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Solidaire des arrêté-e-s de la Loi Travail

En solidarité avec celles et ceux qui ont lutté et qui luttent encore contre la Loi Travail et « son monde », le SITT-IWW Montréal a organisé une soirée de financement afin d’aider le groupe de Défense Collective (DefCol) de Paris, et ce en offrant un soutient moral et financier aux personnes arrêté.e.s et/ou incarcéré.e.s en lien avec le mouvement qui a débuté ce printemps. Ce montant est bien entendu symbolique, mais il représente une solidarité internationale qui doit être maintenue afin de combattre le système qui nous affame et qui nous plonge dans la précarité.

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C’est un drôle de milieu de travail, que celui du communautaire.

Bien ancré dans son environnement, on est ici en contact constant avec la population, à lui scruter l’épiderme, à lui éplucher le moral dans ses tréfonds. Accompagnement, soutien, services en tout genre, empowerment, name it, les intervenant-e-s marchent côte à côte avec leurs gens. Et pas que pour les moments de liesse, est-il nécessaire de le mentionner? C’est un lien privilégié, gagné par la confiance, tissé serré. Conséquemment, outre les populations concernées, les employé-e-s du communautaire sont de fait les plus à même d’observer et comprendre la source de nombre de problématiques sociales. Et donc d’y
apporter des solutions, ou d’en soutenir les initiatives. Mais cela, tant et si bien qu’une certaine marge de manœuvre est permise.

Pourtant, malgré cela, quand vient le temps de réfléchir sur la nature, la mission et l’orientation d’un organisme, on leur demande de respecter leur rang. Hiérarchie prévaut, coûte que coûte! Connais ta place et tais-toi! Et en cette époque austère, avec les pontes de la finance qui décident qu’y en a marre, que l’onéreuse digue solidaire doit sauter, et qu’au final, on laissera la population se coltiner la facture et les pots cassés, on est ici au front. Responsabilité collective, donc vache maigre pour tout le monde, sauf pour les potes, que les gourous du politique brament. Alors, ils exigent la rationalisation des bourses les plus vulnérables et imposent la précarité dans les organismes communautaire. Merde ceci, merde cela, on coupe tout azimut. Directement ou indirectement, qu’importe.

Mais tâter le pouls des services sociaux et des personnes dont la santé et le bien-être en dépendent, ça ne se fait pas entre deux rencontres au sommet, à tripoter des chiffres et statistiques glanés ça et là. Ce n’est pas du haut de sa tour d’ivoire, le cul au chaud dans des draps de soie, qu’on constate l’étendue d’un merdier socioéconomique provoqué, c’est sur le terrain.

Faire autant avec moins, et prouver l’utilité de sa job, en chiffres, de manière quantifiable, voilà les mots d’ordre. Le travail au quotidien dans le communautaire, et sa finalité, c’est souvent autrui en haut qui en dicte la couleur et la valeur, à sa guise, et pas toujours dans notre intérêt et celui de la population. Et ils sont nombreux, ces sociopathes de la nouvelle gestion publique, à exiger des redditions de compte. Il y a, justement, les spécialistes de la gestion, mais aussi les bâilleurs de fonds, les cadres apolitiques, les cadres avec visée
politique, les politiciens locaux, les caisses de charité, les conseils d’administration, les directeurs de centre, un éventail de boss, etc. Un tas de gens aux titres pompeux et aux idées calculables.

Et c’est bien là que le bat blesse. Car, dans le communautaire, autant pour les personnes qui en bénéficient que pour celles qui y œuvrent, les attaques proviennent de partout. D’un bord, il y a les instances, privées et publiques, qui accordent le financement et en déterminent les conditions; de l’autre, il y a cette hiérarchie bureaucratique et technocratique qui vient dépouiller de leur pouvoir les travailleurs et travail- leurs du communautaire ainsi que la population. Et il est facile pour les uns et les autres de se renvoyer la balle, de brouiller le jeu, de se déresponsabiliser.

À ces multiples sphères décisionnelles auxquelles répondre, vient souvent s’ajouter l’absence d’une structure de solidarité entre les acteurs et actrices du milieu communautaire. Parce que si occasionnellement, surtout lorsque des coupures s’annoncent, l’adversaire est commun, le combat se fait individuellement, ou organisme par organisme. Certes, les ordres professionnels ont une certaine influence, et certains
secteurs sont syndiqués, mais le milieu en soi n’intéresse pas les centrales. La raison est simple : de petits groupes, des salaires raison- nables mais sans plus, donc, de petites cotisations sur lesquelles se mettre la dent. Et les syndicats corporatistes n’aiment pas
se déplacer pour des bagatelles.

C’est à la lumière de cet état de fait que le Syndicat industriel des travailleuses et des travailleurs (SITT-IWW) en appelle à la réappropriation de leur milieu de travail par les employé-e-s du communautaire! La lutte, en solitaire, n’égalera jamais le pouvoir collectif que peuvent se donner les gens qui s’organisent!

Gens du communautaire, it’s time to organize!

La Sociale, Volume 3, Mai 2015

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Ce n’est pas facile d’être une femme organisatrice

Au cours de la dernière année, je suis devenue active politiquement. Je suis passée d’une méconnaissance totale de la politique radicale à une implication dans l’organisation du travail à Miami, selon une perspective anarchiste. Ce fut à la fois un difficile et valorisant parcours, mais mon genre semble constamment me hanter. Je ne suis probablement pas la première femme ayant vécue cette expérience, mais je crois devoir faire la démonstration du fait qu’il s’agit d’un problème réel, tout en offrant mon point de vue personnel afin que d’autres femmes puissent avoir un point de référence au sein de leurs propres luttes.

Ayant été élevée par des parents nicaraguayens au sein de la communauté latino de Miami, j’ai vécue de près le sexisme inhérent à la culture du sud de la Floride. De nombreuses familles ayant immigrés en provenance d’Amérique du Sud, d’Amérique Centrale et des Caraïbes arrivèrent aux États-Unis en y important leurs traditions issues des années 70 et 80. Les jeunes filles sont ainsi élevées par des femmes ayant grandi en se faisant dire que leur but dans la vie était de devenir des épouses obéissantes, se dévouant cœur et âme à l’éducation de leurs enfants et au bonheur de leurs maris. Les femmes latino sont ainsi supposées être modestes, réservées et soumises, et être en mesures de jouer un rôle purement domestique. Bien que certaines familles hispaniques ne se soumettent pas entièrement à cette construction sociale, il reste que celle-ci joue toujours un rôle de premier plan au sein d’une très grande part de la communauté latino. À titre d’exemple, cette construction sociale se retrouve au sein des trois dernières générations des familles de mon père et de ma mère. Mes arrière-grand-mères et grand-mères, ainsi que ma mère et mes tantes, n’ont jamais complété leur scolarité et ont toutes dévoué leurs vies entières au service de leurs maris et de leurs enfants. Pendant ce temps, de nombreux hommes au sein de ma famille élargie ont pu compléter leur éducation, certains ayant même reçu un diplôme universitaire, et ont ainsi pu devenir des figures dominantes au sein de leurs communautés. Les hommes de la famille ont pu faire ce qu’ils voulaient puisqu’ils reléguaient toutes les responsabilités domestiques et familiales à leurs épouses. Poursuivant ce cycle, ma grand-mère et ma mère ont bien tenté de m’élever de la même manière. Je me suis fait dire de ne pas m’engager dans des activités dites « masculines », que ce soit le sport, le domaine universitaire, la politique, ou tout autre domaine dominé par l’homme. Malheureusement pour elles, j’ai toujours refusé de me soumettre à leurs standards de féminité. Je fais du sport depuis l’âge de dix ans, j’ai développé un intérêt profond pour l’histoire, la sociologie et la science politique, et je suis présentement engagée dans trois projets de nature politique. Cette attitude est une telle source de frustration pour mes parents que je me retrouve à être insultée sur une base quotidienne. Ma mère me traite de ‘tomboy’, me dit que je suis égoïste parce que je consacre autant de temps à l’organisation politique, et déplore ma soi-disant « promiscuité », du fait que les groupes politiques auxquels j’adhère sont formés en majorité d’hommes. Mon père, quant à lui, me dit que j’agis de manière insensée en consacrant autant de temps à la politique au lieu de bien me préparer à mon futur rôle de mère et d’épouse.

