et c’est dans cette optique que nous vous invitons officiellement à vous joindre à nous. Le lundi 1er mai, de 14h30 à 16h30, nous offrirons une bouffe communautaire avec musique et prises de parole dans le quartier Centre-Sud au parc Médéric-Martin, puis nous nous rassemblerons au métro Frontenac à 17h00 pour manifester vers le centre-ville! Si aujourd’hui nous rendons visite à la bourgeoisie là où elle se trouve ce n’est pas par envie ou par jalousie. C’est parce que nous voulons lui rappeler que nous nous trouverons toujours sur son chemin. Jusqu’à ce que les bonnes choses de la vie soient partagées équitablement. Jusqu’à ce que les classes sociales soient abolies. Jusqu’à ce que les travailleuses et les travailleurs profitent pleinement du fruit de leur travail Jusqu’à ce que tout le monde ait accès à une piscine chauffé au milieu d’un parc enchanteur ! Nous voulons une vie riche, pas une vie DE riche. On se voit le 1er mai

Mettons-nous au travail !

Ce texte est une traduction partielle du texte «Let’s get to work» publié sur Jacobin par lefellow worker de l’IWW New-York, Erik Forman. Bien qu’il se concentre sur le mouvement ouvrier aux États-Unis, il contient de nombreuses leçons d’organisation pour la gauche d’ici.

Le «Salting» a créé les premiers mouvements ouvriers des États-Unis; il pourrait les ressusciter aujourd’hui. -Érik Forman

La gauche a cette longue tradition consistant à continuellement se demander « Que faire?». Depuis le jour où Lénine a posé cette question rhétorique, elle est au centre de toutes les sortes de développement théorique et des appels à l’action des mouvements sociaux. 

« Que faire ? » voyage ainsi de mouvement à mouvement, de crise en crise, et fait occasionnellement la lumière sur les problèmes existentiels fondamentaux de la gauche. Suivant cette tradition, le récent numéro de Jacobin, «Rank and File», s’est penché sur l’une des plus urgentes questions de la gauche contemporaine: que faire pour ressusciter le mouvement ouvrier ?

Des contributeurs et contributrices ont offert nombre de diagnostics et de prescriptions. Charlie Post a mis de l’avant le rôle crucial que la minorité militante a joué dans le succès des mouvements ouvriers du XXe siècle ; Jane McAlevey a appelé à ce que tous les travailleurs et toutes les travailleuses s’organisent; Joe McCartin a urgé les syndicats de ne pas manquer l’opportunité offerte par la brève fenêtre entre la décision Friedrichs et la prochaine attaque sur le droit à la convention collective; et Sam Gindin à une «gauche de classe» en tant qu’alternative au syndicalisme de mouvement social.


Cependant, depuis la publication de ces articles, la crise de la classe
ouvrière ne s’est qu’accentuée; la droite contrôle maintenant les trois branches du gouvernement fédéral des États-Unis ainsi que la majorité des États. La suite de Friedrichs, « Janus v. AFSCME », est maintenant en cour suprême, menaçant de décimer les syndicats du secteur public à travers tous les États-Unis. La rumeur d’une loi nationale antisyndicale se répand.

Ainsi, déterminer « Que faire ?» ne fait que devenir de plus en plus urgent. Mais voilà, il y a un problème par rapport à cette question, évident même au premier niveau de grammaire : «Que faire ? » commet le péché capital de chaque enseignant-e en écriture : La voix passive ! Qui est le sujet dans cette question ? Qui fera ce qui doit être fait ?

L’absence d’un sujet actif est bien plus importante qu’un simple problème grammatical; elle représente LE problème de la gauche ouvrière. La minorité militante est petite, voire non existante, et il n’est pas très clair de savoir qui est supposé la reconstruire. Un large fossé existe entre la gauche intellectuelle et la classe ouvrière de qui elle discute.

Malheureusement, les voix provenant de la classe ouvrière se font rares au travers des personnalités qui dominent actuellement le discours de la gauche. La plupart des théoricien-ne-s issu-e-s de la gauche écrivent en effet selon une perspective intellectuelle qui se tient au-delà de la classe ouvrière plutôt que par des travailleurs et des travailleuses qui en sont le cœur même.

Les décideurs, en ce qui a trait au travail, sont bien souvent à des kilomètres d’être sur le plancher des vaches. Le résultat en est que nous entendons beaucoup plus fréquemment parler de syndicats qui organisent des milieux de travail que de milieux de travail qui s’organisent en syndicat. Les travailleurs et travailleuses se retrouvent donc dans une position d’objet plutôt qu’à celle du sujet dans leurs propres organisations.

Cette aliénation se manifeste d’une multitude de façons : Les travailleurs et les travailleuses ne participent pas/plus aux réunions, ne sont pas prêt-e-s ou motivé-e-s à faire la grève, acceptent des conventions concessives, et, comme les dernières élections aux États-Unis l’ont démontré, expriment un support d’un niveau alarmant envers les candidat-e-s de la droite.

Les travaillistes libérales croient que ces problèmes peuvent être réglés par de petits ajustements : Les médias sociaux, des coalitions médiatiques avec des groupes communautaires, des campagnes ciblées sur telle ou telle mesure du gouvernement, et d’autres petites actions qui ont toutes comme point en commun de ne pas fondamentalement changer la structure des syndicats. La situation présente démontre cependant que cette approche «band-aid» a lamentablement échoué à inverser le déclin du mouvement ouvrier.

De plus, même si elle pouvait le faire, elle n’irait pas assez loin. La gauche ouvrière ne doit pas chercher qu’à sauver les institutions ouvrières existantes, mais les transformer et en bâtir de nouvelles. Notre but devrait faire en sorte que les travailleurs et les travailleuses soient le sujet plutôt que l’objet de leurs propres organisations – et de l’histoire.

Notre prescription pour le renouveau du mouvement ouvrier nécessite une nouvelle grammaire. À la place de demander « Que faire ? », nous deorganise1vroins plutôt nous demander « Que DEVRAIS-JE faire ? »

Il s’avère que la droite a au moins à moitié raison :
nous devons nous lever et trouver un boulot. Ensuite, nous devrions faire ce que nous disons aux travailleurs et travailleuses de faire sans arrêt : Syndiquer nos milieux de travail.