Tout au long de mes deux décennies de vie à Miami, j’ai pu rencontrer une multitude de femmes d’origines diverses. À l’école, dans le cadre de mon travail en tant qu’assistante-infirmière, ainsi qu’en politique, j’ai côtoyé des femmes originaires du Nicaragua, du Honduras, du Mexique, de Colombie, d’Argentine, de République Dominicaine, de Porto international-womens-day-posterRico, d’Haïti, de Jamaïque, du Népal et des Philippines, et elles ont toutes des histoires similaires à partager. Chacune d’entre elles m’ont révélé l’oppression qu’elles vivaient à la maison. Elles sont forcées de se conformer au rôles de genres et de suivre les standards traditionnels de ce qui définit une femme. Certaines ont tenté de se libérer de ces rôles, mais la pression de leurs entourages et de leurs familles finie généralement par venir à bout de leur volonté. Si certaines réussissent à se battre contre le courant, elles sont systématiquement insultées et stigmatisées, développent une mauvaise estime de soi et sombrent parfois dans l’anxiété et la dépression. J’ai moi-même vécu, et vis encore, des épisodes de détresse émotionnelle. Je me suis sortie d’une dépression en 2013 après six mois de thérapie, et je me bas encore aujourd’hui contre l’anxiété sociale et une mauvaise estime de moi-même. Malgré tout, je réussis à conserver mon intégrité et je continuerai à le faire afin de poursuivre le combat.

Entendre les récits et être témoin de la peine de toutes les femmes victimes du patriarcat m’a inspiré à poursuivre ma route en tant qu’organisatrice. Voir la passivité de ma mère face à mon père, voir mes sœurs être forcées d’adopter des traits indésirables, et être témoin des larmes de ces femmes ayant partagé avec moi leurs récits de vies sous l’oppressive domination masculine m’a permis de transformer ma colère en énergie positive et à me dévouer à la création d’une société au sein de laquelle les femmes ne seront plus opprimées. Je ne veux plus avoir à faire face à l’inégalité des genres et devoir regarder nombre de femmes tomber dans ses rouages. Nous ne pouvons plus continuer à négliger ce problème et devoir faire face à celui-ci seules. En tant que femmes révolutionnaires, nous devons prendre ces problèmes au sérieux et trouver des stratégies et des solutions afin de les surmonter.

Une manière de s’engager dans cette lutte est de partager nos expériences entre nous afin d’identifier les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui. Nous ne devons plus nier et réprimer notre frustration face à l’inégalité des genres. Celle-ci doit s’exprimer. Comment pouvons-nous prétendre bâtir une révolution sociale alors que nous n’osons que rarement parler de nos propres tourments personnels ? Je sais qu’il est parfois difficile de partager les difficultés auxquelles nous faisons face à la maison, au travail ou au sein de nos cercles politiques. Il est même ardu pour moi d’écrire ce texte, mais nous devons arrêter de 1546449_10152142519671361_8569163409494853563_nlaisser ces obstacles barrer notre chemin. Je me souviens avoir été pétrifiée la première fois que je me suis exprimée à propos de mes problèmes personnels auprès d’une camarade. Je croyais qu’elle ne me comprendrait pas et que je la dérangerais, mais après lui avoir raconté mon histoire, j’ai vite constaté qu’elle faisait face aux mêmes problèmes et était empathique face à ma situation. Ça a complètement transformé ma vie puisque j’avais auparavant cru que je devais sans cesse attendre afin de parler de ces problèmes à ma thérapeute, mais j’avais tort. Il y a plein de gens autour de nous prêts à écouter et à nous supporter; il n’en tient qu’à nous d’aller vers eux. J’ai fini par comprendre que les problèmes de genres existent toujours et que les obstacles auxquels je dois faire face sont bien réels. À travers des actions toutes simples comme parler de ceux-ci et bâtir des liens, je crois que nous arriveront à créer un collectif de gens déterminés à créer des tactiques afin d’abolir ces oppressions. C’est ainsi que s’est formé Mujeres Libre, qui a réussi à créer une tendance au sein de la Confederación Nacional del Trabajo et de la Federación Anarquista Ibérica afin de faire face au problème d’inégalité des genres. En grossissant leurs rangs, Elles ont fini par se tailler une place de choix au front lors de la révolution espagnole. Nous pouvons faire de même aujourd’hui si nous y mettons nos cœurs et âmes. Plusieurs d’entre nous diront que nos capacités et le climat social d’aujourd’hui rendent une telle chose impossible, mais comment le saurions-nous sans avoir même essayé? C’est pourquoi j’encourage toutes les femmes révolutionnaires à cesser de douter d’elles-mêmes et à engager le combat. Brisons dès maintenant le silence et créons la solidarité dont nous avons besoin.

-Luz Sierra

Publié en version originale anglaise en avril 2014 dans l’Industrial Worker, l’article Being A Women Organizer isn’t Easy de la fellow worker Luz Sierra obtiendra la première place dans la catégorie Contribution à l’Industrial Worker de l’année lors du Working Writers Contest et sera réédité en 2015 pour le pamphlet Radical Works for Rebel Workers

Un Syndicat? Pourquoi faire?

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on jase pas mal de syndicalisme ces temps-ci dans le milieu communautaire. Évidemment, c’est loin de faire l’unanimité. Si c’était le cas, on se serait regroupé depuis belle lurette! Raison de plus pour s’attarder à quelques-uns des questionnements qui surgissent au fil des discussions avec des camarades et collègues de travail.

On n’en a pas besoin!

Dans tout milieu de travail, des conflits surgissent périodiquement entre les intérêts des salarié-e-s et ceux de l’organisation ou de la direction. C’est dans la nature même de ce rapport particulier qu’on appelle le salariat. Nous ne vivons pas sur une autre planète tout simplement parce que nous bossons dans/pour un OBNL. Ces conflits sont variés : (dés)
organisation du travail, hiérarchie formelle ou informelle, inégalités au plan des salaires ou des avantages sociaux, absence ou non-respect du contrat de travail, harcèlement psychologique ou sexuel, chômage forcé, précarité imposée, temps supplémentaire obligatoire ou non-rémunéré… La liste est longue! Celles et ceux qui travaillent depuis quelques années dans ce milieu ont pour la plupart rencontré l’un ou l’autre de ces problèmes. Parfois, on trouve une solution à l’amiable. Bien souvent, on ronge notre frein en hésitant d’en parler au c.a. ou à nos collègues, y compris lorsqu’ils/elle travaillent dans un autre groupe, que ce soit par crainte des représailles ou par loyauté déplacée. On se sent impuissant-e face à la situation : « anyway, le groupe est dans le rouge », « c’est comme ça dans le communautaire ». En bout de ligne, ça finit souvent par une démission ou
pire, en « congé » de maladie. Nous travaillons dans le communautaire, mais nous ne
sommes pas pour autant des missionnaires. Nous n’avons pas non plus fait vœu de pauvreté. Notre soif de justice sociale, notre volonté de changer le monde avec les sans-
droit et les sans-voix ne doit pas nous faire oublier que nous sommes des travailleurs et des travailleuses et que nos intérêts ne sont pas les mêmes que ceux du gouvernement, de ses agences, des fondations privées, des chefs et des patrons (petits et grands).

Dans mon milieu (je travaille pour un groupe de défense de droit), lorsque j’interviens auprès des personnes qui ont besoin de soutien, j’insiste souvent sur l’importance de ne pas rester isolé, de se regrouper. Échanger sur notre situation, s’appuyer dans les moments difficiles, lutter pour des objectifs communs, construire des liens pour être plus fort-e-s : si c’est bon pour les locataires, les personnes assistées sociales, les jeunes de la rue, pourquoi en serait-il autrement pour les salarié-e-s du communautaire? Serions-nous tout simplement des cordonniers mal chaussé-e-s, au dessus de nos affaires? Pourquoi ne pas mettre sur pied une organisation qui identifie les problèmes récurrents dans nos milieux de travail, qui élabore des revendications communes et des stratégies pour obtenir gain de cause?

Les syndicats ne sont pas adaptés aux réalités de notre milieu

J’entends souvent des collègues me dire : « c’est sans doute faisable dans un gros groupe (avec beaucoup de staff), mais pas dans mon milieu de travail : on est juste deux ou trois dans le bureau ». Cette réalité, celle d’organisations avec un nombre réduit de salarié-e-s, rend souvent difficile l’implantation d’un syndicat, du moins par les centrales comme la CSN ou la FTQ. L’inverse est aussi vrai : imaginez convaincre 200, 500, 1 000 personnes dans une même boite de se joindre à un syndicat. Une tâche colossale ! Mais si on en ressent le besoin, qu’est-ce qui nous empêche de nous organiser autrement, avec d’autres moyens?

Avant d’obtenir une reconnaissance formelle de l’État et de s’en remettre à des avocat-e-s, le mouvement ouvrier s’est d’abord battu avec son arme la plus forte : la solidarité. C’est encore le cas pour tous/toutes les exploité-e-s et les laissé-e-s pour compte. Cette solidarité, que nous appelons de tous nos vœux dans les mouvements sociaux, nous fait cruellement défaut comme salarié-e-s. Nous travaillons peut-être pour des employeurs
différents, mais il suffit de s’arrêter deux minutes pour réaliser qu’on a beaucoup de choses en commun, à commencer par des bailleurs de fonds qui dictent par la bande une partie importante de nos conditions de travail. À nous d’identifier ce qui nous rassemble et de dépasser ce qui peut nous diviser.

Si cette solidarité est au rendez-vous, ce que nous perdrons en recours légaux en nous organisant dans un syndicat qui n’est pas reconnu « officiellement», nous ne le gagnerons en contrôle sur nos cibles et nos moyens de lutte. Les possibilités sont infinies si nous
sommes une masse critique suffisante pour les appliquer.

Dans mon groupe, ça risque d’être très mal perçu par les membres.

Dans certains cas, ce sera sans doute vrai, tout particulièrement là où un effort sincère est fait pour donner des conditions de travail décentes aux employé-e-s (« selon les capacités
financières de l’organisme »). La même chose est vraie si une forme d’autogestion ou de cogestion existe ou encore si les rapports au quotidien sont corrects et respectueux. Sans
vouloir jouer les prophètes de malheur, rien ne garantit qu’un tel climat de travail perdurera, surtout si un rehaussement significatif du financement des groupes communautaires n’est pas envisagé à court terme… Tôt ou tard, le monde extérieur risque de nous rattraper (ou un nouveau coordonnateur particulièrement exécrable!)

Un autre élément vient jouer sur les perceptions des membres. Pour beaucoup de monde, les syndicats ne sont qu’une autre façon d’imposer le statut-quo, de maintenir les privilèges de quelques-unEs au détriment des autres. Malheureusement, on ne peut pas dire que la majorité des organisations syndicales font quelque chose pour casser cette image qui
leur colle à la peau. Au contraire, elles s’enfoncent trop souvent dans un corporatisme caricatural qui va de pair avec une mentalité d’assiégé-e. Cela fait évidemment partie des
préjugés défavorables avec lesquels nous devons composer, qu’on le veuille ou non.

Autre obstacle, la plupart des groupes communautaires ne génèrent peu ou pas de revenus autonomes. La majeure partie de leur budget provient d’un ensemble de programmes de
subventions gouvernementales et de dons de diverses natures, provenant principalement de fondations privées, voire de communautés religieuses. Le gros de ces revenus est ensuite versé en salaires et en charges sociales. Hormis quelques exceptions, les groupes communautaires piétinent actuellement dans leurs démarches visant à accroître leur financement. Par conséquent, les conditions de travail se détériorent d’année en
année. Si le réseau des organismes en santé et services sociaux a, au moins, le mérite de s’organiser un tant soit peu, on ne peut en dire autant des groupes de défense de droit. Dans notre milieu, les questions de financement (et par ricochet les conditions de travail des salarié-e-s) sont pratiquement un sujet tabou. Serait-ce dû au fait que bien des membres actifs/actives, qui sont les véritables forces vives des groupes communautaires, ont des conditions de vies encore plus précaires que les salarié-e-s de ces mêmes organisations? Un malaise peut vite s’installer lorsque vient le temps de discuter franchement de ces questions.

Afin de rallier la base des groupes, ne devrait-on pas identifier l’État comme une cible privilégiée d’une action concertée des salarié-e-s? Il y a des liens directs à faire entre la détérioration des conditions de travail, le sous- financement chronique des groupes communautaires, les pressions exercées par le patronat afin de privatiser les services publics, les coupures dans les programmes sociaux, les attaques incessantes du gouvernement et des fondations contre l’autonomie des groupes et la nécessité pour les salarié-e-s de s’organiser solidairement pour mettre du sable dans l’engrenage. À nous d’expliquer ces rouages et la nature de notre démarche, qui s’inscrit dans la riche tradition
militante de l’éducation populaire autonome.

Se syndiquer? Peut-être, mais dans un vrai syndicat

L’immense majorité des travailleuses et des travailleurs du communautaire n’est pas syndiquée. C’est un secteur morcelé et précaire, où les salaires sont bas. Pas nécessairement le milieu idéal pour les centrales lorsqu’elles songent à recruter de nouveaux membres. Ça prendrait beaucoup de travail et d’argent, se disent-elles. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, à moins bien sûr que le fruit mûr ne leur tombe dans les
mains.

On peut décider de laisser d’autres organiser les choses pour nous. Si c’est le cas, il ne faudra pas se surprendre si on se retrouve à devoir composer avec un syndicat affairiste, peu démocratique, très corporatiste. C’est une possibilité concrète dans certains groupes. Heureusement, d’autres options existent. Le SITT-IWW offre un espace pour s’organiser, avec une riche tradition de lutte dont on peut librement s’inspirer. Le syndicat repose sur ses membres et leur implication. Son adhésion est volontaire, son fonctionnement est
horizontal (non-hiérarchisé). Il n’existe que si on l’anime et qu’on s’en sert comme
outil d’organisation collective. Sa reconnaissance, il la gagne dans la pratique, par l’action directe et la solidarité.

Maintenant, la question qui tue : le SITT-IWW est-il un vrai syndicat? Pas selon la loi bourgeoise, mais très certainement pour ses membres. N’est-iI est pas plus proche d’un « vrai » syndicat que ces associations reconnues officiellement par l’État, dirigées par des magouilleurs professionnels, qui non seulement trahissent l’esprit même du syndicalisme, mais aussi tous les sacrifices consentis en son nom? À nous de répondre à cette question.

Écrit par Mathieu de la Section locale intersectorielles de Quénec pour le volume 2 de La Sociale, octobre 2014

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Je suis serveuse, en quoi le 15-5-7 ça me concerne? Et comment y arriver?