Cette tactique porte historiquement un nom. Nous l’appelons le «Salting», et elle a été fondamentale à
l’établissement du mouvement ouvrier aux États-Unis.

Le sel de la terre

Le « Salting » a de profondes racines à l’intérieur du mouvement ouvrier et de la gauche. Cette technique a porté plusieurs noms : L’industrialisation, la colonisation industrielle, la concentration industrielle, ou l’établi, en France. Chacun de ces termes désigne une application plus ou moins différente de la même idée : se faire employer par une entreprise dans l’unique but de l’organiser.

Le Salting a bâti et a soutenu toutes les recrudescences majeures du mouvement ouvrier du vingtième siècle. En fait, il fut un temps où cette façon de faire était si fondamentalement implantée dans le syndicalisme qu’elle n’avait même pas de nom ; les travailleurs et les travailleuses guidées par une idéologie radicale organisaient simplement leur milieu de travail, bâtissant le mouvement ouvrier partout où ils et elles allaient.

Les Knights of Labor ainsi que l’IWW devaient leur succès au fait d’avoir attiré des membres immigrant-e-s et itinérant-e-s vers la politique radicale pour ensuite l’apporter avec eux dans les usines. Toutes ces personnes faisaient partie du processus de salting et étaient organisées, et pas seulement les professionnelles !

L’IWW est ainsi devenu une école pour une génération d’organisateurs et d’organisatrices, dont beaucoup se sont joints à d’autres organisations radicales et ont formé le CIO (Congress of Industrial Organizations) . Sentant le marasme économique des années 1920, ces groupes militants ont gardé vivant le germe du syndicalisme radical, prêt à s’éclore lorsque le climat politique le permettrait.

Toutes les grèves générales célèbres de 1934 – celle des teamsters de Minneapolis, celle du Waterfront de San Francisco, et celle de Toledo Auto-Lite – ont pu avoir lieu grâce à des années de travail acharné d’organisation de la base des milieux de travail faite par des cellules radicales de travailleurs et de travailleuses provenant d’une panoplie d’organisations socialistes.

Ces grèves massives catalysées par la minorité militante ont mené à l’institutionnalisation des mouvements ouvriers par le passage du National Labor Relation Act en 1935. Ironiquement, cette institutionnalisation créa les contradictions qui permirent une nouvelle vague d’organisation par la base plusieurs décennies plus tard.

Lorsque la minorité militante a réapparu vers la fin des années 1960 et au début des années 1970, ils et elles ont eu à faire face non plus juste aux employeurs, mais aussi aux syndicats qui s’étaient habitués à agir en partenariat avec les entreprises plutôt qu’à les combattre.

Comme les actions de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle, la vague de grèves sauvages de la fin des années 1960 et du début des années 1970 a débuté lorsque les travailleurs et travailleuses ont apporté leurs croyances politiques radicales au travail. Cette fois, il ne s’agissait pas d’immigrant-e-s anarchistes ou socialistes, mais de militant-e-s pour les droits des noir-e-s, d’étudiant-e-s révolutionnaires et de vétérans fraîchement revenus de la guerre du Vietnam.

Surtout à Détroit, l’organisation délibérée est ce qui a permis une radicalisation spontanée massive. Débutée par des étudiant-e-s et des travailleurs et travailleuses radicaux bien enracinées dans la classe ouvrière noire de la ville, la League of Revolutionary Black Workers (LRBW), s’est organisé contre la hiérarchisation raciste au travail, dans les hautes instances du United Automobile Workers (UAW) mais aussi dans la société dans son ensemble.

Alors que la ville était encore fumante de la grande rébellion de 1967 – Une révolte de travailleurs et travailleuses qui a nécessité 17 000 soldats et 155,576 cartouches de munition de M1 à réprimer – la LRBW a adopté comme stratégie révolutionnaire d’activer le pouvoir de la classe ouvrière noire au cœur du capitalisme industriel américain. Le Saltingdevint vite une arme clé de son arsenal.

General Baker, l’un des militants principaux de l’organisation, s’est ainsi trouvé un emploi dans l’usine principale de Dodge et sest mis à l’organiser. Le 2 mai 1968, son travail a porté fruit : Une grève sauvage de quatre mille employé-e-s a fait fermer l’usine en réponse àdes licenciements racistes. La compagnie a répliqué avec encore plus de racisme ; Baker et douze autres travailleurs ont perdu leurs emplois pour avoir organisé cette grève.

L’industrie de l’automobile a tenté de mettre Baker sur la liste noire et le UAW a refusé de le défendre, lui comme ses collègues. Il a utilisé alors un pseudonyme pour pouvoir être employé à l’usine de Ford Rouge (la plus grosse usine du monde à cette époque) et a rapidement devenu président de la section locale de l’UAW.

La League est allée de l’avant pour organiser les travailleurs et les travailleuses dans les usines, les hôpitaux, un centre de distribution de UPS, le Detroit News, et partout à travers la ville. Elle a planifié des grèves sauvages, a défié la UAW pour ses pratiques antidémocratiques et racistes, a protesté contre la brutalité policière, ont obtenu une disculpation pour un travailleur qui avait tué deux contremaîtres, a arrivé à faire dissoudre une unité antigang raciste de la police, a construit un pont avec la classe moyenne et ouvrière blanche locale grâce à un club de livre qui était très populaire, a créé une maison d’édition, une librairie, une imprimerie et a produit un documentaire sur son travail.

Toute cette série de succès a été possible grâce à la relation complémentaire entre les radicales et les radicaux qui s’étaient trouvé-e-s un travail dans le but de l’organiser et les personnes qui organisaient leur milieu de travail après se faire radicaliser – que ce soit dans la rue ou au travail. Les accomplissements de la LRBW, suivis par une vague de grèves sauvages au début des années 70 et la perception que les mouvements sociaux des années 60 avaient atteint leurs limites, a inspiré une génération de radicaux et radicales à se tourner vers la classe ouvrière.