Depuis que j’ai 14 ans, je travaille dans l’industrie de la restauration. Ça veut dire que depuis que j’ai 14 ans j’en ai vu de toutes les couleurs de passe droit et de salaire de merde. Mais j’ai eu de la chance, j’ai commencé hôtesse et ai toujours eu un peu de pourboire. Arrivée à l’étape de l’appartement, j’étais serveuse, ce qui me garantissait un coussin financier confortable.

Au printemps passé, pendant que je cherchais une job, je n’ai pas réussi à en trouver une tout de suite dans le service et c’est là que j’ai vécu, ou plutôt tenté de vivre, au salaire minimum. J’ai pas du tout la théorie qui vient derrière le 15$/h, mais j’ai le vécu. C’est pas vrai qu’à 10,55/h on réussi à payer son loyer, à bien manger et à se déplacer. Le salaire minimum à 15$/h, ça veut dire arrêter de se demander si j’ai assez d’argent pour prendre le métro à la place de marcher 1 heure l’hiver à -40°C. Ça veut aussi dire que, pour les parents, une job chacun à 40h/semaine pourrait être suffisante.

On va se le dire, j’ai 21 ans, pas d’enfants et aucune autre responsabilité que de m’occuper de moi-même. Si dans ma situation c’est difficile, j’imagine même pas c’est quoi pour mes collègues qui ont des enfants.

Comme salariée à pourboire ça veut dire quoi le 15$/h ?

Dans l’industrie dans laquelle je travaille, on retrouve deux positions envers le salaire minimum à 15$/h. Il y a les gens pour, qui souvent travaillent en cuisine et il y a nous, les serveuses qui, franchement, à moins de travailler dans un casse-croûte, nous retrouvons bien au-dessus de ça avec le pourboire. Nous voyons donc difficilement ce qu’il y a à gagner avec le 15$/h, mais plutôt ce qu’il y a à perdre.

Comme serveuse, on vante souvent l’idée que le service c’est un peu comme gagner à la loto ; on fait la palette. J’y crois presque encore, du moins c’est tellement ancré que je veux y croire. Mais quand j’y pense, à part les filles de mon âge, qui souvent commencent, des femmes et hommes émancipés et à l’aise financièrement dans leur job tellement payante dans le service, j’en ai jamais vus. Ma première job c’était une job géniale : petit restaurant haut de gamme en bordure de Québec, avec comme serveuses des femmes dans la quarantaine en montant et dans les petits postes, des gens de 14 ans, comme moi à l’époque. Pis je m’en rappelle de ces femmes-là, des anges, super gentilles, qui sont dans l’industrie depuis leurs 14 ans. Sauf que ce sont aussi des femmes qui en ont des histoires à dormir debout sur l’industrie. Des femmes qui ont jamais un congé de leur vie, qui se sont fait renvoyées quand elles sont tombées enceintes, qui ont des problèmes de consommation, des problèmes d’argent par dessus la tête, des problème de santés, mais pas d’assurance, rien, que des peanuts.

Pis dans ma deuxième job, on avait toutes entre 20 et 25 ans. On avait de l’argent à dépenser et les quatre jours de 12 h de file sont plus faciles à toffer avec quelque chose dans le corps qu’à jeun. Fait que quand on y pense, c’est normal que 20 ans plus tard dans cette industrie, on en ait des problèmes pis qu’on soit autant poquées. La loto du service je veux vraiment y croire, parce que c’est ce qui fait qu’on se dit que notre job est moins pire que celle du cook. Mais si c’est vraiment la loto pis que pour la gagner on se maganne, je vois pas en quoi le tip en vaut la chandelle.

Pis en plus ce qu’on oublie c’est qu’on cotise sur notre retraite, sur le chômage, sur les vacances, à 9,05$/h. Dans le fond on oublie que dans le moment, on y arrive en masse, mais que dès qu’on tombe malade, que notre boss nous trouve pu assez cute, qu’il ferme ou qu’on veut des vacances, on se retrouve avec des peanuts et, tout d’un coup, on y arrive pu pantoute.

Et on va se le dire, le tip que je fais est pas juste du à mon sourire, souvent il y a le «est-ce que ma bouffe était bonne» et «est-ce que ça a pris 1h ou 20 minutes avant de recevoir ma bouffe». Depuis 7 ans je suis dans l’industrie et depuis 7 ans que je vois les serveuses et les cuisiniers se battre sur la question de salaire. Ce serait tellement plus sain et juste qu’on soit toutes à 15$/h et de partager le pourboire. Pas juste ça, le «j’accepte la familiarité malaisante des clients» deviendrait tellement moins nécessaire, on pourrait respirer, et garder la même qualité de vie.

Pourquoi 5 semaines de vacances payées et 7 jours de congés maladies payés ?

Le 15$/h c’est vraiment sur la coche quand on a un salaire de 10,55$/h, c’est à peine si on réussit à y croire. Sauf que 5 jours semaine, 52 semaines par années, à moins que t’aie la chance d’être là depuis plus d’un an et que tu as 2 semaines de moins, c’est juste pas sain. Ça sert à quoi 15$/h quand on peut pas souffler ? Pis pourtant nos boss eux s’en offre des vacances, sur notre dos. Parce qu’on va s’entendre que si mon boss fait autant d’argent, c’est pas parce qu’il travaille plus que moi, c’est parce qu’il a eu l’idée et les ressource pour partir son entreprise. Les 5 semaines de vacances, c’est en gros d’aller chercher notre du en tant que force de travail. On crée le profit, on peut demander à en profiter aussi. C’est aussi simple que ça.

Ça fait 7 ans que je travaille dans la restauration, ça veut dire que jsais pas c’est quoi un congé maladie. Non seulement prendre congé parce qu’on est malades nous vaut souvent un avertissement écrit ou la perte de l’emploi, mais ça veut aussi dire une perte de journée de salaire et ça, on peut pas se le permettre.

Pis en fait, la majorité des gens vont dire que c’est DÉ-GUEU-LASSE de savoir que la majorité des employés de restauration prennent pas congé quand ils ont la gastro, parce que «hey, jla mange cette bouffe là moi !». Ben oui. C’est dégueulasse, mais le loyer se paye pas tout seul, sorry. Les 7 jours de congés maladies payés c’est comme les 5 semaines de vacances : c’est un gros minimum. Et là on demande pas à ce qu’ils soient payés seulement s’ils sont pris, non. On demande que, pris ou pas, les congés maladies soient payés. Ça veut dire : pas d’excuse de la part du patron sur le fait qu’il y avait pas de papier du médecin et pas besoin de justification pour se le faire payer.

Comment ça va être possible d’y arriver ?

Le 15-5-7, c’est possible et c’est un gros minimum. Mais, la seule façon que ça arrive de façon permanente, c’est qu’on s’organise sur nos milieux de travail. Quand on voit des gains par les élections, ces gains sont temporaires s’ils décident de le donner, ils peuvent décider de l’enlever. On l’a vu souvent, comme le Parti québécois qui a longtemps été mis de l’avant par les syndicats pendant les élections. Mais dans les faits, c’est le parti qui a mis en place le plus de Lois spéciales. La rhétorique électorale j’y crois pas, ça fait 7 ans que jvois le monde de mon industrie dans marde et maintenant que jle suis aussi, j’y crois encore moins. La politique des gens riches me concerne pas, leurs projets me concernent pas, la mienne est sur mon milieu de travail et prend acte avec mes collègues en opposition aux intérêts de nos patrons.

Quand on passe par la base et par l’auto-organisation des milieux de travail, on crée un momentum. Ce qui se passe, c’est un mouvement. Quand on s’organise sur nos milieux de travail, on s’organise avec nos collègues et nos collègues s’engagent dans la lutte contre leur adversaire direct : le patronat. Ce qu’on veut, c’est pas quelques personnes qui convainquent les masses. Le problème avec la tentative de «convaincre», c’est qu’un autre peut aussi le faire contre vous. Ce qu’on veut, c’est que ça vienne de nous ; parce que quand ça vient de la base, de nous, le gain est solide. Quand on se bat pour quelque chose, qu’on le gagne, si on nous l’enlève, on réagit. Quand on a l’impression qu’on nous l’a donné, si on le perd, on se résigne.

À l’IWW on croit que c’est par l’organisation qu’on peut vraiment gagner et renverser le rapport de force. On s’organise sur nos milieux de travail avec nos collègues. Dans la théorie, c’est vraiment beau de se dire que ça va se faire par les élections, mais le vrai pouvoir est sur nos milieux de travail, pis mes collègues et moi savons ben mieux comment le mettre en place qu’un gouvernement ou que n’importe quel autre groupe qui parle à travers son chapeau. À l’IWW on fonctionne par la base. En gros, quand à ma job on va se syndiquer, on va le faire dans nos propres termes, on va avoir nos propres revendications et nos moyens d’actions. La section locale intersectorielle n’aura aucun droit de décision, sauf si on le demande. Si on veut pas aller en grève, on ira pas. Mais si au contraire on veut y aller, watch out, y a personne qui pourra nous en empêcher.

Ce qu’on fait, c’est parler avec nos collègues, parce leurs problèmes, NOS problèmes, sont ce qui font qu’on se rassemble, pis qu’on se solidarise. J’ai une collègue que si tu lui parles de tes problèmes, elle compatie, mais hell no qu’elle s’embarquera pas dans quelque chose pour toi, ben oui, c’est ça l’individualisme. Mais quand tu lui demande ce qui va mal à job, elle en a gros sur le cœur et elle veut se battre pour ce qui la touche si elle sait qu’elle est pas seule.

Jamais on enverra quelqu’un leader une campagne. À l’IWW on a la célèbre phrase «every worker’s an organizer». Ça vient de nous tous : tout travailleur/toute travailleuse est un organisateur/une organisatrice, ça vient pas d’un comité central, pas d’une assemblée, et si on veut s’organiser on s’organise et on agit. C’est nous qui savons le mieux comment ça doit être sur nos milieux de travail, pas mon boss, pas mon camarade militant, nous ; c’est nous qui pouvons faire que ça soit possible, que ça change. Ce que ça fait, de s’organiser, c’est qu’on devient plus sûrs de nous, on prend les rênes et ça donne le goût d’agir.

Le 15-5-7 on va se le dire, c’est une méchante bonne idée. Sauf que on va aussi se le dire, il y a un superbe pattern dans certaines industries précaires qui veut que l’adversaire c’est pas mon boss, mais mes collègues. Parce que le cuisinier se force pas assez pour faire des belles assiettes pis que X a une section plus payante que moi. Ben oui, on s’est tous fait former dans l’optique de la «compétition naturelle» pis ça donne ça. Pis là, ça, ça brouille un peu les cartes, parce que pour que le 15-5-7 fonctionne, faut qu’on se tienne les coudes. Pis la compétition, ça fait le contraire.

Moi, la seule tactique que j’ai vu fonctionner pour solidariser mes collègues, c’est l’organisation. Pis l’organisation sur des enjeux qui touchaient tout le monde, même mes gérantes. Pis à partir de ça on augmente les demandes, pis les moyens de pressions. C’est pas vrai que dès le début tout le monde va vouloir le 15$/h. Mais un moment donné, quand ça fait des mois, voir des années que tu te bats contre le même adversaire avec tes collègues, sur des problèmes qui t’ont touchés au début, pis des fois pas, pis des fois juste toi pis pas lui, ben tu viens à te demander pourquoi les salaires sont pas plus justes. Ce qui fait que tout d’un coup, parce qu’il m’a aidée quand mon boss faisait du harcèlement, parce que je l’ai aidé quand il a eu besoin d’une hausse de 50 cennes, etc., partager mon tip de façon égale est vraiment plus logique qu’au départ.

Et là on va se le dire, c’est assez réformiste comme demande. Ce qu’on demande c’est pas l’abolition de l’exploitation, ni l’abolition du salariat. On demande juste une plus grande part des profits de nos patrons et un meilleur mode de vie. Sauf qu’à quelque part, en attendant d’arriver aux beaux projets de société qu’on essaie de me vendre à gauche pis à droite, j’aimerais ça pouvoir payer mon loyer, pis j’aimerais ça manger autre chose que les sandwichs qui sont gratuits à ma job. Pis dans tout ça, en voulant le 15$/h pis les vacances et les congés maladies payés, on lutte. Quand on s’organise entre travailleurs et travailleuses, on crée une classe plus forte, on se solidarise et on renverse le rapport de force.

Comme travailleuse, on m’a appris à penser que c’était impossible de changer les choses sauf si je devenais gérante. On m’a appris à critiquer mes collègues qui ne faisaient pas des doubles et à me référer à mes patrons s’il y avait un problème sur le plancher. Avec l’organisation et l’IWW, ce que j’ai commencé à voir, c’est que les intérêts de mes patrons ne sont pas d’avoir un milieu de travail avec une cohésion interne. La compétition entre serveuses et la rivalité cuisine-service est un bon exemple de ce qui sert le patronat. Diviser pour mieux régner, ça vous dit quelque chose ? Ben en voilà une belle illustration !

En s’organisant et en se solidarisant sur nos milieux de travail, on peut rendre possible ce genre de gain. On peut gagner ce qu’on demande. On s’empower et on comprend qu’on mérite encore plus. En renversant le rapport de force, on brise une barrière et on se rapproche de l’abolition du salariat.

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Discours de Morgane Mary-Parson, rerprésentante du SITT-IWW Montréal au forum pour le 15-5-7, en février dernier. Publié pour la première fois dans l’édition de Mai 2016 du Combat Syndical.

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Aperçu du camp de formation 2016

Au début du mois de juin eu lieu la deuxième édition du camp de formation des IWW, rassemblant des membres des sections de Montréal, Québec et Sherbrooke. Ce camp, organisé par le comité Événements-Marchandise de la section de Montréal, avait pour but de créer un moment propice aux discussions et aux débats, ainsi que de tisser des liens avec les autres membres et faciliter l’intégration des nouveaux et des nouvelles. Ainsi, du vendredi au dimanche, une cinquantaine de wobblies se sont rassemblé-es pour participer à des ateliers, discuter, échanger et passer du bon temps autour d’un feu de camp.

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Le premier atelier de ce camp de formation fut une brève introduction à l’ « OT-101 », ou Organizer Training 101. Nous y avons abordé les grandes lignes de l’organisation syndicale dans un milieu de travail ainsi que les différentes étapes à observer pour nous aider à reprendre plus de pouvoir sur nos lieux de travail.

Un atelier portant sur le renouveau syndical a suivi, où nous avons pu en apprendre davantage sur la situation des syndicats aujourd’hui et les limites du syndicalisme actuel. En effet, la difficulté (voire l’impossibilité) pour les travailleurs et les travailleuses à se faire entendre et à se faire respecter par leurs employeurs se fait cruellement sentir dans les négociations. Les syndicats, tels qu’on les connaît actuellement, n’arrivent plus à faire le poids face aux lois spéciales, lock-outs et autres tactiques utilisées par les patrons et le gouvernement pour imposer des conditions de travail de plus en plus insoutenables. Un changement s’impose, il n’appartient qu’à nous de le faire naître!