**Une section imposante de texte a été retirée ici. Vous pouvez cependant le consulter en entier dans sa version originale anglaise ici, à partir du sous-titre The Turn to the Working Class.

blackcat

A Working class hero is something to be..

Depuis l’élection de Donald Trump, des milliers de personnes aux États-Unis se sont ruées vers les organisations de gauche en réaction à la réalité dystopienne dans laquelle ce pays s’enfonce. Ces personnes accourent en demandant « que dois-je faire ? »

Le mouvement anti Trump s’est rapidement mis à l’action directe de perturbation économique : Une marche des femmes, une grève des taxis, une grève des bodegas (épiceries newyorkaises), une grève-surprise du secteur de la haute technologie, et appelle maintenant à la grève générale. Cela ne peut cependant se produire sans une organisation massive du secteur de la production. Pour gravir les échelons jusqu’à la victoire, il faut apporter nos politiques au travail.

Se retourner vers leur milieu de travail est l’étape logique pour toutes les personnes qui se sont tournées vers le socialisme au cours de la dernière année. Le salting offre une porte d’entrée significative et accessible au militantisme, car la plupart d’entre nous doivent vendre notre force de travail pour vivre. Ce sont surtout les millénaux qui font face à une baisse historique de la mobilité sociale. Bien que nous n’ayons pas cherché à faire la lutte des classes, la lutte des classes est venue nous chercher.

Le Salting peut faire en sorte d’éliminer le fossé entre la gauche intellectuelle et la classe ouvrière en allant directement rencontrer les travailleurs et les travailleuses où ils et elles sont : au travail. Contrairement au fait d’adhérer à un syndicat traditionnel, à se trouver un emploi dans un organisme non gouvernemental, à prendre du temps à l’extérieur de notre travail pour militer, ou à entreprendre de hautes études, l’organisation des milieux de travail est immédiatement accessible pour toutes les personnes de la classe ouvrière et ne nécessite pas l’argent d’une bureaucratie qui pourrait d’ailleurs être récupérée contre nous ou dissoute dans quelques années.

Bien qu’encourager le salting devrait être la moindre des choses pour n’importe quel syndicat, la génération actuelle de leaders syndicaux pourrait ne pas être enthousiaste à opter pour cette stratégie, surtout parce que le congrès républicain essaie déjà de faire en sorte que cette pratique devienne illégale.

La gauche ouvrière devra mener la lutte. Nous devrions coordonner nos actions pour se concentrer sur des employeurs et des secteurs clés pour y acquérir les emplois qui permettraient de bâtir notre mouvement, idéalement à des postes qui minimisent la distance  entre les organisateurs et organisatrices et les gens qui se font organiser. Ou bien soyons des héros de la classe ouvrière et trouvons-nous des emplois dans les secteurs nos actions pourront avoir un impact démesuré comme celui de la logistique.

Si cela se produit, un virage à grande échelle vers la pratique du Salting pourrait transformer le mouvement ouvrier et la gauche en y mettant la classe ouvrière au centre. Le salting est la stratégie par laquelle la classe ouvrière radicale a pris forme et pourrait bien être celle par laquelle elle renaîtra.

Nous disons aux travailleurs et aux travailleuses de s’organiser depuis des décennies. Il est maintenant temps que la gauche ouvrière mette en pratique ses propres conseils. Nous savons ce qui doit être fait : trouvez-vous un emploi et mettons-nous au travail.

Erik Forman

La solidarité mène à la victoire dans un studio d’animation 3D de Montréal!

Avertissement, ceci ne sera pas un récit d’héroïque camaraderie, de courage ou de combat ardu, mais d’une campagne d’organisation qui s’est avérée efficace.

Emploi: Je travaille en animation 3D pour un gros studio français possédant un département de 16 employé.es à Montréal.

Conditions : L’atmosphère de travail était de plus en plus horrible. En comparaison des autres studios du domaine à Montréal, nous avions tout à demander. Lors d’une des pires réunions, où notre accès à de la musique fut mentionné comme un privilège, déjà que nous avions pas accès à internet. Une collègue mentionna la possibilité de former un comité, doucement dans le vacarme de tout le monde qui chialaient comme d’habitude. Il fallait sauter sur l’occasion, montrer à mes collègues que leur simple critique ne changerats rien.

Demandes: ajustement des salaires, déplacements payés à 50%, matériel ergonomique pour tous et toutes, meilleure machine à café avec café bio, panier de fruits bio disponible gratuitement pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses , ajout d’un moment de socialisation de type « 5 à 7 » les vendredis avec de la bière fournie, événements sociaux sur le lieu de travail dont les coûts sont assumés par les patrons, accès à des conférences pour se perfectionner, cours de dessin, fontaine d’eau, assurances au même coût pour tous et toutes, peu importe la situation familiale, accès au Wi-Fi et instauration d’une station de travail avec internet, et finalement, favoriser l’achat de produits locaux et bios.

Méthode: simplement en le demandant ensemble! Suite à des discussions et à une réunion pour mettre en commun les suggestions des employés.es, nous avons envoyé un email à nos patrons en France posant la liste complète de nos revendications pour améliorer l’environnement de travail. Auparavant, nos demandes étaient toujours formulées individuellement et ne cessaient d’être refusées systématiquement. Une demande au nom du Comité des Travailleurs et Travailleuses aura permis de démontrer le désir collectif de changement et les patrons acceptèrent tout. Cela nous a tous et toutes surpris.es, d’autant plus que la campagne d’organisation n’a duré qu’un mois!

La solidarité nous rend plus fort.es!

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Les agences de placement, le cheap labour et la misère.

Dans le cadre de la manifestation organisée par lAssociation des travailleurs et travailleuses dagences de placement (ATTAP), un membre du IWW Montréal a pris la parole, voici ce quil avait à dire.

Bonjour à tous et toutes, je suis membre du Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses, le IWW Montréal. Nous sommes ici aujourdhui en solidarité avec les travailleurs et travailleuses dagence de placement. Nous sommes ici pour les soutenir, en tant que travailleurs, et pour faire écho à leurs revendications!

Avant de vous parler de leurs revendications, jaimerais vous faire part dune réflexion sur les agences de placement. Le tract de lATTAP, qui nous invite aujourdhui, dit la chose suivante : « Les agences de placement ne créent pas de lemploi, elles précarisent des emplois qui existent déjà. » Cest vrai, pour avoir déjà travaillé dans une agence de placement quand je suis arrivé au Québec, jai pu constater à quel point on pouvait profiter de nous. Car on ne va pas se lecacher, dans lagence de placement où j’étais, Bédard Ressource pour ne pas les nommer, quand je my rendais le matin, j’étais le seul blanc. Les agences de placement, cest le derniers recours pour les nouveaux arrivants, souvent les plus précaires et les plus démunis. Moi jai eu de la chance, ça na pas duré longtemps avant que je trouve un emploi permanent, payé au salaire minimum bien entendu.

Je vais vous raconter une petite anecdote qui mest arrivée une journée dans une agence de placement. Je me lève le matin à 5h15 pour arriver làbas à 6h15, parce que cest à lautre bout de la ville évidement. Jattends quon mappelle. 7h00. 8H00. 8H15 et finalement on monte dans une van. Départ avec 5 autres gars, tous des immigrants, pour une usine dans le fin fond de lOuest de l’île.


On arrive vers 9h
00, on entre dans la salle de repos de lusine et le contremaître vient nous voir. Il dit à notre dispatcher : « Désolé, javais demandé des femmes. » On rentre dans le van, retour vers

 

lagence, on ne dit rien. De retour à lagence, il ny a rien dautre pour moi aujourdhui. Cest ma première journée de travail avec Bédard, alors comme le veut la règle, je ne suis pas payé pour le déplacement. Une journée de perdue!

Ce qui me frappe chez les agences de placement, cest ce quelles vendent : de la main d’œuvre. Elles ne produisent rien. Leur marchandise, leur matière première cest nous. Et moi le commerce de la main d’œuvre bon-marché, corvéable à merci, ça me rappelle lesclavage. De lesclavage moderne bien sûr, encadré par la loi. Cest pour ça quon se joint à lATTAP aujourdhui pour demander, de nouveau, labolition de cet esclavage déguisé et que nous exigeons, dès maintenant :

1) Un salaire minimum à 15$ de lheure, et ce, MAINTENANT, pas en 2022. Ceux qui nous disent dattendre ou d’être patients peuvent peut-être se le permettre, pas nous!

2) La co-responsabilité des employeurs-clients et des agences de placement dans le respect des droits des travailleurs et des travailleuses.

3) L’embauche après trois mois de travail pour le même employeur.

4) Un salaire égal pour un travail égal, peu importe que la personne soit employée d’agence ou directement de lemployeur.

Ces revendications doivent être appliquées maintenant!

Une dernière chose qui sadresse à certaines organisations syndicales. Si lesclavage moderne existe toujours, arrêtez de négocier avec nos maîtres. Arrêtez de négocier quelle doit être la longueur de nos chaînes. Descendez dans la rue. Fini les parades. Venez nous aider à brasser la cage le 1er Mai!

Secrets of a Successful Organizer, le parfait guide de l’organisateur et de l’organisatrice syndicale!

Impossible de parler de Secret of a Succesful Organizer sans d’abord mentionner Labor Notes, l’organisation qui l’a publié. Labor Notes est un mouvement qui, depuis 1979, rassemble des militant.e.s syndicaux, dans le but de remettre le « mouvement » dans « mouvement ouvrier ». Publiant des manuels divers et organisant des conférences et des formations visant à renouveler le syndicalisme par une pratique axée sur le « rank and file ». On retrouve d’ailleurs tous leurs livres dans la section sur les origines du syndicalisme de solidarité sur le site de l’IWW

Secret of a Succesfull Organizer est d’ailleurs le petit dernier de Labor Notes. Il vise à créer une synthèse des livres et manuels précédents. Bien que faisant 265 pages, une importante proportion de l’espace est consacré à des images ou laissé « vide » entre deux leçons pour bien séparer les idées et ainsi en simplifier la lecture.

Il se compose de 47 « secrets » répartis en 8 grandes « leçons». La formule est claire : le « secret » d’une page à une page et demi, puis un exemple tiré d’une lutte pendant une ou deux page et finalement un exercice. L’exercice peut inclure des pense-bêtes, des questions ou une activité, comme un questionnaire ou un document nous aidant à faire une cartographie sociale ou physique de notre lieu de travail par exemple.

Lance-vous dans ce passage du Secret #21 en Cliquant ici!  Puis pourquoi ne pas continuez en faisant votre cartographie physique et sociale?

Même si le livre peut être lu rapidement, ce n’est pas la meilleure façon de l’aborder : l’action collective ne s’étudie pas seul.e. S’en procurer deux exemplaires afin de le lire avec un.e collègue est, des aveux du collectif d’auteur.e.s, la meilleure façon d’en tirer quelque chose : lire une leçon, et la pratiquer avec des jeux de rôles ou des exercices, poser des questions et les appliquer à la situation reste la meilleure approche. On nous donne concepts et conseils, mais leur application et leur pratique restent les grands défis. S’organiser prend du temps et de nombreux essaies et il n’y a pas de raccourcis : « It’s often tempting to seize onsomething that promises quick results […] Shortcuts usually ends in detours, which lead to dead ends. ».


Pour les membres de l’IWW au Canada, vous y retrouverez les principaux points de l’OT-101 (AEIOU,
mapping, suivits, etc), ce qui peut faire de ce livre un bon aide-mémoire et même un guide pour suivre étape par étape la progression de votre campagne. 5 pages portent sur le droit américain et s’appliquent donc mal, mais c’est bien peu de perdu. Finalement, ses principaux obstacles constituent la difficulté à s’en procurer une copie physique. N’étant pas disponible au Québec, la livraison et les frais de douanes peuvent le porter à un prix élevé pour un individu voulant s’en procurer un seul, mais des rabais , allant jusqu’à 40%, pour les commandes en gros  rendent la commande de groupe, voir de branche très intéressante. Il y a aussi sobook thumbnail-P675n caractère bilingue anglophone et bientôt hispanophone, la traduction en français et sa reproduction au Québec pourrait être fait sans obstacle, si ce n’est celui du travail important que la chose constitue.   