Par la suite, un atelier présenté par le syndicat des travailleuses et des travailleuses du communautaire (SITT-IWW) nous a permis de mieux saisir les caractéristiques propres au secteur communautaire et les obstacles à la syndicalisation dans ce milieu. La définition classique de « travailleur » et de « patron » s’applique difficilement dans un contexte où les superviseur-e-s et même les conseils d’administration ne détiennent qu’un pouvoir limité. Les employé-e-s de ces organismes sont tiraillé-e-s entre des conditions de travail pénibles pour des salaires parfois ridicules et leur passion pour leur travail, qui les force tant bien que mal à accepter une charge de travail colossale et une grande précarité. La situation est délicate et les travailleurs et les travailleuses ne pourront pas survivre à ce rythme éternellement; cet atelier fut donc un bon point de départ pour nous mener éventuellement à réfléchir sur la stratégie à adopter pour améliorer les conditions de travail des employé-e-s du communautaire, tout en respectant les spécificités de ce milieu.

Après un BBQ au soleil et des parties de pétanque et de ballon-chasseur, le comité femmes de la section montréalaise a présenté un atelier-discussion sur le sexisme en milieu de travail. À partir de mises en situation, l’atelier a eu pour but d’encourager les participant-e-s à proposer des solutions au sexisme ordinaire auquel les femmes font face chaque jour au travail, comme les remarques sexistes, les commentaires et catcalls de la part des clients et des collègues, etc.

Enfin, pour la dernière partie de l’après-midi, les participant-e-s ont eu le choix entre 3 ateliers différents : une formation du comité radio, une discussion sur la sécurité en manifestation et un atelier sur l’inclusivité au sein du syndicat. Celui sur la sécurité en manif’ a donné lieu à d’excellentes discussions, tout en nous permettant de ventiler sur notre vécu en manifestation et sur des éléments qui nous permettraient de nous sentir plus en confiance lors de ces événements.

Pour ce qui est de la formation du comité radio, il s’agissait plutôt d’une présentation de l’émission de radio du syndicat, Action en Direct, qui est une émission matinale présentée sur les ondes de Radio Centre-ville et qui traite de différents sujets touchant les travailleurs et travailleuses de différents milieux. Ce qui en fait une émission unique en son genre est le fait que nous donnons la parole aux travailleurs et travailleuses, pour qu’ils et elles puissent nous présenter leur réalité au travail et aussi ns tenir au fait des différentes luttes syndicales présentes dans les différents milieux de travail.

Puis, celui sur l’inclusivité présenté par le comité anti-oppression a aussi donné lieu à d’intéressantes discussions. D’abord, sur ce qu’est l’inclusivité en général, puis sur ce qu’elle représente au sein du syndicat. Le sentiment d’aisance, la possibilité de participer pleinement aux activités de l’organisation et la place que peut jouer l’éducation populaire dans le sentiment d’inclusion ou d’exclusion sont les éléments qui ont le plus ressorti. Ensuite, une discussion fort intéressante a eu lieu sur la notion d’oppression en soi. Elle soulignait en quoi celle-ci était un système: ce n’est pas parce que tu ne ressens pas l’oppression que tu n’en subis pas tout autant que ce n’est pas parce que tu en ressens que tu en subis.

La journée s’est conclue avec un splendide chili préparé par les membres de la section de Québec et des parties endiablées de ballon-chasseur.

Dimanche :
La journée du dimanche a débuté avec un focus group portant sur les différents comités des sections locales du Québec ainsi que sur leurs mandats respectifs. Après une brève présentation de chacun des comités, Un petit brainstorming portant sur la restructuration interne du syndicat a eu lieu et nous avons été en mesure de voir les forces et les faiblesses du SITT-IWW tel qu’il est en ce moment.

Par la suite, vers 11h un atelier sur l’histoire de l’IWW et de la One Big Union nous a été présenté par un camarade de Québec. Il nous a en quelque sorte offert un crash course d’histoire sur la présence de la One Big Union au Canada et nous a présenté la naissance du syndicalisme révolutionnaire et le tout, appuyé d’images historiques sur diapositives. Après sa présentation, il y a eu une courte période de questions pour répondre aux questionnements de certains autres camarades.

Suite à cet atelier historique, nous avons mangés des wraps de végé pâté et de légumes divers pour dîner. Après dîner, avec tous les camarades présent-e-s, nous avons tenus une table ronde au cours de laquelle nous avons tour à tour parlé de nos impression sur le camp de formation, mais nous avons également pris le temps de présenter nos perspectives de lutte et aussi de parler de futurs actions que nous aimerions mettre en place.

Ce qu’on peut retenir de cette fin de semaine de formation, c’est que, non seulement les formations sont très pertinentes et permettent à tous et toutes de parler et de débattre de sujets avec lesquels ils et elles ne sont pas nécessairement familier, mais avant tout il s’agit d’une occasion en or de tisser des liens avec des camarades des autres sections du Québec, ou encore des membres que l’on côtoie à l’occasion mais avec qui on a pas nécessairement pris le temps de s’asseoir pour discuter. Ce camp de formation s’en était l’occasion parce qu’au-delà des formations en journée, le soir venu il y a u des feux de camps festifs ainsi que des soirées festifs au cours des quels nous avons tous et toutes eux la chance de socialiser et de mieux se connaître les un-e-s les autres.

En somme, c’est une expérience qui a chaque année est pertinente et que je recommanderais a tous et toutes, puisque c’est également une excellente occasion de ventiler de son stress du quotidien.

Par Florence, Félix et Valérie

TRAVAIlLEUSES ET TRAVAILLEURS DU COMMUNAUTAIRE (Ré)AFFIRMONs NOUS!

Les questions concernant les problèmes au travail font souvent échos à des conflits sur le lieu de travail ou des difficultés ponctuelles. Ceci est quelque peu trompeur dans la mesure où l’on en oublie des problématiques qui sont malheureusementdominantes dans le communautaire. Certes, les conditions de travail, les relations avec les collègues et les employeurs sont primordiales. Cela n’empêche cependant pas d’être confrontés à une difficulté plus généralisée comme la précarité.

Les travailleurs et les travailleuses du communautaire connaissent une précarité grandissante liée entre autre, au bon vouloir des bailleurs de fond. De plus en plus, nous sommes confrontés à des contrats précaires. Les financements sont accordés au compte
goutte sur la base de projets. Les employé(e)s font alors face à
l’incertitude du lendemain.

Notre travail et les valeurs que l’on y met peuvent alors être fragilisés. Certain(e)s directeurs/directrices se jetteront sur toutes les subventions proposées sans prendre en
compte les concessions que cela implique. En effet, certaines aides financières vont de pair avec des demandes de projets et d’objectifs précis attendus des bailleurs de fonds qui sont éloignés des valeurs initiales de l’organisme. Il existe encore heureusement certaines
directions qui demeurent attentives et se voient dans l’obligation de refuser certaines subventions. Ceci dans le soucis de ne pas dénaturer leur travail et de préserver leur authenticité et leurs principes de base.

Une grande partie des assemblées générales annuelles se déroulant en été nous amène à constater des difficultés financières pour une grande part des organismes. Beaucoup de subventions ont été coupées ou diminuées et l’on constate que les promesses des libéraux concernant leur appui aux organismes n’ont pas été tenues. Certains services proposés sont alors mis à mal: santé, prévention, alimentation, logement… Cela questionne
quant au constat inquiétant que cela implique pour les personnes rejoignant les organismes.

Les autres victimes sont les travailleuses et les travailleurs du communautaire. Ceux-ci sont déjà confronté(e)s à un salaire précaire, subissent à nouveau les coupures des bailleurs de fond (diminutions des heures, fin du remboursement du transport …). Et pourtant, le nombre de personnes rejointes par les organismes ne diminuent pas.