Il n’en reste pas moins que ce petit ouvrage constitue un excellent compagnon pour tout organisateurs ou organisatrices
, qui sera trimbalé, annoté et usé abondamment, que ce soit par un.e apprenti.e de l’organisation ou un.e vétéran, ce livre est un excellent outil même si au final c’est la pratique et non l’étude assidue qui sera déterminante.

 

Si ce livre vous intéresse, les premières leçons sont disponibles sous forme de « cours » en ligne sur le site de labor notes : http://www.labornotes.org/beatingapathy.

Pression émotionnelle et organisation

Par Nate. H

Ce texte est une traduction d’une publication de Nate. H paru dans d’abord le journal l’Industrial Worker, puis dans le pamphlet Weakening the Dam, intituée « Emotionnal pressure and Organization Building », bien célèbre dans sa version originale. Bien qu’il fut à l’origine écrit pour être un outil d’organisation destiné principalement aux organisateurs et organisatrices de l’IWW, nous considérons qu’il peut être utile à n’importe quelle personne ou n’importe quel groupe de personnes se retrouvant confronté à des enjeux problématiques sur son lieu de travail — soit, à tout le monde. L’équipe du Combat Syndical espère qu’il vous sera utile!

Nous désirons simultanément accomplir deux choses au travail:

Organiser nos milieux.

Améliorer nos conditions.

Nous pourrions les faire séparément, par exemple, en s’organisant sans plans visant à améliorer nos conditions, comme des soirées de poker ou des cercles de tricotage. Nous pourrions aussi faire l’inverse, soit tenter d’améliorer nos conditions sans organiser notre classe, en donnant par exemple individuellement des pots-de-vin à nos supérieurs ou en les couvrant de louanges. Aucune de ces deux choses n’a quoi que ce soit à voir avec le syndicalisme. Être un syndicat signifie améliorer nos conditions en s’organisant ou  s’organiser en améliorant nos conditions.

Pour bâtir une bonne solidarité et améliorer nos conditions, nous devons faire des actions au travail. Les actions sont l’oxygène d’un syndicat ; elles débutent en prenant la solidarité informelle qui existe entre les employé-e-s – les relations actuelles et le climat d’agitation à l’intérieur du milieu de travail – et en les dirigeant contre nos patrons sous forme d’actions.

Lorsque vous planifiez une action, prenez un problème qui dérange beaucoup et auquel les gens accordent beaucoup d’attention et d’importance, et demandez vous
« avons-nous le pouvoir de faire changer cette chose ? ». Par exemple, le superviseur du quart de nuit du département de réception/expédition d’une usine n’a probablement pas de contrôle sur le plan d’assurance dentaire de l’entreprise, ni celui d’en instaurer un. Par contre, il possède celui d’être plus ou moins respectueux envers les employé-e-s et d’être plus ou moins strict sur, par exemple, les allées et venues aux toilettes.

Faites donc tout d’abord la liste des points que les employé-e-s désirent améliorer et déterminez qui est (sont) la (les) personne(s) à cibler par vos actions car elles ont le contrôle sur ces points. Faites ensuite la liste des superviseur-e-s ou patrons les plus bas dans la hiérarchie ayant un certain pou
voir décisionnel sur ces problèmes. Généralement, plus basses seront ces personnes dans la hiérarchie, plus il sera facile d’en obtenir ce que vous voulez. Ce point sera très important au départ, au moment ou, par exemple, cinq employé-e-s d’un département auront très peu de chance d’obtenir des gains dont bénéficieront les cent employé-e-s d’un milieu de travail. Cependant, s’ils ou elles obtiennent des gains dans leur département, il sera plus facile de recruter d’autres département qui pourront ensuite s’attaquer à de plus grands enjeux. C’est
de cette manière que se bâtit l’organisation en milieu de travail.

Très tôt dans une campagne, il est important de se concentrer sur ce qui pourrait être appelé les «actions émotionnelles» ou la «pression émotionnelle». Je m’explique : Le travail est un souci de tous les instants pour nous, et à un degré différent, l’est aussi pour les patrons. Pour eux, il l’est généralement de plus en plus à chaque fois que leur degré descend dans la hiérarchie et vice-versa. Les actions émotionnelles sont celles où nous demandons à notre supérieur de faire un choix entre celui de faire de notre travail un moins grand problème ou celui que nous fassions du sien un plus grand. Plus ce ou cette supérieur-e sera près de nous dans la hiérarchie, plus ce type d’action sera facile à gagner. Particulièrement si ce ou cette superviseur-e est près de nous et que nous le ou la voyons à tous les jours, il ou elle se souciera beaucoup plus de notre opinion et de la manière dont nous le ou la traitons.

Lorsque nous confrontons collectivement un supérieur pour lui faire comprendre à quel point nos conditions de travail rendent nos vies déplaisantes, nous donnons aussi à ce ou cette supérieur-e une expérience très déplaisante. Nous pourrions voir cela comme le fait de partager une part de la misère que notre travail nous inflige avec lui ou elle. En donnant à ces supérieur-e-s une dose de leur propre médecine, rendant ainsi leur expérience au travail aussi misérable que la nôtre, nous pouvons les forcer à faire de petites améliorations à nos conditions de travail. En retour, cela nous permet de faire comprendre à nos collègues qu’il est possible de s’unir afin d’améliorer nos conditions et que plus nous serons nombreux et nombreuses à nous unir et serons solidaires, plus le rapport de force sera en notre faveur, et plus nous pourrons obtenir de grandes victoires.

Nate H.

La Coupe est pleine! Colère, bouffe et manifestation : appel aux groupes pour le 1er mai 2017!

Le Syndicat Industriel des Travailleurs et Travailleuses (SITT-IWW) vous propose un 1er mai sous un thème rassembleur qui aborde différents problèmes interreliés : « La coupe est pleine! »

Le coût de la vie augmente sans arrêt. Les services publics se font tronçonner. Les personnes assistées sociales subissent des attaques sauvages. Il y a la menace dune réforme des Normes du travail à la sauce patronale qui nous guette. Et pour ajouter linsulte à linjure, tandis que syndicats et groupes communautaires réclament un salaire minimum à 15$ de lheure, les boss et l’État répondent : vous ne valez guère plus de 11,25$.