Sous le prétexte évidemment erroné que le travail social serait une « vocation », le travailleur et la travailleuse n’aurait pas besoin d’une paye conséquente. Il(elle) est charitable, il(elle) aide…bref quel est l’intérêt de le(la) payer raisonnablement puisque cela
n’est pas son but premier? Les travailleuses et travailleurs du communautaire se doivent de poursuivre leur affirmation. Les valeurs politiques et sociales oui, mais la vocation, la charité non. Il est difficile de s’imposer lorsque notre rôle est plus souvent

compris par les personnes que l’on rejoint que par un ensemble plus vague de la population… Notre utilité est remise en question alors que la précarité ne cesse d’augmenter et que nos services quels qu’ils soient doivent répondre à de plus en plus de demandes.

S’affirmer, s’imposer passe aussi par l’action directe. On ne veut pas nous voir, alors faisons en sorte d’être vus et reconnus !

Écrit par Kamel pour le volume 2 de La Sociale, Octobre 2014

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Se solidariser dans une industrie où la performance est la valeur de base

Sans solidarité, pas d’organisation

Comme militants et militantes syndicaux, on le sait que la solidarité de classe est à la base du mouvement, que, pour s’organiser, les travailleurs et travailleuses doivent trouver une solution collective à un problème et que pour ce faire, il faut se tenir les coudes parce que même si le problème nous regarde pas directement, il nous concerne nécessairement. Si on veut y aller dans un exemple concret, une augmentation de salaire d’une personne en particulier peut être facile à chercher individuellement, mais si on veut que tout le monde ait la même augmentation, la meilleure façon est d’y aller ensemble.

Puisque comme travailleuse je n’ai pas travaillé dans d’autre industrie que celle de la restauration, ce texte va essentiellement traiter des relations de travail de ce milieu. J’ai été formée de façon classique dans le milieu. J’ai commencé à la base de la chaîne alimentaire d’un département, le mien était le service, la salle. J’ai commencé hôtesse et lorsque j’ai eu 18 ans j’ai enfin pu décroché le titre de serveuse et récolter la hausse de tips qui venait avec. Dans la tête de bien des gens, c’est comme ça que ça fonctionne, tu peux pas commencer au top de la chaîne, si tu le fais, de facto on assume que tu vas être mauvais, pis si tu l’es pas, ça va prendre du temps avant qu’on reconnaisse que t’as de l’efficacité comme travailleur. 

Quand on côtoie le milieu du syndicalisme révolutionnaire, se battre contre sa formation et son conditionnement issus de la restauration, c’est pas une chose facile. Dans le milieu on dit souvent que «tu l’as ou tu l’as pas». Si tu l’as pas dès ton premier shift hors training, tu peux pas être meilleur, du moins c’est ce qu’on se dit souvent dans le milieu. Sauf que pour réussir à avoir un syndicat sur son lieu de travail, pour se solidariser, il faut essayer de passer par dessus le besoin de se piler sur la santé mentale pour passer au travers d’un rush et d’accepter que dans les soirées à minimum 1000$ de ventes avec 3 employé.e.s sur le plancher, ben c’est normal que ça prenne plus que 10 minutes à sortir un burger. Pis c’est aussi normal que le nouveau ou la nouvelle run pas comme ton ancien-ne collègue qui avait 3 ans d’expérience à son poste. Mais ça, c’est toute une vie qu’il faut désapprendre, pis en tant qu’organisatrice syndicale, c’est pas facile à faire, alors pour mes collègues qui sont nouveaux-nouvelles dans le beat «c’est nous, tous ensemble» ben c’est rushant. C’est difficile de briser le réflexe qui fait que si ton-ta collègue fournit pas autant que tu voudrais ou a un peu de difficulté à gérer son tempérament dans les rush, tu vas appeler ton boss pour lui dire. C’est difficile de développer le réflexe de se parler et de régler nos shits entre nous. Mais la culture de la solidarité est une des choses essentielle à un syndicat et c’est impératif que ce soit au centre d’une campagne d’organisation.

On oublie qu’on a tous été mauvais

Dans les faits, beaucoup de mes collègues qui maintenant sont des brutes pendant un rush et qui se plaignent et ragent devant l’incapacité des autres à fournir pendant les grosses soirées oublient qu’il y a pas si longtemps, ils étaient au même stade. Sauf qu’on est en restauration. À moins d’avoir pogné le jackpot après avoir fait un DEP et de travailler dans un endroit où les salaires sont décents, on travaille avec des nouveaux qui sont débutants dans le milieu et qui ont peu ou pas pentoute d’expérience.

Non seulement ça, mais souvent pour devenir bon on a eu des formations qui ont de l’allure. On a eu des collègues qui nous ont donné des tips du genre «t’es pas sensé te promener les mains vides quand t’es serveuse» ou «la voix de ton cook est sensé être le phare au milieu de la tempête» ou whatever. L’important dans tout ça c’est que quand quelqu’un s’est rendu compte qu’on l’avait pas, on nous a donné des trucs, on nous a parlé, pis le plus important c’est que le boss l’a jamais su et qu’on a gardé nos jobs.

Au final, c’est encore la faute des patrons

J’ai eu une seule boss qui prenait du temps pour faire des trainings qui avaient de l’allure. Elle préférait payer quelqu’un en training pendant une couple de semaines plutôt que de devoir compenser pour des gens mal formés le reste de l’été. On va s’entendre que ça existe pas les bons boss, mais au moins le staff de cette place là avait le temps de s’adapter au plancher et d’augmenter la vitesse avant d’être laissé à soi même.

Mes boss actuels ont tellement à cœur de maximiser les profits qu’ils payent pas d’assez longs trainings. Des fois ils en donnent même pas. Fait qu’on se retrouve avec du monde qui connaissent pas la job à une des périodes de l’année où il nous faut des gens qui fournissent dans le rush.

C’est tellement important pour eux d’avoir le cost le plus bas possible qu’ils payent mal leurs employé.e.s et leur donnent pas assez d’heures parce que «oh my god il faudrait pas payer du temps supplémentaire à quelqu’un». Donc qu’est-ce qui se passe quand la période d’embauche de l’industrie commence ? Nos ancien.ne.s démissionnent parce qu’un moment donné il faut payé son loyer.

Le fait que dans la restauration il y ait un roulement d’employé.e.s et qu’à chaque été on se retrouve avec une tralée de débutant.e.s sur les bras, c’est de la faute des boss.

Que mon-ma collègue ne soit pas capable de toffer les rushs parce qu’il-elle manque de formation, c’est de la faute des boss.

Que les horaires soient pas adaptés au roulement de staff, c’est la faute des boss.

Qu’on soit obligé.e de travailler deux fois plus qu’à l’habitude parce qu’on doit faire le travail d’un autre parce qu’il est nouveau, c’est de la faute des boss.

Donc au final, la performance est au centre de l’industrie, on s’est fait rentrer à coup de rush dans la tête que si tu run pas assez, t’es pas fait pour ce monde là. Fait qu’on aime pas les nouveaux-nouvelles. Sauf qu’on oublie que la pression dans un rush understaff nous a déjà fait crisser notre camp, pleurer, calisser une poignée de cenne dans la face d’un client, raccrocher au nez de quelqu’un d’insatisfait, gueuler sur nos collègues, frapper dans un mur. Fait qu’au final, notre collègue qui a de la misère à y arriver, on devrait arrêter de le faire culpabiliser, parce qu’on a des moments où nous aussi on est des plaies pis ça, c’est souvent – tout le temps – parce que notre boss a pris des décisions de marde.

La solidarité, c’est là qu’elle rentre en compte. Parce qu’on veut des collègues formés. Pis il y en a qui vont en avoir besoin de plus des trainings. Mais on s’en fout, on veut du monde qui connaissent la job. Trois trainings c’est pas assez. On veut des salaires qui font que les ancien.e.s restent. On veut des vacances. On veut que la job qu’on a nous donne le goût et les moyens de rester. Comme ça, on se fait pas chier.

Pis pour avoir ça on fait quoi ? Ben moi ma solution c’est de faire ce que j’peux. Le boss y va manger de la marde. S’il veut que ça aille bien, que les clients soient contents et que la bouffe soit bonne, ben qu’il nous paye comme du monde pis qu’il mette plus de staff sur le plancher. Pis les clients s’ils sont pas content que ça ait pris 1h avant d’avoir du service ou leur assiette, pis qu’ils comprennent pas que c’est de la faute de mon boss, ben ils peuvent aller manger ailleurs, j’pas servante, j’suis serveuse.

 

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Pour avoir le 15-5-7, pas de fatalité, il faut s’organiser et lutter!

S’il va sans dire que le mouvement pour le 15$ de l’heure au Québec n’a pas encore atteint le stade de mobilisation et de visibilité qui lui fut accordé aux cours de la dernière année, il a tout de même réussi à s’inscrire comme une partie intégrale de la stratégie de plusieurs regroupements communautaires et syndicaux.

Avec son forum 15-5-7 organisé en février dernier, le section locale montréalaise du SITT-IWW a mit la main à la pâte en regroupant une centaine de personnes autours des conférenciers et conférencières de divers horizons. Le 15 avril 2016 des marches étaient organisées dans de nombreuses villes canadienne. Profitant de l’occasion, la coalition réunis en février se remis en action et se regroupa au métro Jean-Talon pour défiler sur la Plaza Saint-Hubert. Aujourd’hui, au Québec une vingtaine d’organisations syndicales, politiques et communautaires soutiennent la lutte pour le 15$ de l’heure. Nous prendrons les quelques lignes ci-bas pour saluer chaudement quelques luttes mené sur le terrain, soit celles des préposés aux bénéficiaires, du Syndicat des employé.es du Vieux Ports et des salarié.es de l’Université McGill.

Les préposé.es aux bénéficiaires qui aident notamment aux soins d’hygiène, à la mobilité, à l’alimentation et à l’accompagnement des personnes malades ou présentant des incapacités (par exemple, en situation de vieillissement et/ou de handicap) gagnent en moyenne 12,50$. Les préposé.es sont engagé.es par l’état, mais aussi par des agences privées et des entreprises d’économies. Le combat pour l’augmentation du plancher salari13087421_1166449666712562_3629811911288487886_nale mené par les différents locaux syndicaux a commencé il y a plus de trois ans, mais prend une ampleur sans précédent, notamment du coté du SQEES-FTQ qui est en renouvellement de convention collective. Depuis l’automne dernier, ils et elles en profite par ailleurs pour multiplier les actions de visibilités telles les manifestations et les distributions de tracts. S’étant assez tôt doter d’un mandat de grève touchant plus de 3000 membres, les 10, 30 et 31 mai dernier se furent 42, puis 38 résidences privées pour aînées qui furent paralysé. Or, il ne s’agissait là que d’un avertissement lancé par le syndicat. Avertissement que le gouvernement aurait dût écouter, puisqu’une grève illimitée sera déclenchée dès le 21 juin dans une trentaine de résidences.

De leur côté, les 300 membres du Syndicat des employé.es de la société du Vieux Port (AFPC) sont en processus de renouvellement de convention collective depuis mars 2016, mais combattent pour le 15$/h depuis l’automne dernier. Une pétition a d’abord été lancée sur leur lieux de travail, suivie d’une distribution de tracts et pamphlets mettant l’accent sur le précédent historique et la solidarité. L’exécutif estime avoir réussi à toucher 80% des membres et organisèrent une action-éclair le 28 janvier lors d’une journée porte ouverte organisée par leurs employeurs. Le 27 mai une grève fut déclarée exerçant une pression économique sur leurs employeurs comme sur les commerces environnant. Depuis le tout début, le Syndicat des employés de la société du Vieux Port est présent dans pratiquement tous les événements pour le 15$/heures, mettant la collaboration à l’avant-plan de leur stratégie.

15_and_fairFinalement, c’est sous la bannière de 15$ and fairness Mcgill que huit associations syndicale, étudiantes et départementales se sont réunis au début de l’année 2016 pour obtenir un salaire et des conditions de vie décente pour les salarié.es et les sous-traitants de l’Université McGill. Bien que leur première action officielle fut de participer à la manifestation du 15 avril, les militant.es ont enchaîné plusieurs actions : un panel, une journée d’orientation et des capsules vidéos pour diffuser l’information.

Ce ne sont là que quelques uns des nombreux exemples prouvant que pour obtenir 15$/heures, 5 semaines de congé et 7 jours de maladie, on ne peut se laisser aller à la fatalité, il faut s’organiser et lutter!

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Travailler Intelligemment

Lorsque l’on évoque des idées libertaires et d’autogestion cela est malheureusement trop souvent perçu comme une utopie, d’autant plus quand il s’agit du travail. On oublie qu’il existe cependant des organisations fondées sur ces principes. Certes, s’approcher de ceux-ci n’est pas sans imperfections, mais il n’est pourtant pas impossible d’appliquer certains fondements y compris au travail.

Je peux moi-même témoigner d’expérience de travail basée sur la confiance, l’autonomie et l’égalité. Il existe en effet des cadres de travail sans pression ni contrôle qui reposent sur un esprit d’équipe solidaire. Les liens de cohésion unissant l’équipe ne sont pas incompatibles avec professionnalisme et confrontation. Quand je parle d’équipe j’inclue aussi les cadres : boss et coordo. Le boss ne prends pas de décision seul, et a le soucis de s’en référer à l’équipe. Les rapports sont égalitaires. Je compare souvent cette ambiance
de travail avec d’autres expérience. Auparavant, j’exerçais en France comme travailleuse sociale, dans de grosses associations. Les rapports n’étaient pas les mêmes : contrôle
et pouvoir organisaient le travail. Je n’avais aucune culpabilité à ne pas faire plus que je ne le devais. Ma vie personnelle était importante, je ne m’interrogeais pas sur des heures que je ne faisais pas. Dans un contexte différent basé sur la confiance, le bien-être des travailleurs et des rapports égalitaires, le rapport au travail en devient différent. Moi qui ait une vision du travail assez critique, je me suis étonnée de culpabiliser de ne pas faire toutes mes heures. Dans ce cadre là, nous sommes autonomes et nous gérons notre temps de manière assez libre. Je suis travailleuse de rue, aussi lorsque l’on débute on a peu de lien avec le monde que l’on rejoint. Il faut se faire connaître. L’hiver peut donc être long. Je me suis souvent faite dire en équipe « tu ne fais pas de la rue pour faire de la rue quand il ne se passe rien rentre». Avec le recul, je réalise que ma culpabilité et mes questionnements sur mon travail sont liées à la confiance et la liberté qu’on me donne. Par soucis d’honnêteté et de loyauté je me dois que cette confiance et cette liberté soit justifiée.

Malgré de nombreuses souffrances constatées dans le monde du travail, y compris dans le communautaire mon expérience témoigne qu’un rapport différent au travail est possible. Cela émane sans doute plus de comportements individuels qu’institutionnels et requière cependant de refonder les rapports entre salariés et hiérarchie, et d’appliquer de réels principes tels que la confiance, l’autonomie, l’égalité entre salariés au détriments de dominations et de contrôles inutiles. Cela n’en sera que constructif tant d’un point de vue du travail rendu qu’au niveau de l’épanouissement personnel (autant dans le travail communautaire que dans d’autres domaines). Cela est réalisable et n’est donc pas une utopie, mais comment répercuter ce fonctionnement émancipateur à d’autres organismes ?

Publié par Kamel dans le volume 1 de La Sociale, Mars 2014

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