Comme si ce n’était pas suffisant, le climat social se dégrade. Les discours racistes ont de vastes tribunes. On maltraite la différence. Les crimes haineux visant les femmes, les musulman.es et la communauté LGBTQIA* se multiplient. Nous ne tolérons pas ces discours de haine qui se propagent autant dans les médias, les milieux de travail et nos communautés.

Nous appelons donc les travailleurs et les travailleuses ainsi que nos groupes alliés à participer à notre ras-le-bol. Et cest dans cette optique que nous vous invitons officiellement à vous joindre à nous.

Le lundi 1er mai, de 14h30 à 16h30, nous offrirons une bouffe communautaire avec musique et prises de parole dans le quartier Centre-Sud au parc Médéric-Martin, puis nous nous rassemblerons au métro Frontenac à 17h00 pour manifester vers le centre-ville!

 

 

Nous invitons donc les groupes, syndicats et associations à endosser notre appel età confirmer leur présence via l’adresse courriel du SITT : iww_quebec@riseup.net

Vie de Wobblies: Ma vision du Syndicat

Présentation

Avant de débuter, veuillez comprendre que mon nom et mon milieu de travail ne seront pas diffusés, et ceci, à ma demande et à des fins de sécurité d’emploi. Je me décrirai donc seulement en disant que je suis un homme dans la fin vingtaine qui travaille, sans être aux études, depuis une dizaine d’années et qui milite auprès de différentes associations de gauche depuis 2014.

Mon aventure auprès des IWW a commencé en juin dernier à la suite de nombreux échecs de ma part et des groupes auprès desquels je militais à créer un mouvement de la gauche radicale solide, uni, durable et en perpétuelle croissance au Québec. Interpellé par l’idée d’arriver àrejoindre les gens directement sur leurs milieux de travail et d’enfin sortir de la gauche des CÉGEPS, du «‘shlag»et des Universités où elle était par la force des choses vouée à toujours demeurer marginale et insuffisante pour ne serait-ce que conserver nos acquis (et donc, loin de nous mener vers la révolution ou de bloquer la montée actuelle de l’extrême droite !), j’ai pris la décision de contacter un délégué et de signer ma carte, sachant que je n’avais rien à y perdre. Je n’avais à ce moment-là aucune idée de la grande aventure dans laquelle je m’apprêtais à m’engager ni de ce qu’était VRAIMENT le syndicalisme  révolutionnaire des IWW. À peine neuf mois plus tard, je l’ai cependant tatoué sur le cœur !

Mon arrivée

Ma première mission, que je me suis confié à moi-même, fut d’explorer la «faune» qui constituait cette organisation somme toute assez grande et complexe et d’en comprendre le fonctionnement qui différait beaucoup de celles, plus petites, auxquelles j’étais habitué. J’ai alors pris la décision de participer à au moins une rencontre de chaque comité (excepté le comité femme non-mixte auquel je ne pouvais participer, bien entendu) et au plus d’activités possible en un cours laps de temps afin de me familiariser avec l’organisation et les personnes qui en faisaient partie. Le SITT-IWW m’apparût très rapidement différent de tout ce que j’avais vu jusqu’à maintenant !

Tout d’abord, sa constitution, ses règlements et sa structure, forgé-e- s après plus de cents années d’existence par la pratique, rendaient cette organisation syndicale particulièrement à l’épreuve de la récupération bourgeoise ou étatique qui avait domestiquée tous les autre syndicats dont je connaissais l’existence à part la CNT. Ensuite, sa culture riche en expérience et sa littérature orientée vers la pratique fourmillaient d’archives historiques, d’études de cas, d’outils d’organisation, de méthodes, de formations (théoriques et pratiques) et d’habitudes de vie à adopter plus éducatives et transformatrices les unes que les autres. De plus, sa vision de la lutte permettait à la fois d’arriver à faire des gains au quotidien, mais aussi de bâtir un mouvement ouvrier inclusif et intersectionnel qui transformait réellement les gens à travers la lutte de solidarité et les campagnes d’organisation plutôt que de croire qu’ils et elles étaient transformé-e- s après avoir lu de grandes idées théoriques et être d’accord avec elles, mais sans arriver à avoir le bon état d’esprit (et tout se passe ici, croyez-moi !) pour les mettre en application. Je n’y voyais donc que du bon.

Je me suis alors décidé à m’impliquer plus sérieusement dans deux comités, soit celui d’organisation et celui de communication/traduction, puis de prendre en charge la tâche de monter notre journal (Combat Syndical) lorsque le camarade qui s’en occupait est rentré en France. J’ai aussi suivi la formation d’organisateur et d’organisatrice 101, puis ai commencé progressivement à organiser mes collègues, ami-e- s et (disons-le) camarades désorganisé-e- s qui étaient et sont encore bien trop nombreux et nombreuses. Militer auprès des IWW est devenu une vraie drogue, un mode de vie, une raison de me lever à chaque jour, mais aussi d’aller au lit sagement chaque soir (ok… j’ai peut-être encore un peu de difficulté avec ça hahaha) pour être au top le lendemain et organiser cette foutue révolution qui ne cesse de ne pas arriver ! J’adore savoir que je contribue à faire une différence dans le monde et de la voir en branle sur le terrain, auprès de moi-même et auprès de l’organisation.

Militer dans le SITT-IWW

Militer auprès du SITT-IWW, par rapport au reste du milieu de la gauche radicale québécoise, est assez unique en soit. Il s’agit, par mon expérience personnelle, d’une conception totalement différente du militantisme que j’avais jusqu’alors pratiqué et qui surmonte de nombreuses failles, frustrations et limites de celui-ci (bien qu’elle comporte elle-aussi ses limites, d’où l’importance toujours aussi grande d’une diversité des tactiques). Je crois aussi qu’il est impossible de bien comprendre ce qu’est l’essence du syndicalisme révolutionnaire tant et aussi longtemps qu’on ne devient pas organisateur ou organisatrice et que nous ne sommes pas confronté-e- s aux changements à l’intérieur, de notre propre caractère et personnalité, que cela implique ; tou-te- s les autres organisateurs et organisatrices avec qui j’en ai discuté semblent totalement d’accord avec moi à ce sujet. J’eus en effet au cours des neuf derniers mois de nombreuses prises de conscience majeures qu’il m’apparaît maintenant primordial de partager avec le plus de militant-e- s possible car elles seront garantes de notre succès ou non :

L’une des principales choses que j’ai constaté est que l’état d’esprit que demande et génère une personne qui tente d’organiser son milieu (et pas seulement de travail, mais sa communauté, son cercle social, tout quoi !) comme un-e wobblie créera inévitablement en elle et chez les autres des changements radicaux qui lui seront bénéfiques, à commencer par le fait d’être à l’écoute et empathique plutôt que de parler et de juger (ce seul point aurait peut-être pu permettre aux États-Unis d’éviter l’élection de Donald Trump !), puis celui de surmonter sa gêne et ses peurs, ou celui d’apprendre à «empowerer» (ou empuissancer) les autres en leur confiant des tâches et des responsabilités (et en les accompagnant à travers celles-ci jusqu’à ce qu’ils et elles deviennent autonomes) qui les amèneront à devenir plus polyvalent-e- s plutôt qu’à vouloir tout faire par soi-même et de n’arriver à rien ou à, pire encore, recréer de façon informelle les structures de hiérarchie et de dépendance que nous nous échinons à éliminer.

Cette façon de faire, lorsqu’appliquée, ne peut faire autrement que de créer une intersectionnalité réelle plutôt que théorique et nous éloigner de ce que nous appelons le «manarchisme», le «brocialisme», le «féminisme blanc», etc. ; pour ne prendre que mon exemple personnel, la première personne avec que j’ai «organisé» sur mon lieu de travail le fut autour du sexisme des autres employé-e- s, et simplement parce qu’ELLE me l’a adressé ainsi. Je l’ai écoutée, tout simplement ! Il ne suffit que de laisser les gens parler pour qu’ils ou elles nous disent par eux et elles-mêmes quels sont leurs problèmes au travail, ou à la maison, ou dans leur quartier ou leur ville. Inutile de se lancer dans de grands discours intellectuels de lutte des classes, citant au passage des vieux barbus du 19 e siècle, pour convaincre quelqu’un que sa job et le système, c’est de la merde ! Mais revenons au sujet principal : il m’apparaît depuis impossible d’avancer sans lutter contre ce sexisme, qu’il vienne des patrons ou de l’intérieur même de notre – éventuel, pour l’instant – comité d’organisation, branche du syndicat, ou de moi-même, et il en est de même pour toutes les autres causes, et dans toutes les autres sphères de ma vie.

La seconde chose que je constate est que la démocratie industrielle, ou le socialisme-libertaire, si vous voulez l’appeler ainsi, est bien plus que la révolution d’un système politico-économique, mais est aussi une révolution culturelle – et intrinsèque, pas seulement une minable police du «politicly correct», mais un changement RÉEL de mentalité – qui doit commencer dès maintenant et qui sera à la fois le ciment, le nerf de la guerre et le chien de garde des mouvements révolutionnaires à venir en Amérique du Nord. C’est ce que la culture des wobblies me permet de répandre partout autour de moi, que je milite ou non, et autour de mes camarades de lutte ou non – c’est-à- dire aussi bien auprès des personnes qui ne font qu’hocher de la tête et être d’accord avec moi sans s’impliquer qu’auprès des personnes qui se joignent directement à la lutte et foncent tête baissée au sens réel du terme.

Mon troisième constat est qu’il m’est maintenant possible de militer et d’être PAYÉ pour le faire 40 heures par semaine car je le fais sur mon/mes lieu(x) de travail. Il me permet entre autre de surmonter le faux dilemme courant chez les militant-e- s très dévoué-e- s entre travailler moins pour pouvoir militer davantage ou travailler plus pour pouvoir consommer «plus éthiquement» (et… disons-le, ne pas vivre dans un taudis minable à manger des dumpsters !), mais en ayant moins de temps pour militer. Il me permet aussi d’AMENER la lutte des classes à mes collègues ou ami-e- s peu engagé-e- s politiquement plutôt que d’essayer de les FAIRE VENIR vers la lutte des classes dans leurs temps libres, ce qu’ils et elles n’ont évidemment jamais fait-e-s lorsque j’utilisais simplement la rhétorique marxiste habituelle – particulièrement ce bon vieux fétichisme de la manifestation qui est une bonne tactique, mais qui n’attire qu’un nombre très restreint de personnes.

Mon quatrième et dernier constat est que, bien que je n’enlève rien au militantisme étudiant ou de cultures très marginales (punk, par exemple) duquel je proviens, le vrai pouvoir est entre les mains des travailleurs et des travailleuses, car ce sont principalement elles et eux qui peuvent réellement bloquer l’économie (par leur accès direct aux moyens de productions) et faire céder l’État, mais surtout, car ce sont elles et eux qui peuvent s’approprier les moyens de production en vue de les autogérer selon leurs connaissances et leur expérience de ceux-ci, et personne d’autre ! Ce détail est on ne peu plus important : tout-e révolutionnaire sait bien qu’on ne libère pas quelqu’un-e, mais qu’il ou elle se libère. Il est donc crucial d’organiser ces personnes plus que quiconque, parce qu’elles seront nos meilleur-e- s allié-e- s ou nos pires ennemi-e- s lorsque nous devrons nous émanciper des griffes de l’État et des capitalistes ou nous défendre contre les réactionnaires (qui seront grossièrement ces personnes que nous avons négligées d’organiser au préalable). Si nous n’arrivons pas à retirer aux capitalistes le contrôle sur les secteurs clés de l’économie tels que celui de l’alimentation et à ce qu’ils fonctionnent par eux-mêmes en autogestion lorsque nous voudrons nous libérer, nous n’iront nulle part ! Allons donc travailler et organiser la société !

Dans l’ensemble, donc ?

Adhérer au SITT-IWW est probablement la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie de militant. Par contre, comme on le répète souvent : « Adhérer à un Syndicat, c’est comme s’inscrire à un gym, il faut y travailler pour qu’il se passe quelque chose ! »

C’est là toute l’essence du syndicalisme de solidarité : des travailleurs et des travailleuses (employé-e- s et employables ou non) qui luttent eux-mêmes et elles-mêmes en «s’empowerant» les un-e- s les autres et en s’entraidant d’un milieu de travail à l’autre, même entre syndiqué-e- s et non-syndiqué- e-s IWW, et en ne nuisant qu’aux patrons et pas aux autres travailleurs et travailleuses ni à la qualité des services offerts à la population. Nous sommes une grande famille inclusive, qui grandit, qui prend de la maturité, et qui fait des petits. On va l’avoir, notre révolution (ou sinon, on mordra assez fort pour repartir au moins avec un morceau de= jambe) !

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Vie de Wobblies: Comment je suis devenue membre des IWW.

Quand on m’a demandé si je pouvais écrire un témoignage pour raconter mon parcours avec l’IWW, ma première réponse a été « Haha, j’ai rencontré un gars sur Tinder pis c’est comme ça que j’ai découvert l’IWW ». C’est ridicule parce que c’est vrai, mais c’est quand même une plus longue histoire que ça.

Il y a 2 ans, je m’impliquais avec mon asso étudiante et je m’embarquais dans un recours collectif contre la police de Québec. Il y a 2 ans aussi, je traînais sans espoir sur Tinder quand j’ai rencontré quelqu’un de bien. Et il se trouve que ce quelqu’un est membre de l’IWW… Eh oui, c’est comme ça que j’ai découvert le syndicat. Même pas dans des manifs, même pas par les actions, même pas par son organisation syndicale, juste par un drôle de hasard.

On s’entend qu’à ce moment-là, j’avais pas beaucoup d’expérience au niveau du militantisme. Quelques manifs, une souricière brutale, 2 semaines de grève, présence sur l’exécutif de mon asso… Ça se résume à ça, je crois. Mais j’étais déjà tannée du militantisme étudiant, de ses contraintes et surtout, de l’impossibilité d’établir des vrais projets à long terme : les gens viennent faire leur bacc puis disparaissent, alors on doit tisser des liens rapidement, travailler au jour le jour. Ça a ses avantages, mais pour une personne introvertie comme moi, qui a besoin de prendre son temps avec les nouvelles personnes, c’est des contraintes difficiles à surmonter. J’étais rendue à un moment dans ma vie où j’avais envie de m’impliquer de façon plus durable, mais je voyais pas beaucoup d’options ; c’est précisément à ce moment -jolie coïncidence- que j’ai découvert l’IWW.

On pourrait maintenant croire qu’après avoir découvert le syndicat, j’aurais pris ma carte tout de suite. De ce que j’avais pu voir en manif, et de ce que j’en avais entendu, ça avait l’air d’une grande famille de gens qui se tiennent les coudes serrés ; ça donne envie de les rejoindre, non? Oui, mais en même temps, c’est justement ce qui fait que ça m’a pris autant de temps avant de prendre ma décision. Comment moi, qui ne connaissais pratiquement personne du groupe, qui n’avais presque jamais participé à des actions directes, qui ne se croyait pas à la hauteur, j’allais réussir à faire ma place là-dedans? Eh bien, ça l’air que j’y suis arrivée. J’ai pris ma carte et me voilà, un an plus tard, à être impliquée dans 3 comités et secrétaire d’un d’entre eux, à être déléguée, à avoir donné 2 formations d’introduction à l’IWW et à écrire un article pour notre blog. À toutes les personnes trop timides pour faire le premier pas : vous ne perdez rien à essayer, y’a personne qui va vous manger.

Et puis la grande question : pourquoi j’ai fini par autant accrocher à ce groupe-là? Il y a mille réponses à ça, mais je trouve que le syndicat incarne des valeurs que je partage et que j’ai jamais vraiment eu l’occasion d’exprimer. J’ai une formation en travail social et ça fait des années que j’occupe des jobs dans le service à la clientèle ; après un moment, j’ai fini par réaliser que la précarité et la souffrance que vivent les gens qui travaillent en relation d’aide, que la pauvreté dans laquelle se démène la majorité des personnes autour de moi… ça ne peut pas durer. C’est pas normal qu’on doive vivre comme ça, je peux pas croire qu’il existe aucun moyen de s’en sortir. On en parle entre collègues, oui, on s’en plaint, mais pour plusieurs raisons on ne trouve jamais les moyens de s’attaquer au problème. Ce que je crois avoir trouvé avec l’IWW, c’est un bon point de départ pour faire ça.

Déjà, d’avoir un espace pour parler de ces problèmes-là et mettre en commun nos expériences, au lieu de nous dire qu’il y a pire et qu’on devrait se la fermer. Puis découvrir ce qui s’est fait ailleurs, ce qui motive les autres personnes, ce qu’on pourrait faire ; il y a une foule d’actions possibles pour parvenir à nos fins, des appels téléphoniques aux occupations, en passant par les manifs et les ateliers de discussion. Il n’y a pas que la grève pour venir à bout d’un conflit de travail : la créativité et la solidarité peuvent -et vont- nous mener loin.

Et pour finir sur une note cute, c’est toute cette implication qui m’a fait découvrir un monde de possibilités et de personnes extraordinaires, en plus de m’avoir donné un solide boost de confiance en moi. Oui, parce que j’assume des responsabilités et que les gens me font confiance, mais aussi parce que je me rends compte aujourd’hui que j’ai réussi à me créer un réseau dans une nouvelle ville, dans un groupe que j’ai choisi et qui représente mes idées. J’ai aussi appris ce que c’était, la solidarité. J’ai trouvé l’engagement militant qui me convient ; un engagement actif, continuel, plus centré sur l’action dans le présent que sur le respect à tout prix d’une idéologie. On fait quelque chose ensemble, et ça, ça n’a pas de prix. Il s’agit de cesser d’être passifs face au monde et ensemble, de commencer à y prendre activement notre place.

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